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Date : 20211116


Dossier : IMM-1509-21

Référence : 2021 CF 1243

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 16 novembre 2021

En présence de madame la juge Pallota

ENTRE :

MALKIAT SINGH

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Introduction

[1] M. Malkiat Singh sollicite le contrôle judiciaire de la décision par laquelle un gestionnaire du programme de migration (l’agent) a rejeté sa demande de permis de travail et a conclu qu’il était interdit de territoire au Canada pour fausses déclarations pendant une période cinq ans, au titre de l’alinéa 40(1)a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR].

[2] L’agent a conclu que M. Singh était interdit de territoire au motif qu’il avait omis de divulguer qu’il avait déjà travaillé sans autorisation au Canada et que cette omission constituait une présentation erronée sur un fait important qui aurait pu entraîner une erreur dans l’application de la LIPR.

[3] Sans admettre qu’il a travaillé sans autorisation, M. Singh reconnaît que, compte tenu des renseignements dont il disposait, l’agent pouvait conclure que M. Singh avait fait une fausse déclaration dans sa demande de permis de travail en répondant « Non » à la question « Avez‑vous […] travaillé sans autorisation au Canada? ». Pour cette raison, l’agent pouvait rejeter la demande de permis de travail au motif que M. Singh n’avait pas répondu véridiquement aux questions qui lui étaient été posées, en contravention du paragraphe 16(1) de la LIPR. Toutefois, M. Singh soutient que l’agent a conclu de façon déraisonnable que cette inexactitude équivalait à une présentation erronée sur un fait important au titre de l’alinéa 40(1)a) de la LIPR, de sorte qu’il est maintenant interdit de territoire au Canada pendant cinq ans et qu’il n’a pas le droit de présenter une demande de résidence permanente pendant cette période. De plus, M. Singh fait valoir que l’agent n’a pas adéquatement justifié sa conclusion selon laquelle il avait fait une fausse déclaration.

[4] Pour les motifs exposés ci-après, je conclus que M. Singh n’a pas établi que la décision de l’agent était déraisonnable. En conséquence, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

II. Norme de contrôle

[5] La Cour doit décider si, à la lumière des directives énoncées par la Cour suprême dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov], la décision de l’agent est raisonnable. La norme de la décision raisonnable est une norme de contrôle empreinte de déférence, mais rigoureuse : Vavilov, aux para 12-13, 75 et 85. La cour de révision ne se demande pas quelle décision elle aurait rendue, ne tente pas de prendre en compte l’éventail des conclusions qu’aurait pu tirer le décideur, ne se livre pas à une analyse de novo, et ne cherche pas à déterminer la solution correcte au problème : Vavilov, au para 83. La cour de révision doit plutôt s’intéresser à la décision effectivement rendue par le décideur administratif, et se demander si la décision dans son ensemble est transparente, intelligible et justifiée : Vavilov, aux para 15 et 83. Il ne suffit pas que la décision soit justifiable; elle doit être justifiée par le décideur au moyen de motifs : Vavilov, au para 86. Une décision raisonnable est fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti : Vavilov, au para 85.

III. Analyse

A. La conclusion de l’agent selon laquelle M. Singh a fait une présentation erronée sur un fait important au titre de l’alinéa 40(1)a) de la LIPR était‑elle déraisonnable?

[6] Dans sa demande de permis de travail, M. Singh a répondu ce qui suit :

[traduction]

Êtes-vous resté au‑delà de la validité de votre statut, ou encore avez-vous étudié ou travaillé sans autorisation au Canada? Non

Vous a‑t‑on déjà refusé un visa ou un permis, interdit l’entrée au Canada ou dans un autre pays ou demandé de quitter le territoire canadien ou celui d’un autre pays? Oui

Avez-vous déjà fait une demande pour entrer ou demeurer au Canada? Oui

Si vous avez répondu « Oui » à la question 2a), 2b) ou 2c), veuillez préciser : DEMANDE DE PERMIS DE TRAVAIL REFUSÉE

[7] M. Singh fait valoir que la conclusion de fausses déclarations tirée par l’agent au titre de l’alinéa 40(1)a) de la LIPR était déraisonnable en l’espèce.

