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Date : 20211118


Dossier : T‑820‑19

Référence : 2021 CF 1264

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 18 novembre 2021

En présence de madame la juge Elliott

ENTRE :

MITCHEL TIMOTHY NOME

demandeur

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

(SERVICE CORRECTIONNEL DU CANADA)

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] Le demandeur, Mitchel Timothy Nome, a demandé le contrôle judiciaire d’une décision disciplinaire rendue le 18 avril 2019 par laquelle un président indépendant du Service correctionnel du Canada (le SCC) a déclaré le demandeur coupable de possession d’un objet interdit à l’Établissement de Stony Mountain, un établissement fédéral, en contravention de l’article 40 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, LC 1992, c 20 [la Loi], et lui infligeant une amende de 30 $ (la décision contestée).

[2] Le demandeur demande que la décision contestée soit annulée et que l’accusation d’infraction disciplinaire soit retirée. Le montant de l’amende n’a pas été contesté directement dans le cadre du contrôle judiciaire, mais, si la décision est annulée, l’amende serait aussi annulée. Le demandeur sollicite également une ordonnance enjoignant au SCC de radier de ses dossiers, y compris du dossier du demandeur, tout renvoi à la déclaration de culpabilité pour l’infraction disciplinaire en question et de retourner l’amende de 30 $ payée, ainsi que tout salaire perdu ou réduit à la suite de la déclaration de culpabilité.

[3] Subsidiairement, le demandeur demande à la Cour d’ordonner une nouvelle audience et d’enjoindre au SCC de procéder à une communication suffisante, notamment en ce qui a trait aux enregistrements vidéo de l’incident captés par les caméras de surveillance.

[4] Le défendeur sollicite le rejet de la demande avec dépens intégraux.

II. La décision faisant l’objet du contrôle

[5] À la fin de l’audience disciplinaire, sur le fondement du témoignage des agents et des arguments des parties, le président indépendant a déclaré le demandeur coupable de possession d’un objet interdit, en contravention de l’alinéa 40i) de la Loi.

[6] Comme aucun motif écrit n’a été fourni, il est nécessaire de s’appuyer sur la transcription de l’audience pour confirmer les motifs de la décision, d’examiner la preuve et d’évaluer toute décision pertinente rendue pendant l’audience.

[7] Les faits suivants sont tirés de la transcription de l’audience, des notes de service des parties et des documents contenus dans le dossier certifié du tribunal.

III. Le contexte factuel

[8] Le demandeur est un détenu qui a été désigné délinquant dangereux et qui purge une peine d’une durée indéterminée. Au moment pertinent, il était incarcéré à l’Établissement de Stony Mountain pour voies de fait causant des lésions corporelles. Il a été transféré à l’Établissement de Bowden le 10 décembre 2020.

A. Les événements à l’origine de l’infraction disciplinaire

[9] Le 17 janvier 2019, le demandeur était à l’extérieur, dans la cour nord de l’Établissement de Stony Mountain, et s’acquittait de ses tâches de nettoyeur. Le demandeur était seul dans la cour. L’agent Kardal l’a vu [traduction] « en train de pêcher quelque chose sur une ligne ». Par la suite, l’agente Kim Karish a saisi un petit colis dans la poche du demandeur. On a ensuite découvert que le colis contenait deux comprimés de bupropion de 150 mg. Le bupropion est un antidépresseur et il est considéré comme un objet interdit lorsque sa possession n’est pas autorisée par l’établissement. Il n’est pas contesté que le demandeur n’avait pas d’ordonnance ou d’autorisation pour le bupropion.

B. L’accusation d’infraction disciplinaire grave portée le 30 janvier 2019 et la demande de communication du demandeur

[10] Le 30 janvier 2019, une accusation d’infraction disciplinaire grave (possession d’un objet interdit) a été portée contre le demandeur par application de l’alinéa 40i) de la Loi, et la date de l’audience a été fixée au 14 février 2019. Il s’agit de l’accusation qui sous-tend la décision contestée.

[11] Le formulaire Rapport de l’infraction d’un détenu et avis de l’accusation (le rapport de l’infraction) contenant l’accusation a été remis au demandeur le 30 janvier 2019 pour l’aviser de l’accusation. Le demandeur a ensuite demandé par écrit la communication des rapports d’observation des agents concernés et une copie sur DVD de deux vidéos du 17 janvier 2019, soit celle du Centre de soins de santé de 10 h à 11 h et celle du demandeur dans la cour nord de 10 h à 10 h 30. De plus, le demandeur a demandé des copies des rapports d’observation ou de déclaration rédigés par les agents Karish, Kardal et Van Gerwen relativement à l’incident, du rapport et de la note de service sur l’identification des drogues de l’agente du renseignement de sécurité, Mme Elyk, ainsi que des photographies du matériel saisi, y compris le colis.

[12] Le demandeur a demandé une copie des résultats du test de laboratoire pour les deux comprimés, ce qui a été jumelé à une demande de rejet de l’accusation, car on ne lui avait pas dit en quoi consistaient les comprimés. Il a dit que le SCC avait [traduction] « sauté des étapes ».

[13] Le demandeur a également demandé par écrit que les agents Karish, Kardal et Van Gerwen soient appelés à témoigner à l’audience.

C. La note de service remise au demandeur relativement à la communication

[14] Le 8 février 2019, le demandeur a reçu une note de service en réponse à ses demandes concernant la communication et la comparution de certains témoins à l’audience. Le demandeur avait demandé que les agents Kardal et Van Gerwen témoignent, mais la note de service en réponse indiquait que les seuls éléments de preuve qui seraient présentés au nom de l’établissement étaient le témoignage de l’agente Karish, des photographies du matériel saisi et la note de service sur l’identification des drogues. Les autres demandes de communication du demandeur ont été rejetées, mais il a été informé qu’il pouvait obtenir tout autre renseignement en le demandant au service concerné ou en présentant une demande d’accès à l’information et de protection des renseignements personnels.

[15] La demande visant à obtenir les enregistrements vidéo a été rejetée au motif qu’il n’était pas nécessaire de les fournir simplement parce qu’elles avaient été demandées et que l’équité procédurale n’exigeait que le SCC examine la demande et communique les enregistrements que s’ils contenaient des renseignements pertinents dans le contexte de l’affaire disciplinaire. Il a été jugé que, pour l’infraction en question, [traduction] « aucun enregistrement vidéo ne serait pertinent dans le contexte de l’infraction disciplinaire visée au paragraphe 40(i) de la Loi, à savoir le fait d’être “en possession d’un objet interdit ou [d’]en [faire] le trafic”. La “description de l’incident” et la preuve photographiée de l’agente ayant porté l’accusation suffisent pour déterminer que les enregistrements vidéo ne sont pas nécessaires pour étayer l’accusation ».

