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Date : 20211208


Dossier : IMM‑679‑20

Référence : 2021 CF 1379

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 8 décembre 2021

En présence de monsieur le juge Ahmed

ENTRE :

MARK SINGH

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] Le demandeur, monsieur Mark Singh, sollicite le contrôle judiciaire de la décision par laquelle un agent d’immigration (l’agent) d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) a rejeté sa demande de résidence permanente présentée au titre du programme Candidats du Manitoba.

[2] L’agent a estimé que le demandeur n’avait pas produit toutes les preuves et pièces requises se rapportant à l’accusation portée contre lui du chef d’agression sexuelle, comme l’en avait prié IRCC et comme le requiert le paragraphe 16(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR).

[3] Selon le demandeur, la décision de l’agent est déraisonnable parce que IRCC avait en main les renseignements demandés, ou pouvait d’une autre manière les obtenir. Il dit aussi que ses droits à l’équité procédurale ont été bafoués parce que IRCC l’a conduit à croire que sa demande de résidence permanente serait suspendue en attendant l’issue de son procès criminel, et parce que IRCC n’a pas envoyé ses avis à son représentant légal.

[4] Pour les motifs qui suivent, je suis d’avis que la décision de l’agent est raisonnable et qu’il n’y a pas eu manquement à l’équité procédurale. Je rejette donc la présente demande de contrôle judiciaire.

II. Les faits

A. Le demandeur

[5] Âgé de 25 ans, le demandeur est de nationalité indienne. Le 10 octobre 2017, il a présenté une demande de résidence permanente au titre du programme Candidats du Manitoba. Sur son formulaire de demande, il a indiqué son adresse courriel pour renseignements.

[6] Le 19 novembre 2018, le demandeur a été arrêté, puis accusé d’agression sexuelle par le Service de police de Winnipeg (le SPW).

[7] Pour être relâché, le demandeur a dû remettre son passeport au SPW. Le 10 décembre 2018, le passeport du demandeur est passé du SPW à un agent des services intérieurs de l’Agence des services frontaliers du Canada (l’agent de l’ASFC).

[8] Le 12 avril 2019, IRCC a envoyé au demandeur une lettre lui expliquant les étapes ultérieures de sa demande de résidence permanente. Dans sa lettre, IRCC priait le demandeur de lui remettre son passeport et d’indiquer à IRCC, sans délai, si lui‑même ou l’un des membres de sa famille avait été accusé ou reconnu coupable d’une infraction criminelle. IRCC n’a reçu du demandeur aucune réponse faisant état de l’accusation d’agression sexuelle portée contre lui.

[9] Dans un affidavit souscrit le 25 avril 2019 et déposé à la Cour provinciale du Manitoba en marge de la procédure criminelle engagée contre lui, le demandeur a confirmé qu’il était au courant de l’exigence mentionnée dans la lettre d’IRCC du 12 avril 2019.

[10] Dans une déclaration solennelle faite le 26 avril 2019 et déposée à la Cour provinciale du Manitoba dans le cadre de la procédure criminelle engagée contre le demandeur, l’agent de l’ASFC a confirmé que l’ASFC avait en sa possession le passeport du demandeur et que ce passeport avait été saisi aux fins d’enquête. L’agent de l’ASFC confirmait aussi avoir été informé par un représentant d’IRCC que la demande de résidence permanente du demandeur serait mise en veilleuse jusqu’à la conclusion du procès criminel et qu’IRCC n’avait plus besoin de son passeport.

[11] Par courriel daté du 18 avril 2019, l’agent de l’ASFC a communiqué avec un agent d’immigration d’IRCC pour informer IRCC qu’une accusation criminelle allait être déposée contre le demandeur.

[12] Le 22 mai 2019, l’avocat du demandeur a remis à l’agent de l’ASFC un formulaire « Recours aux services d’un représentant », en vue de récupérer le passeport du demandeur.

[13] Une fois IRCC informé de l’accusation portée contre le demandeur, deux lettres d’équité procédurale ont été envoyées au demandeur, le 2 mai 2019 et le 17 juin 2019. Chacune d’elles priait le demandeur de produire un document officiel indiquant ce qu’il était advenu de l’accusation d’agression sexuelle ou, sinon, indiquant la date d’un éventuel procès. Les lettres étaient envoyées directement au demandeur, sans communication à son avocat. La lettre du 2 mai 2019 donnait au demandeur 30 jours pour produire des renseignements additionnels. Celle du 17 juin 2019, qui était un dernier rappel, donnait au demandeur 15 jours pour produire les renseignements demandés.

