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Date : 20021010

Dossier : IMM-3197-01

Référence neutre : 2002 CFPI 1057

ENTRE :

JASBIR SINGH GREWAL

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE HENEGHAN

[1]                 M. Jasbir Singh Grewal (le demandeur) sollicite le contrôle judiciaire de la décision de l'agente des visas Maria Colucci (l'agente des visas). Dans sa décision, datée du 4 juin 2001, elle a rejeté la demande présentée par le demandeur et son épouse, Jatinder Pal Kaur Grewal, pour obtenir la résidence permanente au Canada. Le demandeur sollicite une ordonnance annulant cette décision et renvoyant la question à un autre agent des visas pour nouvel examen conformément à la loi, et lui accordant les dépens.


LES FAITS

[2]                 Le demandeur et son épouse sont citoyens de l'Inde. Ils ont présenté leur demande de résidence permanente au Canada au Haut-commissariat du Canada à New Delhi, en Inde, le 6 mars 1999. Le demandeur a déclaré qu'il voulait être évalué comme mathématicien en vertu de la Classification nationale des professions (CNP) 2161.1. Son épouse a demandé à être évaluée comme cuisinière, CNP 6242.0.

[3]                 Le demandeur et son épouse ont été reçus en entrevue par l'agente des visas au Haut-commissariat du Canada à New Delhi le 31 mai 2001.

[4]                 Dans l'affidavit qu'ils ont déposé en l'instance, le demandeur et son épouse racontent cette entrevue. Le demandeur soutient que l'agente des visas ne lui a posé aucune question au sujet de ses qualifications ou de son expérience en tant que mathématicien, non plus qu'elle aurait exprimé ses préoccupations à ce sujet ou au sujet d'autres aspects de sa demande. Son épouse soutient que l'agente des visas ne lui a posé aucune question et n'a exprimé aucune préoccupation au sujet de ses qualifications ou de son expérience en tant que cuisinière ou professeur de cuisine, non plus que pour aucun autre aspect de sa demande.


[5]                 L'agente des visas a rejeté la demande de résidence permanente présentée par les demandeurs. Dans sa lettre de refus datée du 4 juin 2001, elle déclare ne pas avoir été convaincue que le demandeur satisfaisait aux conditions d'accès à la profession de mathématicien, ou qu'il s'était déchargé d'un nombre significatif des fonctions principales d'un mathématicien, telles qu'on les énumère dans la CNP.

[6]                 L'agente des visas a aussi déposé un affidavit en l'instance. Selon cet affidavit, elle a enregistré ses notes d'entrevue dans le système de traitement informatisé des demandes d'immigration (STIDI). Elle déclare dans son affidavit qu'elle a posé des questions au demandeur et à son épouse au sujet de leur expérience de travail. Elle n'a pas été convaincue que le demandeur satisfaisait aux conditions d'accès à la profession de mathématicien et, plus particulièrement, qu'il possédait un diplôme d'études supérieures en mathématiques. Elle n'a pas été convaincue qu'il s'était déchargé d'un nombre significatif des fonctions et des responsabilités prévues pour un mathématicien dans CNP 2161.

[7]                 De la même façon, l'agente des visas a déclaré dans son affidavit avoir examiné le dossier scolaire de l'épouse du demandeur. Elle a posé des questions à Mme Grewal au sujet de son expérience en tant que cuisinière et pris note du fait que sa seule expérience était comme professeur de cuisine. L'agente des visas n'a pas été convaincue qu'en qualité de professeur de cuisine, l'épouse du demandeur s'était déchargée d'un nombre significatif des fonctions et responsabilités de la profession pour laquelle elle avait demandé à être évaluée, celle de cuisinière. L'agente des visas déclare dans son affidavit que Mme Grewal a été évaluée comme cuisinière et qu'elle a été informée à l'entrevue qu'il n'y avait pas de demande professionnelle au Canada pour des professeurs de cuisine.


[8]                 Dans une lettre datée du 4 juin 2001, l'agente des visas a informé le demandeur qu'il ne se qualifiait pas pour la résidence permanente au Canada. Cette lettre énonce les raisons justifiant le rejet de la demande.

LES ARGUMENTS DU DEMANDEUR

[9]                 Le demandeur soutient que l'agente des visas n'a exprimé aucune inquiétude au sujet de ses diplômes au cours de l'entrevue. Il a présenté le relevé de notes de sa maîtrise en science et elle ne lui a posé aucune question à ce sujet. Il soutient que si l'agente des visas avait des doutes au sujet de ses études ou des diplômes qu'il a présentés pour en faire état, elle aurait dû lui faire part de ses préoccupations. Son défaut de le faire constitue un manquement à l'équité procédurale.