[16] Le demandeur a reçu les photographies et la note de service sur l’identification des drogues. Il n’a reçu aucun enregistrement vidéo. À l’audience, le président indépendant a offert à l’avocat du demandeur la possibilité d’examiner en sa présence les enregistrements captés par le système de télévision en circuit fermé (TVCF), mais le demandeur a refusé. Le demandeur n’a pas non plus reçu les rapports écrits que les agents ayant procédé à l’arrestation ont produits parce que le défendeur n’avait pas l’intention de les présenter au décideur.

D. Le premier jour d’audience – le 14 février 2019

[17] L’audience a commencé le 14 février 2019. Le demandeur a plaidé non coupable et a répété sa demande de communication. Il a indiqué qu’il présenterait une requête en rejet fondée sur la non‑communication et qu’une tentative de règlement informel avait déjà été faite et avait été couronnée de succès avant que l’accusation ne soit portée. Le président indépendant a ajourné l’audience jusqu’au 21 février 2019 afin de permettre au demandeur d’organiser sa requête, à l’établissement d’organiser la comparution des témoins et au président indépendant d’examiner diverses questions non précisées.

[18] Le 19 février 2019, le demandeur a présenté sa requête en rejet de l’accusation. La requête était fondée sur les faits suivants : 1) il y avait eu un règlement informel; 2) il n’avait pas été informé qu’il allait être accusé par l’établissement et, s’il l’avait été, il aurait pris les mesures nécessaires pour protéger tous les éléments de preuve; 3) il y a eu un délai de 14 jours avant que des accusations ne soient portées contre lui, en contravention de l’article 26 de la Directive du commissaire no 580; 4) il y a eu un retard déraisonnable pour fixer la date de sa première comparution; 5) il existe une preuve vidéo de l’incident qui montre qu’il se mêlait de ses affaires, qu’il effectuait ses tâches dans la cour et que le prétendu objet interdit qui aurait été saisi sur lui n’était PAS en fait ce qui a été saisi sur lui; 6) l’assesseure des audiences disciplinaires pour infractions graves (Mme Nordin) lui refuse de façon illégale et à tort l’accès aux éléments de preuve en la possession de l’agent de gestion des cas à l’Établissement de Stony Mountain du SCC [remarque : le reste de la sixième allégation est diffamatoire contre l’assesseure des audiences disciplinaires pour infractions graves et ne sera pas repris ici]; 7) d’autres allégations personnelles diffamatoires sont faites contre les agents et ne seront pas reprises; 8) une allégation selon laquelle l’agent Kardal a déposé une accusation vexatoire en représailles contre le demandeur; 9) le demandeur se voit refuser l’accès à un numériseur de documents, ce dont il a besoin pour préparer sa preuve devant le tribunal et dans d’autres actions prévues; 10) les enregistrements vidéo montreront que le demandeur n’était pas en train de pêcher; 11) aucune preuve n’a été fournie au demandeur.

[19] Avant le 21 février 2019, l’affaire a été de nouveau ajournée jusqu’au 28 février 2019. Par la suite, elle a été ajournée jusqu’au 4 avril 2019, date à laquelle son instruction a repris.

[20] Le 5 mars 2019, le demandeur a reçu une note de service de l’assesseure des audiences disciplinaires pour infractions graves, Mme Nordin, indiquant que les éléments de preuve qui devaient être présentés à l’audience du 4 avril 2019 étaient le témoignage de l’agente Karish et de l’agente du renseignement de sécurité Elyk, ainsi que celui des agents Van Gerwen et Kardal, si le président indépendant le demandait. Il a été noté que des photographies des éléments de preuve matérielle et la note de service de l’agente du renseignement de sécurité sur l’identification des drogues avaient déjà été fournies au demandeur.

E. Le deuxième jour d’audience – le 4 avril 2019

[21] Le 4 avril 2019, l’audience a repris et le demandeur a reçu l’aide d’un stagiaire en droit de l’aide juridique, agissant à titre d’avocat de service. Le président indépendant a commencé par trancher la requête du demandeur, qu’il a rejetée. Les motifs invoqués étaient que le président indépendant avait examiné la requête et qu’il était convaincu que l’affaire pouvait aller de l’avant avec le témoignage des agents ayant porté l’accusation, les photographies de la preuve et la note de service sur l’identification des drogues. Le président indépendant a également souligné que le demandeur pouvait interjeter appel du refus devant la Cour.

[22] L’audience sur le fond de l’accusation portée contre le demandeur a ensuite commencé. L’établissement a appelé deux témoins : l’agente du renseignement de sécurité Elyk, pour parler de la note de service sur l’identification des drogues et des photographies, et l’agente Karish, qui a porté l’accusation, pour parler de la question de savoir s’il y avait eu un règlement informel.

[23] À la fin du témoignage de l’agente Karish, l’assesseure des audiences disciplinaires pour infractions graves a indiqué qu’elle ne présenterait pas d’autres éléments de preuve.

[24] Le demandeur s’est opposé en disant qu’il voulait entendre l’agent Kardal, qui a porté l’accusation. L’assesseure des audiences disciplinaires pour infractions graves a déclaré que l’agent Kardal n’était pas disponible et qu’il ne serait pas appelé à témoigner. Le président indépendant a indiqué qu’il voulait entendre l’agent Kardal, car son témoignage était important.

[25] Compte tenu de la non‑disponibilité de l’agent Kardal et de l’importance de la Pâque juive pour le demandeur, l’audience a été ajournée au 18 avril 2019.

F. Le troisième jour d’audience – le 18 avril 2019

(1) La ligne de pêche et l’objet interdit

[26] Lorsque l’audience a repris, l’agent Kardal a témoigné au sujet des événements qui ont mené aux accusations portées contre le demandeur. Brièvement, l’agent Kardal a dit qu’il travaillait comme agent accompagnateur ce jour‑là et qu’il avait quitté un secteur (Centre de soins de santé) pour se rendre au point de contrôle 1. En chemin, il a vu le demandeur faire face au sud en direction de l’unité 4. L’agent Kardal a traversé devant le demandeur et a vu dans ses mains une ligne de pêche avec un rouleau de papier hygiénique à une extrémité. L’agent s’est rendu au point de contrôle et a tourné le coin vers l’unité 1 pour examiner de nouveau ce que faisait le demandeur. En sortant du point de contrôle, l’agent a vu le demandeur jeter le papier hygiénique sur le toit de l’allée, puis tirer la ligne vers le bas et la soulever de nouveau.

[27] L’agent est ensuite retourné au point de contrôle 1, a appelé le Centre de soins de santé et a demandé aux agents d’aller chercher une clé pour que le demandeur puisse être retiré de la cour.

[28] L’agent Kardal a déclaré que le demandeur a été retiré de la cour et emmené directement au Centre de soins de santé, où l’agente Karish l’a fouillé et a trouvé une pellicule plastique dans sa poche. Lorsqu’elle a demandé au demandeur s’il savait ce qu’il y avait à l’intérieur, il a répondu [traduction] « probablement des pilules ».

