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Date : 20211108

Dossier : T‑2041‑14

Référence : 2021 CF 1197

[TRADUCTION FRANÇAISE]

ENTRE :

CITRICOLA SALTENA S.A.

ET

AGRI MONDO INC.

demanderesses

et

MEDITERRANEAN SHIPPING

COMPANY S.A.

défenderesse

MOTIFS DE LA TAXATION

GARNET MORGAN, officier taxateur

I. Contexte

[1] La présente taxation des dépens fait suite au dépôt, par la demanderesse (Agri Mondo Inc.), le 31 mai 2018, d’un avis de désistement mettant fin à son action contre la défenderesse.

[2] La présente taxation des dépens fait également suite au dépôt, par la demanderesse (Citricola Saltena S.A.), le 1er juin 2018, d’un avis de désistement mettant fin à son action contre la défenderesse.

[3] L’article 402 et l’article 412 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106 (les Règles), prévoient ce qui suit concernant les procédures en désistement et les dépens :

402. Dépens lors d’un désistement ou abandon ‑ Sauf ordonnance contraire de la Cour ou entente entre les parties, lorsqu’une action, une demande ou un appel fait l’objet d’un désistement ou qu’une requête est abandonnée, la partie contre laquelle l’action, la demande ou l’appel a été engagé ou la requête présentée a droit aux dépens sans délai. Les dépens peuvent être taxés et le paiement peut en être poursuivi par exécution forcée comme s’ils avaient été adjugés par jugement rendu en faveur de la partie.

[…]

412. Dépens en cas de désistement ‑ Les dépens afférents à une instance qui fait l’objet d’un désistement peuvent être taxés lors du dépôt de l’avis de désistement.

[4] Après mon examen des articles 402 et 412, en l’absence d’une décision de la Cour précisant les détails de l’action abandonnée par les demanderesses, les dépens des défenderesses seront taxés en conformité avec l’article 407 des Règles, qui est libellé ainsi :

407. Tarif B ‑ Sauf ordonnance contraire de la Cour, les dépens partie‑partie sont taxés en conformité avec la colonne III du tableau du tarif B.

[5] Le 14 avril 2021, la défenderesse a présenté une demande de taxation des dépens et déposé un mémoire de frais.

[6] Le 23 avril 2021, les parties ont reçu une directive sur le déroulement de la taxation des dépens et le dépôt des documents supplémentaires. D’après le dossier de la Cour, après la délivrance de cette directive, les parties ont accusé réception de celle‑ci et n’ont déposé aucun autre document. Par conséquent, le seul document déposé par les parties relativement à la présente taxation des dépens est le mémoire de frais que la défenderesse a déposé le 14 avril 2021.

II. Question préliminaire

A. L’absence de document supplémentaire des parties concernant la taxation des dépens.

[7] Comme je l’ai indiqué précédemment dans les présents motifs, le seul document présenté par la défenderesse est le mémoire de frais déposé le 14 avril 2021. Au paragraphe 26 de la décision Carlile c Canada, [1997] ACF no 885, l’officier taxateur a déclaré ce qui suit au sujet de l’absence d’observation pertinente quant à la taxation des dépens :

