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Date : 20211208


Dossier : IMM‑3197‑20

Référence : 2021 CF 1373

[TRADUCTION FRANÇAISE]

St. John’s (Terre‑Neuve‑et‑Labrador), le 8 décembre 2021

En présence de madame la juge Henegan

ENTRE:

DAVIDAE SKELTON

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

défendeur

MOTIFS ET JUGEMENT

[1] M. Davidae Skelton (le demandeur) sollicite le contrôle judiciaire de la décision par laquelle la Section de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Section de l’immigration) a conclu qu’il est interdit de territoire au Canada par application de l’alinéa 37(1)a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27.

[2] Le demandeur est entré au Canada le 4 avril 2009. Il possédait le statut de résident permanent. En mai 2015, il a participé à une série de vols à main armée en compagnie d’un certain nombre d’autres personnes, dont le petit ami d’une cousine. Les vols ont été commis sur une période de deux jours dans la région de Toronto.

[3] Le demandeur a été accusé de six chefs d’accusation de vol qualifié, de deux chefs d’accusation de port d’arme dans un dessein dangereux et de six chefs d’accusation de déguisement dans un dessein criminel. Il a plaidé coupable à ces accusations et a été condamné le 22 février 2018 à la peine suivante :

  • -Vol qualifié (six chefs d’accusation)

  • oQuatre mois d’emprisonnement pour onze chefs d’accusation et douze mois de probation (peine concurrente)

  • oTrois mois d’emprisonnement (peine consécutive) pour le douzième chef

  • -Port d’arme dans un dessein dangereux (deux chefs d’accusation)

  • oUn jour d’emprisonnement (peine consécutive)

  • oDouze mois de probation pour chaque chef d’accusation

  • -Déguisement dans un dessein criminel (six chefs d’accusation)

  • oQuatre mois d’emprisonnement (peine concurrente)

  • oDouze mois de probation (peine concurrente) pour chaque chef d’accusation

[4] Le 11 décembre 2018, le dossier du demandeur a été déféré pour enquête à la Section de l’immigration. L’enquête, au cours de laquelle le demandeur a témoigné, s’est déroulée sur plusieurs jours.

[5] Dans les observations écrites qu’il a déposées avec son dossier de demande en l’espèce, le demandeur a soulevé plusieurs allégations, notamment une allégation de partialité de la part de l’Agence des services frontaliers du Canada. Toutefois, lors de son témoignage, il n’a pas repris l’allégation de partialité et s’est concentré sur la question du caractère déraisonnable de la décision.

[6] Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (le défendeur) affirme que la Section de l’immigration n’a commis aucune erreur susceptible de contrôle et que la demande de contrôle judiciaire devrait être rejetée.

[7] Le bien‑fondé de la décision est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable. Selon l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov 2019 CSC 65, au paragraphe 99, cette norme exige de la Cour qu’elle se demande si la décision faisant l’objet du contrôle « possède les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité, et si la décision est justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur celle‑ci ».

[8] À mon avis, la décision ne satisfait pas à la norme de contrôle applicable.

[9] La commissaire a notamment conclu que le demandeur est membre d’un groupe criminel organisé. Le demandeur fait valoir que la commissaire a commis une erreur en acceptant les rapports de police sans les analyser, ce qui est contraire à la jurisprudence; voir la décision Pascal c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 751.

[10] Je souscris à ces observations.

[11] À mon avis, les motifs ne démontrent pas clairement sur quels éléments de preuve la commissaire s’est appuyée pour rendre sa décision.

[12] Qui plus est, bien que la commissaire semble s’être fondée sur les rapports de police, rien dans ses motifs ne prouve que la crédibilité ou la fiabilité de ces rapports ont été évaluées de façon indépendante.

[13] Au paragraphe 29 de la décision Pascal, précitée, le juge McHaffie a fait observer ce qui suit :

L’important dans chacune de ces affaires est donc que le décideur évalue le contenu d’un rapport de police et arrive à la conclusion que ce dernier est « crédible ou digne de foi », plutôt que de ne pas se pencher sur la question ou d’émettre une simple hypothèse à cet effet.

[14] Un commissaire peut accepter les conclusions d’un tribunal si un demandeur a été déclaré coupable des accusations portées contre lui, comme il est précisé au paragraphe 43 de la décision Rajagopal c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2007 CF 523. Cependant, il est difficile de savoir avec certitude d’après les motifs si la commissaire s’est appuyée sur des conclusions de fait tirées dans le cadre d’une procédure pénale ou si elle s’est appuyée sur les rapports de police pour tirer des conclusions de fait.

[15] Compte tenu de l’opacité dont a fait preuve la commissaire, sa décision est déraisonnable. La demande de contrôle judiciaire sera donc accueillie. L’affaire ne soulève aucune question à certifier.


JUGEMENT dans le dossier IMM‑3197‑20

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est accueillie, que la décision de la Section de l’immigration est annulée et que l’affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué de la Section de l’immigration pour nouvelle décision. L’affaire ne soulève aucune question à certifier.

« E. Heneghan »

Juge

Traduction certifiée conforme

Karine Lambert

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑3197‑20

 

INTITULÉ :

DAVIDAE SKELTON c LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE ENTRE TORONTO (ONTARIO) ET ST. JOHN’S (TERRE‑NEUVE‑ET‑LABRADOR)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 21 juin 2021

MOTIFS ET JUGEMENT :

La juge HENEGHAN

DATE DES MOTIFS :

Le 8 décembre 2021

COMPARUTIONS :

Osborne G. Barnwell

POUR LE DEMANDEUR

Maria Burgos

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Osborne G. Barnwell

Avocat

North York (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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