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Date : 20050513

Dossier : IMM-1904-04

Référence : 2005 CF 692

Ottawa, Ontario, ce 13ièmejour de mai 2005

Présent :        Monsieur le juge Rouleau

ENTRE :

                                          ANGELICA MARIA GIRALDO ROMERO

                                            CAMILO ANDRES ARCILA GIRALDO

                                                                                                                    partie demanderesse

                                                                            et

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉET DE L'IMMIGRATION

                                                                             

                                                                                                                       partie défenderesse

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision rendue le 20 janvier 2004 par la Section de la protection des réfugiés (tribunal) qui ne reconnaissait pas à Angelica Maria Giraldo Romero (la demanderesse), ni à son enfant Camilo Andres Aricla Giraldo, la qualité de réfugiés au sens de la Convention ni de personnes à protéger selon les articles 96 et 97 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (Loi).


[2]                La demanderesse et son enfant sont nés en Colombie et sont citoyens de ce pays. La demanderesse aurait étudié en biologie de 1996 à 1999 à l'université Del Valle à Cali, pour ensuite travailler pour la pharmacie "Drogas Mas Vida" jusqu'en octobre 1999.

[3]                La demanderesse prétend que, le 15 octobre 1999, en quittant son travail, deux hommes des forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) l'auraient approchée et auraient exigé, sous menaces de mort, sa collaboration afin qu'elle leur procure des produits pharmaceutiques et des médicaments de chez son employeur.

[4]                Ne sachant quoi faire, la demanderesse aurait parlé à son supérieur à la pharmacie et ce dernier lui aurait conseillé de quitter son emploi et sa demeure pour quelques temps.

[5]                Le 23 novembre 1999, la demanderesse quitta donc pour les États-Unis avec son fils et y resta jusqu'à l'expiration de son visa en mai 2000. Peu de temps après son retour en Colombie, elle aurait reçu des nouvelles menaces et serait retournée aux États-Unis avec son fils le 10 septembre 2000 pour une période d'un mois.


[6]                Le 31 décembre 2000, sous l'instance de sa mère et craignant pour sa vie, la demanderesse quitta la Colombie pour les États-Unis une troisième fois, mais sans son enfant. Elle s'est mariée à Alvin Figueroa le 4 mai 2001, pour ensuite le quitter un mois plus tard et divorcer le 26 mars 2002.

[7]                En novembre 2001, la demanderesse aurait amassé assez d'argent pour que son fils la rejoigne aux États-Unis. Elle y demeura jusqu'à la fin septembre 2002 lorsqu'elle quitta pour le Canada et revendiqua l'asile à la frontière.

[8]                Le tribunal n'a pas douté de l'identité de la demanderesse et de son enfant, mais est arrivé à la conclusion que la demanderesse n'était pas crédible et n'avait pas établi qu'il existait réellement une crainte subjective.

[9]                Le tribunal indiqua premièrement que le nom du propriétaire de la pharmacie, M. Nestor Jaime Giraldo Aristesaval, n'apparaissait pas dans son récit et que la demanderesse n'avait pas donné d'explication quant à cette omission. Le tribunal considère qu'il s'agit d'une omission importante.


[10]            Deuxièmement, le tribunal s'est étonné du peu de contact que la demanderesse avait eu avec son patron qu'elle qualifiait aussi d'ami. La demanderesse allègue avoir parlé à M. Giraldo une première fois le 23 novembre 1999 et une deuxième fois en février 2003. Ceci semble surprenant, vu qu'elle est revenue en Colombie à deux reprises entre novembre 1999 et décembre 2000. Le tribunal indique que les menaces faites à M. Giraldo sont étroitement liées à celles faites à la demanderesse et à sa famille. Le fait que cette information ne figure pas à son récit constitue une omission importante qui jette à nouveau des doutes sérieux sur la véracité de ses allégations face aux menaces de la FARC.