26. Les officiers taxateurs sont souvent saisis d’une preuve loin d’être complète et doivent, tout en évitant d’imposer aux parties perdantes des frais déraisonnables ou non nécessaires, s’abstenir de pénaliser les parties qui ont gain de cause en refusant de leur accorder une indemnité lorsqu’il est évident que des frais ont effectivement été engagés. Cela signifie que l’officier taxateur doit jouer un rôle subjectif au cours de la taxation. Dans les motifs que j’ai formulés le 2 novembre 1994 dans Youssef Hanna Dableh c. Ontario Hydro, no de greffe T‑422‑90, j’ai cité, à la page 4, une série de motifs de taxation indiquant le raisonnement à suivre en matière de taxation des frais. La décision que j’ai rendue dans l’affaire Dableh a été portée en appel, mais le juge en chef adjoint a rejeté cet appel dans un jugement motivé en date du 7 avril 1995. J’ai examiné les débours réclamés dans les présents mémoires de frais d’une façon compatible avec ces différentes décisions. De plus, à la page 78 de l’ouvrage intitulé Phipson On Evidence, quatorzième édition (Londres : Sweet & Maxwell, 1990), il est mentionné, au paragraphe 4‑38, que [traduction] « la norme de preuve exigée en matière civile est généralement décrite comme le fardeau de la preuve selon la prépondérance des probabilités ». Par conséquent, le déclenchement de la procédure de taxation ne devrait pas se traduire par une hausse de ce fardeau vers un seuil absolu. Si la preuve n’est pas absolue pour le plein montant réclamé et que l’officier taxateur est saisi d’une preuve non contredite, bien qu’infime, indiquant qu’un montant a effectivement été engagé pour le déroulement du litige, il n’aura pas exercé une fonction quasi judiciaire en bonne et due forme en décidant de taxer l’élément à zéro comme seule solution de rechange à l’octroi du plein montant. Les litiges semblables à celui de la présente action ne se déroulent pas uniquement grâce à des dons de charité versés par de tierces parties désintéressées. Selon la prépondérance des probabilités, il serait absurde de n’accorder aucun montant à la taxation.

[8] En outre, les demanderesses n’ont déposé aucun document relatif aux dépens en réponse. L’absence de tels documents de la part des demanderesses a fait en sorte que le mémoire de frais de la défenderesse ne s’est heurté à pratiquement aucune opposition. Dans la décision Dahl c Canada, 2007 CF 192, au paragraphe 2, l’officier taxateur a déclaré ce qui suit au sujet de l’absence d’observation pertinente quant à la taxation des dépens :

2. Effectivement, l’absence d’observations utiles présentées au nom du demandeur, observations qui auraient pu m’aider à définir les points litigieux et à rendre une décision, fait que le mémoire de dépens ne se heurte à aucune opposition. Mon opinion, souvent exprimée dans des cas semblables, c’est que les Règles des Cours fédérales ne prévoient pas qu’un plaideur puisse compter sur le fait qu’un officier taxateur abandonne sa position de neutralité pour devenir le défenseur du plaideur dans la contestation de certains postes d’un mémoire de frais. Cependant, l’officier taxateur ne peut certifier d’éléments illicites, c’est‑à‑dire des postes qui dépassent ce qu’autorisent le jugement et le tarif. J’ai examiné chacun des articles figurant dans le mémoire des dépens de même que les pièces justificatives en tenant compte de ces balises. Certains éléments requièrent mon intervention, compte tenu des paramètres évoqués ci‑dessus et vu qu’il semble y avoir une opposition générale à ce mémoire de dépens.

[9] En plus des décisions Carlile et Dahl, dans l’arrêt Apotex inc. c Merck & Co. Inc., 2008 CAF 371, au paragraphe 14, la Cour a déclaré ce qui suit concernant le fait que les officiers taxateurs disposent de peu de documents pour procéder à la taxation des dépens :

14. Compte tenu de la documentation limitée dont disposent les officiers taxateurs, la question de savoir quelles dépenses sont raisonnables est souvent tranchée sommairement, ce qui laisse forcément aux officiers taxateurs une large marge d’appréciation discrétionnaire. Tout comme les officiers dans d’autres décisions récentes, l’officier taxateur dans une affaire complexe comme celle‑ci, où des sommes très importantes sont en jeu, a pleinement motivé sa décision sur la base d’un examen minutieux de la preuve dont il disposait et des principes généraux du droit applicable.

[10] Me fondant sur les décisions Carlile et Dahl comme lignes directrices, même si je dispose d’une documentation limitée pour taxer les dépens de la défenderesse, en tant qu’officier taxateur, je suis toujours tenu de m’assurer que les frais imposés ne sont pas « déraisonnables ou non nécessaires ». En plus du mémoire de frais de la défenderesse, j’utiliserai le dossier de la Cour, les Règles et toute jurisprudence pertinente pour taxer les dépens de la défenderesse afin de m’assurer qu’ils étaient nécessaires et raisonnables. Cela étant dit, il est important que je répète ce qui a été dit dans l’arrêt Merck afin de souligner que la question de savoir quelles dépenses sont nécessaires et raisonnables « est souvent tranchée sommairement » et « laisse forcément aux officiers taxateurs une large marge d’appréciation discrétionnaire ».

