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Date : 20050425

Dossier : T-913-04

Référence : 2005 CF 560

Vancouver (Colombie-Britannique), le lundi 25 avril 2005

En présence de MONSIEUR LE JUGE von FINCKENSTEIN

ENTRE :

                                                      HARVEY DOUGLAS DICK

                                                                                                                                          demandeur

                                                                             et

                                                   L'AGENCE DES DOUANES ET

     DU REVENU DU CANADA

                                                                                                                                      défenderesse

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE


[1]                Le demandeur est un retraité de 72 ans. Il une longue histoire d'alcoolisme qui a débuté alors qu'il était dans la trentaine et a développé une dépendance aux médicaments d'ordonnance. À de nombreuses occasions au cours de sa vie il a cherché de l'aide du côté des médecins et des thérapeutes. Plusieurs de ces médecins et thérapeutes ont écrit des lettres à l'Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC) en son nom décrivant son combat contre ses dépendances et ses efforts pour mettre de l'ordre dans sa vie. Ils font ressortir que la dépendance aux médicaments d'ordonnance et à l'alcool est une « maladie grave ou un accident » suivant l'article 5 des Lignes directrices concernant l'annulation des intérêts et des pénalités (No IC 92-2) (le Dossier Équité). Son médecin de famille craint même qu'il attente à sa vie en raison de sa condition psychiatrique et de sa situation financière.

[2]                Le demandeur doit au total 48 224,48 $ y compris les pénalités pour production tardive pour les années d'imposition 1995, 1997, 1998 et 2000. Il n'a produit ses déclarations de revenus pour les années 1995, 1997 et 1998 que suite aux demandes en ce sens de l'ADRC et n'a pas versé les impôts en souffrance pour ces mêmes années. Il a par le passé manqué à ses obligations fiscales à maintes occasions.

[3]                Le demandeur a gagné un revenu brut de 47 500 $ en 1995, 35 000 $ en 1997, 42 000 $ en 1998 et de 52 500 $ en 2000. En 2003, il a rempli une déclaration de revenu mensuel et de dépense à la demande de l'ADRC qui faisait état d'un actif total de 180 538 $, y compris des actions et obligations d'une valeur de 16 500 $ et un REER d'une valeur de 10 500 $ de même qu'un appartement dans une coopérative d'habitation d'une valeur de 150 000 $. Le passif total du demandeur y compris ses impôts s'élève à 177 000 $. Un deuxième état de l'actif net faisait état d'un actif de 186 000 $ et d'un passif de 173 000 $.


[4]                Le demandeur a présenté quatre demandes d'équité pour cause de maladie, de difficultés financières (son seul revenu provient du RPC, la SV et le SRG) et de circonstances indépendantes de sa volonté. La décision définitive rendue le 14 avril 2004 par L. Garford de l'ADRC portait que l'agence était fondée de refuser la demande d'annulation des intérêts courus et des pénalités pour cause de difficultés financières. M. Garford a conclu que les éléments soumis ne correspondaient pas au degré de difficulté financière dont il est question dans le Dossier Équité. Il a, entre autre, conclu ce qui suit :

[traduction] Au cours de l'examen approfondi de l'intégralité de votre demande, le Comité de l'équité a déterminé qu'en dépit de votre diagnostic d'abus d'alcool et de médicaments, vous avez pu au cours des années en question gérer vos activités commerciales. Vous avez gagné un revenu de travailleur autonome et cotisé 40 999 $ à un REER entre 1997 et 2000, acquis une propriété foncière vers le début de 2001. Suivant vos observations récentes l'avoir qui se dégage de vos propriétés foncières s'élève à 36 000 $. Ces investissements ont été effectués alors que les impôts étaient en souffrance, ce qui indique donc que vous disposiez de fonds pour satisfaire l'arrérage d'impôt mais que ces fonds ont été utilisés à d'autres fins.

[5]                Les deux parties conviennent que la norme de contrôle judiciaire d'une décision du ministre (pouvoir décisionnel qui a été délégué aux agents de l'ADRC) au titre du Dossier Équité est son caractère manifestement déraisonnable, et que cette décision ne peut être écartée que si elle est entachée de mauvaise foi, si le décideur n'a pas tenu compte de faits pertinents ou a pris en considération des faits qui n'étaient pas pertinents ou encore lorsqu'elle est contraire à la loi (voir Cheng c. Canada, [2001] A.C.F. no 1532; 55 D.T.C. 5575).

[6]                La question devient alors : L'ADRC a-t-elle tiré des conclusions manifestement déraisonnables dans sa décision?

