Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20211208


Dossier : IMM‑678‑20

Référence : 2021 CF 1380

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 8 décembre 2021

En présence de monsieur le juge Ahmed

ENTRE :

MARK SINGH

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] Le demandeur, monsieur Mark Singh, est citoyen de l’Inde. En 2017, il a présenté une demande de résidence permanente à Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) au titre du Programme des candidats du Manitoba. Le 19 novembre 2018, le demandeur a été inculpé d’agression sexuelle. Il sollicite le contrôle judiciaire d’une décision d’un agent d’exécution de la loi des bureaux intérieurs de l’Agence des services frontaliers du Canada (l’agent de l’ASFC) d’établir un rapport (le rapport) en vertu du paragraphe 44(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR). Le rapport a été transmis à IRCC. Dans celui‑ci, l’agent de l’ASFC exprime l’avis que le demandeur est interdit de territoire au Canada au titre des paragraphes 41(1) et 16(1) de la LIPR pour avoir omis de dévoiler des renseignements relatifs à l’accusation d’agression sexuelle comme l’a exigé IRCC.

[2] Le demandeur soutient que la décision de l’agent de l’ASFC d’établir un rapport est déraisonnable. Il plaide que ce même agent lui a fait des déclarations selon lesquelles IRCC connaissait l’existence de l’affaire criminelle pendante le visant et que sa demande de résidence permanente serait mise en suspens en attendant le résultat de la procédure pénale. Le demandeur prétend en outre que l’agent de l’ASFC a manqué à l’équité procédurale pendant qu’il enquêtait sur l’interdiction du territoire.

[3] À mon avis, il était raisonnable pour l’agent de l’ASFC de transférer le rapport à IRCC parce qu’il jugeait que le demandeur était interdit de territoire au Canada pour avoir omis de fournir l’ensemble des éléments de preuve et des documents pertinents afférents à l’accusation d’agression sexuelle comme l’exigeait IRCC. IRCC a expédié trois lettres au demandeur. La première d’entre elles lui demandait de signaler à IRCC s’il faisait l’objet d’accusations criminelles et les deux lettres subséquentes le sommaient de fournir plus de renseignements quant à son inculpation d’agression sexuelle. Toutes ces lettres sont restées sans réponse. Je rejette donc la présente demande de contrôle judiciaire.

II. Faits

A. Le demandeur

[4] Le contexte factuel de l’espèce est le même que celui exposé dans la décision 2021 CF 1379. Pour des fins de concision, je vais me pencher uniquement sur les faits pertinents au rapport de l’agent de l’ASFC.

[5] Dans une déclaration solennelle faite le 26 avril 2019 et déposée devant la Cour provinciale du Manitoba dans le cadre de l’instance criminelle du demandeur, l’agent de l’ASFC a confirmé que l’Agence des services frontaliers du Canada (l’ASFC) était en possession du passeport du demandeur et que celui‑ci avait été saisi aux fins d’enquête. L’agent de l’ASFC a également déclaré qu’un fonctionnaire d’IRCC l’avait avisé que la demande de résidence permanente du demandeur serait mise en suspens en attendant l’issue du procès criminel et qu’IRCC n’avait plus besoin du passeport du demandeur.

[6] Le 22 mai 2019, le conseil du demandeur a envoyé le formulaire Recours aux services d’un représentant à l’agent de l’ASFC pour demander le passeport de son client.

[7] Une fois IRCC mis au courant de l’inculpation criminelle du demandeur, deux nouvelles lettres d’équité procédurale ont été envoyées à ce dernier les 2 mai 2019 et 17 juin 2019, lesquelles lui demandaient de fournir la décision statuant sur le sort de l’accusation criminelle d’agression sexuelle ou la preuve d’une prochaine date d’audience. Ces lettres ont été acheminées directement au demandeur et n’ont pas été envoyées à son conseil.

