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Date : 20211105


Dossier : IMM‑3778‑19

Référence : 2021 CF 1187

[TRADUCTION FRANÇAISE]


Ottawa (Ontario), le 5 novembre 2021

En présence de monsieur le juge Pamel

ENTRE :

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

ET DE LA PROTECTION CIVILE

demandeur

et

ISAAC BOAMPONG

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] Le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile [le ministre] demande le contrôle judiciaire de la décision du 17 juin 2019 par laquelle la Section de l’immigration [la SI] a ordonné la mise en liberté du défendeur, Isaac Boampong [M. Boampong], une personne dont les antécédents criminels et en matière d’immigration au Canada sont notables.

[2] Le ministre soutient que la décision de la SI devrait être annulée, d’une part, parce que la commissaire qui l’a rendue a entravé l’exercice de son pouvoir discrétionnaire en se fondant sur la décision d’un autre commissaire de la SI, qui avait libéré M. Boampong cinq ans plus tôt, alors qu’elle n’avait pas en main une copie des motifs de cette décision et, d’autre part parce qu’elle a manqué aux principes de l’équité procédurale en ne permettant pas à la représentante du ministre d’interroger la garante ou la caution proposée ou de présenter des observations concernant les solutions de rechange à la détention.

[3] Le ministre m’a convaincu sur les deux fronts. Par conséquent, et pour les motifs exposés ci‑après, j’accueille la présente demande de contrôle judiciaire et j’annule la décision de la SI.

II. Les faits

[4] M. Boampong est citoyen du Ghana. Il est devenu résident permanent du Canada en 1985. En 1993 et 1994, M. Boampong a été reconnu coupable de sept accusations criminelles, soit deux chefs d’introduction par effraction, un chef de vol qualifié, deux chefs de menaces, un chef de possession de biens volés et un chef de possession d’armes prohibées. Il a été expulsé du Canada sous escorte en 1995 après avoir été déclaré interdit de territoire pour criminalité, et s’est vu interdire de revenir au Canada sans d’abord en avoir obtenu l’autorisation.

[5] Il semble que M. Boampong soit un homme débrouillard et qu’il soit parvenu, en 2002 ou 2003, à entrer aux États‑Unis avec l’aide de passeurs et au moyen de documents frauduleux. Il est rentré au Canada en décembre 2004, une fois de plus, semble‑t‑il, avec l’aide de passeurs et au moyen de documents frauduleux.

[6] Quelque trois ans et demi plus tard, en juin 2008, l’Agence des services frontaliers du Canada [l’ASFC] a appris que M. Boampong avait été arrêté par la police de Montréal pour fraude d’identité. Toutefois, l’ASFC est arrivée sur les lieux trop tard pour éviter que M. Boampong ne soit relâché par la police. Lorsque l’ASFC est allée à sa recherche, il est devenu évident que les adresses que M. Boampong avait fournies à la police étaient également fausses. Quoi qu’il en soit, la police de Montréal a fini par retrouver et arrêter M. Boampong à l’appartement de sa petite amie le 22 août 2008 et l’a placé sous la garde de l’ASFC le 26 août 2008; M. Boampong a immédiatement demandé l’asile.

[7] Lors du contrôle des motifs de détention de M. Boampong le 4 septembre 2008, la SI, tenant compte du fait que celui‑ci venait de présenter une demande d’asile, l’a libéré moyennant le versement d’un cautionnement de 2 000 $ par sa tante, qui s’est portée garante de lui, et sous réserve qu’il se présente régulièrement à l’ASFC et qu’il ne trouble pas l’ordre public et maintienne une bonne conduite.

[8] Le penchant de M. Boampong pour la criminalité s’est poursuivi, tout comme la prise de mesures d’expulsion contre lui : reconnu coupable d’avoir fourni une fausse identité à un policier en juin 2008, il a fait l’objet d’une mesure d’expulsion en février 2009; une autre mesure d’expulsion a suivi en juin 2009 relativement au fait que M. Boampong était revenu au Canada sans autorisation après son renvoi initial au Ghana en 1995; une autre mesure d’expulsion a été prise contre lui en février 2011. En mai 2012, il a été accusé d’agression armée et, en avril 2013, il a été accusé d’une autre infraction à Québec.

[9] En juin 2013, M. Boampong a cessé de se présenter à l’ASFC et, en octobre 2013, un mandat d’arrestation a été lancé contre lui.

[10] Plusieurs mois plus tard, le 1er juin 2014, la demande d’asile de M. Boampong a été rejetée : M. Boampong ayant été jugé interdit de territoire pour grande criminalité, sa demande d’asile était irrecevable. Peu après, l’escouade des gangs de rue de la police de Montréal a arrêté M. Boampong pour manquement aux conditions de sa mise en liberté. Il semble que M. Boampong ait de nouveau tenté de fournir une fausse identité à la police, mais cette fois en vain. Il a été livré à l’ASFC et mis en détention le 3 juin 2014. M. Boampong s’est vu offrir un examen des risques avant renvoi [ERAR] parce qu’il prétendait craindre pour sa vie s’il devait retourner au Ghana.

[11] M. Boampong est demeuré détenu pendant la période où se sont succédé les contrôles des motifs de détention des quarante‑huit heures, des sept jours, du premier mois (juillet) et du deuxième mois (août). Entre autres choses, comme M. Boampong avait manqué aux conditions de sa mise en liberté en cessant de se présenter à l’ASFC en 2013, la SI a conclu que la libération de M. Boampong fondée sur la capacité de la tante d’agir en tant que garante ne constituait plus une solution de rechange appropriée à la détention.

[12] En juillet 2014, M. Boampong a été déclaré coupable de possession de cannabis et de non‑respect d’un engagement. Après avoir purgé sa peine d’emprisonnement de 38 jours, le 22 août 2014, M. Boampong a été libéré par la police de Montréal, renvoyé sous la garde de l’ASFC et mis de nouveau en détention. Pendant qu’il purgeait sa peine d’emprisonnement, M. Boampong a été informé que sa demande d’ERAR avait été rejetée; il n’a pas contesté cette décision par voie de contrôle judiciaire.

[13] Je note que, lors du contrôle des motifs de détention des sept jours dont il a fait l’objet le 29 août 2014, M. Boampong a en fait déclaré qu’il était maintenant prêt à retourner au Ghana. Or, sa tante n’était pas présente à l’audience et il n’y avait personne pour se porter garant de lui afin d’obtenir sa mise en liberté. Il est demeuré en détention.