[29] Le président indépendant a interrogé l’agent Kardal sur les détails. Le président indépendant a demandé à l’agent de confirmer qu’il était présent pendant la fouille du demandeur et à quelle heure celle-ci avait eu lieu. L’agent a déclaré que la fouille avait eu lieu après 10 h 30 mais avant 11 h, puisque c’était avant le retour en cellule pour le dîner. Après la fouille dans le Centre de soins de santé, l’agent a jeté la ligne de pêche à la poubelle.

[30] Lors des questions de suivi posées par l’assesseure des audiences disciplinaires pour infractions graves, l’agent Kardal a confirmé que le demandeur était seul dans la cour à ce moment‑là et que la [traduction] « ligne de pêche » n’était pas une canne à pêche, mais plutôt un rouleau de papier hygiénique duquel était suspendu un long morceau de tissu de sorte que le rouleau puisse être lancé et récupéré.

[31] Le président indépendant a confirmé que l’agent Kardal ne savait pas si le demandeur avait déjà les articles dans sa poche ou s’il les avait pêchés. L’agent a noté que, normalement, lorsque les détenus pêchent, c’est pour des objets de contrebande et que, quoi qu’il en soit, c’est un comportement suspect. L’agent Kardal a confirmé qu’il ne savait pas si quelqu’un se trouvait sur le toit au moment de la pêche.

[32] Le demandeur a demandé au président indépendant de demander à l’agent s’il lui [traduction] « [avait] en fait demandé de tirer sur cette ligne pour l’enlever d’une gouttière et de la lui remettre à la porte alors qu’il se trouvait peut‑être à dix pieds de distance ». Lorsque l’agent a nié cette allégation, le demandeur a demandé l’enregistrement vidéo pour montrer qu’il y avait une [traduction] « contradiction dans la preuve » de l’agent.

[33] Le président indépendant a souligné que le demandeur n’était pas accusé de pêche, mais que l’accusation était la possession de l’objet interdit qui avait été trouvé dans la poche du demandeur.

[34] Le demandeur a dit au président indépendant qu’il était important de voir les enregistrements vidéo parce que l’établissement soutenait qu’il y avait d’autres lignes de pêche et que l’une d’elles contenait de la méthamphétamine, et qu’elle essayait selon lui de l’associer à celle-ci.

[35] Le président indépendant a confirmé avec l’agent Kardal que, lorsqu’il a fouillé la poubelle, il n’y avait qu’une seule ligne de pêche et des déchets comme des trognons de pommes et des pelures de bananes. Quand le président indépendant lui a posé la question, à la suggestion du demandeur, l’agent ne se souvenait pas d’avoir vu une ligne de pêche pendre du toit.

(2) Les gangs, la contrainte et le règlement informel

[36] L’avocat du demandeur a confirmé auprès de l’agent Kardal que des gangs, qui sont connus comme des groupes violents, étaient présents dans l’établissement et que des drogues entrent dans la prison. Lorsqu’il a été interrogé par le président indépendant au sujet de l’objectif des questions, l’avocat a dit qu’il cherchait à établir la défense de contrainte.

[37] Les questions ont ensuite porté sur la question de savoir s’il y avait eu un règlement informel entre le demandeur et Mme Reese‑Bergen, la chef du Centre de soins de santé. L’agent Kardal a dit qu’il les avait vus en train de discuter vers 16 h, mais qu’il ne savait pas de quoi ils avaient parlé. En ce qui concerne le règlement informel, l’agent a fait remarquer qu’il n’avait pas porté l’accusation contre le demandeur.

[38] Pour revenir à la violence dans l’établissement, il a été question du meurtre très récent d’un détenu dans l’unité à sécurité maximale, d’une attaque au couteau très grave contre un détenu qui, selon le demandeur, avait été poignardé deux douzaines de fois, la fin de semaine précédente, et du meurtre d’un autre détenu survenu une semaine auparavant.

[39] Des questions ont ensuite été posées à l’agent Kardal au sujet du colis récupéré dans la poche du demandeur. L’agent Kardal a confirmé qu’il avait vu l’agente Karish sortir quelque chose de la poche du demandeur. L’agent Kardal n’était pas l’agent ayant procédé à la fouille, mais il a confirmé qu’il avait été témoin de la fouille par palpation. En réponse à une question du président indépendant, qui provenait du demandeur, l’agent Kardal a indiqué qu’il n’était pas avec l’agente Karish lorsqu’elle avait préparé les objets saisis sur le demandeur à titre d’éléments de preuve, car elle avait quitté le Centre de soins de santé à ce moment‑là. L’agent Kardal a confirmé à l’avocat du demandeur qu’il n’était pas en mesure de voir ce qui se passait ni de voir ce qui se trouvait dans le colis.

(3) La demande visant à appeler des témoins en contre-preuve

[40] À la suite d’une discussion sur le Code du travail, le demandeur a indiqué qu’il souhaitait appeler des témoins en contre-preuve. Le président indépendant a toutefois indiqué qu’il n’était pas clair en quoi cela serait pertinent. Il a été suggéré qu’ils en arrivent aux conclusions finales, mais l’avocat du demandeur a fait valoir qu’il souhaitait appeler des témoins [traduction] « pour qu’on n’entende pas seulement les témoins de l’établissement ».

[41] Le président indépendant a dit qu’il était en mesure de s’y retrouver et qu’il n’avait pas besoin d’autres témoins, car la preuve était assez claire. Le témoin a simplement vu le demandeur se livrer à des activités suspectes et aurait vu le demandeur lancer quelque chose.

[42] À ce moment‑là, l’avocat du demandeur a dit [traduction] « Eh bien, non. Attendez. C’est… », puis il a été interrompu par le président indépendant, qui a dit [traduction] « je ne veux pas passer toute la journée là‑dessus » et l’avocat a répondu [traduction] « eh bien, moi non plus, mais comme nous l’avons dit le premier jour, si nous avions les vidéos de surveillance (inaudible) ».

[43] Le président indépendant a déclaré [traduction] « il n’y aura pas de vidéos de surveillance, il n’y aura pas de rapports, il n’y aura pas de notes », puis [traduction] « qui d’autre aimeriez‑vous ajouter ici comme témoin? ».

[44] Après une discussion entre l’avocat et le président indépendant au sujet de l’éventuelle défense de contrainte et de la nécessité d’appeler des témoins à cet égard, le président indépendant a invité l’avocat à lui parler de la contrainte. L’avocat a déclaré qu’il souhaitait que le demandeur témoigne pour établir le fondement de l’argument de la contrainte. Lorsque l’avocat a dit qu’il souhaitait aussi que quelqu’un de l’établissement [traduction] « corrobore certains aspects du récit du demandeur », le président indépendant a refusé. Il a dit qu’il allait écouter le récit d’abord, puis que, s’il estimait qu’il était nécessaire de faire venir un témoin par la suite, il le ferait peut‑être pour corroborer le récit, mais qu’il voulait entendre la preuve.

[45] L’avocat a de nouveau indiqué qu’il s’attendait à ce que le demandeur témoigne. Le demandeur a ajouté qu’il avait un document rédigé par Coral Thompson [traduction] « discutant de certaines des choses ici même ».