[8] Dans la lettre du 12 août 2019, IRCC a informé le demandeur que sa demande de résidence permanente avait été rejetée en raison de son défaut de dévoiler les renseignements afférents à l’accusation criminelle pendante. La lettre a été envoyée au compte MonCIC du demandeur et lui a été acheminée par courriel.

B. La décision contestée

[9] Le 20 décembre 2019, l’agent de l’ASFC a établi un rapport en vertu du paragraphe 44(1) de la LIPR et l’a transmis au ministre d’IRCC. La décision d’établir le rapport fait l’objet du contrôle judiciaire.

[10] Dans le rapport, l’agent de l’ASFC est d’avis que le demandeur est interdit de territoire au Canada au titre de l’article 41 et du paragraphe 16(1) de la LIPR pour son défaut de fournir à IRCC plus de renseignements relatifs à son accusation criminelle. Dans le rapport, l’agent de l’ASFC a relevé les éléments suivants :

  • a) le demandeur a été inculpé d’agression sexuelle au Canada;

  • b) IRCC lui a expédié une lettre le 12 avril 2019 sur les prochaines étapes de sa demande de résidence permanente et précisant qu’il doit l’informer immédiatement s’il est accusé ou reconnu coupable d’une infraction criminelle;

  • c) IRCC a par la suite envoyé au demandeur deux lettres les 2 mai 2019 et 17 juin 2019, lesquelles l’informaient qu’IRCC connaissait l’existence de l’accusation criminelle portée contre lui et que celui‑ci devait lui fournir plus de renseignements à cet égard;

  • d) le demandeur a reçu une lettre d’IRCC le 12 août 2019 qui l’informait que sa demande de résidence permanente avait été rejetée en raison de son défaut de répondre véridiquement à toutes les questions posées dans le cadre de sa demande et de son défaut de fournir les éléments de preuve exigés par IRCC.

[11] Les motifs de l’agent de l’ASFC sont exposés de la façon suivante dans un document intitulé « Paragraphe 44(1) et 55 Fait saillants — Cas dans les bureaux intérieurs » qui accompagne le rapport et fait partie intégrante du dossier certifié du tribunal (le DCT) :

  • (i) L’intéressé ne s’est pas conformé à l’exigence de répondre véridiquement aux questions qui lui ont été posées et de fournir les éléments de preuve demandés par IRCC. Plus précisément, il a omis d’aviser IRCC qu’il avait été accusé d’agression sexuelle, puis a ensuite omis de fournir les documents demandés par IRCC à deux reprises.

  • (ii) L’intéressé est en instance devant la Cour fédérale où il demande la restitution de son passeport.

  • (iii) L’intéressé a présenté sa demande de résidence permanente en 2017.

  • (iv) L’intéressé a omis de dévoiler à IRCC qu’il avait été inculpé d’agression sexuelle.

  • (v) L’intéressé a omis de communiquer à IRCC les renseignements demandés une fois qu’IRCC a été mis au courant de l’existence de l’accusation criminelle, ce qui a provoqué le rejet de sa demande.

  • (vi) Titulaire d’un permis de travail, l’intéressé dispose présentement d’un statut jusqu’au 13 janvier 2020.

  • (vii) Recommandation que l’affaire soit déférée pour enquête. L’intéressé a omis de se conformer aux exigences prévues à la loi de répondre véridiquement aux questions et de fournir les éléments de preuve demandés.

III. Questions préliminaires

A. La preuve irrégulière déposée à la Cour

[12] Le défendeur fait valoir que l’affidavit supplémentaire du 19 juillet 2021 du demandeur mentionne des faits qui sont postérieurs à la décision du 20 décembre 2019, que l’agent de l’ASFC n’en avait pas connaissance et qu’ils sont donc irrecevables. Plus précisément, les paragraphes 5 à 8 de l’affidavit décrivent la fixation des dates du procès et l’issue de la procédure pénale visant le demandeur.