[14] Toutefois, à la suite du contrôle des motifs de détention qui s’est déroulé le 26 septembre 2014, la SI a libéré M. Boampong [la décision de mise en liberté de 2014]. Le procès‑verbal de l’audience qui transcrit les motifs de la décision du commissaire [les motifs de mise en liberté de 2014] montre que M. Boampong avait discuté des dispositions pour son retour au Ghana avec sa famille et avait signé une demande de titres de voyage. Le commissaire de la SI a tenu compte de la durée de la détention précédente de M. Boampong et de l’incertitude quant au moment où les titres de voyage pour son renvoi seraient obtenus. Le commissaire a également fait remarquer, en ce qui concerne particulièrement la capacité de la tante de M. Boampong d’agir à titre de caution, que M. Boampong ne vivait pas avec sa tante lorsqu’il avait précédemment enfreint les conditions de sa mise en liberté. Maintenant, les conditions de mise en liberté prévoiraient que M. Boampong réside effectivement avec sa tante, un fait qui semble avoir grandement contribué à la décision de mettre M. Boampong en liberté, même si sa tante n’avait pas réussi à faire obstacle à l’inconduite de son neveu et à la violation antérieure des conditions de sa mise en liberté.

[15] Le commissaire de la SI s’est clairement dit d’avis, malgré le risque de fuite que M. Boampong continuait manifestement de présenter, qu’il convenait d’accepter la solution de rechange à la détention compte tenu de la période pendant laquelle il était susceptible de demeurer en détention. Le commissaire a libéré M. Boampong moyennant le versement d’un cautionnement de 3 000 $ par sa tante, et sous réserve qu’il se présente une fois par semaine à l’ASFC et qu’il ne trouble pas l’ordre public et maintienne une bonne conduite. L’ordonnance fixant les conditions de la mise en liberté [l’ordonnance de mise en liberté de 2014] a ainsi été rendue.

[16] En mai 2019, près de cinq ans après sa demande initiale aux autorités ghanéennes, l’ASFC a finalement obtenu un titre de voyage temporaire pour M. Boampong. Ce dernier en a été avisé, et une entrevue préalable au renvoi a été fixée au 13 juin 2019.

[17] Au cours de l’entrevue préalable au renvoi, M. Boampong a été informé qu’il serait renvoyé au Ghana le 24 juin 2019. M. Boampong a déclaré à l’agent de l’ASFC qu’il n’avait pas pris de dispositions pour son renvoi et a répété qu’il craignait d’être kidnappé et tué s’il devait retourner au Ghana, puisqu’il avait failli être tué après son expulsion en 1995. Les notes de l’entrevue soulignent que l’agent de l’ASFC a procédé à l’arrestation de M. Boampong au motif qu’il présentait un plus grand risque de fuite maintenant que son renvoi du Canada était imminent. Lorsque M. Boampong s’est opposé à sa détention du fait qu’il avait respecté les conditions de sa mise en liberté et qu’il s’était présenté volontairement, l’agent de l’ASFC l’a informé que la situation avait changé maintenant que l’ASFC avait un titre de voyage pour lui et que son renvoi était imminent, et que, parce qu’il continuait d’exprimer une crainte de retourner au Ghana, il présentait un risque de fuite.

III. La décision de mise en liberté de 2019

[18] Le contrôle des motifs de détention des quarante‑huit heures de M. Boampong a eu lieu le 17 juin 2019. Lors de l’audience, la représentante du ministre a soulevé deux motifs pour le maintien en détention de M. Boampong, à savoir que M. Boampong constitue un danger pour la sécurité publique et qu’il présente un risque de fuite.

[19] La représentante du ministre a résumé les antécédents criminels et en matière d’immigration de M. Boampong et a fait valoir, entre autres choses, que la situation avait nettement changé depuis la décision de mise en liberté de 2014, en ce sens que la durée de sa détention était incertaine à l’époque, puisque l’absence de titre de voyage empêchait son renvoi du Canada. Depuis, l’ASFC avait obtenu un titre de voyage temporaire et, par conséquent, le renvoi de M. Boampong était devenu imminent, ayant été fixé au 24 juin 2019, environ sept jours plus tard. Selon le ministre, et compte tenu des attaches familiales solides de M. Boampong au Canada et de la crainte qu’il avait exprimée de retourner au Ghana, où il n’avait pas de famille, ce changement de circonstances faisait en sorte que M. Boampong présentait un risque de fuite sérieux.

[20] Au cours de l’audience, la commissaire de la SI a confirmé aux parties qu’elle n’avait pas dans son dossier de copie des motifs de mise en liberté de 2014 expliquant pourquoi M. Boampong avait été libéré à ce moment‑là, bien qu’elle semblait avoir en main une copie de l’ordonnance de mise en liberté de 2014 établissant les conditions de mise en liberté. D’après la transcription, il semble que la commissaire de la SI ait supposé que le commissaire ayant rendu la décision de mise en liberté de 2014 n’avait pas ordonné de transcription – une pratique qui était apparemment courante dans les cas où les commissaires ordonnaient la mise en liberté d’un détenu. Quoi qu’il en soit, lors de l’audience, la commissaire de la SI a confirmé auprès de la représentante du ministre les conditions de la mise en liberté de 2014 de M. Boampong, en particulier, qu’il devait se présenter à l’ASFC sur une base hebdomadaire et que le cautionnement de 3 000 $ versé par la tante de M. Boampong était toujours en cours.

[21] Après que la représentante du ministre eut terminé ses observations initiales, la commissaire de la SI a informé l’avocat de M. Boampong que ses observations n’étaient pas nécessaires et qu’elle était prête à rendre sa décision. La commissaire de la SI n’a pas questionné la tante de M. Boampong, qui était présente, quant à sa capacité d’agir à titre de garante.

[22] Au moment où la commissaire de la SI a commencé à rendre sa décision, la représentante du ministre est intervenue et a demandé à interroger la tante de M. Boampong. La commissaire de la SI a simplement dit : « Je suis en train de rendre ma décision [...] ». Lorsque la représentante du ministre a fait remarquer qu’elle n’avait pas été invitée à s’exprimer au sujet des solutions de rechange à la détention, la commissaire de la SI a simplement répondu : « J’ai écouté votre position, et je rends maintenant ma décision. » La représentante du ministre a insisté pour interroger la tante de M. Boampong sur sa capacité de servir de garante en vue d’assurer le respect par M. Boampong des conditions de sa mise en liberté, mais la commissaire de la SI ne lui a pas permis de le faire.

[23] En fin de compte, la commissaire de la SI a conclu que M. Boampong ne représentait plus un danger pour la sécurité publique puisque les accusations et les déclarations de culpabilité dont il avait fait l’objet « remont[aient] à loin » et qu’il n’avait été accusé ou reconnu coupable d’aucun crime depuis 2014.

[24] Quant au risque de fuite que présentait M. Boampong, la commissaire de la SI a reconnu que M. Boampong avait des antécédents de non‑respect des conditions de sa mise en liberté et qu’il avait exprimé la crainte de mourir s’il devait retourner au Ghana, mais elle a fait remarquer que le commissaire de la SI avait été saisi de toutes ces questions à l’audience du 26 septembre 2014 et que M. Boampong avait néanmoins été libéré à l’époque.

