Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20211124


Dossier : IMM‑1140‑20

Référence : 2021 CF 1295

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 24 novembre 2021

En présence de madame la juge Simpson

ENTRE :

LUAN LEONA LAIDLOW

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

(Rendus oralement à l’audience tenue par vidéoconférence à Ottawa, en Ontario, le 14 octobre 2021)

[1] La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire de décision par laquelle une agente d’immigration [l’agente] a refusé la demande de résidence permanente que la demanderesse avait présentée pour des motifs d’ordre humanitaire en vertu du paragraphe 25(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR]. La décision est datée du 5 mai 2020.

[2] La demanderesse est une citoyenne de Saint‑Vincent‑et‑les Grenadines (Saint‑Vincent) âgée de 54 ans. Elle est arrivée au Canada le 22 juillet 2012, et elle est demeurée au pays depuis. Elle est sans papiers depuis l’expiration de son statut de résidente temporaire, le 30 juin 2013. Elle a quatre enfants adultes qui vivent à Saint‑Vincent.

[3] Le mari de la demanderesse était violent envers elle. Elle a déposé des plaintes auprès de la police, mais elles sont restées sans suite. Elle a supporté la violence de son mari jusqu’à ce que ses enfants aient atteint l’âge adulte, après quoi elle est partie pour Anguilla, où elle est demeurée pendant quatre ans. Pendant son séjour à Anguilla, ses enfants l’ont avertie que son mari savait où elle se trouvait. Elle est donc venue au Canada, et elle a obtenu un visa de visiteur.

[4] La demanderesse a obtenu le divorce en 2012, et rien n’indique que, depuis, son ex‑mari ait représenté une menace. Elle n’a pas présenté de demande d’asile au Canada.

I. LES QUESTIONS EN LITIGE

  1. L’agente a‑t‑elle mal apprécié la preuve de l’établissement de la demanderesse?
  2. L’agente a‑t‑elle commis une erreur en appliquant un critère trop exigeant dans son appréciation des difficultés auxquelles la demanderesse serait confrontée à son retour à Saint‑Vincent?

II. ANALYSE

LA PREMIÈRE QUESTION EN LITIGE

[5] La demanderesse a fourni une preuve à l’appui des faits constitutifs de sa situation, qui sont les suivants :

  1. Elle avait reçu une formation de préposée aux services de soutien à la personne. Elle avait aussi suivi des cours d’informatique et de boulangerie et pâtisserie;
  2. Elle avait considérablement participé aux activités de son Église à titre de bénévole, en plus d’avoir été élue diaconesse;
  3. Elle avait obtenu un soutien considérable de la part des membres de sa communauté. Elle avait reçu 30 lettres d’appui, et 200 personnes avaient signé une pétition en faveur de l’approbation de sa demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire;
  4. Elle s’était acquittée de ses responsabilités financières;
  5. Elle avait occupé un emploi. Bien que la preuve comportait quelques lacunes, ses antécédents professionnels ont néanmoins été acceptés.

[6] L’agente a examiné ces faits et, bien qu’elle les ait acceptés et qu’elle ait, à certains égards, adressé des compliments à la demanderesse, elle a finalement donné peu de poids à l’établissement, car elle jugeait que les réalisations de la demanderesse étaient de celles auxquelles on s’attend de la part d’une personne dans sa situation. En outre, elle a conclu que les réalisations étaient contrebalancées par deux faits, soit qu’aucune des amitiés nouées par la demanderesse ne témoignait d’un engagement profond, et que la demanderesse n’avait jamais tenté de régulariser son statut juridique. Elle avait donc occupé un emploi et suivi des formations sans autorisation pendant plusieurs années.

[7] La demanderesse affirme qu’il était déraisonnable d’accorder peu de poids à son établissement. Toutefois, je ne peux partager cet avis.

[8] La difficulté consiste en ce que la demanderesse n’a présenté que des faits qui n’ont rien de particulier. Bien que ceux présentés soient généralement bien étayés, il n’y a aucun fait inhabituel qui satisfasse au critère énoncé dans l’arrêt Kanthasamy c Canada (MCI), 2015 CSC 61. Au paragraphe 21 de celui‑ci, la Cour suprême du Canada a affirmé ce qui suit :

[…] la série de dispositions « d’ordre humanitaire » formulées en termes généraux dans les différentes lois sur l’immigration avaient un objectif commun, à savoir offrir une mesure à vocation équitable lorsque les faits sont « de nature à inciter [une personne] raisonnable d’une société civilisée à soulager les malheurs d’une autre personne » [1] .

LA DEUXIÈME QUESTION EN LITIGE

[9] L’agente a pris en considération la violence conjugale contre les femmes et la pauvreté à Saint‑Vincent, et elle a constaté qu’elles y sont répandues. Toutefois, l’agente a également tenu compte de la situation personnelle de la demanderesse. Cette dernière a une famille qui la soutient et possède à la fois une bonne formation et un bon dossier d’emploi. De plus, rien n’indiquait que son ex‑mari représentait une menace.

[10] À mon avis, il n’était pas déraisonnable de la part de l’agente de conclure que la demanderesse ne serait pas confrontée à des difficultés à Saint‑Vincent, compte tenu de sa situation personnelle.

III. CONCLUSION

[11] Pour tous ces motifs, la demande sera rejetée.

IV. CERITIFICATION

[12] Aucune question n’a été présentée aux fins de la certification en vue d’un appel.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM‑1140‑20

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est par les présentes rejetée.

« Sandra J. Simpson »

Juge

Traduction certifiée conforme

M. Deslippes


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑1140‑20

 

INTITULÉ :

LUAN LEONA LAIDLOW c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Par vidéoconférence au moyen de Zoom

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 14 octobre 2021

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE SIMPSON

 

DATE DES MOTIFS :

Le 24 novembre 2021

 

COMPARUTIONS :

Seyfi Sun

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Kevin Doyle

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Lewis and Associates

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Procureur général du Canada

Ministère de la Justice Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 



[1] Kanthasamy c Canada (Citoyenneté et Immigration), [2015] 3 RCS 909, 2015 CSC 61, [2015] 3 SCR 909, [2015] ACS no 61, [2015] SCJ No 61.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.