(4) Le refus du président indépendant d’entendre quoi que ce soit d’autre

[46] À la suite de l’échange dont il a été question ci-dessus, le président indépendant a déclaré au demandeur :

[traduction]

[Le 17 janvier] ‑‑ nous avons entendu d’un témoin que ‑‑ vous avez été vu en train de vous adonner à une activité suspecte dans la cour. De là, on vous a ramené à l’unité des soins de santé, puis on vous a fouillé et on a conclu que vous aviez deux comprimés dans votre poche. Les comprimés ont été analysés, l’agente Elyk en a témoigné. Kim Karish a déclaré avoir trouvé les comprimés lorsqu’elle a fait une fouille par palpation. Et maintenant, cet agent en quelque sorte ‑‑ il a témoigné pour nous dire pourquoi vous avez été ramené à l’unité et fouillé par palpation. Je ne veux rien entendre d’autre.

(Transcription, 18 avril 2019, à la page 223, lignes 3 à 12)

[47] Malgré la réticence du président indépendant à entendre d’autres éléments de preuve, le demandeur a été autorisé à témoigner après un bref ajournement. Le témoignage du demandeur sera examiné plus tard.

IV. Les questions en litige

[48] Le demandeur soutient que les questions en litige sont les suivantes :

[49] Le défendeur soutient que chacune des questions susmentionnées a été traitée de façon raisonnable et équitable à la lumière du dossier.

V. La norme de contrôle

[50] Le demandeur soutient que les deux premières questions en litige sont des questions d’équité procédurale, tandis que la troisième question en litige soulève une question de droit. Par conséquent, le demandeur soutient que toutes les questions sont susceptibles de contrôle selon la norme de la décision correcte.

[51] Les décisions citées par le demandeur ont été rendues avant l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov], dans lequel la Cour suprême du Canada a réexaminé en profondeur la norme de contrôle applicable aux décisions administratives. Il existe maintenant une présomption réfutable selon laquelle, lorsqu’une cour contrôle une décision administrative, la norme applicable est celle de la décision raisonnable. Cette présomption peut être réfutée dans certaines situations, mais aucune d’entre elles ne se présente en l’espèce : Vavilov, au para 17.

[52] Par souci de clarté, le juge Pamel a récemment confirmé, au paragraphe 46 de la décision Perron c Canada (Procureur général), 2020 CF 741 [Perron], que la norme de la décision raisonnable s’applique aux questions relevant de la compétence du président indépendant.

[53] Dans un contrôle mené selon la norme de la décision raisonnable, il incombe au demandeur de démontrer que la décision contestée est déraisonnable. Cette obligation a été décrite ainsi dans l’arrêt Vavilov, au paragraphe 100 :

[100] Il incombe à la partie qui conteste la décision d’en démontrer le caractère déraisonnable. Avant de pouvoir infirmer la décision pour ce motif, la cour de révision doit être convaincue qu’elle souffre de lacunes graves à un point tel qu’on ne peut pas dire qu’elle satisfait aux exigences de justification, d’intelligibilité et de transparence. Les lacunes ou insuffisances reprochées ne doivent pas être simplement superficielles ou accessoires par rapport au fond de la décision. Il ne conviendrait pas que la cour de révision infirme une décision administrative pour la simple raison que son raisonnement est entaché d’une erreur mineure. La cour de justice doit plutôt être convaincue que la lacune ou la déficience qu’invoque la partie contestant la décision est suffisamment capitale ou importante pour rendre cette dernière déraisonnable.

[54] La troisième question en litige est celle de savoir si l’audience a été tenue de façon équitable sur le plan de la procédure. Celle-ci commande l’application d’une norme de contrôle qui se rapproche le plus possible de la norme de la décision correcte : Perron, au para 48.

[55] Pour déterminer si les exigences en matière d’équité procédurale ont été respectées ou non, la cour de révision doit répondre à la question ultime de savoir si le demandeur connaissait la preuve à réfuter et s’il a eu une possibilité complète et équitable d’y répondre : Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69 au para 56.

VI. Les exigences en matière d’équité procédurale dans le contexte d’une audience disciplinaire visant un détenu

[56] Au paragraphe 52 de la décision Perron, le juge Pamel a énoncé les principes d’équité procédurale qui s’appliquent aux procédures disciplinaires. S’appuyant sur diverses décisions, le juge Pamel a dressé une longue liste de principes :

[52] Dans la décision Hendrickson v Kent Institution, [1990] FCJ No 19, 32 FTR 296, 9 WCB (2d) 131 [Hendrickson], monsieur le juge Denault a présenté une synthèse des principes applicables à la poursuite d’infractions disciplinaires en milieu carcéral :

[traduction]

Les principes encadrant la discipline en milieu pénitentiaire se trouvent dans les décisions Martineau No 1 (supra) et No 2; Re Blanchard and Disciplinary Board of Millhaven Institution; Re Howard and Presiding Officer of Inmate Disciplinary Court of Stony Mountain Institution, lesquels peuvent être résumés comme suit :

1. L’audience dirigée par un président indépendant du tribunal disciplinaire est une procédure administrative et n’est de nature ni judiciaire, ni quasi‑judiciaire.

2. Sauf textes légaux ou réglementaires en vigueur en sens contraire, il n’y a aucune exigence de suivre quelque procédure précise que ce soit ou de suivre les règles de preuve généralement applicables dans les tribunaux judiciaires ou quasi‑judiciaires ou dans des instances de nature contradictoire.

3. Il y a une obligation générale d’agir équitablement en s’assurant que l’audience se déroule de manière équitable et dans le respect de la justice naturelle. Selon l’obligation d’agir équitablement lors d’une audience dans un tribunal disciplinaire, l’intéressé doit connaître les allégations auxquelles il doit répondre, les éléments de preuve en cause et leur nature et il doit avoir la possibilité de discuter ces éléments de preuve et de défendre ses arguments.

4. L’audience n’est pas de nature contradictoire, mais de nature inquisitoire et le président de l’audience n’est pas tenu d’examiner chaque moyen de défense concevable, encore qu’il est tenu d’étudier l’affaire pleinement et équitablement ou, autrement dit, d’examiner les deux côtés de la question.

5. Il ne revient pas à notre Cour d’examiner les éléments de preuve comme un juge judiciaire pourrait ou de contrôler la décision d’un tribunal quasi‑judiciaire; elle doit simplement rechercher s’il y a eu une atteinte à l’obligation générale d’agir équitablement.

6. Le pouvoir discrétionnaire dont jouit le juge judiciaire en matière disciplinaire doit être exercé avec circonspection et il ne peut intervenir « que dans des cas d’injustice grave ».

[Notes de bas de page omises dans l’original.]

[Souligné dans l’original.]

[57] Dans les paragraphes subséquents, le juge Pamel a énoncé d’autres principes applicables à l’instruction des demandes de contrôle judiciaire. Aux paragraphes 54 à 64 et 87, on trouve les énoncés suivants que j’ai quelque peu abrégés et dont j’ai retiré tous les renvois internes :

  • § Dans le cadre du processus disciplinaire, la souplesse est de mise en ce qui concerne la présentation de la preuve.