[8] Premièrement, dans sa demande de permis de travail, M. Singh a divulgué qu’on lui avait déjà refusé un permis de travail et, selon lui, cette divulgation est liée à son travail sans autorisation puisque sa demande de permis de travail antérieure avait été refusée au motif qu’il avait travaillé sans autorisation. Si l’on examine sa demande globalement, il a peut‑être fait une déclaration erronée, mais il n’a pas fait une fausse déclaration. Si l’agent a conclu à une fausse déclaration, c’est parce M. Singh n’a pas suffisamment expliqué les raisons pour lesquelles sa demande de permis de travail antérieure avait été rejetée.

[9] Deuxièmement, M. Singh soutient que la prétendue fausse déclaration ne pouvait pas influer sur le processus d’approbation du permis de travail et n’aurait pas pu entraîner une erreur dans l’application de la LIPR. Selon lui, le défaut de divulguer qu’une demande antérieure a été rejetée ne saurait constituer une fausse déclaration si l’agent avait à sa disposition les motifs de rejet : Karunaratna c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 CF 421 au para 16 [Karunaratna]. De plus, il allègue que les renseignements divulgués étaient liés aux renseignements omis, et que l’omission n’a pas exclu ou écarté d’autres enquêtes : Alves c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2021 CF 716 au para 21 [Alves]. Selon M. Singh, les circonstances entourant sa demande sont analogues à celles de ces deux affaires. Il plaide que le fait d’avoir divulgué que sa demande de permis de travail avait été refusée a donné lieu à toutes les enquêtes nécessaires, et a mené directement au motif du rejet, soit qu’il avait travaillé sans autorisation.

[10] Le défendeur soutient qu’un étranger est interdit de territoire pour fausses déclarations s’il fait, « directement ou indirectement, […] une présentation erronée sur un fait important quant à un objet pertinent, ou un une réticence sur ce fait, qui entraîne ou risque d’entraîner une erreur » dans l’application de la LIPR ou du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS 2002-227 [RIPR] : art 40(1)a) et 2(2) de la LIPR. M. Singh a dissimulé ses antécédents de travail sans autorisation. Ce n’est pas la même chose que divulguer le rejet d’une demande de permis antérieure sans donner de détails, qui ne sert pas à neutraliser l’omission. Selon le défendeur, il ne fait aucun doute que l’omission était importante étant donné le lien étroit entre la pertinence du renseignement omis et le permis de travail demandé par M. Singh. Qu’il soit mis au jour ou non, un mensonge peut entraîner une erreur puisqu’il est susceptible d’empêcher la tenue d’enquêtes pertinentes – l’agent pourrait par exemple commettre une erreur dans son examen de la question de savoir si, compte tenu de ses antécédents de non‑conformité, M. Singh respecterait les conditions du permis de travail qui lui est accordé. Permettre au demandeur de tirer parti du fait que le mensonge a été mis au jour aurait pour effet de renverser le fardeau qui lui incombe de présenter une demande contenant des renseignements véridiques et encouragerait les abus : Kazzi c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2017 CF 153 aux para 38-39 [Kazzi].

[11] Tout d’abord, je ne suis pas convaincue par l’argument de M. Singh selon lequel son omission n’était rien de plus qu’un défaut de fournir des explications suffisamment détaillées à propos d’une demande de permis de travail refusée qui, elle, avait été divulguée. Comme le souligne le défendeur, certains faits importants à propos des antécédents d’immigration de M. Singh doivent être pris en compte.