[25] Quant aux facteurs comportementaux inspirant un sentiment renouvelé de risque de fuite, la commissaire de la SI a souligné que M. Boampong avait respecté l’engagement qu’il avait pris de se présenter chaque semaine pendant cinq ans, soit depuis 2014, et qu’il n’y avait aucun nouveau comportement qui la portait à croire que M. Boampong présentait un plus grand risque de fuite que lorsqu’il a comparu devant son collègue, c’est‑à‑dire le commissaire qui a prononcé la mise en liberté de M. Boampong en septembre 2014.

[26] La commissaire de la SI a ordonné la mise en liberté de M. Boampong aux mêmes conditions que celles dont était assortie l’ordonnance de mise en liberté de 2014, mais, comme il a été mentionné, sans qu’elle ait pris connaissance ni des motifs de mise en liberté de 2014, qui, semble‑t‑il, avaient été transcrits et étaient disponibles depuis octobre 2014, ni de la transcription de l’audience. La commissaire de la SI a écrit ce qui suit sur l’ordonnance de mise en liberté de 2019 : [TRADUCTION] « Maintenir l’ordonnance de mise en liberté du [...] 26 septembre 2014 ». L’ordonnance de mise en liberté de 2019 prévoyait l’obligation pour M. Boampong de se présenter chaque fois qu’un agent de l’ASFC l’exigeait, ce qui comprenait le fait de se présenter aux fins de son renvoi prévu le 24 juin 2019.

[27] Le lendemain, soit le 18 juin 2019, le ministre a déposé la présente demande de contrôle judiciaire de la décision et a signifié l’acte à M. Boampong le 20 juin 2019, à l’adresse de sa tante, qui était la dernière adresse connue de M. Boampong et l’adresse où il s’était engagé à résider comme condition de sa mise en liberté. La preuve de signification a été déposée auprès du greffe de la Cour. L’avocate du ministre a souligné au cours de l’audience devant moi qu’elle avait le sentiment que, une fois mis en liberté, M. Boampong se soustrairait à son renvoi. Par conséquent, elle a cherché à signifier la présente instance à M. Boampong avant qu’il ne tente possiblement de [traduction] « vivre dans la clandestinité ».

[28] Comme l’avocate du ministre le craignait, M. Boampong s’est soustrait à son renvoi le 24 juin 2019, et l’endroit où il se trouve demeurait inconnu à la date de l’audience devant moi.

[29] Le 2 août 2019, dans une affaire non liée, un autre commissaire de la SI a également décidé de ne pas questionner une caution proposée et a refusé la demande du représentant du ministre d’interroger la caution proposée avant d’ordonner la mise en liberté du détenu.

IV. Les questions en litige

[30] Le ministre soulève les questions suivantes :

V. Le cadre législatif

[31] Les dispositions législatives et réglementaires qui s’appliquent sont reproduites dans l’annexe jointe à la présente décision.

[32] La Cour d’appel fédérale a bien expliqué les modalités de détention des immigrants et de contrôle des motifs de détention dans le récent appel Brown c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CAF 130 aux para 28 à 36 [Brown]. En bref, aux termes du paragraphe 55(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la Loi], la SI peut « lancer un mandat en vue de l’arrestation et de la détention d’un étranger dont elle a des motifs raisonnables de croire qu’il est interdit de territoire et qu’il constitue un danger pour la sécurité publique ou présente un risque de fuite » (Brown, au para 29). De plus, la Loi prévoit des contrôles périodiques des motifs de détention. Les cinq circonstances dans lesquelles il existe des motifs de détention sont énoncées au paragraphe 58(1) de la Loi.

[33] Comme l’a déclaré le juge Rennie au paragraphe 32 de l’arrêt Brown, le « texte du paragraphe 58(1) est clair, et le contexte et l’objet de l’article 58 ne changent rien au sens ordinaire de ce texte. Aux termes du paragraphe 58(1), la mise en liberté doit être prononcée, à moins que la SI ne soit convaincue, selon la prépondérance des probabilités, qu’il existe un motif de détention. Si un motif de détention n’est pas établi, l’enquête est terminée. La mise en liberté est ordonnée d’office » (non souligné dans l’original).

[34] Toutefois, la détention n’est pas automatique dans le cas où il existe des motifs de détention, et l’article 248 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 [le Règlement], dispose que, avant que la détention ne soit ordonnée, la SI doit examiner « si la détention est justifiée compte tenu de certains critères prescrits » (Brown, au para 33) qui sont énoncés dans cet article, par exemple le temps déjà passé en détention, la durée possible de la détention et l’existence de solutions de rechange à la détention.

[35] De plus, « [l]orsqu’elle évalue des solutions de rechange à la détention, la SI peut imposer à la personne détenue les conditions qu’elle estime nécessaires pour atténuer les risques (LIPR, par. 58(3)) » (Brown, au para 35). Lorsqu’une caution est proposée comme solution de rechange à la détention, elle doit être capable de faire en sorte que la personne visée respecte les conditions imposées, comme le prévoit le paragraphe 47(2) du Règlement.

[36] Enfin, conformément aux Directives numéro 2 du président données par le président de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada en application de l’alinéa 159(1)h) de la Loi [les Directives du président], la SI ne peut se dispenser de l’obligation d’entendre une caution proposée que si les parties formulent une recommandation conjointe ou si le ministre ne s’y oppose pas (3.3 Cautions).

VI. Les questions préliminaires

Audience ex parte

[37] M. Boampong n’était pas présent à l’audience devant moi et, comme il a été mentionné, l’endroit où il se trouve demeure inconnu. Toutefois, je suis convaincu qu’il a reçu signification valide de l’instance le 20 juin 2019, au domicile de sa tante, où il s’était engagé à résider en tant qu’une des conditions de sa mise en liberté. De plus, le ministre fait savoir que les efforts déployés pour communiquer avec M. Boampong par l’entremise de sa tante et de son avocat ont été vains et que M. Boampong n’a pas manifesté le moindre désir de participer à la présente instance. Je ne vois donc pas de problème à procéder en l’absence de M. Boampong.

Le caractère théorique

[38] Comme M. Boampong a maintenant enfreint les conditions de sa mise en liberté et que l’endroit où il se trouve demeure inconnu – il a peut‑être quitté le pays –, le ministre a, à juste titre, abordé la question du possible caractère théorique de la présente demande.

[39] En règle générale, les tribunaux ne tranchent pas les questions devenues théoriques. Dans des situations comme celle en l’espèce, les questions immédiates entre les parties (en l’occurrence, le caractère approprié de la mise en liberté) ont tendance à devenir théoriques une fois que le détenu enfreint les conditions de sa mise en liberté en ne se présentant pas aux autorités et qu’il vit dans la clandestinité ou quitte le pays – le différend concret et tangible entre les parties a disparu et les questions dont est saisi le tribunal sont devenues purement théoriques (Borowski c Canada (Procureur général), [1989] 1 RCS 342 aux p 353 à 363 [Borowski]). Or, d’importantes questions juridiques demeurent.