  • § [L]a nature inquisitoire du processus implique une obligation de la part du président indépendant d’interroger les témoins, y inclut le [détenu] à qui l’infraction est reprochée.

  • § C’est en raison de la nature inquisitoire du processus que le président indépendant dispose d’une marge de manœuvre considérable quant aux questions procédurales. À titre d’exemple, le président indépendant dispose d’un pouvoir discrétionnaire en ce qui concerne la présentation de la preuve, pour autant qu’elle soit faite avec souplesse et de manière conforme aux principes de la justice naturelle et d’équité procédurale.

  • § [L]e président indépendant doit équilibrer les deux objectifs primaires applicables. D’une part, la rapidité et l’efficacité de la procédure disciplinaire est un objectif important puisqu’elle assure le maintien de l’ordre et de la discipline dans le système correctionnel.

  • § D’autre part, le président indépendant est soumis à l’obligation d’agir équitablement dans la conduite des procédures et de respecter les exigences imposées par la Loi et ses règlements.

  • § Plus particulièrement, le président indépendant doit respecter le droit du détenu à préparer une défense pleine et entière aux accusations de nature disciplinaire, sans pour autant transformer la procédure en procédure pénale ou quasi‑judiciaire.

  • § Ce droit implique notamment la possibilité de présenter ses observations et d’interroger les témoins et l’obligation de communiquer au détenu un résumé des éléments de preuve à l’appui de l’accusation.

  • § [L]a non‑communication au détenu des éléments de preuve à l’appui de l’accusation est un manquement au droit de préparer une défense pleine et entière.

  • § Bien qu’un vice d’équité procédurale ou une autre erreur susceptible de contrôle puissent constituer des motifs d’intervention judiciaire, la cour de contrôle doit quand même faire preuve de retenue quant à la mesure prononcée puisque son intervention n’est justifiée qu’en cas d’« injustice sérieuse ».

  • § [I]l faut veiller à ne pas imposer des garanties procédurales issues du contexte pénal où l’objectif et le rôle des procédures sont distincts de ceux des procédures disciplinaires. Sur ce point […] les exigences en matière d’équité procédurale sont moindres en matière d’infractions disciplinaires en milieu carcéral.

  • § [L]e droit de l’accusé d’assurer sa défense n’est pas le même qu’en matière pénale; il doit plutôt être jugé au regard de l’équité procédurale.

[58] En examinant la décision contestée, je tiendrai compte de ces principes, ainsi que des dispositions de la Loi, du Règlement sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, DORS/92‑620 [le Règlement], et de la Directive du commissaire no 580.

VII. L’Établissement de Stony Mountain a‑t‑il omis de communiquer tous les renseignements pertinents au demandeur, comme l’exige l’article 27 de la Loi et les exigences d’équité procédurale?

[59] Le demandeur soutient que l’agente qui a porté l’accusation et lui avaient des versions très différentes de leur interaction concernant les comprimés.

[60] Les demandes présentées par le demandeur en vue d’obtenir la communication des rapports écrits préparés par les agents concernés et des vidéos de surveillance ont été refusées par l’assesseure des audiences disciplinaires pour infractions graves le 8 février 2019 au motif que l’établissement n’est tenu de communiquer que les documents qu’il a l’intention de présenter à l’audience.

[61] Cette position est étayée par le paragraphe 27(1) de la Loi, qui prévoit que, lorsqu’une décision doit être rendue au sujet d’un délinquant, celui‑ci doit recevoir communication, dans un délai raisonnable avant la prise de décision, de « tous les renseignements entrant en ligne de compte dans celle‑ci, ou un sommaire de ceux‑ci ».

A. Les vidéos de surveillance

[62] La réponse écrite du 8 février 2019 à la demande de communication des enregistrements vidéo présentée par le demandeur indiquait que l’équité procédurale exige que le SCC examine la demande et communique les enregistrements vidéo si ceux-ci contiennent des renseignements pertinents dans le contexte de l’affaire disciplinaire. Il a été indiqué que le terme « pertinent » s’entend de quelque chose qui est [traduction] « étroitement lié à ce qui est fait ou envisagé » ou [traduction] « ayant une incidence importante et démontrable sur l’affaire en cause ».

[63] L’assesseure des audiences disciplinaires pour infractions graves a déterminé que, pour l’infraction en question, [traduction] « aucun enregistrement vidéo ne serait pertinent dans le contexte de l’infraction disciplinaire visée au paragraphe 40(i) de la Loi, à savoir le fait d’être “en possession d’un objet interdit ou [d’]en [faire] le trafic”. La “description de l’incident” et la preuve photographiée de l’agente ayant porté l’accusation suffisent pour déterminer que les enregistrements vidéo ne sont pas nécessaires pour étayer l’accusation ».

[64] Le demandeur soutient que l’agente qui a porté l’accusation et lui avaient des versions très différentes de l’interaction qu’ils ont eue au moment où les comprimés ont été saisis, notamment en ce qui a trait aux mesures précises qui ont été prises et aux paroles prononcées par le demandeur. Selon lui, les enregistrements vidéo permettraient de résoudre ces divergences. Il soutient en outre que si la communication est limitée suivant une interprétation étroite de l’article 27, comme le propose l’établissement, celui-ci pourra éviter de communiquer des renseignements préjudiciables en choisissant simplement de ne pas les présenter au décideur.

[65] Toutefois, un problème a été relevé par le président indépendant lors de l’audience du 4 avril 2019. Le président indépendant a confirmé que, bien que l’assesseure des audiences disciplinaires pour infractions graves ait demandé les enregistrements vidéo, l’Unité du renseignement de sécurité, avec l’approbation du directeur général de la Sécurité, n’était pas tenue de fournir des rapports de renseignement de sécurité ou des enregistrements captés par le système de TVCF aux fins des audiences disciplinaires : transcription du 4 avril 2019, à la page 29, lignes 6 à 9. Autrement dit, il n’était pas possible pour l’assesseure des audiences disciplinaires pour infractions graves d’obtenir les enregistrements vidéo.

[66] L’alinéa 34d) de la Directive du commissaire no 580 prévoit que le détenu qui a plaidé non coupable se voit accorder, dans des limites raisonnables, la possibilité d’examiner les pièces et les documents qui seront pris en considération pour arriver à la décision, à moins de contraintes en matière de sécurité. Il semble donc que, même si les enregistrements vidéo avaient été présentés comme pièces, le demandeur n’aurait pas été en mesure de les examiner compte tenu des préoccupations actuelles en matière de sécurité.

[67] À l’audience, après avoir cerné le problème de sécurité lié à la présentation de la preuve vidéo, le président indépendant a offert au demandeur, comme solution de rechange, la possibilité que son avocat ait accès aux enregistrements captés par le système de TVCF pour les examiner en présence du président indépendant. Le demandeur a rejeté cette solution, et son avocat n’en a jamais parlé pendant l’audience lorsqu’il a fait valoir l’importance de communiquer les enregistrements vidéo. À cet égard, le défaut d’examiner les enregistrements vidéo a été causé en fin de compte par les actions du demandeur.