[12] M. Singh était au Canada grâce à des visas de travail et de visiteur depuis 2016. Après l’expiration de son visa de travail, en janvier 2020, il a obtenu un visa de visiteur qui était conditionnel à ce qu’il ne travaille pas sans autorisation. En février 2020, alors qu’il tentait d’entrer au Canada à titre de visiteur, M. Singh a été interrogé à un point d’entrée se trouvant à Surrey, en Colombie‑Britannique. Il a alors nié avoir travaillé sans autorisation, et ses appareils électroniques ont été fouillés. Un agent de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) a trouvé dans le téléphone mobile de M. Singh des messages textes et des photos qui montraient qu’il avait travaillé en janvier et en février 2020, alors qu’il avait eu l’autorisation d’entrer au Canada, mais pas d’y travailler. Lorsque l’agent de l’ASFC a interrogé M. Singh une deuxième fois, M. Singh a continué de nier qu’il avait travaillé sans autorisation jusqu’à ce qu’on lui montre les messages textes et les photos sur l’écran de son téléphone. M. Singh a ensuite avoué qu’il avait livré deux chargements à Victoria pour une entreprise de transport et qu’il avait déplacé des remorques dans la cour d’une autre entreprise.

[13] M. Singh s’est fait offrir une « autorisation de quitter » sans qu’il soit interdit de territoire. Il a été avisé de ne pas demander de permis de travail pendant six mois. M. Singh a quitté le Canada le 25 février 2020.

[14] Selon les notes du Système mondial de gestion des cas (SMGC), le premier agent d’immigration qui a examiné la demande de permis de travail en cause dans la présente instance craignait que le [traduction] « [demandeur] n’ait pas dit la vérité au sujet de son emploi et de ses antécédents d’immigration au Canada ». L’agent a envoyé une lettre d’équité procédurale informant M. Singh qu’il pourrait être interdit de territoire pour fausses déclarations au titre de l’alinéa 40(1)a) de la LIPR : 1) pour ne pas avoir déclaré qu’il avait travaillé sans autorisation au Canada en janvier et en février 2020, et 2) pour ne pas avoir déclaré qu’il avait obtenu une autorisation de quitter le pays le 8 février 2020, parce que l’agent de l’ASFC se doutait qu’il avait travaillé sans autorisation au Canada.

[15] Dans sa réponse à cette lettre, M. Singh a dit avoir répondu « Non » à la question sur le travail sans autorisation parce qu’il ne travaillait pour l’entreprise de transport en janvier et en février 2020 et qu’il avait seulement reçu une prime pour avoir recommandé un aspirant chauffeur à l’entreprise. Il a affirmé que, lorsque l’agent de l’ASFC l’a interrogé à la frontière, il était nerveux et n’avait pas été en mesure d’expliquer sa relation avec l’entreprise de transport, et que [traduction] « l’agent a conclu que j’avais travaillé pour l’entreprise sans autorisation ».

[16] La réponse de M. Singh à la lettre d’équité procédurale a été pleinement prise en considération. Les notes du SMGC indiquent ce qui suit :

[traduction] Le DP [demandeur] a répondu à la lettre d’équité procédurale. Son explication est qu’il était nerveux pendant son entrevue au point d’entrée et il insiste maintenant pour dire qu’il n’a jamais travaillé illégalement au Canada. Les notes prises à l’entrevue au PE sont claires. Le DP a avoué qu’il avait conduit deux fois un camion de l’entreprise Geyer. [Il a dit que] c’était seulement deux fois. Je ne pense pas que le DP puisse revenir sur ses aveux maintenant. Il dit qu’il a répondu « Oui » à la section sur les antécédents au Canada ou les autres pays, mais qu’il n’avait pas donné de détails. Il n’a pas été franc. […]

[17] Je conviens avec le défendeur que la présente affaire se distingue de l’affaire Karunaratna. Dans l’affaire Karunaratna, les demandeurs avaient omis de mentionner dans leur demande de résidence permanente, présentée en 2009, que la demande de visa de résident temporaire (VRT) qu’ils avaient présentée en 2008 avait été refusée. Ils l’avaient cependant mentionnée dans leur demande de VRT présentée en 2009. La Cour a conclu que les demandeurs n’essayaient manifestement pas de cacher cette information : Karunaratna, aux para 16-17. M. Singh a intentionnellement coché la case « Oui » sur sa demande et il a nié avoir travaillé illégalement au Canada. L’agent a raisonnablement rejeté l’explication de M. Singh au motif qu’elle était incompatible avec le compte‑rendu de l’entrevue menée par l’ASFC.