[40] Lorsque l’affaire est théorique, le tribunal décide s’il doit néanmoins exercer son pouvoir discrétionnaire et instruire l’affaire. La politique relative à l’exercice du pouvoir discrétionnaire du tribunal repose sur trois impératifs : premièrement, la présence d’un contexte contradictoire entre les parties; deuxièmement, l’économie des ressources judiciaires; troisièmement, la question de savoir si, en rendant sa décision, le tribunal empiète sur la sphère législative au lieu de remplir sa fonction juridictionnelle (Borowski, aux p 358 à 363).

[41] La situation en l’espèce est semblable à celle qui s’est présentée dans l’affaire Canada (Sécurité publique et Protection civile) c Ramirez, 2013 CF 387, où le juge Shore a déclaré ce qui suit au paragraphe 6 de sa décision :

En l’espèce, la demande est devenue théorique, et ce n’est pas contesté par le demandeur, étant donné que la défenderesse a volontairement quitté le Canada avant la date prévue pour l’exécution de sa mesure de renvoi. La défenderesse a été par la suite arrêtée et détenue aux États‑Unis. Toutefois, le demandeur demande à la Cour d’exercer néanmoins son pouvoir discrétionnaire de se prononcer sur le mérite de la demande, considérant l’urgence et la gravité de la situation. Même s’il n’existe plus aucune conséquence pratique à la résolution des questions en litige dans le cas présent, le demandeur prétend qu’il conteste une pratique qu’il qualifie de « constante » du tribunal, et invite la Cour à intervenir dans le cadre de son rôle d’élaboration du droit, afin de sanctionner les décisions déraisonnables prises par les décideurs lors des révisions de détention, en définissant les limites de leurs pouvoirs, et ce, notamment, pour éviter que des décisions similaires ne soient rendues dans le futur.

[42] De même, dans la présente affaire, le ministre demande à la Cour de se pencher sur une question problématique qui continue de se poser pendant les audiences relatives à la détention, à savoir l’entrave à l’exercice du pouvoir discrétionnaire d’un commissaire de la SI et le refus par les commissaires de la SI d’assurer un interrogatoire approprié de la caution.

[43] Après avoir entendu le ministre et avoir examiné les questions soulevées à la lumière du critère établi par la Cour suprême dans l’arrêt Borowski, j’estime que la Cour devrait exercer son pouvoir discrétionnaire en l’espèce et entendre et trancher les questions soulevées par le ministre.

[44] Dans l’affaire dont je suis saisi, bien que M. Boampong soit toujours en liberté, il continue d’exister un rapport contradictoire entre lui et le ministre. Comme M. Boampong peut toujours être arrêté et mis en détention, il existe toujours la possibilité de conséquences accessoires à la détermination de la validité de la décision contestée; par conséquent, les parties continuent d’avoir un « intérêt dans l’issue du litige » (Borowski, aux p 358 à 360). Toutefois, même s’il n’existe plus de contexte contradictoire entre les parties, un tribunal peut instruire l’affaire quand « il [ressort] des circonstances que le différend aura toujours disparu avant d’être résolu » (Borowski, à la p 361). Il semble que ce soit le cas en l’espèce.

VII. La norme de contrôle

[45] Étant donné que les questions appellent des normes de contrôle différentes, j’examinerai la norme de contrôle conjointement avec chaque question.

VIII. Analyse

La Section de l’immigration a entravé l’exercice de son pouvoir discrétionnaire en rattachant son évaluation du risque de fuite à la décision de mise en liberté de 2014. Le fait de ne pas avoir une copie des motifs de mise en liberté de 2014 a exacerbé le problème.

[46] Le ministre fait valoir que, bien que la commissaire de la SI ait tenu compte de l’évolution de l’affaire et du fait que les circonstances n’avaient pas changé depuis la décision de mise en liberté de septembre 2014, au bout du compte, elle n’a pas évalué de nouveau la preuve. Par conséquent, le ministre soutient que la commissaire de la SI a entravé l’exercice de son pouvoir discrétionnaire en se fondant aveuglément sur la décision de mise en liberté de 2014 alors que le dossier dont elle disposait ne contenait aucune copie des motifs de mise en liberté de 2014 et qu’elle n’a pas réévalué tous les éléments de preuve montrant que M. Boampong présentait un risque de fuite et que sa tante n’était pas une caution appropriée. Ainsi, la décision ne peut pas appartenir aux issues acceptables pouvant se justifier et « [doit] être en soi déraisonnable », sans qu’il soit nécessaire d’examiner la norme de contrôle (Stemijon Investments Ltd. c Canada (Procureur général), 2011 CAF 299 aux para 23-25).

[47] Quant à la norme de contrôle appropriée, je suis d’accord avec le ministre. L’entrave à l’exercice du pouvoir discrétionnaire constitue depuis quelque temps un motif automatique ou prévu d’annulation des décisions administratives (voir par exemple Maple Lodge Farms c Gouvernement du Canada, 1982 CanLII 24 (CSC), [1982] 2 RCS 2 à la p 6). Dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov], la Cour suprême semble confirmer cette approche en ce qui concerne le pouvoir discrétionnaire du décideur. Bien qu’elle passe plutôt cette question sous silence, la Cour suprême décrit une approche plus impérative relativement au pouvoir discrétionnaire du décideur. En discutant de l’importance du régime législatif applicable dans une décision administrative particulière, la Cour suprême a clairement souligné que « [l]e régime législatif oriente également les approches acceptables en matière de prise de décisions : par exemple, lorsque le décideur dispose d’un vaste pouvoir discrétionnaire, il serait déraisonnable de sa part d’entraver un tel pouvoir discrétionnaire : voir Delta Air Lines, par. 18 » (Vavilov, au para 108).

[48] Je suis d’accord avec le juge Ahmed lorsqu’il observe, dans la décision Canada (Sécurité publique et Protection civile) c Keto, 2020 CF 467 [Keto], que l’arrêt Vavilov ne modifie pas la loi sur ce point et que, lorsqu’un tribunal entrave l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, la décision ne peut être maintenue, quelle que soit la norme de contrôle applicable (Keto, au para 29). Il ne reste plus qu’à trancher si la commissaire de la SI a effectivement entravé l’exercice de son pouvoir discrétionnaire au regard de sa décision.

