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Date : 20211108


Dossier : IMM‑4157‑20

Référence : 2021 CF 1202

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 8 novembre 2021

En présence de monsieur le juge Gleeson

ENTRE :

AMBAYA MAHAMAT TAHIR

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] Le demandeur, Ambaya Mahamat Tahir, est un citoyen tchadien de 28 ans qui dit craindre d’être persécuté au Tchad en raison de son origine ethnique gorane.

[2] La Section de la protection des réfugiés [la SPR] a conclu que M. Tahir n’avait pas qualité de réfugié au sens de la Convention ni celle de personne à protéger. Dans une décision datée du 14 août 2020, la Section d’appel des réfugiés [la SAR] a confirmé la décision de la SPR et rejeté l’appel.

[3] M. Tahir sollicite maintenant le contrôle judiciaire de la décision de la SAR en vertu de l’article 72 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR]. Il soutient que quatre motifs justifient une intervention de la Cour, à savoir que la SAR (1) a déraisonnablement et inéquitablement refusé d’admettre en preuve de nouveaux documents; (2) a déraisonnablement confirmé les conclusions défavorables de la SPR en matière de crédibilité; (3) a commis une erreur en ne tirant aucune conclusion concernant son origine ethnique, et (4) a déraisonnablement apprécié sa crainte subjective d’être persécuté au Tchad.

[4] Pour sa part, le défendeur affirme que l’instance devant la SAR a été équitable et que la décision est raisonnable.

[5] Comme je l’explique ci‑dessous, je suis convaincu que le traitement par la SAR des nouveaux éléments de preuve du demandeur était équitable et raisonnable. Par contre, je suis persuadé que la SAR a commis des erreurs dans son appréciation de la crédibilité et de la crainte subjective du demandeur, et ces erreurs portent atteinte au caractère raisonnable de sa décision. La demande est donc accueillie.

II. Contexte

[6] M. Tahir allègue que son père est d’origine gorane, mais qu’il a grandi à N’Djamena avec son oncle maternel arabophone. Il ajoute que, de ce fait, il n’a qu’une faible connaissance de la langue gorane.

[7] M. Tahir rapporte qu’en novembre 2016, alors qu’il se rendait dans le nord du Tchad pour y visiter sa famille, il a été soupçonné par les forces gouvernementales de participer aux activités des forces rebelles de cette région. Il affirme qu’il a été détenu et torturé pendant près de deux semaines avant de parvenir à s’évader.

[8] Après sa fuite, M. Tahir, avec l’aide de son oncle, a obtenu un passeport en décembre 2016 et un visa lui permettant de se rendre aux États‑Unis au début de janvier 2017. Il a quitté le Tchad le 15 mars 2017 à destination du Cameroun; de là, il a pris la direction des États‑Unis, où il est arrivé le 27 mars 2017; il est ensuite entré illégalement au Canada le 15 mai 2017 et il a présenté une demande d’asile.

III. La décision de la SPR

[9] Au début de l’audience devant la SPR, M. Tahir a voulu faire admettre en preuve une lettre datée du 26 juin 2017 rédigée par Ali Massar Ali, un ami de son oncle. La SPR a refusé d’admettre la lettre en preuve, invoquant l’article 36 des Règles de la Section de la protection des réfugiés, DORS/2012‑256. Elle a conclu que le demandeur n’avait pas expliqué pourquoi il produisait la lettre en retard, et, en outre, que la valeur probante de celle‑ci était faible.

[10] La SPR était convaincue que M. Tahir était bien un citoyen du Tchad, mais elle a conclu qu’il n’était pas un témoin crédible et que la preuve produite n’établissait pas qu’il était d’origine ethnique gorane. Elle a également conclu que le fait qu’il ait différé son départ du Tchad et son entrée au Canada était incompatible avec une crainte subjective de persécution au Tchad.

[11] Dans l’analyse qui l’a amenée à conclure que M. Tahir n’était pas crédible, la SPR a relevé les incohérences suivantes :

A. M. Tahir a indiqué dans son formulaire Fondement de la demande d’asile [le formulaire FDA] qu’il parle le gorane. Cependant, à l’audience, il a déclaré qu’il ne le parle « pas beaucoup », « pas à 100 % », qu’« un tout petit peu ». En réponse à la demande d’explication de la SPR, M. Tahir a répondu qu’il avait grandi avec son oncle maternel arabophone. La SPR a rejeté cette explication, car elle jugeait qu’il était déraisonnable de la part de M. Tahir de déclarer qu’il parle le gorane dans son formulaire FDA, puis de témoigner ensuite du contraire, alors que, notamment, un message à la page 1 du formulaire FDA avertit que les déclarations fausses ou trompeuses constituent une infraction grave. La SAR a conclu que cette incohérence affectait sérieusement la crédibilité du demandeur.