[13] Le demandeur a admis ce point durant l’audience. Il ne sera donc pas tenu compte de ces nouveaux éléments de preuve puisque l’agent de l’ASFC n’en avait pas connaissance au moment où il a rendu sa décision.

B. Le dossier certifié du tribunal incomplet

[14] Le demandeur soutient que la décision de l’agent de l’ASFC devrait être annulée parce que le DCT dont l’agent de l’ASFC était saisi était incomplet, ce qui fait en sorte que sa décision ne peut être contrôlée. Le demandeur invoque le paragraphe 9 de la décision Parveen c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 1999 CanLII 7833 (CF) (Parveen) pour étayer son argument :

[9] À vrai dire, je pense qu’un dossier incomplet pourrait, dans certaines circonstances, constituer un motif suffisant en soi d’annulation d’une décision faisant l’objet d’une demande de contrôle judiciaire. Le défendeur, en tant que partie devant la Cour et ayant le pouvoir de décider du degré d’exhaustivité des dossiers conservés relativement à ces entrevues, a la responsabilité de garantir que la Cour dispose d’un dossier complet et précis.

[15] Le demandeur fait remarquer que le même agent de l’ASFC a joué un rôle dans certains pans de la procédure pénale le visant devant la Cour provinciale du Manitoba relativement à son passeport. L’agent de l’ASFC a reçu, dans le cadre de cette instance criminelle, des documents dont la teneur fait état d’éléments liés à celle‑ci. Le demandeur affirme que ces documents ont été fournis à l’agent de l’ASFC plusieurs mois avant que celui‑ci ne décide de rédiger son rapport et que ce ne sont pas tous les éléments en possession de l’agent de l’ASFC qui font partie du DCT.

[16] Le demandeur soutient également que le même principe analysé dans la décision Li c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 498 (Li) s’applique en l’espèce. Dans l’affaire Li, la décision avait été annulée parce que le formulaire de renseignements personnels de la demanderesse avait été invoqué dans les motifs de l’agent, mais n’avait pas été versé au DCT. La Cour avait fait observer que « [l]e tribunal doit constituer un dossier composé de tous les documents pertinents qui sont en la possession ou sous la garde du tribunal » (Li au para 15).

[17] Le défendeur met de l’avant que la question n’est pas de savoir si le DCT est complet, mais plutôt de savoir si la Cour dispose d’une preuve suffisante pour contrôler adéquatement la décision.

[18] Je ne suis pas persuadé par l’argument du demandeur. La question dont la Cour était saisie dans l’affaire Parveen était que le dossier dont disposait l’agent des visas avait été dépouillé d’information pertinente et de documents considérés essentiels à l’affaire de la demanderesse. En l’espèce, IRCC était au courant de la procédure pénale et avait demandé plus de renseignements directement auprès du demandeur, qui ne les a jamais transmis. Par la suite, pour rédiger le rapport, l’agent de l’ASFC s’est fondé sur le fait que le demandeur n’avait pas transmis les renseignements à IRCC en contravention avec le paragraphe 16(1) de la LIPR. Bien que le même agent de l’ASFC ait joué un rôle relativement au passeport du demandeur dans certains pans de la procédure pénale visant ce dernier devant la Cour provinciale du Manitoba, le rapport a été établi parce qu’IRCC n’avait pas reçu les renseignements demandés dans le cadre de la demande de résidence permanente, et non pas dans le cadre d’une autre instance. Je conclus qu’il existe assez d’information au dossier pour me permettre de contrôler la décision.

IV. Questions en litige et norme de contrôle

[19] La présente demande de contrôle judiciaire soulève les questions suivantes :

  1. La décision de l’agent de l’ASFC d’établir un rapport était‑elle raisonnable?

  2. Y a‑t‑il eu manquement à l’équité procédurale?

[20] Hormis la question de l’équité procédurale, je conclus que la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable (Ghirme c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2019 CF 805 au para 16; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 (Vavilov) au para 10; Singh c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 687 au para 9).