[49] Ainsi que l’a expliqué le juge de Montigny (alors juge à la Cour fédérale) dans la décision Première nation Waycobah c Canada (Procureur général), 2010 CF 1188 au para 43, conf par 2011 CAF 191, « le pouvoir discrétionnaire du décideur est limité lorsqu’un facteur qui peut à juste titre entrer en ligne de compte dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire est érigé en règle générale qui aboutit à la recherche de l’uniformité quel que soit le mérite des cas particuliers. Le pouvoir discrétionnaire réside essentiellement dans le fait que son exercice varie selon le cas. »

[50] Le décideur doit examiner chaque affaire individuellement et exercer un jugement et un pouvoir discrétionnaire indépendants en fonction des circonstances, et il entravera son pouvoir discrétionnaire s’il lie de façon inappropriée le sort de la décision à l’opinion d’une autre personne (David P. Jones et Anne S. de Villars, Principles of Administrative Law, 6e éd (Toronto : Carswell, 2014) aux p 206‑207; Su c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 1997 CanLII 5622 (CF), 136 FTR 52). De plus, les décideurs risquent d’entraver l’exercice de leur pouvoir discrétionnaire lorsqu’ils fondent leur décision exclusivement sur une question, à l’exclusion d’autres faits pertinents (Gurbek c Canada (Citoyenneté et Immigration), 1999 CanLII 7835 (CF), 168 FTR 313 au para 8).

[51] Le ministre soutient que la SI ne peut s’acquitter de son obligation de contrôler les motifs de détention d’une personne en se fondant uniquement sur une évaluation antérieure et que, dans la présente affaire, en se fondant sur la décision de mise en liberté de 2014 pour rendre sa décision, la commissaire de la SI ne s’est pas fait sa propre idée et n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de façon indépendante comme elle était tenue de le faire selon la Loi.

[52] Dans la présente affaire, je suis convaincu que la commissaire de la SI a entravé l’exercice de son pouvoir discrétionnaire au regard de sa décision en rattachant celle‑ci à la décision de mise en liberté de 2014. Le problème a seulement été exacerbé par le fait que la commissaire de la SI n’avait pas en main les motifs de mise en liberté de 2014 afin de pouvoir les examiner.

[53] La commissaire de la SI a reconnu au début de l’audience du 17 juin 2019 qu’elle n’avait pas le dossier complet en sa possession et, plus précisément, qu’elle n’avait pas de copie des motifs de mise en liberté de 2014. Il n’est toutefois pas clair si la représentante du ministre avait eu accès aux motifs de mise en liberté de 2014, car, selon le ministre, ils étaient transcrits et disponibles à compter d’octobre 2014. Le ministre fait valoir que la commissaire de la SI, si elle l’avait jugé important, aurait pu chercher à obtenir les motifs de mise en liberté de 2014, mais ne l’a pas fait. C’est peut-être vrai, mais, en toute justice, la représentante du ministre ne l’a pas fait non plus, elle qui a déclaré à l’audience devant la commissaire de la SI : « C’est malheureux que nous n’ayons pas la transcription de la décision, car j’aurais beaucoup aimé comprendre ce qu’il… ».

[54] La raison pour laquelle ni la commissaire de la SI ni la représentante du ministre n’avaient une copie des motifs de mise en liberté de 2014 à l’audience du 17 juin 2019 demeure un mystère. Quoi qu’il en soit, au cours de l’audience, la représentante du ministre a résumé les antécédents criminels et en matière d’immigration de M. Boampong, notamment son non‑respect des conditions de sa mise en liberté en 2013, le rejet de sa demande d’asile, ainsi que les événements qui ont suivi, dont la nouvelle arrestation et détention de M. Boampong, sa mise en liberté en 2014 et le respect continu des conditions de sa mise en liberté pendant cinq ans. La représentante du ministre a également souligné que le risque présenté par M. Boampong avait récemment augmenté du fait qu’un titre de voyage avait finalement été obtenu pour lui, ce qui rendait son renvoi imminent, alors que ce n’était pas le cas en 2014. Le risque avait également augmenté en raison de la crainte qu’il avait exprimée de retourner au Ghana. Lors du contrôle des motifs de détention dont il a fait l’objet le 26 septembre 2014, il s’est dit prêt à retourner au Ghana, un facteur parmi d’autres qui a pu mener à sa mise en liberté à l’époque.

[55] La commissaire de la SI a exposé en détail, pour elle‑même, les antécédents criminels et en matière d’immigration de M. Boampong, en ajoutant souvent au résumé qu’en avait fait la représentante du ministre. Elle a expressément mentionné des éléments factuels qui dataient d’après 2014 et qui auraient tendance à militer en faveur de la mise en liberté de M. Boampong, par exemple le fait que M. Boampong n’avait été accusé ou reconnu coupable d’aucun crime depuis 2014 et qu’il respectait depuis 2014 la condition de se présenter aux autorités.

[56] Il est également clair que la commissaire de la SI a tenu compte des antécédents criminels et en matière d’immigration de M. Boampong et de sa crainte de retourner au Ghana. Elle a expressément mentionné ce qui suit : « Il est normal que vous disiez que vous craignez de retourner au Ghana [...] Vous faisiez preuve d’honnêteté. Vous craignez de retourner au Ghana, mais vous n’avez pas dit que vous ne retourneriez pas dans ce pays. » La commissaire de la SI a bel et bien mentionné la décision de mise en liberté de 2014, notamment en reconnaissant d’abord que son collègue avait libéré M. Boampong en 2014.

[57] Si les motifs pour lesquels la commissaire de la SI a prononcé la mise en liberté de M. Boampong s’étaient arrêtés là, je n’aurais pas été enclin à accepter la position du ministre. Que la commissaire de la SI n’ait pas jugé nécessaire d’entendre l’avocat de M. Boampong ne permet pas non plus de conclure à une entrave de la part de la commissaire de la SI à l’exercice de son pouvoir discrétionnaire.

[58] Or, après avoir fait ressortir les antécédents de M. Boampong préalables à 2014, la commissaire de la SI a déclaré ce qui suit :

Mais il s’agit dans tous les cas d’anciens comportements. Ce comportement a été examiné par mon collègue lorsqu’il vous a libéré en septembre 2014. Aucun nouveau comportement ne me porte à croire que vous présentez aujourd’hui un plus grand risque de fuite que lorsque vous avez comparu devant mon collègue.

[59] En soulignant que les incidents antérieurs à 2014 avaient déjà été évalués et qu’il n’y avait pas de nouveaux facteurs comportementaux depuis la décision de mise en liberté de 2014 qui lui permettaient de croire que M. Boampong présentait aujourd’hui un plus grand risque de fuite qu’à l’époque, la commissaire de la SI a rattaché son évaluation des facteurs de risque existant avant 2014 à la décision de mise en liberté de 2014, et la seule chose qu’il lui restait à faire était d’établir si de nouveaux éléments de risque ou facteurs comportementaux survenus depuis devaient l’amener à modifier cette évaluation. Un tel processus décisionnel, en plus d’établir de force la détermination du risque de fuite relativement aux antécédents de M. Boampong qui avaient précédé la décision de mise en liberté de 2014, ne permet pas l’exercice du pouvoir discrétionnaire approprié dans le cadre d’une réévaluation indépendante des mêmes éléments de risque qui offre l’avantage de disposer des éléments plus récents de la matrice du risque du détenu.

