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Date : 20050727

Dossier : IMM-8080-04

Référence : 2005 CF 1038

Toronto (Ontario), le 27 juillet 2005

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE SNIDER

ENTRE :

NEOLINA GOLUBEVA

OLGA GOLUBEVA

demanderesses

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Mme Golubeva Neonila (alias Neonila Golubeva), la demanderesse principale, et sa petite-fille, Olga Golubeva, sont des citoyennes de la Moldavie demandant l'asile en se fondant sur leurs croyances religieuses en tant qu'évangélistes baptistes. Dans une décision datée du 27 août 2004, la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) a décidé que les demanderesses n'étaient ni des réfugiées au sens de la Convention ni des personnes à protéger. Les demanderesses sollicitent le contrôle judiciaire de cette décision.

Les questions en litige

[2]                Les demanderesses soulèvent les questions suivantes :

            1.          La Commission a-t-elle commis une erreur en ne fournissant pas un fondement suffisant à la conclusion selon laquelle les documents soumis n'étaient pas crédibles ni dignes de foi?

            2.          La Commission a-t-elle commis une erreur en n'accordant pas de valeur à un article présenté par les demanderesses, lequel n'avait été traduit qu'en partie?

            3.          La Commission a-t-elle commis une erreur en concluant qu'il était invraisemblable que les demanderesses n'aient pas été victimes de persécution avant 2002?

            4.          La Commission a-t-elle mal interprété le témoignage de la demanderesse principale concernant le moment où elle a commencé à recevoir des appels téléphoniques de menaces?

Analyse

[3]                La décision de la Commission est assujettie à un contrôle selon la norme de la décision manifestement déraisonnable, c'est-à-dire que la décision ne peut être infirmée que si elle n'est nullement étayée par la preuve.

[4]                Les demanderesses ont présenté des éléments de preuve comprenant :

·         des rapports médicaux démontrant des blessures qui auraient pu être compatibles avec des agressions;

·         une lettre de leur Église baptiste locale déclarant qu'elles [traduction] « avaient fait l'objet de persécution de la part des autorités officielles et des couches extrémistes de la population » ;

·         deux paragraphes traduits d'un article de magazine intitulé [traduction] « La vie de la fraternité - Moldavie » où on fait référence à l'opposition, quelquefois [traduction] « effroyablement sauvage » de la part de [traduction] « zélotes » ;

·         deux documents attestant du signalement d'une agression aux autorités.

[5]                Comme le démontre la décision, la Commission a tenu compte de tous ces éléments de preuve. Chaque document est mentionné. Toutefois, les demanderesses soutiennent que les documents qu'elles ont présentés, lorsqu'on les examine dans leur ensemble, étayent leur allégation d'agression de la part d'extrémistes religieux. Toutefois, selon la norme de la décision manifestement déraisonnable, il n'est pas suffisant d'avancer une autre interprétation de la preuve dont disposait la Commission; les demanderesses doivent plutôt me convaincre que la preuve n'étaye pas la conclusion globale tirée par la Commission. Elles ne le font pas.

[6]                La conclusion de principe de la Commission était que les demanderesses n'étaient pas persécutées en Moldavie en raison de leurs croyances religieuses. Si elles ont été agressées, a conclu la Commission, ces agressions ont eu lieu pour des motifs non liés à leurs croyances religieuses. Cette conclusion est-elle étayée par la preuve?

[7]                Pour être visé par la définition de réfugié au sens de la Convention, un demandeur doit convaincre la Commission sur la base tant de l'élément subjectif que de l'élément objectif de sa demande. C'est-à-dire que, en plus de démontrer qu'il craint subjectivement d'être persécuté, un demandeur doit également démontrer qu'il a raison de craindre dans un sens objectif.

a) L'élément subjectif

[8]                En l'espèce, la Commission a soulevé quelques préoccupations au sujet de l'élément subjectif des craintes des demanderesses. Plus particulièrement, la Commission a soulevé une contradiction intrinsèque au sujet de la date à laquelle les appels téléphoniques de menaces ont commencé et elle a conclu qu'il était invraisemblable que les agressions alléguées aient eu lieu en 2003 alors qu'elles participaient aux activités religieuses depuis 1995 sans incident. La Commission a également accordé peu de valeur à la lettre de l'Église locale, laquelle contient l'énoncé général selon lequel les demanderesses étaient persécutées mais sans fournir de détail sur ce qu'était la « persécution » .