III. Services à taxer

[11] La défenderesse réclame 49 unités (7 350,00 $) pour les services à taxer.

A. Article 7 – Communication de documents, y compris l’établissement de la liste, l’affidavit et leur examen; Article 8 – Préparation d’un interrogatoire, y compris un interrogatoire préalable ou un interrogatoire relatif à un affidavit ou à l’appui d’une exécution forcée; Article 9 – Présence aux interrogatoires, pour chaque heure.

[12] J’ai examiné le mémoire de frais présenté par la défenderesse, de même que le dossier de la Cour, les Règles et la jurisprudence pertinente, et je conclus que les réclamations de la défenderesse au titre des articles 7, 8 et 9 étaient toutes nécessaires pour la présente instance et qu’elles sont raisonnables. Plus précisément, les unités suivantes ont été accordées pour chaque article : dix unités au titre de l’article 7, dix unités au titre de l’article 8 et neuf unités au titre de l’article 9.

[13] Les réclamations restantes au titre des articles 1, 5 et 26 soulèvent certaines questions; chacune d’entre elles sera donc examinée séparément ci‑après.

B. Article 1 – Préparation et dépôt des actes introductifs d’instance, autres que les avis d’appel, et des dossiers de demande.

[14] La défenderesse réclame sept unités pour la [traduction] « [p]réparation et [le] dépôt de sa défense ». Cette réclamation est énumérée dans son mémoire de frais, et les parties n’ont présenté aucune observation concernant ce service à taxer. L’article 1 du tarif B des Règles porte sur la « [p]réparation et [le] dépôt des actes introductifs d’instance, autres que les avis d’appel, et des dossiers de demande », et est prévu pour les services à taxer liés à la préparation et au dépôt des actes de procédure de la partie requérante. Par conséquent, la défense de la défenderesse ne relève pas de cet article. Cela dit, dans l’arrêt Mitchell c Canada, 2003 CAF 386, au paragraphe 12, l’officier taxateur a déclaré ce qui suit concernant l’application positive des dispositions relatives aux dépens :

12. Je conviens avec les appelants que, d’une manière générale, le libellé de l’article 27 ne restreint pas le pouvoir discrétionnaire conféré à l’officier taxateur. En revanche, comme c’est le cas pour d’autres articles des mémoires des dépens, ce pouvoir est entravé par l’existence de motifs relevant de la nécessité raisonnable et des limites afférentes à l’adjudication des dépens. Conformément à l’article 3 des Règles et à l’opinion que j’ai exprimée dans la décision Feherguard Products Ltd. c. Rocky’s of B.C. Leisure Ltd., [1994] A.C.F no 2012 (O.T.) paragraphe 10, selon laquelle « la meilleure manière de déterminer le montant des dépens consiste à adopter dans l’application des dispositions un point de vue positif et non étroit et négatif », l’exercice du pouvoir discrétionnaire devrait faire partie d’un processus raisonné qui permet de régler la question de la taxation de façon équitable pour les deux parties. […]

[15] L’article 2 du Tarif B des Règles vise la « [p]réparation et [le] dépôt de toutes les défenses, réponses, demandes reconventionnelles ou dossiers et documents des intimés ». En me fondant sur l’arrêt Mitchell, je conclus que le fait de taxer la réclamation de la défenderesse concernant sa défense au titre de l’article 2 est une solution de rechange acceptable à une réclamation fondée sur l’article 1, et j’autoriserai une application positive des dispositions relatives aux dépens, plutôt qu’une application stricte. À la suite de mon examen du dossier de la Cour, j’ai confirmé que la défenderesse avait bien rendu le service réclamé pour la défense déposée le 9 janvier 2015. Par conséquent, je conclus que le service exécuté par la défenderesse était nécessaire et qu’il est raisonnable de lui accorder sept unités au titre de l’article 2 pour la défense à l’égard de laquelle la réclamation a d’abord été présentée au titre de l’article 1.