[60] Chaque contrôle des motifs de détention doit être assorti d’une nouvelle évaluation de tous les éléments de preuve, qui doivent être examinés dans leur ensemble. Comme l’a déclaré le juge Rennie au paragraphe 154 de l’arrêt Brown, « [l]a SI et la Cour fédérale ne sauraient examiner la légitimité de la détention sans tenir compte de l’ensemble de l’historique de détention. Chaque contrôle des motifs de détention, effectué tous les trente jours, exige un examen de la détention dans son ensemble. »

[61] Dans la décision Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Lai, 2001 CFPI 118 (CanLII), [2001] 3 CF 326 (CF 1re inst) au para 15, le juge Campbell a déclaré que, dans un contrôle des motifs de détention, « tous les facteurs liés à la détention doivent être examinés, y compris les motifs de toute ordonnance antérieure de détention ». Le principe a été répété dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Thanabalasingham, 2004 CAF 4, [2004] 3 RCF 572 au para 8, où le juge Rothstein (alors juge à la Cour d’appel fédérale) a déclaré que, « lors de chaque audience, le commissaire doit décider à nouveau si le maintien de la détention est justifié ».

[62] Dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, un commissaire de la SI doit tenir compte de l’ensemble de l’historique de détention du détenu. Toutefois, il ressort clairement d’une simple lecture de la décision contestée que la façon dont la commissaire de la SI a évalué le risque de fuite présenté par M. Boampong a créé une situation où cette évaluation par rapport aux antécédents de M. Boampong préalables à la décision de mise en liberté de 2014 était prédéterminée.

[63] Il ne s’agissait pas d’une situation où la commissaire de la SI s’est fiée « entièrement aux motifs prononcés par les agents qui l’ont précédé pour ordonner le maintien en détention » (Canada (Sécurité publique et Protection civile) c Chhina, 2019 CSC 29, [2019] 2 RCS 467 au para 62). Dans la présente affaire, les motifs de mise en liberté de 2014 n’étaient pas disponibles. Pour ce qui est de l’évaluation du risque de fuite présenté par M. Boampong, la commissaire de la SI a plutôt fait preuve de déférence à l’égard du commissaire qui a rendu la décision de mise en liberté de 2014. Dans l’esprit de la commissaire de la SI, l’évaluation du risque fondée sur les antécédents susmentionnés était déjà déterminée, en quelque sorte coulée dans le béton, et la décision de libérer ou pas M. Boampong en 2019 ne reposait que sur les facteurs comportementaux survenus depuis la décision de mise en liberté de 2014. Par conséquent, la commissaire de la SI a entravé l’exercice de son pouvoir discrétionnaire en ne se permettant pas de réévaluer les éléments préalables à 2014 dans le contexte des éléments plus récents qui auraient accru le risque de fuite présenté par M. Boampong en 2019. Comme il a été mentionné, le problème a seulement été exacerbé par le fait que la commissaire de la SI ne disposait même pas des motifs de mise en liberté de 2014, qui auraient pu jeter plus d’éclairage sur la question de la mise en liberté de M. Boampong à ce moment‑là.

[64] Je suis convaincu que la décision contestée reflète le fait que la commissaire de la SI, dans une grande mesure, a lié le sort de sa décision à la décision de mise en liberté de 2014. Par conséquent, la décision ne peut être maintenue. Je suis donc d’avis d’accueillir la demande de contrôle pour ce motif.

Le fait de refuser la demande de la représentante du ministre d’interroger la caution et de présenter des commentaires sur la solution de rechange constituait un manquement à l’équité procédurale

[65] Invoquant l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 RCS 339 au para 43, le ministre fait valoir que la norme de contrôle applicable à l’inobservation par un tribunal administratif des principes d’équité procédurale est celle de la décision correcte. Je ne suis pas d’accord.

[66] Pour les questions d’équité procédurale, la Cour n’a pas à procéder à une analyse de la norme de contrôle. Comme l’a déclaré récemment le juge Gascon dans la décision Angara c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 376 aux para 23 et 24 [Angara] :

[23] La Cour d’appel fédérale a toutefois affirmé que les questions d’équité procédurale ne sont pas véritablement tranchées en fonction d’une norme de contrôle particulière. Il s’agit plutôt d’une question de droit qui relève des cours de révision, qui doivent être convaincues que l’équité procédurale a été respectée. Lorsque l’obligation d’un décideur administratif d’agir équitablement est remise en question ou lorsqu’on invoque un manquement à un principe de justice fondamentale, la cour de révision doit vérifier si la procédure était équitable compte tenu de l’ensemble des circonstances (Association canadienne des avocats en droit des réfugiés c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2020 CAF 196 au para 35; Lipskaia c Canada (Procureur général), 2019 CAF 267 au para 14; Canadian Airport Workers Union c Association internationale des machinistes et des travailleurs et travailleuses de l’aérospatiale, 2019 CAF 263 aux para 24‑25; Perez c Hull, 2019 CAF 238 au para 18; Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69 [CPR] au para 54). Cette analyse comporte l’examen des cinq facteurs contextuels non exhaustifs énoncés par la CSC dans l’arrêt Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817 [Baker] (Vavilov au para 77), à savoir : (1) la nature de la décision recherchée et le processus suivi par l’organisme public pour y parvenir; (2) la nature du régime législatif et les dispositions législatives précises en vertu desquelles agit l’organisme public; (3) l’importance de la décision pour les personnes visées; (4) les attentes légitimes de la personne qui conteste la décision; (5) les choix de procédure que l’organisme fait lui‑même et la nature du respect dû à l’organisme (Congrégation des témoins de Jéhovah de St‑Jérôme‑Lafontaine c Lafontaine (Village), 2004 CSC 48 au para 5; Baker aux para 23‑28).

[24] Il appartient à la cour de révision de se prononcer sur la question et, dans le cadre de cette analyse, de se demander « en mettant nettement l’accent sur la nature des droits substantiels concernés et les conséquences pour la personne, si un processus juste et équitable a été suivi » (CPR au para 54). Par conséquent, lorsqu’une demande de contrôle judiciaire porte sur l’équité procédurale et sur des manquements aux principes de justice fondamentale, la véritable question n’est pas tant de savoir si la décision était « correcte », mais plutôt si, compte tenu du contexte particulier et des circonstances de l’espèce, le processus suivi par le décideur administratif était équitable et s’il a permis aux parties de se faire entendre, d’avoir pleinement l’occasion de prendre connaissance de la preuve à réfuter et d’y répondre (CPR au para 56; Huang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 940 aux para 51‑54). Il n’y a pas lieu de faire preuve de déférence à l’endroit du décideur administratif sur des questions ayant trait à l’équité procédurale.

[Non souligné dans l’original.]

[67] L’arrêt Vavilov de la Cour suprême du Canada n’a pas modifié cette démarche (Angara, au para 22). En définitive, la Cour doit simplement trancher « si la procédure était équitable eu égard à l’ensemble des circonstances » et « si un processus juste et équitable a été suivi » (Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69 au para 54; Gill c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 934 au para 32).