[11]            Troisièmement, le tribunal ne croit pas qu'il existe une véritable crainte subjective, vu que la demanderesse a effectué trois séjours aux États-Unis sans y revendiquer le statut de réfugié. De plus, la demanderesse est retournée à plusieurs reprises en Colombie, ce qu'elle n'aurait pas fait si elle craignait réellement pour sa vie. De plus, si elle craignait véritablement pour sa vie et pour celle de son enfant, pourquoi l'a-t-elle laissé en Colombie durant sa troisième visite aux États-Unis? Le tribunal ne peut conclure autrement puisque le comportement de la demanderesse ne reflétait pas ses craintes alléguées de persécution.

[12]            La demanderesse prétend d'abord que si elle devait retourner dans son pays, les membres de la FARC chercheraient à la tuer ainsi que son fils.

[13]            Bien que le tribunal indique que le nom Nestor Jaime Giraldo Aristesaval ne soit pas mentionné dans les formulaires de la demanderesse, elle dit avoir indiqué dans son Formulaire de renseignements personnels (FRP) à la question 41 que son employeur était Drogas Mas Vida et qu'elle avait parlé avec son "immediate superior".

[14]            La demanderesse soutient de plus qu'elle n'a pas eu beaucoup de contact avec M. Giraldo pour des raisons de sécurité, connaissant l'intérêt de la FARC à son égard.

[15]            En ce qui concerne ses nombreux voyages aux États-Unis sans avoir revendiqué l'asile, elle allègue qu'elle ne voulait pas vivre aux États-Unis mais qu'elle voulait retourner dans son pays pour trouver une solution à ses problèmes.

[16]            Relativement au fait de ne pas avoir pris son fils avec elle aux États-Unis lors de son troisième voyage, elle allègue que la FARC n'a pas mentionné son fils et ne savait pas qu'elle avait un enfant.

[17]            Finalement, en ce qui a trait au délai encouru avant de revendiquer son statut de réfugiée, elle dit qu'elle avait trouvé une solution à son problème, soit se marier à un Américain. Mais lorsqu'elle a appris que son nouvel époux voulait divorcer, il était trop tard pour faire une demande d'asile.

[18]            Il s'agit en l'espèce de déterminer si le tribunal a commis une faute manifestement déraisonnable dans son analyse des faits.


[19]            Il a été maintenu à plusieurs reprises, que le retour au pays d'origine d'un réfugié est un facteur dont il faut tenir compte afin d'établir s'il existe une véritable crainte subjective (Diabo v. Canada (Minister of Citizenship and Immigration), [2004] F.C.J. No. 2168; Gavryushenko c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 1209; Ilie c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration.), [1994] A.C.F. no 1758). Dans l'affaire Nasreen c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] A.C.F. no 1376, le juge Cullen indiqua au paragraphe 30:

La conclusion du tribunal que le retour au Pakistan de la demanderesse a miné le caractère justifié de sa crainte est également raisonnable et étayée par la jurisprudence : Huerta c. Canada (MEI) (1993), 157 N.R. 225 (C.A.F.) et Bogus c. Canada (MCI) (1993), 71 F.T.R. 260 (C.F. 1re inst.).

[20]            Or, la demanderesse a quitté la Colombie pour les États-Unis trois fois sans faire aucune demande d'asile et serait volontairement retournée plus d'une fois dans son pays. De plus, les États-Unis sont un pays signataire de la Convention et le défaut de demander protection dans un pays signataire de la Convention peut également être pris en considération (Ilie c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration.), [1994] A.C.F. no 1758; Ali c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1996] A.C.F. no 558; Skretyuk c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] A.C.F. no 783; Handzo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2004] A.C.F. no 1125).


[21]            La demanderesse allègue qu'elle n'a pas revendiqué l'asile aux États-Unis car elle ne voulait pas y vivre, mais voulait plutôt retourner en Colombie pour trouver une solution à ses problèmes. Par contre, tel que le tribunal l'indique, bien qu'elle ait reçu des menaces de mort dès la première rencontre avec FARC, elle est tout de même retournée en Colombie, ce qui rend son comportement incompatible avec celui d'une personne craignant pour sa vie et sa sécurité.