[7]                Le demandeur soutient que :


a)          l'ADRC n'a fait appel à aucune autorité médicale professionnelle ou qualifiée pour évaluer son alcoolisme et sa dépendance aux médicaments d'ordonnance et pour évaluer leurs effets sur sa personne. Il ne peut administrer adéquatement son entreprise en raison de sa maladie chronique;

b)          une partie de son actif n'est pas liquide; il s'agit de titres miniers qui n'ont pratiquement plus aucune valeur et qu'il avait acquis alors qu'il prenait des décisions d'affaire mal avisées en raison de sa maladie;

c)          le montant de sa cotisation à son REER était aussi fondé sur la valeur de ces mêmes titres et l'ADRC a conclu erronément qu'il a pu cotiser 41 000 $ à son REER;

d)          il ne peut réaliser l'avoir de son logement coopératif puisqu'une hypothèque de 111 000 $ le grève toujours;

e)          son seul revenu provient maintenant de sa pension qui est de 12 000 $ par an. Il s'en suit donc qu'il n'a pas d'espoir de rembourser les intérêts courus sur ses arrérages d'impôt.

[8]                Le défendeur prétend :

a)          la décision de renoncer aux intérêts courus sur les arrérages d'impôts d'un contribuable ou à la pénalité est une décision discrétionnaire;

b)          l'annulation des intérêts ou de la pénalité est une option limitée aux circonstances qui sont indépendantes de la volonté du contribuable;   


c)          rien n'indique qu'il y avait des circonstances qui étaient indépendantes de la volonté du demandeur et les retards à produire ses déclarations étaient sûrement dépendants de sa volonté;

d)          le demandeur a par le passé manqué à maintes reprises à ses obligations fiscales, sauf pour les années où il avait droit à un remboursement.

Par conséquent, il ne s'agit pas d'une affaire donnant ouverture à l'exercice du pouvoir discrétionnaire.

[9]                Bien que les considérations que fait valoir le défendeur puissent s'appliquer à la plupart des cas, je note que l'ADRC n'a pas tenu compte de ce qui suit :

i)           le demandeur a 72 ans et, en raison de son alcoolisme chronique et sa dépendance aux médicaments, il est improbable qu'il puisse gagner les sommes dues;

ii)          les intérêts accumulés et la pénalité excèdent largement l'impôt en souffrance;

iii)          à l'audience, le demandeur a dit qu'il pourrait emprunter l'argent à un ami personnel pour payer l'impôt en souffrance, s'il y avait une dispense de pénalité et d'intérêts;   

iv)         l'article 7b) du dossier Équité.

[10]            L'article 7b) du Dossier Équité prévoit :


Lorsqu'un contribuable ne peut conclure une entente de paiement qui serait raisonnable parce que les frais d'intérêts compte pour une partie considérable des versements; dans un tel cas, il faudrait penser renoncer à la totalité ou à une partie des intérêts pour la période où les versements débutent jusqu'à ce que le montant exigible soit payé pourvu que les versements convenus soient effectués à temps.   

[11]            Ces dispositions semblent directement applicables à la présente affaire. Je conclus qu'il était manifestement déraisonnable de la part de l'ADRC de ne pas tenir compte des quatre facteurs mentionnés au paragraphe 9 ci-dessus. Il est bien entendu que l'ADRC pouvait conclure une entente en se fondant sur l'article 7b) du Dossier Équité à la condition que le paiement de l'arrérage d'impôt se fasse parallèlement à la renonciation à la pénalité et aux intérêts;

[12]            Par conséquent, la décision du 14 avril 2004 est annulée et le dossier est renvoyé à l'ADRC pour réexamen à la lumière de ce qui précède.

ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE ce qui suit :

1.          La décision de l'ADRC rendue le 14 avril 2004 est annulée.


2.          Le dossier est renvoyé à l'ADRC pour réexamen par un autre décideur. Ledit réexamen devra spécialement prendre en considération les paragraphes 9 et 10 des motifs de la présente ordonnance.

K. von Finckenstein           

___________________________

Juge                      

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                T-913-04

INTITULÉ DE LA CAUSE :                         HARVEY DOUGLAS DICK

- et -

L'AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA

LIEU DE L'AUDIENCE :                              Vancouver (C.-B.)

DATE DE L'AUDIENCE    :                           21 avril 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE : Le juge von FINCKENSTEIN

DATE :                                                            25 avril 2005

COMPARUTIONS :

Harvey Douglas Dick                                         Personnellement

Patricia Babcock                                               Pour la défenderesse

PROCUREUR AU DOSSIER :

                                  

John H. Sims                                                     Pour la défenderesse

Sous-procureur général du Canada


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