[14] Par lettre en date du 12 août 2019, l’agent a informé le demandeur que sa demande de résidence permanente était refusée puisque IRCC n’avait pas reçu les renseignements demandés se rapportant à l’accusation dont il était l’objet. La lettre avait été affichée sur le compte MonCIC du demandeur et envoyée à son adresse courriel.

[15] Le 20 décembre 2019, l’agent de l’ASFC a établi un rapport en application du paragraphe 44(1) de la LIPR. Ce rapport est l’objet d’une procédure de contrôle judiciaire sous la référence 2021 CF 1380.

[16] Le 2 janvier 2020, un représentant du ministre a déféré l’affaire pour enquête en vertu du paragraphe 44(2) de la LIPR.

[17] Le 13 janvier 2020, l’avocat du demandeur a déposé auprès d’IRCC un formulaire « Recours aux services d’un représentant », à la suite du refus de la demande de résidence permanente déposée par le demandeur.

[18] Le 21 janvier 2020, le demandeur a présenté à IRCC des observations complémentaires concernant sa demande de résidence permanente. Par lettre adressée au demandeur le 4 mars 2020, IRCC lui a fait savoir que la décision initiale de refus de sa demande demeurait inchangée.

B. La décision contestée

[19] C’est la décision de l’agent du 12 août 2019 de refuser la demande de résidence permanente déposée au titre du Programme des candidats des provinces qui est l’objet du présent contrôle judiciaire.

[20] La décision comprend la lettre de refus de l’agent ainsi que ses notes consignées dans le Système mondial de gestion des cas (SMGC), lesquelles font partie intégrante des motifs de sa décision.

[21] Dans sa décision, l’agent a conclu que le demandeur n’avait pas produit les preuves et pièces requises se rapportant à l’accusation d’agression sexuelle portée contre lui, comme l’en avait prié IRCC et comme le requiert le paragraphe 16(1) de la LIPR.

[22] L’agent précisait qu’IRCC avait envoyé au demandeur, le 2 mai 2019, une lettre lui donnant 30 jours pour produire un document de police ou un document judiciaire indiquant ce qu’il était advenu de l’accusation d’agression sexuelle portée contre lui, ou indiquant la date d’un éventuel procès, avec pièces à l’appui si l’affaire demeurait pendante. L’agent ajoutait qu’un dernier rappel avait été envoyé au demandeur le 17 juin 2019, rappel qui lui donnait 15 jours pour produire les preuves et pièces demandées et ainsi permettre l’évaluation de sa demande de résidence permanente.

III. Questions préliminaires

A. Intitulé

[23] Dans leurs conclusions, le demandeur et le défendeur désignent tous deux, comme défendeurs, le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration et le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile. À l’audience, la Cour a porté à l’attention des deux avocats l’appellation adéquate du défendeur. Les parties sont convenues que l’appellation adéquate du défendeur est « Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration ». En conséquence, l’intitulé est modifié par suppression, en tant que défendeur, du ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, avec effet immédiat.

B. Nouvelle preuve

[24] Selon le défendeur, l’affidavit supplémentaire du demandeur daté du 16 juillet 2021 relate des faits qui n’ont pas été soumis à l’agent et qui sont postérieurs à sa décision du 12 août 2019, et cet affidavit n’est donc pas admissible. Plus précisément, les paragraphes 5 à 8 de l’affidavit indiquent la séquence des dates d’instruction et l’issue du procès criminel intenté contre le demandeur.

[25] Le demandeur a cédé sur ce point durant l’audience. La nouvelle preuve ne sera donc pas prise en considération puisque l’agent n’en avait pas connaissance quand il a rendu la décision.

IV. Points litigieux et norme de contrôle

[26] La présente demande de contrôle judiciaire soulève les points suivants :

  1. La décision de l’agent était‑elle raisonnable?

  2. Y a‑t‑il eu manquement à l’équité procédurale?

[27] Hormis la question de l’équité procédurale, la norme de contrôle applicable en l’espèce est celle de la décision raisonnable (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 (Vavilov) au para 10; Singh c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 687 au para 9).

[28] Bien que fondée sur la déférence, la norme de la décision raisonnable n’en est pas moins rigoureuse (Vavilov, aux para 12‑13). La cour de révision doit se demander si la décision administrative, qui comprend à la fois son raisonnement et son résultat, est transparente, intelligible et justifiée (Vavilov, au para 15). Une décision raisonnable est une décision qui est fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et qui est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti (Vavilov, au para 85). Une décision sera raisonnable en fonction de trois paramètres : le contexte administratif existant, le dossier soumis au décideur, enfin l’incidence de la décision sur les personnes qu’elle concerne (Vavilov, aux para 88‑90, 94, 133‑135).