C. Article 5 – Préparation et dépôt d’une requête contestée, y compris les documents et les réponses s’y rapportant.

[16] La défenderesse réclame sept unités pour une [traduction] « requête en radiation qui a été rédigée par ses avocats, mais qui n’a pas été signifiée ni déposée en raison du désistement des demanderesses ». Cette réclamation est énumérée dans son mémoire de frais, et les parties n’ont présenté aucune observation concernant ce service à taxer. En plus de l’article 402 des Règles qui a été cité dans les présents motifs, l’article 370 prévoit ce qui suit concernant l’abandon d’une requête :

370(1) Désistement – La partie qui a présenté une requête peut s’en désister en signifiant et en déposant un avis de désistement, établi selon la formule 370.

(2) Désistement présumé – La partie qui ne se présente pas à l’audition de la requête et qui n’a ni signifié ni déposé un avis de désistement est réputée s’être désistée de sa requête.

[17] Les articles 370 et 402 renvoient au désistement d’une partie requérante. C’est à la suite de l’abandon d’une requête par la partie requérante que la partie intimée a droit aux dépens. Le présent dossier ne concerne pas une telle requête, puisque la partie requérante (la défenderesse) n’a pas abandonné sa requête. Les demanderesses se sont désistées avant que la défenderesse dépose sa requête au greffe de la Cour et que cette dernière ne la traite. Dans la décision Tursunbayev c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2019 CF 457, la Cour a déclaré ce qui suit au paragraphe 39 :

39. Comme le soulignent les défendeurs, à l’exception de l’ordonnance de la Cour du 24 novembre 2016 et de l’ordonnance relative aux dépens supplémentaires du 6 mars 2017, que les défendeurs ont exécutées, mes ordonnances dans cette instance ont établi expressément qu’aucuns dépens n’étaient accordés, ou n’ont simplement pas fait mention des dépens. Cela s’explique par le fait que, dans les cas dont je suis maintenant saisi, le demandeur n’a pas demandé de dépens (par écrit ou de vive voix), de sorte que les dépens ne sont pas une question que l’on m’a demandé d’aborder. D’après ce que je comprends de la jurisprudence de la Cour, je ne peux revenir sur mes ordonnances antérieures qui ne mentionnaient pas les dépens. Dans la décision Sauve c Canada, 2015 CF 181, le juge Barnes a dit ce qui suit à ce sujet :

[5] Je suis aussi préoccupé par les dépens réclamés par les défendeurs en lien avec diverses requêtes qui ont été déposées par l’une ou l’autre partie depuis 2007.

[6] Presque toutes les requêtes présentées au début de la procédure ont été réglées par des ordonnances dans lesquelles il n’y a pas eu d’adjudication des dépens. La Cour n’a pas le pouvoir de revoir ces questions et d’adjuger des dépens alors qu’il n’y a pas eu d’adjudication à l’époque : voir Exeter c Canada, 2013 CAF 134, au paragraphe 14.

[18] Après avoir examiné le mémoire de frais de la défenderesse, le dossier de la Cour, les articles 370 et 402 des Règles ainsi que la jurisprudence mentionnée ci‑dessus, je conclus que, à titre d’officier taxateur, je n’ai pas le pouvoir d’accorder les frais réclamés au titre de l’article 5. La requête de la défenderesse n’a pas été abandonnée par la partie requérante et aucune décision de la Cour n’adjuge de dépens en lien avec cette requête en particulier. De plus, la défenderesse n’a pas présenté de jurisprudence, d’observations et d’éléments de preuve pour appuyer l’adjudication de dépens. Par conséquent, je conclus que la réclamation de la défenderesse concernant la requête en radiation non signifiée et non déposée au titre de l’article 5 doit être rejetée, car elle concerne les faits du dossier en l’espèce.

D. Article 26 – Taxation des frais.

[19] La défenderesse réclame six unités pour la [traduction] « [p]réparation de la taxation des frais ». Cette réclamation est énumérée dans son mémoire de frais, et les parties n’ont présenté aucune observation concernant ce service à taxer. Comme je l’ai indiqué précédemment dans les présents motifs, le seul document déposé par la défenderesse concernant la taxation des frais est le mémoire de frais déposé le 14 avril 2021. Considérant que la défenderesse a seulement déposé un mémoire de frais assorti d’une facture pour la taxation des frais, je conclus que son choix de réclamer six unités est excessif si on effectue une comparaison avec les services exécutés aux fins de la présente taxation des frais. Selon la colonne III du Tarif B des Règles, entre deux et six unités peuvent être accordées au titre de l’article 26. Je conclus qu’il est raisonnable d’accorder trois unités à la défenderesse pour les services exécutés aux fins de la présente taxation.