B. La requête en rejet de l’accusation

[68] À l’audience, le 4 avril 2019, le président indépendant a dit au demandeur que les règles de présentation de la preuve en matière pénale ne s’appliquent pas aux audiences disciplinaires. Le président indépendant a également affirmé que, en sa qualité de président de l’audience disciplinaire, il pouvait admettre tout élément de preuve qu’il jugeait valable ou digne de foi. Ces énoncés sont tirés de l’article 37 de la Directive du commissaire no 580.

[69] Quand il a rejeté la requête du demandeur en vue de faire rejeter l’accusation en raison d’une communication erronée, le président indépendant a discuté de la question des enregistrements vidéo. Il l’a fait parce qu’il était convaincu que l’audience pouvait aller de l’avant avec le témoignage de l’agente ayant porté l’accusation, les photographies de la preuve et la note de service sur l’identification des drogues.

[70] Dans sa requête en rejet, le demandeur a fait valoir qu’il avait porté la question de l’équité procédurale et de la communication de la preuve devant la Cour suprême du Canada. Il a déclaré qu’il avait [traduction] « gagné contre le SCC sur la question de la preuve vidéo ».

[71] L’affaire n’a pas été soumise à la Cour et aucune référence à cet égard n’a été fournie par le demandeur. Une recherche sur le site Web de la Cour suprême du Canada n’a pas permis de trouver la cause. Par conséquent, je ne suis pas en mesure de me prononcer ou de faire des commentaires à ce sujet.

C. Les rapports écrits

[72] Le demandeur soutient que, dans le contexte d’une audience disciplinaire grave où l’établissement a l’intention d’appeler des témoins, le délinquant a le droit d’obtenir les rapports écrits (rapports d’observation ou de déclaration) des agents concernés (caviardés au besoin) avant l’audience à titre de résumé des éléments sur lesquels ceux-ci pourraient être appelés à témoigner. Le défaut de fournir ces rapports contrevient aux exigences de l’article 27, ce qui suffit, selon le demandeur, à rendre l’audience inéquitable sur le plan procédural.

[73] Je ne suis pas d’accord.

[74] La question de savoir quels renseignements l’Établissement de Stony Mountain doit fournir au demandeur en vertu de l’article 27 de la Loi dépend des renseignements qui ont été pris en compte dans la décision de l’inculper : Perron, au para 109.

[75] Selon le rapport de l’infraction, les renseignements sous-tendant la décision de porter des accusations étaient les suivants : le demandeur avait été vu en train de pêcher quelque chose sur une ligne à partir de l’unité 4 ou vers celle‑ci et, à son retour à l’unité du Centre de soins de santé, l’agente ayant porté l’accusation, Kim Karish, a fouillé le demandeur par palpation et a trouvé dans sa poche de pantalon deux comprimés qui n’appartenaient pas au demandeur.

[76] Les documents qui devaient être fournis au président indépendant, à savoir la note de service sur l’identification des drogues et les photographies des éléments de preuve matérielle saisis, ont été fournis au demandeur. Hormis ces éléments de preuve, seuls des témoignages ont été présentés à l’audience.

[77] Le demandeur a été informé de ces faits dans la note de service du 5 mars 2019, bien avant l’audience. En se fondant sur ce document, il connaissait la preuve à réfuter et il a eu la possibilité complète et équitable d’y répondre. Pour les mêmes raisons que celles qui ont été évoquées au sujet des enregistrements vidéo, étant donné que l’Établissement de Stony Mountain n’avait pas l’intention de s’appuyer sur les rapports écrits des agents, j’estime que le président indépendant avait raison de ne pas exiger qu’ils soient communiqués au demandeur.

[78] Le demandeur avait soulevé la question de l’absence de communication devant le président indépendant à titre de question préliminaire en déposant une requête en rejet au motif qu’il aurait dû recevoir les rapports écrits des agents. Le président indépendant a rejeté la requête.

[79] Comme dans le cas de la demande visant les enregistrements vidéo, le demandeur a soulevé la question des rapports écrits à plusieurs reprises au cours de l’audience. Chaque fois, il a été informé par le président indépendant que les règles de la preuve en matière de droit pénal ne s’appliquent pas aux audiences disciplinaires et que les rapports écrits ne feraient pas partie de la preuve.

[80] Le demandeur soutient que, lorsqu’il peut être raisonnablement démontré que certains éléments de preuve en la possession exclusive de l’établissement sont très pertinents pour aider le juge des faits à trancher une question contestée et importante, et en l’absence de motifs convaincants du contraire, ces éléments de preuve devraient être communiqués sous une forme ou une autre au détenu et il devrait être possible de les présenter à l’audience.

[81] Le demandeur n’a pas fourni de recueil de jurisprudence et de doctrine, mais il a fourni une liste de jurisprudence et de doctrine. Lorsque des renvois à la jurisprudence sont faits dans le mémoire du demandeur, des renvois précis ont été fournis. Aucune décision n’a été fournie par le demandeur à l’appui de cette observation.

D. Conclusion

[82] Bien que le président indépendant ait rejeté la requête du demandeur en vue de faire rejeter l’accusation en raison de l’absence de communication, le demandeur a continué de soulever la question tout au long de l’audience.

[83] Le demandeur n’a pas démontré que la communication qu’il a reçue était injuste sur le plan procédural. Il était au courant de la preuve qui pesait contre lui, contenue dans le rapport de l’infraction et les documents communiqués. Le demandeur avait le droit d’interroger les agents qui ont témoigné, ce qu’il a fait. Il a également présenté son propre témoignage, et son avocat a présenté des observations au président indépendant.

[84] Le demandeur n’a pas pu obtenir les enregistrements vidéo, et il a refusé que son avocat examine les enregistrements captés par le système de TVCF en compagnie du président indépendant, comme celui-ci l’a proposé à l’audience. Cela soulève la question de l’importance réelle des enregistrements vidéo pour le demandeur.

[85] Je conclus, pour tous les motifs qui précèdent, que l’Établissement de Stony Mountain n’a pas violé le droit du demandeur à l’équité procédurale. L’Établissement de Stony Mountain a communiqué suffisamment de renseignements au demandeur avant et pendant l’audience.

[86] Bien qu’un manquement à l’équité procédurale ou une autre erreur susceptible de contrôle puisse constituer un motif d’intervention judiciaire, à titre de cour de révision, je dois quand même faire preuve de retenue à l’égard de la décision contestée, puisque mon intervention n’est justifiée que dans les cas d’injustice grave : Perron, au para 63.

[87] Compte tenu des faits, du droit et du dossier sous‑jacent, je conclus que, même si l’audience avait été inéquitable sur le plan procédural pour le demandeur, ce qui n’est pas le cas selon moi, aucune injustice grave n’a été commise. Le fait que le demandeur n’est pas d’accord avec le résultat et qu’il a des plaintes au sujet du processus ne crée pas une injustice grave.