[18] Dans la décision Alves, la Cour a jugé qu’il était difficile de savoir comment l’agent était arrivé à la conclusion que la fausse déclaration était importante, et que la preuve ne permettait pas à l’agent de tirer cette conclusion. Mme Alves avait divulgué l’essentiel de ses antécédents défavorables en matière d’immigration. Elle avait répondu « Oui » à la question suivante : « Vous a‑t‑on déjà refusé un visa ou un permis, interdit l’entrée ou demandé de quitter le Canada ou tout autre pays ou territoire? », tout en précisant qu’un visa lui avait été refusé aux États-Unis en 2018 sans mentionner qu’elle avait été renvoyée des États-Unis en 2015. Dans sa réponse à une lettre d’équité procédurale, Mme Alves avait expliqué le lien entre les événements. Elle pensait aussi avoir l’occasion de s’expliquer davantage lors d’une entrevue. Cela est complètement différent de la position adoptée par M. Singh dans sa réponse à la lettre d’équité procédurale, qui a été de nier qu’il avait travaillé au Canada sans autorisation. J’estime qu’en l’espèce, la preuve au dossier justifie la conclusion de l’agent.

[19] Pour ce qui est du deuxième argument de M. Singh, je ne suis pas convaincue que la fausse déclaration qui lui est reprochée n’aurait pas entraîné une erreur dans l’application de la LIPR au motif qu’elle n’influait pas sur le processus d’approbation du permis de travail.

[20] L’étranger qui désire entrer au Canada a une « obligation de franchise » suivant laquelle il doit divulguer tous les faits importants au cours du processus de demande et après la délivrance d’un visa. Il incombe au demandeur de présenter des renseignements exacts à l’appui d’une demande de statut au Canada : Alkhaldi c Canada (Citoyenneté et de l’Immigration), 2019 CF 584 au para 18; Cao c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2017 CF 260 au para 17.

[21] La décision Kazzi rendue par la Cour résume les dix principes directeurs applicables à l’alinéa 40(1)a) de la LIPR. Les cinq derniers sont tout particulièrement pertinents en l’espèce : 6) une fausse déclaration est importante si elle a une incidence sur le processus d’immigration amorcé; 7) une fausse déclaration n’a pas à être décisive ou déterminante pour être importante; 8) un demandeur ne peut tirer parti du fait que la fausse déclaration a été mise au jour par les autorités d’immigration avant l’examen final de la demande; 9) l’analyse de l’importance ne se limite pas à un moment particulier dans le traitement la demande; 10) l’évaluation de la question de savoir si une fausse déclaration risque d’entraîner une erreur dans l’application de la LIPR doit être réalisée en fonction du moment où est faite la fausse déclaration : décision Kazzi, au para 38.

[22] Une demande de permis de travail contient une question directe sur le travail sans autorisation, et la réponse à cette question est un facteur pertinent dont l’agent doit tenir compte. En effet, selon l’alinéa 200(3)e) du RIPR, l’agent doit laisser s’écouler une période de six mois avant de délivrer un permis de travail à l’étranger qui a exercé un emploi au Canada sans autorisation ou n’a pas respecté les conditions de l’autorisation qui lui a été délivrée.

[23] Comme le souligne le défendeur, l’obligation de franchise n’est pas moindre lorsque la fausse déclaration est mise au jour par les agents d’immigration avant la décision finale. Il serait contraire à l’objet et aux dispositions de la LIPR qu’elle le soit : Li c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2018 CF 87 au para 17; voir également Kazzi, au para 38 (point 8, ci‑dessus).