[29] Pour qu’une décision soit jugée déraisonnable, le demandeur doit établir qu’elle contient des failles qui sont suffisamment capitales ou importantes (Vavilov, au para 100). La cour de révision doit se retenir d’apprécier à nouveau la preuve qui a été soumise au décideur, et elle devrait éviter de s’immiscer dans des conclusions de fait, sauf circonstances exceptionnelles (Vavilov, au para 125).

[30] Les questions qui portent sur des manquements à l’équité procédurale sont assujetties à une norme de contrôle qui correspond à celle de décision correcte (Association canadienne des avocats en droit des réfugiés c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2020 CAF 196 au para 35). La question centrale est celle‑ci : la procédure suivie était‑elle équitable eu égard à l’ensemble des circonstances, y compris les facteurs énumérés dans l’arrêt Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817 (Baker) aux para 21‑28 (Chemin de fer Canadien Pacifique limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69 au para 54)?

V. Analyse

A. La décision de l’agent était‑elle raisonnable?

[31] Selon le demandeur, la décision de l’agent de rejeter sa demande de résidence permanente était déraisonnable parce que IRCC avait accès à l’information demandée se rapportant à l’accusation portée contre lui, grâce à des accords d’échanges d’informations conclus avec l’ASFC.

[32] Selon le paragraphe 16(1) de la LIPR, l’étranger qui demande la résidence permanente au Canada doit produire les éléments de preuve pertinents et les documents requis par IRCC :

Obligation du demandeur

16 (1) L’auteur d’une demande au titre de la présente loi doit répondre véridiquement aux questions qui lui sont posées lors du contrôle, donner les renseignements et tous éléments de preuve pertinents et présenter les visa et documents requis.

Obligation — answer truthfully

16 (1) A person who makes an application must answer truthfully all questions put to them for the purpose of the examination and must produce a visa and all relevant evidence and documents that the officer reasonably requires.

[33] IRCC a envoyé deux lettres d’équité procédurale au demandeur, à l’adresse courriel qu’il avait indiquée au moment de présenter sa demande, et aucun formulaire « Recours aux services d’un représentant » n’a été soumis à IRCC avant le refus de la demande de résidence permanente le 12 août 2019. La première lettre d’équité procédurale d’IRCC, envoyée le 2 mai 2019, priait le demandeur de présenter à IRCC les documents indiquant ce qu’il était advenu de l’accusation d’agression sexuelle portée contre lui, ou, sinon, indiquant la date d’un éventuel procès, avec pièces à l’appui, si l’affaire demeurait pendante. Le demandeur avait 30 jours à compter de la date de la lettre pour apporter l’information demandée. Le 17 juin 2019, un dernier rappel lui a été envoyé qui l’invitait à produire cette information dans un délai de 15 jours suivant la date du rappel. Aucun nouveau document n’a été reçu par IRCC à la suite de ces lettres.

[34] N’ayant pas produit les preuves et pièces pertinentes réclamées par IRCC en rapport avec sa demande de résidence permanente, le demandeur a contrevenu au paragraphe 16(1) de la LIPR. L’agent était donc fondé à repousser sa demande de résidence permanente. Certes, IRCC a eu connaissance, indirectement par l’entremise de l’ASFC, de la procédure criminelle engagée contre le demandeur, mais cela n’empêchait pas IRCC de s’adresser, à juste titre, directement au demandeur pour obtenir les documents liés à cette procédure.

B. Y a‑t‑il eu manquement à l’équité procédurale?

(1) L’attente légitime

[35] Le demandeur affirme qu’il était en droit de penser qu’IRCC aurait connaissance de l’information en la possession de l’ASFC, y compris des détails liés à son dossier criminel. Il dit aussi qu’il était en droit d’espérer que sa demande de résidence permanente serait mise en veilleuse jusqu’à l’issue de son procès criminel. Une déclaration solennelle avait en effet été déposée en lien avec la procédure criminelle engagée contre lui, déclaration dans laquelle l’agent de l’ASFC affirmait s’être entretenu avec un représentant d’IRCC qui lui avait dit que la demande de résidence permanente du demandeur avait été mise en suspens jusqu’à ce qu’il soit statué sur l’accusation.