E. Total accordé pour les services à taxer de la défenderesse.

[20] J’accorde en tout 39 unités pour les services taxables de la défenderesse, pour un montant total de 5 850 $.

IV. Débours

[21] La défenderesse réclame 3 287,60 $ pour les débours.

A. Droits payables au moment de la délivrance – Défense

[22] La défenderesse réclame 150 $ pour la délivrance de sa défense. Cette réclamation est énumérée dans son mémoire de frais et les parties n’ont présenté aucune observation concernant ce débours. D’après mon examen du dossier de la Cour, le greffe a déposé la défense le 9 janvier 2015. Le dossier montre également qu’aucuns frais n’ont été facturés par le greffe pour le dépôt et la délivrance de la défense, car elle ne comportait pas de demande reconventionnelle ou de mise en cause d’un tiers, ce qui aurait nécessité que le greffe perçoive des frais conformément au Tarif A des Règles. Étant donné les faits susmentionnés concernant le dossier en l’espèce, je conclus que les frais de 150 $ demandés pour le dépôt et la délivrance de la défense doivent être rejetés, car le dossier de la Cour n’indique pas que le greffe a facturé des frais à la défenderesse pour ce document.

B. Facture de Captain Ivan I. Coric Maritime Inc.

[23] La défenderesse réclame 1 463,60 $ pour les services d’expert de Captain Ivan I. Coric Maritime Inc., l’entreprise qui a arrimé la cargaison. Ces services sont énumérés dans son mémoire de frais. Les parties n’ont présenté aucune observation concernant cette réclamation, mais la défenderesse a déposé une facture datée du 6 juillet 2013 pour ces dépenses. D’après mon examen du dossier de la Cour, cette facture date d’avant la déclaration que les demanderesses ont déposée le 30 septembre 2014. Cela étant dit, le dossier montre également que la facture pour les services d’arrimage est directement liée à l’action des demanderesses. Considérant les faits susmentionnés du dossier en l’espèce, je conclus que les frais d’arrimage étaient nécessaires et qu’il est raisonnable d’autoriser la réclamation de 1 463,60 $ pour ces frais.

C. L’absence de preuve concernant les frais suivants : recherche en ligne, copies, appels interurbains, télécopies, services de messagerie, cahiers.

[24] La défenderesse n’a pas déposé de facture à l’appui et les parties n’ont pas présenté d’observation pour les frais suivants : recherche en ligne (650 $), copies (594 $), appels interurbains (150 $), télécopies (125 $), services de messagerie (75 $) et cahiers (80 $). Le paragraphe 1(4) du Tarif B des Règles prévoit ce qui suit concernant les débours et les preuves :

1.(4) À l’exception des droits payés au greffe, aucun débours n’est taxé ou accepté aux termes du présent tarif à moins qu’il ne soit raisonnable et que la preuve qu’il a été engagé par la partie ou est payable par elle n’est fournie par affidavit ou par l’avocat qui comparaît à la taxation.

[25] En plus de l’obligation de fournir une preuve énoncée au paragraphe 1(4) du Tarif B des Règles, dans la décision Teledyne Industries, Inc. et al v Lido Industrial Products Ltd., [1981] FCJ no. 1149, au paragraphe 23, la Cour a déclaré ce qui suit concernant les reçus :

[traduction]
23. Lors de la taxation d’un mémoire de frais partie‑partie, il est erroné en principe d’accepter ce mémoire sans se poser de question sur la pertinence des débours. Il devrait plutôt faire l’objet d’un examen : vide IBM v. Xerox, précité, à la p 186. Bien entendu, tous les débours, même ceux engagés de manière appropriée, doivent être prouvés à la satisfaction de l’officier taxateur. Cela ne veut pas dire que tous les éléments de dépense doivent être rigoureusement étayés par un reçu de la part du bénéficiaire. Il existe d’autres moyens de prouver qu’une facture a été payée. À mon avis, le protonotaire était parfaitement en droit d’accorder ces frais, car ils ont de toute évidence été engagés en lien avec les divers interrogatoires préalables, de manière appropriée de surcroît. La somme totale est donc taxable.