[68] Le ministre soutient que, à l’audience, la SI a commencé à rendre sa décision même si la caution n’avait pas été entendue. Lorsque la représentante du ministre a demandé à interroger la caution, la SI a refusé, même si la caution était présente dans la salle d’audience :

PAR LA COMMISSAIRE

[1] Il s’agit de la décision rendue dans le cadre du contrôle des motifs de détention d’Isaac Boampong.

[...]

PAR LA CONSEIL DU MINISTRE

[3] Excusez‑moi; je ne veux pas être impolie, mais si vous prévoyez présenter une offre de libération, j’aimerais entendre la caution.

PAR LA COMMISSAIRE

[4] Je suis en train de rendre ma décision, [nom de la représentante du ministre].

[5] Le document M‑2 est le…

PAR LA CONSEIL DU MINISTRE

[6] Vous ne m’avez pas demandé de fournir mes commentaires quant à une possible solution de rechange.

PAR LA COMMISSAIRE

[...]

[7] J’ai écouté votre position, et je rends maintenant ma décision.

PAR LA CONSEIL DU MINISTRE

[8] Donc, je n’ai pas le droit d’interroger la personne.

PAR LA COMMISSAIRE

[9] Je rends ma décision, [nom de la représentante du ministre]. [...] Merci.

[...]

[12] Vous avez de longs antécédents ici au Canada. La conseil du ministre a passé en revue bon nombre des faits. Je n’ai pas eu besoin d’entendre votre avocat ni la caution. Le 29 septembre 2014, mon collègue vous a libéré et vous a imposé certaines conditions.

[69] Le ministre fait valoir que, en procédant de cette manière, la commissaire de la SI a manqué à l’équité procédurale en omettant d’examiner les exigences législatives concernant les cautions et en refusant à la représentante du ministre le droit de sonder la preuve présentée par la caution et d’examiner si ces exigences ont été respectées.

[70] Le ministre soutient que la commissaire de la SI n’avait pas l’avantage des motifs de mise en liberté de 2014 pour comprendre pourquoi il avait été jugé acceptable à ce moment‑là que la tante serve de caution, après qu’elle eut été refusée et jugée ne pas convenir comme garante à plusieurs reprises avant l’audience du 26 septembre 2014. Le ministre fait valoir que la situation avait changé depuis la décision de mise en liberté de 2014 : le titre de voyage étant en main, le renvoi de M. Boampong était devenu imminent. De plus, le ministre soutient que, en interrogeant la tante, la représentante du ministre aurait pu vérifier si cette dernière était en mesure de faire respecter les conditions par son neveu, si elle savait que le renvoi était imminent, comment elle pouvait faire en sorte que M. Boampong respecte ses conditions, et si elle répondait aux critères énoncés dans les Directives du président sur les cautions.

[71] Par conséquent, ajoute le ministre, la SI a rendu sa décision sans aucune information sur la capacité de la tante d’agir comme caution; la SI n’a pas entendu de preuve à ce sujet et n’a pas non plus bénéficié de la transcription de la décision ou de l’audience de septembre 2014 ni des motifs de décision de 2014, qui auraient pu aider à comprendre pourquoi la tante de M. Boampong avait été acceptée comme garante, alors qu’elle ne l’avait pas été auparavant, compte tenu du fait que M. Boampong avait enfreint en 2013 les conditions l’obligeant à se présenter.

[72] Le fait de ne pas permettre au représentant du ministre d’interroger une personne se proposant comme caution peut constituer un manquement à l’équité procédurale (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Ke, [2000] ACF no 522 (QL), 188 FTR 91 aux para 6‑7 [Ke]; Canada (Sécurité publique et Protection civile) c Gyekye, 2011 CF 185 aux para 28‑29).

[73] J’estime que la présente affaire est en parfaite adéquation avec la décision Ke. J’admets que, bien que la SI ne soit peut‑être pas tenue dans tous les cas de procéder à l’interrogatoire d’une caution, il me semble que, lorsqu’il s’est écoulé plusieurs années depuis que la caution a été interrogée sur sa capacité de faire respecter les conditions par le détenu, et lorsque, comme dans la présente affaire, il y avait des indices importants de risque accru, il incombait à la commissaire de la SI de permettre à la représentante du ministre de vérifier si la tante de M. Boampong demeurait capable de s’acquitter des obligations de garant qui incombent à une caution.

[74] Dans la présente affaire, la tante de M. Boampong était présente et pouvait être interrogée. Elle n’avait pas réussi par le passé à faire respecter par M. Boampong les conditions de sa mise en liberté, et il n’était pas clair, compte tenu du changement de circonstances et du passage du temps, si elle était toujours capable d’assumer la responsabilité qui lui incombait en tant que garante du respect par M. Boampong des conditions de sa mise en liberté en attendant son renvoi du Canada, surtout qu’il a été avancé dans la présente affaire que M. Boampong ne vivait plus avec sa tante – une violation claire de l’ordonnance de mise en liberté de 2014.

[75] Compte tenu de l’historique de l’affaire, je ne vois pas comment il était possible pour la commissaire de la SI d’être convaincue que la tante de M. Boampong demeurait capable de respecter les obligations prévues au paragraphe 47(2) du Règlement sans à tout le moins permettre à la représentante du ministre de lui poser des questions. Ce qui ajoutait à l’incertitude, c’est que la commissaire de la SI ne disposait pas des raisons pour lesquelles la tante avait été autorisée à agir de nouveau comme caution, raisons qui figuraient dans les motifs de mise en liberté de 2014, malgré le fait qu’elle avait à maintes reprises été reconnue inhabile à le faire par d’autres commissaires de la SI.

[76] Le manquement à l’équité procédurale a été aggravé par le fait que la représentante du ministre n’a pas non plus été autorisée à présenter des observations sur les solutions de rechange à la détention. En fait, il semble que la solution de rechange à la détention – que la tante serve de caution – ait été proposée par la commissaire de la SI, car l’avocat de M. Boampong a été informé qu’il n’avait pas à présenter d’observations sur cette question. La représentante du ministre ne s’est pas vu offrir l’occasion de réfuter la proposition d’une solution de rechange ou de présenter des commentaires à ce sujet dans la présente affaire.

[77] Tout compte fait, il me semble qu’il serait difficile de trouver un cas plus évident de manquement à l’équité procédurale que le défaut d’avoir autorisé la représentante du ministre à interroger la caution dans le présent contexte et à présenter des observations sur la solution de rechange proposée à la détention de M. Boampong. Je suis donc d’avis d’accueillir la demande de contrôle pour ce motif également.

IX. Conclusions

[78] Compte tenu de mes conclusions sur les deux premières questions, je n’ai pas à examiner si la décision était par ailleurs déraisonnable. Je suis d’avis d’accueillir la demande de contrôle judiciaire. Cela dit, j’annulerai simplement la décision sans la renvoyer pour nouvel examen. Un nouvel examen de l’affaire à ce stade‑ci ne servirait à rien.