[36] La doctrine de l’attente légitime s’attache à la conduite d’un ministre ou d’une autre autorité publique dans l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire — y compris les pratiques établies, la conduite ou les affirmations qui peuvent être qualifiées de claires, nettes et explicites — qui a fait naître chez le plaignant l’espoir raisonnable qu’il conservera un avantage ou qu’il sera consulté avant que soit rendue une décision contraire (SCFP c Ontario (Ministre du Travail), 2003 CSC 29 au para 131; Centre hospitalier Mont Sinaï c Québec (Ministre de la Santé et des Services sociaux), 2001 CSC 41 au para 16; Agraira c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36 (Agraira) au para 95).

[37] Le demandeur, invoquant l’arrêt Baker, au paragraphe 26, soutient que la doctrine de l’attente légitime peut engendrer un droit procédural, en particulier lorsque les affirmations ou la conduite d’un ministre ou d’une autre autorité publique font naître l’espoir légitime d’une procédure particulière :

[…] Cette doctrine, appliquée au Canada, est fondée sur le principe que les « circonstances » touchant l’équité procédurale comprennent les promesses ou pratiques habituelles des décideurs administratifs, et qu’il serait généralement injuste de leur part d’agir en contravention d’assurances données en matière de procédures, ou de revenir sur des promesses matérielles sans accorder de droits procéduraux importants.

[38] Dans l’arrêt Canada (Procureur général) c Mavi, 2011 CSC 30 au para 69, la Cour suprême du Canada s’exprimait ainsi :

En général, on juge suffisamment précise pour les besoins de la théorie de l’attente légitime l’affirmation gouvernementale qui, si elle avait été faite dans le contexte du droit contractuel privé, serait suffisamment claire pour être susceptible d’exécution.

[39] Par ailleurs, dans l’arrêt Agraira, la Cour suprême du Canada a jugé que l’on peut entretenir l’espoir légitime qu’une procédure sera suivie dans l’avenir si une autorité publique a fait des affirmations sur la procédure qu’elle suivra pour arriver à une décision en particulier ou si elle a constamment suivi, par le passé, certaines pratiques procédurales (para 94).

[40] Le demandeur soutient qu’il était implicite, dans la déclaration solennelle de l’agent de l’ASFC, que celui‑ci communiquait une information au nom d’IRCC se rapportant à sa demande de résidence permanente et qu’il agissait en tant que représentant d’IRCC. Selon le demandeur, l’agent de l’ASFC lui avait laissé entendre, clairement et sans équivoque, qu’IRCC était informé de l’accusation qui pesait contre lui. Il affirme qu’il lui était impossible, comme profane, de voir que l’ASFC et IRCC étaient deux entités distinctes.

[41] Le demandeur dit aussi que les communications entre le ministère de la Justice du Manitoba, l’ASFC et IRCC montrent que ces ministères s’échangeaient des informations relatives à la procédure criminelle engagée contre lui, notamment l’accusation elle‑même et la date de la procédure, ce qui donne à penser qu’il existe des canaux actifs de communication permettant à IRCC d’obtenir l’information demandée.

[42] Selon moi, la déclaration solennelle de l’agent de l’ASFC ne permettait pas de conclure que l’agent de l’ASFC était un représentant d’IRCC, et les affirmations de l’agent de l’ASFC n’équivalaient pas, s’agissant d’IRCC, à une affirmation [traduction] « claire, sans ambiguïté et sans réserve » ayant pu produire, chez le demandeur, l’espoir que sa demande de résidence permanente serait mise en attente indéfiniment.

[43] Selon le défendeur, quelles qu’aient pu être les attentes du demandeur au regard des procédures d’IRCC à la suite de la déclaration solennelle de l’agent de l’ASFC en date du 26 avril 2019, l’attente du demandeur aurait dû prendre un tour différent après la première lettre d’équité procédurale qu’IRCC lui a envoyée le 2 mai 2019. Je partage son opinion. Dans la lettre du 2 mai 2019, IRCC disait clairement avoir été informé de l’accusation d’agression sexuelle portée contre le demandeur, que sa demande de résidence permanente était en cours d’examen et qu’il devait fournir à IRCC certains documents et renseignements se rapportant à la procédure engagée contre lui. IRCC expliquait clairement ce que le demandeur devait faire pour faciliter l’examen de sa demande de résidence permanente. Je suis donc d’avis qu’il n’y a pas eu manquement à l’équité procédurale sur cet aspect.

(2) Les communications envoyées au demandeur

[44] Le demandeur dit que ses droits à l’équité procédurale ont été bafoués parce que IRCC s’est abstenu de communiquer avec son avocat. Il soutient ne pas avoir reçu les lettres envoyées par IRCC entre mai et août 2019, et n’avoir pris connaissance du rejet de sa demande qu’à l’occasion d’une autre affaire soumise à la Cour fédérale, c’est‑à‑dire en janvier 2020.