[21] La décision raisonnable est une norme de contrôle empreinte de retenue, mais rigoureuse (Vavilov aux para 12‑13). La cour de révision doit tenir compte du résultat de la décision administrative eu égard au raisonnement sous‑jacent à celle‑ci afin de s’assurer que la décision dans son ensemble est transparente, intelligible et justifiée (Vavilov au para 15). La décision raisonnable doit être fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti (Vavilov au para 85). Le caractère raisonnable d’une décision varie en fonction du contexte administratif pertinent, du dossier dont le décideur est saisi et des répercussions de la décision sur les personnes visées par celle‑ci (Vavilov aux para 88‑90, 94, 133‑135).

[22] Pour qu’une décision soit déraisonnable, le demandeur doit établir que la décision contient des lacunes qui sont suffisamment capitales ou importantes (Vavilov au para 100). Une cour de révision doit s’abstenir d’apprécier à nouveau la preuve examinée par le décideur et ne devrait pas modifier les conclusions de fait hormis dans des circonstances exceptionnelles (Vavilov au para 125).

[23] En revanche, la norme de la décision correcte est une norme de contrôle qui ne commande aucune retenue. La question essentielle pour les questions d’équité procédurale est de savoir si la procédure était équitable eu égard à l’ensemble des circonstances, y compris à l’égard des facteurs énoncés dans l’arrêt Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817 (Baker) aux paragraphes 21‑28 (Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69 au para 54).

V. Analyse

[24] En application de l’article 41 de la LIPR, un étranger est interdit de territoire pour tout acte ou omission fait en contravention avec la LIPR. Le paragraphe 44(1) de la LIPR permet à un agent d’établir un rapport qu’il transmet au ministre s’il est d’avis qu’un étranger est interdit de territoire au Canada.

Rapport d’interdiction de territoire

44 (1) S’il estime que le résident permanent ou l’étranger qui se trouve au Canada est interdit de territoire, l’agent peut établir un rapport circonstancié, qu’il transmet au ministre.

Preparation of report

44 (1) An officer who is of the opinion that a permanent resident or a foreign national who is in Canada is inadmissible may prepare a report setting out the relevant facts, which report shall be transmitted to the Minister.

A. La décision de l’agent de l’ASFC d’établir un rapport était‑elle raisonnable?

[25] Le demandeur avance que la décision de l’agent de l’ASFC d’établir le rapport est déraisonnable parce qu’elle n’est pas intrinsèquement cohérente avec l’ensemble des faits et de la preuve versés au dossier de l’agent de l’ASFC. Il soutient que, durant le déroulement de la procédure pénale, l’agent de l’ASFC a agi à titre d’agent d’IRCC et l’a informé qu’IRCC connaissait l’existence de son accusation criminelle et que sa demande de résidence permanente était en suspens.

[26] Le demandeur affirme qu’il n’a pas répondu aux lettres d’équité procédurale envoyées par IRCC les 2 mai 2019 et 17 juin 2019 parce qu’il avait compris que sa demande de résidence permanente serait mise en suspens en attendant le résultat de la procédure pénale, comme le lui avait dit l’agent de l’ASFC. Le demandeur avance qu’il n’était pas dans l’expectative d’une décision d’IRCC avant la fin de la procédure pénale le visant.

[27] Le demandeur invoque la décision Yavari c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2020 CF 469 (Yavari) dans laquelle la Cour a conclu que la décision d’un agent d’établir un rapport en vertu du paragraphe 44(1) de la LIPR était déraisonnable en raison de ses conjectures sur le refus du demandeur de reconnaître ses torts et de sa participation aux activités d’une organisation criminelle. Ces hypothèses ont causé un préjudice important au demandeur et n’étaient pas étayées par la preuve.