[22]            De plus, le tribunal considère invraisemblable le fait que la demanderesse ait décidé de quitter définitivement la Colombie en décembre 2000 et qu'elle ait choisi de ne pas emmener son fils avec elle. Si elle avait véritablement une crainte raisonnable de persécution pour elle et son fils, elle ne l'aurait pas laissé mais l'aurait certainement emmené avec elle comme lors de ses deux premiers voyages.

[23]            Ses allégations à l'effet que la FARC ne savait pas qu'elle avait un enfant sont douteuses puisqu'il y avait une surveillance constante de la demanderesse et de sa famille, puisque la FARC savait, à quelques jours près, quand la demanderesse revenait de ses voyages aux États-Unis. De plus, durant l'audience devant le tribunal, elle a indiqué qu'elle avait une crainte pour elle et son enfant dès la première rencontre avec FARC:

Q. Et vous avez peur de quoi?

R. Je ne veux pas qu'ils me tuent ou qu'ils tuent mon fils.

Q. Et si je comprends bien, vous vous êtes rendue compte, vous avez eu cette crainte-là au début décembre 2000?

R. Non, ceci a commencé en '99, mi-octobre '99.

Q. Donc, déjà à cette date-là vous aviez peut qu'on vous tue, vous et votre fils?

R. Oui

(Voir le procès-verbal de l'audience du 20 janvier 2004 à la page 10)


[24]            En ce qui a trait au fait que la demanderesse n'avait contacté son ami et employeur Nestor Jaime Giraldo Aristesaval que deux fois depuis octobre 1999, le tribunal a conclu que ceci entachait aussi sa crédibilité puisque les menaces qu'elle et son employeur recevaient était étroitement liées. La décision du tribunal sur ce point n'est pas manifestement déraisonnable étant donné que la personne vers qui la demanderesse s'est tournée pour demander de l'aide était son employeur. De plus, elle a suivi les conseils de son employeur en quittant son emploi et la Colombie pour une période de six mois. Il semblerait logique de contacter son employeur pour s'informer s'il y a eu des menaces ou des rencontres avec les membres de la FARC. Puisque le tribunal a soulevé ce point avec la demanderesse et a reçu des réponses qu'il n'a pas jugées satisfaisantes, il était de son entière discrétion et n'était pas déraisonnable de conclure que le témoignage de la demanderesse sur ce point n'était pas crédible.

[25]            Il est évident que le tribunal a conclu que l'existence de certaines invraisemblances peut porter à confusion. Toutefois, le refus de la part de la présidente d'accepter le dépôt de certains documents lors de l'audience n'est pas pertinent. Il n'y a aucun doute que les conclusions déterminantes du tribunal quant à certaines omissions et contradictions démontrent la rationalité de la conclusion tirée par ce dernier.


                                                                ORDONNANCE

La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

P. Rouleau

      JUGE


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                             AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

                                                                             

DOSSIER :                                       IMM-1904-04              

INTITULÉ:                                       ANGELICA MARIA GIRALDO ROMERO

CAMILO ANDRES ARCILA GIRALDO c. M.C.I.

LIEU DE L'AUDIENCE :               Montréal, Qc

DATE DE L'AUDIENCE :             4 mai 2005

MOTIFS :                                          L'honorable juge Rouleau

DATE DS MOTIFS :                       13 mai 2005

COMPARUTIONS:                       

Me Odette Desjardins                      POUR LES DEMANDEURS

Me Mario Blanchard                        POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Me Odette Desjardins                      POUR LES DEMANDEURS

180 est, boul. René-Lévesque

Bureau 207

Montréal, Qc

Justice Canada                                POUR LE DÉFENDEUR

Complexe Guy-Favreau

200 ouest, boul. René-Lévesque

Tour Est, 5e étage

Montréal, Qc

H2Z 1X4


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