B. M. Tahir a témoigné qu’il était membre d’une organisation non gouvernementale [l’ONG] et a produit une lettre datée du 20 avril 2018, dans laquelle le coordonnateur de cette ONG a écrit qu’il souhaitait que la demande d’asile de M. Tahir soit approuvée. Toutefois, M. Tahir avait témoigné que les responsables de l’organisme n’étaient pas au courant de son intention de quitter le Tchad.

C. Quand on lui a demandé pourquoi il n’avait pas demandé l’asile aux États‑Unis, M. Tahir a fait état du sentiment anti‑immigration et a affirmé qu’il avait l’intention depuis son départ du Tchad de demander l’asile au Canada. Questionné au sujet du fait qu’il ait tardé à quitter les États‑Unis, M. Tahir a répondu qu’il avait besoin qu’une personne l’accompagne parce qu’il ne connaissait pas le Canada et ne parlait pas anglais. La SPR a rejeté cette explication, car, comme elle l’a souligné, M. Tahir n’en était pas à son premier voyage à l’étranger et il parle français, qui est une langue officielle au Canada.

IV. La décision de la SAR

[12] La SAR a d’abord traité de la demande de M. Tahir visant à faire admettre en preuve un certain nombre de nouveaux documents. Le premier était la lettre du 26 juin 2017 que la SPR avait refusée. La SAR a jugé que cette lettre ayant été soumise à la SPR, elle n’était donc pas une nouvelle preuve selon l’alinéa 3(3)c) des Règles de la Section d’appel des réfugiés, DORS/2012‑257. Elle a souligné que M. Tahir n’avait pas soutenu que la SPR avait commis une erreur en refusant d’admettre la lettre en preuve. Par conséquent, elle n’avait aucun motif de conclure que la SPR avait commis une erreur.

[13] La SAR a ensuite examiné les autres documents constituant la nouvelle preuve. Elle a conclu que deux lettres supplémentaires, quoique postérieures à la décision de la SPR, contenaient des éléments de preuve antérieurs à celle‑ci. M. Tahir n’avait pas établi que la preuve n’était pas normalement accessible ou qu’il était déraisonnable de s’attendre à ce qu’il l’ait présentée devant la SPR. Comme les deux lettres ne satisfaisaient donc pas aux exigences prévues au paragraphe 110(4) de la LIPR, la SAR les a rejetées. Après examen d’un mandat et d’une assignation à comparaître dont les dates étaient postérieures à celle de la décision de la SPR, la SAR a conclu que les documents n’étaient ni dignes de foi ni fiables, et elle les a rejetés sur ce fondement.

[14] La SAR a conclu que la crédibilité de M. Tahir était entachée par les incohérences entre son formulaire FDA et son témoignage concernant sa connaissance du gorane, et par les contradictions entre son témoignage et la preuve liée à la lettre de l’ONG.

[15] En outre, la SAR a souligné que, lors de l’entrevue avec les agents des services frontaliers, M. Tahir avait déclaré avoir décidé de ne pas demander l’asile aux États‑Unis parce qu’il s’agissait de démarches difficiles et longues. Elle a conclu que cette déclaration de M. Tahir entrait en contradiction avec son témoignage devant la SPR dans lequel il avait indiqué avoir décidé de présenter une demande d’asile au Canada avant même de quitter le Tchad. Elle a ensuite pris en considération le fait que M. Tahir a tardé à quitter le Tchad et les États‑Unis. Elle a rejeté les explications concernant ces délais, car elle les jugeait déraisonnables. Elle a aussi souligné que les renseignements sur le visa américain de M. Tahir entraient en contradiction avec l’argument de ce dernier selon lequel il ne risquait pas d’être renvoyé des États‑Unis avant son entrée au Canada. Elle a fait remarquer que, d’après la date d’expiration figurant sur le visa, celui‑ci avait expiré le 2 avril 2017, soit bien avant le départ de M. Tahir des États‑Unis, le 14 mai 2017.

V. La norme de contrôle

[16] La norme de contrôle n’est pas contestée. L’appréciation de la preuve et les conclusions de la SAR en matière de crédibilité sont susceptibles de contrôle selon la norme de la décision raisonnable (Canada (Procureur général) c Vavilov, 2019 CSC 65 au para 30 [Vavilov]).