[10]            Le demandeur soutient ensuite que l'agente des visas a commis une erreur de droit en ne lui accordant pas de points pour le facteur expérience, qui est le facteur 3 de l'annexe I du Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/78-172, tel que modifié. Il soutient que lui-même et son épouse ont l'expérience requise pour se qualifier dans les professions visées.


[11]            Le demandeur soutient aussi que l'agente des visas a commis une erreur de droit en n'examinant pas les diverses composantes des professions dont lui-même et son épouse ont fait état dans leurs curriculum vitae. Le défaut de procéder ainsi et de tenir compte de ces composantes en analysant la question de savoir si le demandeur et son épouse répondaient aux conditions d'accès aux professions de mathématicien et de cuisinière s'est soldé par une évaluation négative de leur expérience.

[12]            Le demandeur soutient que l'agente des visas a commis un autre manquement à l'équité en n'évaluant pas pleinement et correctement la demande de son épouse. Il soutient que l'agente des visas a rejeté de façon sommaire l'expérience de son épouse au vu de la profession visée de « cuisinière » . Il soutient que l'agente des visas s'est attachée uniquement au titre de l'emploi de son épouse, savoir professeur de cuisine, sans poser des questions précises au sujet de l'expérience de travail liée à cette fonction.

[13]            Finalement, le demandeur soutient que l'agente des visas a commis une erreur en ne lui accordant que six points pour sa connaissance de l'anglais. Dans son affidavit, il déclare qu'il a fait toutes ses études universitaires en anglais. Il soutient qu'il peut lire, écrire et parler couramment l'anglais et que c'est à cause de son accent que l'agente des visas a conclu de façon erronée qu'il ne possédait pas une bonne maîtrise de cette langue.

[14]            Le demandeur soutient que son entrevue s'est tenue en anglais, sans interprète. Le demandeur soutient que l'agente des visas a commis un manquement à l'équité en le pénalisant du fait de son accent, minimisant ainsi sa maîtrise de l'anglais.


LES ARGUMENTS DU DÉFENDEUR

[15]            Le défendeur soutient qu'il est reconnu qu'une personne voulant être admise au Canada en tant que résident permanent doit satisfaire aux conditions d'accès à la profession prévues dans la CNP afin d'obtenir des points d'appréciation pour l'expérience.

[16]            Le défendeur soutient que le demandeur n'a reçu aucun point pour l'expérience parce que l'agente des visas n'a pas été convaincue qu'il satisfaisait aux conditions d'accès à la profession CNP 2161.1, en particulier l'exigence qu'il détienne un diplôme d'études supérieures en mathématiques ou qu'il se soit déchargé d'un nombre significatif des fonctions principales énumérées dans cette description.

[17]            Le défendeur soutient qu'en l'absence de preuve présentée à l'agente des visas portant que le demandeur avait réellement une maîtrise en science (mathématiques), sa conclusion à ce sujet était raisonnable. C'est le demandeur qui avait le fardeau de présenter tous les renseignements et les documents à l'appui de sa demande, y compris une preuve suffisante de son dossier scolaire.

[18]            Le défendeur soutient que l'agente des visas a donné l'occasion au demandeur d'expliquer en détail son expérience de travail, mais il a tout simplement déclaré que sa seule expérience de travail était l'enseignement des mathématiques dans les classes avancées.


[19]            Le défendeur soutient qu'il était raisonnable que l'agente des visas arrive à la conclusion que le demandeur ne s'était pas déchargé d'un nombre significatif des fonctions principales d'un mathématicien, telles qu'elles sont énumérées dans CNP 2161.

[20]            Quant aux compétences linguistiques du demandeur, le défendeur soutient que l'agente des visas n'a commis aucune erreur ouvrant droit à révision. Le défendeur soutient que cet argument n'a pas de mérite, puisque notre Cour a conclu que c'est l'agent des visas qui est le mieux placé pour évaluer les compétences linguistiques d'un demandeur et que son jugement sur ce sujet ne peut être contredit à la légère. En l'instance, le défendeur s'appuie sur Yang c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, 2001 CFPI 750, [2001] A.C.F. no 1126 (C.F. 1re inst.) (Q.L.).