[28] Comme il est expliqué dans la décision Yavari, l’analyse à mener sous le régime du paragraphe 44(1) comporte deux étapes. Premièrement, l’agent doit se forger une opinion quant à l’interdiction de territoire. Deuxièmement, il doit décider s’il y a lieu d’établir un rapport circonstancié. S’il choisit de tenir compte de la situation personnelle du demandeur ou des facteurs d’ordre humanitaire, l’évaluation de ces facteurs devrait être raisonnable, compte tenu des circonstances de l’affaire (Yavari au para 55, citant McAlpin c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2018 CF 422 au para 70).

[29] Le demandeur soutient que la preuve établit que l’AFSC, le ministère de la Justice du Manitoba et IRCC s’échangeaient des renseignements. Il fait observer que par ses échanges avec l’ASFC et le ministère de la Justice du Manitoba, IRCC avait été mis au courant de l’existence de son inculpation criminelle. Il déclare qu’IRCC savait également qu’il contestait cette accusation, qu’il avait retenu les services d’un avocat de la défense, qu’il avait déposé une requête à la Cour provinciale et que le procès ne se tiendrait pas avant le mois d’avril 2020. De ce fait, il fait valoir qu’il était déraisonnable qu’IRCC demande des renseignements qu’il pouvait déjà se procurer auprès de l’ASFC, et que par conséquent, la décision de l’agent de l’ASFC d’établir le rapport est déraisonnable.

[30] L’étranger qui présente une demande de résidence permanente au Canada est tenu de donner les éléments de preuve et les documents pertinents demandés par un agent d’IRCC en application du paragraphe 16(1) de la LIPR.

Obligation du demandeur

16 (1) L’auteur d’une demande au titre de la présente loi doit répondre véridiquement aux questions qui lui sont posées lors du contrôle, donner les renseignements et tous éléments de preuve pertinents et présenter les visa et documents requis.

Obligation — answer truthfully

16 (1) A person who makes an application must answer truthfully all questions put to them for the purpose of the examination and must produce a visa and all relevant evidence and documents that the officer reasonably requires.

[31] À mon avis, il était raisonnable que l’agent de l’ASFC se fonde sur le défaut du demandeur de fournir à IRCC tous les éléments de preuve et les documents pertinents sollicités au titre du paragraphe 16(1) de la LIPR pour établir son rapport. Il revenait au demandeur de fournir l’ensemble des renseignements pertinents relatifs à son accusation criminelle. Il n’est pas raisonnable de s’attendre à ce que l’ASFC transmette l’ensemble des éléments de preuve et des documents à IRCC pour le compte du demandeur. Il importe peu que les ministères soient en mesure de se procurer les renseignements demandés.

[32] En outre, le fait qu’IRCC ait indirectement été mis au courant de certains pans de la procédure pénale du demandeur ne signifie pas qu’il est déraisonnable de lui demander directement des renseignements ou des documents à ce sujet. Je ne retiens également pas l’argument du demandeur selon lequel l’agent de l’ASFC aurait dû faire usage de son pouvoir discrétionnaire pour tenir compte des raisons pour lesquelles le demandeur n’a pas répondu aux lettres d’IRCC. Pour ces motifs, je conclus que la décision de l’agent de l’ASFC d’établir le rapport est raisonnable.

B. Y a‑t‑il eu manquement à l’équité procédurale?

[33] La question de savoir s’il y a eu manquement à l’équité procédurale a été examinée dans la décision 2021 CF 1379, soit dans le cadre d’un contrôle judiciaire visant la décision de rejeter une demande de résidence permanente. En l’espèce, le demandeur soulève les mêmes arguments que ceux qui ont été contrôlés dans la décision 2021 CF 1379, à savoir :

  • a) Il avait l’attente légitime que sa demande de résidence permanente soit mise en suspens en attendant l’issue de son affaire criminelle. Lorsque l’agent de l’ASFC a fait la déclaration solennelle à la Cour provinciale du Manitoba le 26 avril 2019, il a agi à titre d’agent d’IRCC et il lui a dit qu’IRCC était au courant de son accusation criminelle et que sa demande de résidence permanente avait été mise en suspens en attendant le résultat de la procédure pénale. Le demandeur ajoute qu’il ignorait tout de la distinction entre l’ASFC et IRCC en tant qu’entités séparées.