[26] Selon les décisions Teledyne et Carlile (précitées), même si la défenderesse n’a pas présenté d’élément de preuve concernant les débours susmentionnés, en tant qu’officier taxateur, je suis tenu d’évaluer la totalité des dépens de la défenderesse. Comme je l’ai mentionné précédemment dans les présents motifs, en plus du mémoire de frais de la défenderesse, j’utiliserai le dossier de la Cour, les Règles et toute jurisprudence pertinente pour évaluer les dépens à accorder à la défenderesse pour les débours susmentionnés. Cela étant dit, je répète à nouveau ce qui a été dit dans l’arrêt Merck (précité) afin de souligner que la question de savoir quelles dépenses sont nécessaires et raisonnables « est souvent tranchée sommairement » et « laisse forcément aux officiers taxateurs une large marge d’appréciation discrétionnaire ».

(1) Copies

[27] La défenderesse réclame 594 $ pour les copies faites, comme il est énoncé dans son mémoire de frais. Dans la décision Inverhuron & District Ratepayers Assn. c Canada, 2001 CFPI 410, aux paragraphes 60 et 61, l’officier taxateur a déclaré ce qui suit au sujet des réclamations pour les photocopies :

60. Les défendeurs ont présenté des réclamations pour des photocopies faites au cabinet d’avocats. La preuve produite à l’appui de ces demandes est faible. Elle n’indique aucunement comment ils en sont arrivés au tarif de 0,25 $ la feuille. À l’audience, il a été suggéré que cela était la [traduction] « norme habituelle pour la Cour ». Ce tarif est généralement accepté par les officiers taxateurs de la Cour fédérale, mais je ne suis pas disposée à concéder qu’il s’agit là des frais véritablement engagés par le cabinet d’avocats pour des photocopies faites à leurs bureaux.

61. L’extrait suivant de la décision du juge Teitelbaum dans Diversified Products Corp. et al c. Tye‑Sil Corp., 34 C.P.R. (3d) 267, appuie mon raisonnement sur le coût réel des photocopies :

Les photocopies ne constituent un débours admissible que si elles sont essentielles à la conduite de l’action. Elles visent à défrayer le plaideur du coût réel de la photocopie. Les frais de 25 cents la feuille réclamés par le cabinet de l’avocat des demanderesses constituent des frais arbitraires et ils ne correspondent pas au coût réel de la photocopie. Les activités d'un cabinet d'avocats ne consistent pas à réaliser un bénéfice sur ses photocopieurs. Le cabinet d’avocats doit faire payer le coût réel et il incombe à celui qui réclame ces débours de convaincre l’officier taxateur du coût réel des photocopies essentielles.

[28] Me fondant sur la décision Inverhuron comme ligne directrice, je constate qu’il incombe à la défenderesse de fournir des détails sur le coût réel des photocopies, par exemple une facture d’un client indiquant combien coûtaient les photocopies. De plus, la défenderesse n’a pas indiqué si les copies avaient été préparées à l’interne ou demandées auprès d’un tiers, car le montant par page peut varier selon ce facteur. J’ai examiné le dossier de la Cour pour tenter de déterminer un montant raisonnable à accorder au titre des dépens, en utilisant les décisions Dahl, Carlile et Merck (précitées) comme lignes directrices. Lors de mon examen, j’ai pris en compte la taille et le nombre de documents qui devaient être préparés pour le greffe et les parties. Après avoir examiné le dossier de la Cour et la jurisprudence susmentionnée, je conclus que la réclamation de la défenderesse pour les copies était nécessaire et qu’il est raisonnable de lui accorder 300 $ pour ce débours.