[9]                Contrairement aux affirmations des demanderesses, selon mon examen du dossier, je conclus que la Commission pouvait raisonnablement tirer chacune de ces conclusions. Bien que la conclusion quant à la contradiction dans les dates semble relativement mineure et qu'elle puisse être expliquée comme une mauvaise compréhension des questions posées, un examen de la transcription montre qu'on avait donné deux dates différentes concernant le commencement des appels téléphoniques de menaces. Le fait de prendre en compte la contradiction mineure ne constituait pas une erreur de la part de la Commission.

[10]            Lorsqu'elles ont été interrogées par le tribunal sur la raison pour laquelle elles n'avaient pas été victimes de persécution avant 2003, malgré le fait que leurs activités religieuses remontaient à 1995, les demanderesses ont répondu que les problèmes s'étaient aggravés lors de la reprise du pouvoir par les communistes en 2001. Toutefois, les demanderesses concèdent qu'il n'y a aucune preuve documentaire faisant mention, même d'une façon indirecte, d'une escalade de mauvais traitements à l'égard des baptistes sous le récent gouvernement communiste.

[11]            Les demanderesses ont également présenté des rapports médicaux. Bien que ces rapports aient décrit des blessures qui n'étaient pas incompatibles avec des agressions de la nature décrite par les demanderesses, ils ne font pas expressément mention de la cause des blessures. En l'absence de tout autre élément de preuve digne de foi et fiable pour lier ces rapports à l'allégation, la Commission pouvait leur accorder peu de valeur. En outre, en considérant la preuve dans son ensemble, il n'était pas manifestement déraisonnable pour la Commission de se demander si les agressions alléguées avaient eu lieu.

[12]            En ce qui concerne l'élément subjectif, la Commission a en fait conclu que la preuve était insuffisante pour étayer l'histoire des demanderesses selon laquelle elles avaient été agressées en raison de leur religion. La Cour n'a aucun motif pour intervenir relativement à cette conclusion.

b) L'élément objectif

[13]            Le deuxième élément de toute demande d'asile est l'élément objectif. Y a-t-il de la preuve documentaire ou autre pour étayer l'allégation? En l'espèce, la Commission a examiné avec soin la preuve documentaire - tant la preuve présentée par les demanderesses que les documents relatifs à la situation du pays en cause. Elle a conclu que « la prépondérance de la preuve documentaire sur la situation des baptistes en Moldovie ne sout[enait] pas les allégations des demande[resses] » . Cette conclusion est amplement étayée par la preuve documentaire.

[14]            La Commission a rejeté un élément de preuve présenté par les demanderesses, lequel était composé de deux paragraphes tirés d'un article de magazine. La Commission a rejeté cet élément de preuve puisqu'il ne s'agissait que d'une traduction partielle de l'article. Les demanderesses font valoir que la Commission n'a pas accordé une valeur appropriée à cet élément de preuve et qu'elle l'a rejeté sans soulever la préoccupation relative à une traduction partielle et sans donner aux demanderesses la possibilité d'éloigner la préoccupation. Je ne suis pas d'accord. En l'absence d'une traduction complète qui aurait permis à la Commission d'examiner l'extrait dans son contexte approprié, elle pouvait rejeter l'élément de preuve. En outre, la Commission n'était pas tenue de souligner aux demanderesses, avant de rendre sa décision, qu'elle n'accorderait aucune valeur à cet élément de preuve en raison de son inachèvement (Gutkovski c. Canada (Secrétaire d'État), [1995] A.C.F. no 566, aux paragr. 40 à 42).

Conclusion

[15]            En conclusion, la preuve étaye la conclusion de la Commission. La demande sera rejetée. Aucune des parties n'a proposé de question de portée générale en vue de la certification.

ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1.          La demande est rejetée;

2.          Aucune question de portée générale n'est certifiée.

« Judith A. Snider »

Juge

Traduction certifiée conforme

Christian Laroche, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                                 IMM-8080-04

INTITULÉ :                                                                NEOLINA GOLUBEVA et OLGA                                                                                                     GOBULEVA

                                                                                    c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                                          TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                                        LE 26 JUILLET 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                                LA JUGE SNIDER

DATE DES MOTIFS :                                               LE 27 JUILLET 2005

COMPARUTIONS :

Hart A. Kaminker                                                          POUR LES DEMANDERESSES

Robert Bafaro                                                               POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Kranc & Associates                                                      POUR LES DEMANDERESSES

Avocats

Toronto (Ontario)

John H. Sims, c.r.                                                          POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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