[24] M. Singh soutient essentiellement que l’omission qu’il a faite n’est pas importante puisque l’agent aurait quand même découvert qu’il avait travaillé sans autorisation en enquêtant sur la demande de permis de travail refusée qu’il avait divulguée. À mon avis, cet argument ne peut être retenu pour plusieurs raisons. Premièrement, la demande de permis de travail de M. Singh ne fournissait aucun renseignement sur celle qui a été refusée – aucune date, aucun pays, ni aucun motif n’y sont mentionnés. Dans le dossier qui m’a été soumis, même le lien entre la demande de permis de travail refusée et l’entrevue au point d’entrée n’est pas clair puisque M. Singh tentait alors d’entrer au Canada au moyen d’un visa de visiteur. Ainsi que l’explique le défendeur, M. Singh ne pouvait pas simplement donner des indices qui pouvaient mener aux renseignements pertinents pour ensuite s’appuyer sur le fait qu’ils avaient été trouvés. Deuxièmement, malgré qu’il se soit fait prendre à mentir pendant son entrevue au point d’entrée, qu’on ait fait preuve de clémence à son endroit et qu’il ait eu l’occasion de présenter une demande de permis de travail après une période de six mois, M. Singh n’a pas du tout été franc en remplissant cette demande. En plus d’avoir répondu « Non » à la question « Avez-vous […] travaillé sans autorisation au Canada? », dans une autre partie de sa demande de permis de travail, M. Singh a indiqué qu’il était à Cloverdale, en Colombie-Britannique, en tant que visiteur en janvier et en février 2020, et dans la case où il devait inscrire le nom de son employeur, il a écrit « S.O. ». Troisièmement, dans sa réponse à la lettre d’équité procédurale, M. Singh a maintenu qu’il n’avait pas travaillé sans autorisation et a affirmé que les déclarations qu’il avait faites aux agents au point d’entrée avaient été mal interprétées. Ce qu’avance M. Singh est contraire au principe que le demandeur a une obligation continue de franchise et qu’il doit fournir des renseignements complets, fidèles et véridiques lorsqu’il présente une demande d’entrée au Canada : Kazzi, au para 38.

[25] Pour résumer, M. Singh n’a pas établi que la conclusion de fausses déclarations tirée par l’agent au titre de l’alinéa 40(1)a) de la LIPR était déraisonnable en l’espèce.

B. L’agent a-t-il suffisamment justifié sa décision?

[26] M. Singh fait valoir que les motifs de l’agent consistent en de simples formules types, que voici : [traduction] « Dossier examiné. Le DP a dissimulé des faits importants qui auraient pu induire en erreur l’agent des visas et [l’amener] à approuver sa demande [de permis de travail]. Rejetée, 40L. » M. Singh soutient que l’agent n’explique pas comment les déclarations contenues dans sa demande, considérées dans leur ensemble, auraient pu l’amener à [traduction] « approuver une demande de permis de travail auquel il n’avait pas droit ».

[27] M. Singh soutient que l’agent n’a pas expliqué en quoi l’omission de ces renseignements aurait influé sur le processus. Lorsqu’un agent tire une conclusion de fausses déclarations, les motifs de sa décision sont insuffisants s’il n’explique pas comment l’omission aurait pu l’amener à ne pas suivre certaines procédures dans le traitement de la demande : Ali c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2021 CF 579 au para 18 [Ali].

[28] Le défendeur soutient qu’il est possible de suivre le raisonnement de l’agent et de comprendre ce qui l’a amené à la conclusion qu’il a tirée : Vavilov, au para 102. Interprétée à la lumière du dossier, qui comprend la demande de permis de travail, les notes du SMGC, la lettre d’équité procédurale et la réponse de M. Singh à cette dernière, la conclusion de l’agent est raisonnable. Je suis d’accord.