(2) Appels interurbains, télécopies, services de messagerie, cahiers

[29] La défenderesse réclame 150 $ pour les appels interurbains, 125 $ pour les télécopies, 75 $ pour les services de messagerie et 80 $ pour les cahiers. Ces montants sont énumérés dans son mémoire de frais. Toutes les réclamations susmentionnées sont des débours habituels dans les litiges et, d’après mon examen du dossier de la Cour, elles sont toutes plausibles en l’espèce vu la distance géographique entre les parties et les divers documents qui ont été préparés par la défenderesse. Cela étant dit, les réclamations pour ces débours ne semblent pas correspondre aux montants réels précis. Utilisant les décisions Dahl, Carlile et Merck (précitées) comme lignes directrices, je conclus que ces débours étaient nécessaires et qu’il est raisonnable d’accorder 100 $ pour les appels interurbains, 83 $ pour les télécopies, 50 $ pour les services de messagerie et 53 $ pour les cahiers.

(3) Recherche en ligne

[30] La défenderesse réclame 650 $ pour la recherche en ligne, comme il est énoncé dans son mémoire de frais. Dans la décision Truehope Nutritional Support Limited c Canada (Procureur général), 2013 CF 1153, aux paragraphes 124, 125, 126 et 128, l’officier taxateur a déclaré ce qui suit au sujet des réclamations pour la recherche en ligne :

124. Il semble se dessiner dans la jurisprudence qui a été présentée une tendance vers la limitation ou l’élimination des sommes autorisées pour la recherche en ligne. Même si les tribunaux ont conclu dans certains cas que les frais de recherche en ligne pouvaient être considérés comme un élément des frais généraux et non comme des débours nécessaires qui pouvaient être incorporés à la taxation des dépens partie‑partie, j’estime qu’il existe encore des circonstances où il peut s’agir d’une demande justifiable. Comme il a été conclu dans la décision Aram Systems Ltd c Novatel Inc, précitée, je place les débours relatifs à la recherche juridique sur le même pied que les débours relatifs aux photocopies. Cependant, dans le respect de la décision Janssen Inc. c Teva, précitée, je conclus que la partie qui fait une telle demande doit aussi démontrer que la recherche est pertinente. De plus, étant donné que les frais relatifs à la recherche en ligne peuvent se chiffrer à des montants assez élevés, la justification des frais de recherche juridique en ligne est essentielle.

125. Vu les conclusions qui précèdent et la jurisprudence susmentionnée, j’estime que pour décider si des recherches en ligne sont raisonnables et nécessaires, il faut produire des éléments de preuve relatifs à la pertinence et au caractère nécessaire des recherches en ligne invoquées dans le mémoire de dépens. De plus, étant donné la preuve des défendeurs selon laquelle ces derniers paient un tarif mensuel fixe, il faut démontrer de quelle façon ces frais ont été attribués à la présente affaire et établir que les sommes réclamées dans le mémoire de dépens reflètent des débours réels. Compte tenu de ces exigences, il est important de souligner que malgré l’obligation d’établir une preuve à cet égard, le coût de l’établissement de la preuve des dépenses en matière de recherche sur Internet ne doit pas être supérieur au montant réclamé (voir : Almecon Industries Ltd. c Anchortek Ltd., [2003] ACF no 1649). Compte tenu de ces éléments, je conclus que, dans le cadre de la présente taxation, les défendeurs n’ont pas transmis la preuve requise pour justifier la demande de remboursement des frais liés aux recherches en ligne.

126. En ce qui concerne la pertinence et le caractère nécessaire des recherches en ligne à l’égard desquelles les défendeurs réclament des frais, j’ai pris connaissance de la preuve fournie dans l’affidavit de Tabitha Potts et lors du contre‑interrogatoire de cette dernière, et j’estime qu’il n’existe aucun élément de preuve relatif à la pertinence des recherches en question. En effet, les défendeurs n’ont fourni aucune preuve relative à l’objet des recherches, à la question de savoir si les recherches concernent le contrôle judiciaire ou une requête ou à la question de savoir si elles ont trait à la contestation fondée sur la Charte ou à la radiation d’un affidavit. En contre‑interrogatoire, Mme Potts a été incapable de fournir des éclaircissements sur les recherches qui visaient des requêtes et sur celles qui n’avaient pas trait aux requêtes. En ce qui concerne la preuve du caractère nécessaire des recherches, les défendeurs ont précisé que 20 volumes de leur dossier de demande étaient composés de jurisprudence. Cependant, aucune preuve n’a été présentée au sujet du coût des recherches relatives aux diverses décisions en cause ni sur les recherches en ligne qui portaient sur ces décisions. Il incombe alors à l’officier taxateur de tirer une conclusion sur la pertinence et le caractère nécessaire des recherches selon les dates des recherches. Or, il s’agit d’une tâche impossible. En l’absence de preuve relative à l’objet des recherches, il est impossible de se prononcer sur la pertinence et le caractère nécessaire de telle ou de telle recherche. Il est donc impossible de tirer une conclusion sur la pertinence et le caractère nécessaire des recherches en ligne uniquement à partir du volume de la jurisprudence soumise.