[45] Le demandeur dit que son avocat a transmis à l’agent de l’ASFC, le 22 mai 2019, un formulaire « Recours aux services d’un représentant », formulaire qui autorisait l’ASFC et IRCC à communiquer en son nom avec son avocat. Je relève que ce formulaire a été soumis lorsque le demandeur a été prié par l’ASFC de lui remettre son passeport, et non en lien avec la demande de résidence permanente présentée à IRCC. Or, le demandeur prétend que, en raison d’un protocole d’entente prévoyant l’échange d’informations entre IRCC et l’ASFC, le formulaire « Recours aux services d’un représentant » relevait de l’annexe relative à l’échange d’informations et qu’il pouvait par conséquent être échangé entre l’ASFC et IRCC.

[46] À l’audience, l’avocat du demandeur a reconnu qu’IRCC et l’ASFC sont effectivement des ministères et organismes distincts. Partant, la fourniture d’informations à l’un d’eux n’emporte pas fourniture d’informations aux deux, et l’ASFC n’est donc pas tenue de communiquer à IRCC l’information se rapportant à la demande de résidence permanente du demandeur.

[47] Citant la décision Hu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2000 CanLII 16093 (CF) (Hu), le demandeur affirme que l’agent a fait fi de son droit à l’équité procédurale en ne tenant pas compte qu’il avait nommé un représentant, le privant de ce fait d’une occasion raisonnable de répondre.

[48] Dans l’espèce Hu, le demandeur avait déménagé et n’avait pas informé l’agent des visas de sa nouvelle adresse, mais l’avocat du demandeur avait prié l’agent des visas d’adresser toute correspondance à son cabinet. Malgré cela, IRCC avait envoyé à l’ancienne adresse du demandeur un avis le priant de se présenter à une entrevue. Le demandeur n’avait pas reçu la lettre et ne s’était donc pas présenté à l’entrevue, et sa demande de résidence permanente avait été finalement repoussée. Au paragraphe 16 de sa décision, le juge Pinard écrivait :

[…] jestime que le fait dintentionnellement omettre de tenir compte du changement dadresse en bonne et due forme que le demandeur a signé et dinsister plutôt pour envoyer ailleurs les lettres enjoignant au demandeur de se présenter à une entrevue constitue clairement une violation de lobligation dagir de façon équitable.

[49] Je suis d’avis que la présente affaire n’est pas assimilable à l’espèce Hu. IRCC a envoyé ses avis à l’adresse courriel indiquée par le demandeur sur sa demande de résidence permanente, et les lui a envoyés à lui directement parce que ni le demandeur ni son avocat n’avaient soumis un formulaire « Recours aux services d’un représentant » avant que la demande de résidence permanente du demandeur soit refusée le 12 août 2019. En fait, un formulaire « Recours aux services d’un représentant » n’a été envoyé à IRCC que le 13 janvier 2020. Il n’y a donc eu, selon moi, aucun manquement à l’équité procédurale.

VI. Dispositif

[50] Je suis d’avis que la décision de l’agent de rejeter la demande de résidence permanente du demandeur était raisonnable et qu’il n’y a eu aucun manquement à l’équité procédurale. Il appartenait au demandeur de fournir à IRCC l’information se rapportant à sa demande de résidence permanente, et l’agent a rendu une décision fondée sur l’information fournie. Je rejette donc cette demande de contrôle judiciaire.

[51] Aucune des parties n’a proposé une question susceptible d’être certifiée, et je reconnais qu’aucune question du genre ne se pose.


JUGEMENT rendu dans le dossier IMM‑679‑20

LA COUR ordonne :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée;

  2. L’intitulé est modifié de façon à faire apparaître comme défendeur « Le Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration »;

  3. Il n’y a aucune question à certifier.

  4. Il n’est pas adjugé de dépens.

« Shirzad S. Ahmed »

Juge

Traduction certifiée conforme

[Claude Leclerc]


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑679‑20

 

INTITULÉ :

MARK SINGH c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE TENUE PAR viDÉOconfÉrence

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 17 SeptembRE 2021

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE AHMED

 

DATE DES MOTIFS :

LE 8 DÉcembRe 2021

 

COMPARUTIONS :

Chaobo Jiang

 

pour le demandeur

 

Cynthia Lau

 

pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Zaifman, avocats en immigration

Avocats

Winnipeg (Manitoba)

 

pour le demandeur

 

Procureur général du Canada

Winnipeg (Manitoba)

pour le défendeur

 

 

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