  • b) Le demandeur avance que l’agent de l’ASFC et IRCC ont manqué à leur devoir d’équité en envoyant les lettres d’IRCC directement au demandeur au lieu de passer par son représentant juridique.

[34] Pour des fins de concision, je ne vais pas reprendre l’analyse de cette portion des arguments du demandeur. À mon avis, il n’y a eu aucun manquement à l’équité procédurale eu égard aux déclarations faites par l’agent de l’ASFC durant la procédure pénale visant le demandeur ou eu égard aux lettres envoyées au demandeur.

[35] Le demandeur soutient en outre qu’en raison du fait qu’il s’est fié à la déclaration de l’agent de l’ASFC selon laquelle sa demande de résidence permanente serait mise en suspens, ce dernier se devait de lui fournir une protection procédurale supplémentaire. Le demandeur fait valoir que bien que l’agent de l’ASFC savait qu’IRCC lui avait demandé des documents supplémentaires entre mai et août 2019, il a omis de le lui signaler ou de le signaler à son conseil. Il affirme que l’agent de l’ASFC aurait à tout le moins dû l’informer que sa demande de résidence permanente n’était plus mise en suspens. Il ajoute que ce même agent aurait dû mettre IRCC au courant que le demandeur était représenté par un conseiller juridique lorsqu’il a reçu le formulaire Recours aux services d’un représentant le 22 mai 2019.

[36] Le défendeur fait valoir que l’agent de l’ASFC a explicitement mentionné au conseil du demandeur, dans un courriel du 27 mai 2019 concernant le passeport de ce dernier, que son client faisait l’objet d’une enquête pour une potentielle interdiction du territoire. Compte tenu de la preuve versée au dossier, le défendeur soutient que le demandeur savait ou aurait dû savoir qu’IRCC procédait à un examen de sa demande de résidence permanente et qu’il se devait de lui fournir des renseignements supplémentaires, comme l’avait demandé IRCC. Je suis d’accord.

[37] Selon moi, il n’y a pas eu de manquement à l’équité procédurale. Eu égard aux deux autres arguments du demandeur, celui‑ci avait le fardeau de fournir les renseignements raisonnablement demandés par IRCC au titre du paragraphe 16(1) dans le cadre de la demande de résidence permanente.

VI. Conclusion

[38] Je conclus qu’il était raisonnable que l’agent de l’ASFC établisse le rapport en vertu du paragraphe 44(1) de la LIPR et que, ce faisant, il n’a pas manqué à l’équité procédurale. Je rejette donc la demande de contrôle judiciaire.

[39] Les parties n’ont proposé aucune question aux fins de certification et je suis aussi d’avis que l’affaire n’en soulève aucune.


JUGEMENT dans le dossier IMM‑678‑20

LA COUR STATUE :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Il n’y a aucune question à certifier.

  3. Aucuns dépens ne sont adjugés.

« Shirzad A. »

Juge

Traduction certifiée conforme

Mélanie Vézina


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑678‑20

 

INTITULÉ :

MARK SINGH c LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET LE MINISTRE DE LA PROTECTION CIVILE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 7 SeptembRE 2021

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE AHMED

 

DATE DES MOTIFS :

LE 8 DÉcembRE 2021

 

COMPARUTIONS :

Chaobo Jiang

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Cynthia Lau

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Zaifman Immigration Lawyers

Avocats

Winnipeg (Manitoba)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Procureur général du Canada

Winnipeg (Manitoba)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.