[17] Pour juger du caractère raisonnable d’une décision, les cours de révision ne doivent pas soupeser ou apprécier à nouveau la preuve. La cour de révision effectuant un contrôle selon la norme de la décision raisonnable doit centrer son attention sur la décision même qu’a rendue le décideur administratif, notamment sur sa justification. Lorsqu’elle applique la norme de contrôle de la décision raisonnable, elle ne se demande pas quelle décision elle aurait rendue à la place du décideur administratif, ne tente pas de prendre en compte l’éventail des conclusions qu’aurait pu tirer le décideur, ne se livre pas à une analyse de novo, et ne cherche pas à déterminer la solution correcte au problème. Elle n’est plutôt appelée qu’à décider du caractère raisonnable de la décision rendue par le décideur administratif – ce qui inclut à la fois le raisonnement suivi et le résultat obtenu (Vavilov aux para 83 et 125).

VI. Analyse

A. La SAR n’a pas commis d’erreur dans son traitement de la nouvelle preuve

[18] En l’espèce, M. Tahir soutient qu’en n’admettant pas en preuve la lettre du 26 juin, la SPR a commis une erreur, et ce, parce qu’il avait expliqué à celle‑ci pourquoi il avait tardé à la produire et qu’elle n’avait pas fait de recherches plus approfondies pour confirmer les circonstances. Il est soutenu que la SAR a commis une erreur en ne prenant pas conscience de ces problèmes, alors qu’elle était tenue de procéder à une appréciation indépendante de la question.

[19] Bien que les observations de M. Tahir concernant la décision de la SPR puissent être fondées, elles n’ont pas été présentées à la SAR. M. Tahir a plutôt demandé à la SAR d’admettre en preuve le document au motif qu’il s’agissait d’un nouvel élément. La SAR a examiné la question soulevée, puis elle a jugé qu’il ne s’agissait pas d’un nouvel élément de preuve et, faute d’observations contraires, que rien ne lui permettait de conclure que la SPR avait commis une erreur en refusant d’admettre la lettre en preuve. Il était raisonnable de la part de la SAR de tirer cette conclusion étayée par des motifs justifiés, transparents et intelligibles.

[20] Il était également raisonnable de la part de la SAR de rejeter le mandat et l’assignation à comparaître. La SAR a relevé les lacunes dans les deux documents ainsi que des incohérences entre les documents et la preuve, et elle a clairement exposé le fondement factuel qui lui permettait de conclure qu’il était peu probable que le gouvernement ait délivré une assignation à comparaître dans le but de retrouver une personne qui s’était échappée de son lieu de détention. L’argument selon lequel les préoccupations de la SAR à l’égard de la fiabilité ou de l’authenticité du mandat et de l’assignation à comparaître l’obligeaient à tenir une audience témoigne d’une mauvaise interprétation du paragraphe 110(6) de la LIPR. Comme l’a conclu le juge Shirzad Ahmed dans la décision AB c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 61, la SAR n’a pas l’obligation de tenir une audience pour apprécier la fiabilité d’un nouvel élément de preuve :

[17] Compte tenu de la jurisprudence, les demandeurs ont présenté une conception erronée de l’application des paragraphes 110(4) et 110(6) de la LIPR. Rien n’oblige la SAR à tenir une audience pour évaluer la crédibilité d’un nouvel élément de preuve; c’est lorsqu’une preuve par ailleurs crédible et admise soulève une préoccupation importante quant à la crédibilité générale du demandeur qu’il devient pertinent de tenir une audience. Une « conclusion concernant la crédibilité » relativement à l’admissibilité d’un nouvel élément de preuve n’équivaut pas à une appréciation de la crédibilité des demandeurs.

[21] Les préoccupations de la SAR à l’égard de l’authenticité du mandat et de l’assignation à comparaître ne l’obligeaient pas à tenir une audience.

[22] La conclusion de la SAR selon laquelle la lettre du 22 août 2019 ne contenait aucun élément de preuve qui satisfaisait à l’exigence prévue au paragraphe 110(4) de la LIPR était également raisonnable. L’argument selon lequel la lettre constituait un nouvel élément de preuve admissible parce qu’elle traitait de l’origine ethnique de M. Tahir et que la SPR avait conclu que M. Tahir n’avait pas établi son origine ethnique est sans fondement.