[21]            Le défendeur soutient que l'agente des visas est arrivée à une conclusion raisonnable au sujet de la demande de l'épouse du demandeur dans la profession visée de cuisinière. Elle a conclu que l'épouse ne s'était pas déchargée d'un nombre significatif des fonctions principales énumérées dans CNP 6242, conclusion à laquelle elle pouvait raisonnablement arriver au vu de la preuve présentée à l'entrevue.

[22]            Le défendeur soutient aussi qu'aucune preuve ne vient appuyer la prétention du demandeur que l'agente des visas aurait traité la demande de Mme Grewal de façon sommaire. Au contraire, le dossier du tribunal indique que l'agente des visas a fait une évaluation séparée de la demande de Mme Grewal et qu'elle lui a donné l'occasion de préciser son expérience.


[23]            En conclusion, le défendeur soutient que les conclusions de l'agente des visas au sujet de l'expérience du demandeur et de son épouse, ainsi que des compétences linguistiques du demandeur, sont des conclusions de fait qui commandent un haut degré de retenue judiciaire.

ANALYSE

[24]            La présente demande trouve sa source dans une décision discrétionnaire de l'agente des visas dans le cadre de son évaluation d'une demande de résidence permanente au Canada dans la catégorie des indépendants. La décision soumise au contrôle comprend les conclusions de l'agente des visas au sujet des qualifications du demandeur et de son épouse dans les catégories d'emploi qu'ils ont invoquées dans leur demande de résidence permanente. Dans l'arrêt Lim c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1981), 121 N.R. 241 (C.A.F.), la Cour d'appel fédérale a déclaré que la question de savoir si une personne a les compétences voulues pour une profession donnée « était purement une question de faits qui relevait entièrement de l'agent des visas » . La norme de contrôle relative aux conclusions de fait d'un agent des visas dans une affaire semblable est celle de la décision manifestement déraisonnable : voir Sharma c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) 2001 CFPI 1131, [2001] A.C.F. no 1562 (C.F. 1re inst.) (Q.L.).


[25]            En l'instance, l'agente des visas devait tirer des conclusions de fait au sujet de la demande d'admission au Canada en qualité de résident permanent, présentée par le demandeur, dans sa profession visée de mathématicien. Elle n'a pas été convaincue que le demandeur satisfaisait aux exigences de cette profession. Selon moi, elle ne s'est pas fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont elle disposait en évaluant les diplômes du demandeur, son expérience et son emploi comme professeur de mathématiques, ainsi que ses compétences linguistiques.

[26]            Quant à son évaluation de la demande de l'épouse, je suis convaincue que ses conclusions à ce sujet sont raisonnables et qu'elles s'appuient sur la preuve contenue dans le dossier qui lui était soumis.

[27]            De plus, le dossier indique que l'agente des visas a évalué pleinement et avec équité la demande de l'épouse du demandeur et qu'elle a évalué de façon raisonnable l'expérience et les emplois antérieurs de Mme Grewal.

[28]            Au vu du dossier dont l'agente des visas était saisie, les conclusions auxquelles elle est arrivée sont raisonnables.

[29]            La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[30]            Cette demande ne donne lieu à aucune question à certifier.


ORDONNANCE

La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  

                                                                                                                                           « E. Heneghan »                 

ligne

                                  Juge

   

OTTAWA (ONTARIO)

Le 10 octobre 2002

   

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


COUR FÉDÉ RALE DU CANADA

           Date : 20021010

           Dossier : IMM-3197-01

ENTRE :

JASBIR SINGH GREWAL

                                  demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

                                  défendeur

                                                                   

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE

                                                                    


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                                 AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

  

DOSSIER :                                           IMM-3197-01

INTITULÉ:                    JASBIR SINGH GREWAL

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

DATE DE L'AUDIENCE : LE LUNDI 7 OCTOBRE 2002

LIEU DE L'AUDIENCE :                  TORONTO (ONTARIO)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                        LE JUGE HENEGHAN

DATE DES MOTIFS :                        LE JEUDI 10 OCTOBRE 2002

COMPARUTIONS :

M. Jaswant Singh Mangat                                                                           pour le demandeur

Mme Angela Marinos                                                                                    pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :      

M. Jaswant Singh Mangat                                                                           pour le demandeur

Avocat

Mangat & Company

7420, Airport Road, pièce 202

Mississauga (Ontario)

L4T 4E5

M. Morris Rosenberg                                                                                  pour le défendeur

Sous-procureur général du Canada

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