VIII. Le président indépendant a‑t‑il omis de se conformer à l’alinéa 31(1)a) du Règlement?

[88] L’alinéa 31(1)a) du Règlement dispose : « Au cours de [l’audience] disciplinaire, la personne qui tient [l’audience] doit, dans des limites raisonnables, donner au détenu qui est accusé la possibilité […] d’interroger des témoins par l’intermédiaire de la personne qui tient [l’audience], de présenter des éléments de preuve, d’appeler des témoins en sa faveur et d’examiner les pièces et les documents qui vont être pris en considération pour arriver à la décision. »

[89] Le demandeur soutient que, bien que le président indépendant soit plus inquisiteur que le juge, l’audience est néanmoins structurée de façon semi‑contradictoire, ce qui rend le processus très différent d’une décision purement administrative.

[90] Cette observation ne tient pas compte de plusieurs des principes d’équité énoncés précédemment, notamment :

  • § Sauf textes légaux ou réglementaires en vigueur en sens contraire, il n’y a aucune exigence de suivre quelque procédure précise que ce soit ou de suivre les règles de preuve généralement applicables dans les tribunaux judiciaires ou quasi‑judiciaires ou dans des instances de nature contradictoire.

  • § [L]e président de l’audience n’est pas tenu d’examiner chaque moyen de défense concevable, encore qu’il est tenu d’étudier l’affaire pleinement et équitablement ou, autrement dit, d’examiner les deux côtés de la question.

  • § Il faut veiller à ne pas imposer des garanties procédurales issues du contexte pénal où l’objectif et le rôle des procédures sont distincts de ceux des procédures disciplinaires. Sur ce point […] les exigences en matière d’équité procédurale sont moindres en matière d’infractions disciplinaires en milieu carcéral.

[91] Le demandeur a déclaré dans son témoignage, et a noté dans sa requête en rejet, que peu de temps après l’incident à l’origine de l’accusation, une tentative de règlement informel avait été faite et avait été couronnée de succès. Si un règlement informel a été obtenu, l’accusation d’incident grave doit être rejetée, parce que le paragraphe 41(2) de la Loi dispose que, à défaut de règlement informel, le directeur de l’établissement peut porter une accusation d’infraction disciplinaire mineure ou grave.

[92] Le demandeur a déclaré que cela s’était produit lors d’une rencontre avec la superviseure de l’unité médicale, Andrea Reese‑Bergen. Le demandeur a également déclaré que les agents Karish et Kardal étaient présents.

[93] L’agent Kardal a confirmé au président indépendant qu’il avait informé l’agente Karish qu’il avait vu le demandeur en train de pêcher dans la cour. Il a également confirmé qu’il était présent lors de la fouille du demandeur par l’agente Karish lorsque quelque chose avait été découvert dans sa poche.

[94] Le demandeur voulait appeler Mme Reese‑Bergen à témoigner pour attester qu’un règlement informel avait été conclu avec elle. Il soutient que [traduction] « le refus du président indépendant de l’appeler à témoigner [elle et d’autres témoins] était un mépris flagrant du Règlement » et [traduction] « a considérablement nui à la capacité du demandeur de présenter une défense valable ».

[95] Le seul but d’appeler Mme Reese‑Bergen était de la faire témoigner quant à la question de savoir si, comme l’a déclaré le demandeur, un règlement informel avait été obtenu.

[96] Le demandeur soutient que l’article 41 de la Loi indique qu’une accusation ne peut être portée qu’après une tentative de règlement informel. Aucune décision n’a été citée à l’appui de cette proposition.

[97] L’article 5 de la Directive du commissaire no 580 porte sur le règlement informel, y compris les tentatives de règlement informel. À l’alinéa a), il précise que le règlement informel et les tentatives de règlement informel « seront envisagés par le membre du personnel qui dépose l’accusation comme une possibilité à tout moment du processus, avec l’accord des parties en cause » (non souligné dans l’original).

[98] Cette disposition confirme, comme l’a fait remarquer le président indépendant, bien que le demandeur ne soit pas d’accord, que le règlement informel doit être envisagé par le membre du personnel qui porte l’accusation. Cela concorde avec le témoignage de l’agente Karish, ci‑dessous.

[99] Le président indépendant a demandé directement à l’agente Karish si elle avait tenté de régler la question des comprimés de façon informelle avec le demandeur. Sa réponse était assez détaillée :

[traduction]

MME KARISH : Oui. Je lui ai demandé s’il avait quelque chose, et il a répondu : « Non, je n’ai rien dans les poches ». Je lui ai permis à trois reprises de produire la preuve ou ce qu’il avait dans sa poche parce que je pensais que nous avions une très bonne relation. Et puis à la troisième tentative, quand il a essayé de le cacher dans sa main, c’est à ce moment‑là que j’ai dû aller dans sa poche et le sortir. Donc, M. Nome a eu l’occasion de présenter le produit qu’il avait en sa possession et de s’expliquer, mais il a choisi de ne pas le faire.

LE PRÉSIDENT : D’accord. Parce que sur la feuille d’accusation elle‑même, agente Karish, on dit qu’il n’y a pas eu de tentative de règlement informel, c’est pourquoi je suis un peu...

MME KARISH : Eh bien, pour ce qui est du règlement informel, ce serait après la découverte des comprimés qu’il y aurait eu une discussion sur ce qu’ils étaient et sur la raison pour laquelle il les avait, puis une décision aurait pu être prise en fonction d’une conversation sur la raison, comment ils sont venus en sa possession, et nous aurions pu utiliser notre pouvoir discrétionnaire pour décider de la façon dont nous allions procéder.

Malheureusement, M. Nome a nié la présence de tout objet interdit, de sorte que cela ne permettait pas vraiment un règlement informel en fonction de ce que c’était ‑‑ si c’était quelque chose de différent et non des comprimés, si c’était un numéro de téléphone, si cela avait été quelque chose de ce genre, alors certainement, d’après mon expérience ‑‑ et M. Nome a eu des interactions avec moi dans le passé durant lesquelles j’ai réglé des choses de façon informelle (inaudible).

(Non souligné dans l’original.)

[100] Le président indépendant a accepté le témoignage détaillé de l’agente Karish selon lequel elle avait envisagé un règlement informel, mais elle a conclu que ce n’était pas possible en l’espèce.

[101] L’agente Karish a également déclaré que le demandeur avait peut‑être essayé d’obtenir un règlement informel avec Mme Reese‑Bergen pour conserver son emploi, parce que c’est elle qui s’occupe de l’embauche et du congédiement, mais qu’elle n’avait aucun pouvoir sur les accusations portées par les agents correctionnels.