[23] L’origine ethnique de M. Tahir était au cœur de sa demande d’asile et en cause devant la SPR. M. Tahir devait alors présenter ses meilleurs éléments de preuve. Ne l’ayant pas fait, il ne pouvait pas produire de meilleurs éléments de preuve devant la SAR. Le paragraphe 110(4) de la LIPR indique clairement que seuls des éléments de preuve survenus depuis le rejet d’une demande ou qui n’étaient alors pas normalement accessibles ou, s’ils l’étaient, que le demandeur d’asile n’aurait pas normalement présentés, dans les circonstances, au moment du rejet, peuvent être admis en preuve devant la SAR. Qu’il soit fait mention du mandat et de l’assignation à comparaître dans la lettre ne rend pas celle‑ci admissible en preuve, et d’autant moins si la SAR a raisonnablement conclu que ces documents n’étaient ni dignes de foi ni fiables.

B. Les conclusions de la SAR sont déraisonnables

[24] La SAR, en reprenant à son compte les conclusions de la SPR en matière de crédibilité, n’a pas analysé les observations présentées par M. Tahir en appel. Par exemple, pour contester la conclusion défavorable de la SPR en matière de crédibilité découlant de sa connaissance du gorane, M. Tahir a présenté des observations selon lesquelles la langue n’est pas le seul élément qui détermine l’origine ethnique au Tchad, que celle‑ci est déterminée en fonction de l’origine ethnique du père, et que le père de M. Tahir est né dans le nord du Tchad, où il est demeuré. Lorsqu’elle a repris à son compte la conclusion de la SPR portant que la preuve était contradictoire et que l’explication fournie, selon laquelle M. Tahir avait été élevé par son oncle maternel arabophone, était déraisonnable, la SAR n’a pas ni abordé ni contesté ces observations.

[25] De même, le demandeur a soutenu devant la SAR que la conclusion défavorable de la SPR en matière de crédibilité découlant de ses interactions avec l’ONG reposait sur une interprétation erronée de la preuve qu’il avait produite. Encore là, lorsqu’elle a repris à son compte la conclusion défavorable de la SPR en matière de crédibilité, la SAR n’a ni pris acte ni traité de ces observations.

[26] Par ailleurs, il semble que la SAR ait mal interprété la preuve en ce qui concerne le statut de M. Tahir aux États‑Unis. Elle s’est appuyée sur la conclusion selon laquelle il n’avait aucun statut aux États‑Unis pour juger que ses actes n’étaient pas compatibles avec une crainte subjective d’être persécuté. La preuve documentaire montre que le visa américain de M. Tahir avait expiré le 2 avril 2017, comme l’a souligné la SAR. Par contre, M. Tahir a soutenu devant la SAR que son statut aux États‑Unis était toujours le même au moment de son entrée au Canada. La SAR, en rejetant cette affirmation, n’a pas traité du timbre apposé sur le passeport de M. Tahir qui établit que ce dernier était entré aux États‑Unis le 2 mars 2017. Avec le timbre, la date du 26 septembre 2017 a été inscrite, ce qui donne à penser que M. Tahir ne risquait pas d’être renvoyé des États‑Unis au moment où il est entré au Canada.

[27] Pour qu’une décision reflète les principes de la justification et de la transparence, les motifs du décideur administratif doivent tenir valablement compte des questions et préoccupations centrales soulevées par les parties (Vavilov au para 127). En l’espèce, les motifs de la SAR ne répondent pas à cette exigence. La décision est donc déraisonnable.

[28] Le demandeur soulève d’autres préoccupations concernant le caractère raisonnable et équitable de la décision de la SAR. Compte tenu de mes conclusions ci‑dessus, il ne m’est pas nécessaire de les traiter.

VII. Conclusion

[29] La demande est accueillie. Les parties n’ont pas proposé de question de portée générale aux fins de la certification, et aucune l’affaire n’en soulève aucune.

 


JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM‑4157‑20

LA COUR STATUE que :

1. La demande est accueillie;

2. L’affaire est renvoyée à un autre décideur pour qu’il rende une nouvelle décision;

3. Aucune question n’est certifiée.

(vide)

« Patrick Gleeson »

(vide)

Juge

Traduction certifiée conforme

M. Deslippes


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑4157‑20

 

INTITULÉ :

AMBAYA MAHAMAT TAHIR c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 12 août 2021

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE GLEESON

 

DATE DES MOTIFS :

Le 8 novembre 2021

 

COMPARUTIONS :

Arghavan Gerami

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Yusuf Khan

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Gerami Law Professional Corp.

Avocats

Ottawa (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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