[…]

128. Vu la conclusion que les défendeurs n’ont pas fourni de preuve quant à la pertinence et au caractère nécessaire des recherches ou à la nature et à la répartition du tarif mensuel fixe, les débours des défendeurs relatifs aux recherches en ligne ne sont pas acceptés.

[31] Cela dit, dans l’arrêt Richard Condo c Canada (Procureur général), 2006 CAF 286, au paragraphe 9, l’officier taxateur a déclaré ce qui suit concernant la recherche en ligne :

9. Dans Englander c. Telus Communications Inc., [2004] A.C.F. n° 440 (O.T.), j’ai confirmé que j’accorde habituellement les frais de recherche en ligne. Toutefois, à cette fin, il faut examiner si toutes les recherches, une partie de celles‑ci ou aucune de celles‑ci étaient raisonnablement nécessaires ou étaient dépourvues de pertinence, c’est‑à‑dire que certaines des recherches peuvent conduire à des décisions secondaires ou à des décisions renfermant des mises en garde et qu’il faut tenir compte de l’obligation professionnelle qu’ont les avocats de représenter leurs clients avec diligence et d’aider la Cour de la façon la plus raisonnable qui soit sur tous les aspects du droit susceptibles de toucher l’issue des questions de fond du litige. […]

[32] Après avoir examiné les décisions Truehope et Condo, je conclus que la défenderesse n’a pas satisfait au seuil minimal établi concernant les débours pour que les frais relatifs à ses recherches en ligne lui soient accordés. La jurisprudence susmentionnée prévoit qu’un officier taxateur peut autoriser des réclamations liées à la recherche en ligne, mais la partie requérante doit fournir une preuve de ce débours. La défenderesse n’a pas présenté d’observation ni d’élément de preuve pour étayer cette réclamation, par exemple une facture ou les références documentaires au dossier de la Cour démontrant la recherche en ligne effectuée. Compte tenu des faits susmentionnés dans le présent dossier ainsi que des décisions Truehope et Condo, je conclus que la réclamation de la défenderesse concernant la recherche en ligne doit être rejetée.

D. Total accordé pour les débours de la défenderesse.

[33] Le montant total accordé pour les débours de la défenderesse est de 2 049,60 $.

V. Conclusion

[34] Pour les motifs qui précèdent, le mémoire de frais de la défenderesse est taxé et le montant accordé s’élève à 7 899,60 $, montant que les demanderesses doivent verser à la défenderesse. Un certificat de taxation sera également délivré.

« Garnet Morgan »

Officier taxateur

Toronto (Ontario)

Le 8 novembre 2021

Traduction certifiée conforme

Mélanie Vézina


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‑2041‑14

INTITULÉ :

CITRICOLA SALTENA S.A. ET AGRI MONDO INC. c MEDITERRANEAN SHIPPING COMPANY S.A.

TAXATION FAITE SUR DOSSIER À TORONTO (ONTARIO) SANS COMPARUTION EN PERSONNE DES PARTIES

 

MOTIFS DE LA TAXATION :

GARNET MORGAN, officier taxateur

DATE DES MOTIFS :

Le 8 novembre 2021

OBSERVATIONS ÉCRITES :

A. Barry Oland

POUR LES DEMANDERESSES

Gianni F. De Sua

POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Oland Baxter

Maritime, Transportation & Personal Injury Law

Kelowna (Colombie‑Britannique)

POUR LES DEMANDERESSES

Astell Caza De Sua

Avocats, Barristers, Solicitors and Maritime Attorneys

Montréal (Québec)

POUR LA DÉFENDERESSE

 

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