[29] Les motifs ne se limitent pas aux prétendues formules « types » et doivent être considérés dans leur contexte. Même si les notes du SMGC contiennent des entrées faites par d’autres agents, ces autres entrées font partie du contexte de la décision : Rahman c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2016 CF 793 au para 19 [Rahman]; Thedchanamoorthy c Canada (Citoyenneté et de l’Immigration), 2018 CF 690 au para 17; Rabbani c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 257 au para 35. L’agent qui a tiré la conclusion de fausses déclarations au titre de l’alinéa 40(1)a) de la LIPR a examiné le dossier. Le dossier comprend entre autres l’entrée du SMGC reproduite ci‑dessus, à propos de la réponse de M. Singh à la lettre d’équité procédurale dans laquelle il maintenait qu’il n’avait pas travaillé illégalement au Canada, ce qui s’est révélé faux.

[30] À mon avis, la décision Ali n’aide aucunement M. Singh. Dans cette affaire, le demandeur avait répondu véridiquement aux questions suivantes : « Vous a-t-on déjà refusé un visa ou un permis, interdit l’entrée ou demandé de quitter tout autre pays ou territoire? », et « Avez‑vous déjà commis, été arrêté, accusé ou reconnu coupable d’une infraction pénale quelconque dans un pays ou un territoire? », et il avait joint à sa demande un avis juridique qui traitait de la deuxième question : Ali, aux para 3-4. M. Ali avait fourni d’autres renseignements dans sa réponse à la lettre d’équité procédurale. La Cour a convenu avec M. Ali que l’agent des visas avait tous les renseignements nécessaires pour mener une enquête complète sur ses antécédents en matière d’immigration. Plus particulièrement, M. Ali avait divulgué ses antécédents en matière pénale et d’immigration, qui reposaient sur les mêmes faits que ceux sur lesquels reposaient les décisions refusant les demandes de dispense de visa qu’il avait présentées aux États-Unis et qu’il n’avait pas divulguées. C’est dans ce contexte que la Cour a conclu qu’il était difficile de savoir quelles mesures ou procédures l’agent aurait suivies s’il avait eu connaissance des renseignements additionnels, et que l’agent n’avait fourni aucune explication à cet égard. La décision n’était pas intelligible et, par conséquent, était déraisonnable : Ali, au para 26.

[31] Je suis d’accord avec le défendeur pour dire que l’affaire Ali se distingue de l’espèce parce que M. Singh n’a pas divulgué l’essentiel de ses antécédents en matière d’immigration. Les renseignements omis par M. Singh n’étaient pas accessoires et n’étaient pas non plus liés directement aux renseignements divulgués. Comme je l’ai mentionné précédemment, je ne vois pas en quoi la divulgation par M. Singh d’une demande de permis refusée est liée à l’entrevue au point d’entrée et au travail sans autorisation en janvier et en février 2020.

[32] Les motifs de l’agent sont brefs, mais ils justifient la décision. Les motifs doivent être interprétés en tenant dûment compte du contexte administratif dans lequel ils sont fournis et en fonction de l’historique et du contexte de l’instance dans laquelle ils ont été rendus : Vavilov, aux para 91 et 94. Lorsqu’elle est interprétée en fonction de l’historique et du contexte de la présente instance, qui ressortent des notes consignées dans le SMGC, de l’entrevue au point d’entrée, de la lettre d’équité procédurale et de la réponse à cette lettre, la décision de l’agent est intelligible, transparente et justifiée.

IV. Conclusion

[33] La décision de l’agent est raisonnable et, par conséquent, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[34] Aucune des parties ne propose de question à certifier. J’estime qu’il n’en y a aucune.


JUGEMENT dans le dossier IMM-1509-21

LA COUR STATUE :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Il n’y a aucune question à certifier.

« Christine M. Pallotta »

Juge

Traduction certifiée conforme

Édith Malo


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-1509-21

 

INTITULÉ :

MALKIAT SINGH c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATON

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 2 SEPTEMBRE 2021

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

LA JUGE PALLOTTA

 

DATE DES MOTIFS :

Le 16 NOvembre 2021

 

COMPARUTIONS :

Steve Meurrens

 

Pour le demandeur

 

Julio Paoletti

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Larlee Rosenberg

Avocats

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

Pour le demandeur

 

Procureur général du Canada

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

Pour le défendeur

 

 

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