[102] Lorsqu’on lui a par la suite demandé d’expliquer plus en détail la façon dont l’accusation avait été portée, l’agente Karish a indiqué qu’elle pensait que la gravité de l’objet interdit était probablement l’élément de preuve le plus important en raison du tort qu’il peut causer dans l’établissement. Elle a déclaré qu’elle et le demandeur avaient conclu des règlements informels dans bien des cas, mais, dans ce cas-là en particulier, compte tenu du fait que le demandeur continuait de nier qu’il avait les comprimés et de la gravité du fait qu’il les distribuait peut‑être, elle a jugé qu’il était nécessaire de porter une accusation contre lui.

[103] Il n’appartient pas à la Cour de remettre en question les conclusions de fait du président indépendant. En gardant à l’esprit le principe selon lequel il n’appartient pas à la Cour d’examiner la preuve comme un tribunal pourrait le faire dans le cas d’un tribunal judiciaire ou d’un contrôle d’une décision d’un tribunal quasi judiciaire, mais que son rôle consiste simplement à déterminer s’il y a effectivement eu manquement à l’obligation générale d’agir équitablement, je suis convaincue que le refus du président indépendant d’appeler Mme Reese‑Bergen était raisonnable. En effet, puisqu’elle n’était pas l’agente ayant porté l’accusation, elle n’avait pas le pouvoir, en vertu de la Directive du commissaire no 580, de conclure un règlement informel. Dans ces circonstances, le refus du président indépendant d’appeler Mme Reese‑Bergen ne contrevenait à aucune obligation d’équité envers le demandeur.

IX. Le président indépendant a‑t‑il omis de tenir l’audience conformément aux principes d’équité et de justice naturelle en refusant de tenir compte de la défense de contrainte du demandeur?

[104] Le demandeur invoque la décision Amos c Canada (Procureur général), 2018 CF 1242 [Amos], pour affirmer que la défense de contrainte en common law existe dans le contexte d’une audience disciplinaire en milieu carcéral.

[105] Je suis d’accord pour dire que cette déclaration est exacte.

[106] Pour déterminer si le demandeur peut se prévaloir de cette défense, le juge Roy, au paragraphe 69 de la décision Amos, a souligné que, comme la Cour suprême l’a affirmé dans l’arrêt R. c Ryan, 2013 CSC 3 « [l]a contrainte est, et doit demeurer, un moyen de défense qui ne peut être invoqué que dans des cas où l’accusé a été forcé de commettre une infraction précise en réplique à des menaces de mort ou de lésions corporelles ».

[107] Il n’y a aucune preuve de menaces de mort ou de lésions corporelles dans le cas du demandeur.

[108] Le demandeur a soutenu qu’il était sous la contrainte, parce que des membres de gangs lui avaient crié de ramasser la ligne de pêche avec les comprimés et qu’il craignait d’être attaqué s’il désobéissait. Il a déclaré qu’il allait être transféré dans un secteur où il allait voir ces membres de gang et qu’il avait donc craint pour sa vie.

[109] Aucune preuve du transfert imminent du demandeur n’a été présentée dans le cadre de la présente demande.

[110] Le demandeur a fait valoir devant le président indépendant que, compte tenu de ces craintes, il avait [traduction] « choisi le moindre de deux maux », ce qui constitue une [traduction] « excuse complète ».

[111] Le président indépendant a conclu que la défense de contrainte ne constituait pas une excuse complète.

[112] Le président indépendant a fait remarquer qu’il ne savait pas avec certitude si quelqu’un criait quelque chose au demandeur, ce qui l’a amené à dire à l’avocat : [traduction] « C’est de ça que vous parlez quand vous parlez de contrainte, n’est‑ce pas? » L’avocat a répondu : [traduction] « Je parle du fait qu’on lui criait à ce moment‑là de prendre ce que nous savons maintenant être le Wellbutrin, oui. Cela soulève donc la défense de la contrainte. »

[113] Le président indépendant a conclu que la défense de contrainte ne s’appliquait pas, parce que le demandeur avait eu l’occasion de dire à l’agente lorsqu’il est entré : [traduction] « ils m’ont crié après, je l’ai ramassé et le voici ».

[114] Dans l’arrêt L’Espérance c Canada (Procureur général), 2016 CAF 306 [L’Espérance], la Cour d’appel fédérale a souligné que le président indépendant avait conclu que le demandeur dans cette affaire ne satisfaisait pas au troisième volet de la défense de contrainte, parce qu’il aurait pu demander une protection en parlant à un agent, et que, « [u]ne fois cette conclusion tirée, le président indépendant n’avait plus à poursuivre son analyse pour considérer les trois derniers éléments de la défense de contrainte. On ne saurait lui reprocher cette omission. Il était par ailleurs convaincu, hors de tout doute raisonnable, que l’intimé avait commis l’infraction reprochée. Ainsi, il n’y a pas lieu pour notre Cour d’intervenir » : L’Espérance, au para 12.

[115] En l’espèce, le président indépendant a également conclu que le demandeur aurait pu expliquer à un agent, le jour de l’incident, qu’il avait fait l’objet de pressions exercées par les membres d’un gang, mais qu’il ne l’a pas fait. Le président indépendant a accepté le témoignage des agents sur ce point, ce qui était raisonnable. Le président indépendant s’est également dit préoccupé par le fait que le récit et les arguments du demandeur ne concordaient pas. Par conséquent, le président indépendant était convaincu hors de tout doute raisonnable que le demandeur avait commis l’infraction alléguée.

X. Résumé

[116] Il n’y a eu aucun manquement à l’équité procédurale dans la communication des renseignements au demandeur. L’établissement a fourni de façon appropriée les éléments de preuve dont le décideur devait tenir compte dans la prise de décision.

[117] Le président indépendant a relevé plusieurs questions concernant des incohérences dans le témoignage du demandeur et a accepté le témoignage de l’agente sur les points contestés. Puisque le président indépendant a conclu que le demandeur aurait pu informer les agents des menaces pour échapper à la contrainte dont il allègue avoir été victime, la décision du président indépendant selon laquelle la défense de contrainte n’a pas été établie était raisonnable.

XI. Conclusion

[118] D’après mon examen de la transcription, compte tenu des principes applicables aux audiences disciplinaires ainsi que des observations des parties, et compte tenu des commentaires du président indépendant concernant les incohérences dans le récit du demandeur, j’estime que la décision contestée était raisonnable et équitable sur le plan procédural pour le demandeur.

[119] La demande est rejetée. Le défendeur réclame les dépens et, en tant que partie ayant gain de cause, il y a droit.


JUGEMENT dans le dossier T‑820‑19

LA COUR STATUE :

  1. La présente demande est rejetée.

  2. Les dépens sont adjugés au défendeur.

« E. Susan Elliott »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‑820‑19

 

INTITULÉ :

MITCHEL TIMOTHY NOME c PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA (SERVICE CORRECTIONNEL DU CANADA)

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 31 MARS 2021

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE ELLIOTT

 

DATE DES MOTIFS :

LE 18 NOVEMBRE 2021

 

COMPARUTIONS :

Karl Gowenlock

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Meghan Riley

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Kavanagh Law Group

Avocats

Winnipeg (Manitoba)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Procureur général du Canada

Winnipeg (Manitoba)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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