 


JUGEMENT dans le dossier IMM‑3778‑19

LA COUR STATUE :

  1. La demande de contrôle judiciaire est accueillie.

  2. Il n’y a aucune question à certifier.

« Peter G. Pamel »

Juge

Traduction certifiée conforme

Julie Blain McIntosh


Annexe

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27

Mise en liberté par la Section de l’immigration

 

Release — Immigration Division

 

58(1) La section prononce la mise en liberté du résident permanent ou de l’étranger, sauf sur preuve, compte tenu des critères réglementaires, de tel des faits suivants :

58(1) The Immigration Division shall order the release of a permanent resident or a foreign national unless it is satisfied, taking into account prescribed factors, that

 

a) le résident permanent ou l’étranger constitue un danger pour la sécurité publique;

 

(a) they are a danger to the public;

 

b) le résident permanent ou l’étranger se soustraira vraisemblablement au contrôle, à l’enquête ou au renvoi, ou à la procédure pouvant mener à la prise par le ministre d’une mesure de renvoi en vertu du paragraphe 44(2);

(b) they are unlikely to appear for examination, an admissibility hearing, removal from Canada, or at a proceeding that could lead to the making of a removal order by the Minister under subsection 44(2);

 

c) le ministre prend les mesures voulues pour enquêter sur les motifs raisonnables de soupçonner que le résident permanent ou l’étranger est interdit de territoire pour raison de sécurité, pour atteinte aux droits humains ou internationaux ou pour grande criminalité, criminalité ou criminalité organisée;

 

(c) the Minister is taking necessary steps to inquire into a reasonable suspicion that they are inadmissible on grounds of security, violating human or international rights, serious criminality, criminality or organized criminality;

 

d) dans le cas où le ministre estime que l’identité de l’étranger — autre qu’un étranger désigné qui était âgé de seize ans ou plus à la date de l’arrivée visée par la désignation en cause — n’a pas été prouvée mais peut l’être, soit l’étranger n’a pas raisonnablement coopéré en fournissant au ministre des renseignements utiles à cette fin, soit ce dernier fait des efforts valables pour établir l’identité de l’étranger;

(d) the Minister is of the opinion that the identity of the foreign national — other than a designated foreign national who was 16 years of age or older on the day of the arrival that is the subject of the designation in question — has not been, but may be, established and they have not reasonably cooperated with the Minister by providing relevant information for the purpose of establishing their identity or the Minister is making reasonable efforts to establish their identity; or

 

e) le ministre estime que l’identité de l’étranger qui est un étranger désigné et qui était âgé de seize ans ou plus à la date de l’arrivée visée par la désignation en cause n’a pas été prouvée.

(e) the Minister is of the opinion that the identity of the foreign national who is a designated foreign national and who was 16 years of age or older on the day of the arrival that is the subject of the designation in question has not been established.

 

Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227

Exigences : cautionnement

Requirements if guarantee posted

 

47(2) La personne qui fournit une garantie d’exécution, autre qu’une somme d’argent, doit :

 

47(2) A person who posts a guarantee must

 

a) être citoyen canadien ou résident permanent effectivement présent et résidant au Canada;

(a) be a Canadian citizen or a permanent resident, physically present and residing in Canada;

 

b) être capable de faire en sorte que la personne ou le groupe de personnes visé par la garantie respecte les conditions imposées;

(b) be able to ensure that the person or group of persons in respect of whom the guarantee is required will comply with the conditions imposed; and

 

c) fournir à un agent la preuve qu’elle peut s’acquitter de ses obligations quant à la garantie fournie.

(c) present to an officer evidence of their ability to fulfil the obligation arising from the guarantee.

 

[…]

. . .

Autres critères

Other factors

 

248. S’il est constaté qu’il existe des motifs de détention, les critères ci‑après doivent être pris en compte avant qu’une décision ne soit prise quant à la détention ou la mise en liberté :

 

248. If it is determined that there are grounds for detention, the following factors shall be considered before a decision is made on detention or release:

 

a) le motif de la détention;

(a) the reason for detention;

 

b) la durée de la détention;

(b) the length of time in detention;

 

c) l’existence d’éléments permettant l’évaluation de la durée probable de la détention et, dans l’affirmative, cette période de temps;

(c) whether there are any elements that can assist in determining the length of time that detention is likely to continue and, if so, that length of time;

 

d) les retards inexpliqués ou le manque inexpliqué de diligence de la part du ministère, de l’Agence des services frontaliers du Canada ou de l’intéressé;

(d) any unexplained delays or unexplained lack of diligence caused by the Department, the Canada Border Services Agency or the person concerned;

 

e) l’existence de solutions de rechange à la détention;

(e) the existence of alternatives to detention; and

 

f) l’intérêt supérieur de tout enfant de moins de dix‑huit ans directement touché.

(f) the best interests of a directly affected child who is under 18 years of age.

 

Directives numéro 2 du président données par le président de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada en application de l’alinéa 159(1)h) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27

3.3 Cautions

3.3 Bondspersons

 

3.3.1 Si un commissaire décide qu’une caution est nécessaire pour motiver la personne à respecter ses conditions, le cautionnement devrait être proportionnel au risque identifié.

 

3.3.1 If a member determines that a bondsperson is necessary to motivate compliance by the person, the bond should be proportionate to the identified risk.

 

3.3.2 Si une caution est présente et disponible pour témoigner, le commissaire doit entendre directement le témoignage de cette personne avant de décider qu’elle ne peut pas servir de caution. Dans ce contexte, les commissaires ne peuvent pas se fonder sur les entrevues menées avec les cautions à l’extérieur de la salle d’audience et en leur absence. Cependant, en cas de recommandation conjointe de mise en liberté, ou si le ministre ne s’y oppose pas, le commissaire peut décider qu’une caution est acceptable sans avoir entendu directement son témoignage.

 

3.3.2 When a bondsperson is present and available to testify, members must hear direct evidence from the bondsperson before determining that the person is not suitable to be a bondsperson. Members cannot rely on bondsperson interviews conducted outside of the hearing room and not in the presence of members in this context. However, upon a joint release recommendation or where the Minister does not object, a member can determine that the bondsperson is acceptable without hearing direct testimony.

 

3.3.3 Si la caution proposée n’est pas disponible pour témoigner, le commissaire devrait décider si un ajournement est nécessaire ou s’il y a lieu de rendre une décision et de mettre au rôle un contrôle anticipé des motifs de détention, selon la période pendant laquelle la caution n’est pas disponible.

 

3.3.3 If the proposed bondsperson is unavailable to provide testimony, a member should determine whether an adjournment is required or a decision should be rendered with an early detention review scheduled, depending on the duration of the lack of availability.

 

3.3.4 Lors du contrôle des motifs de détention, les commissaires devraient veiller à examiner les considérations applicables aux personnes proposées à titre de cautions afin d’évaluer si ces personnes sont des cautions acceptables.

 

3.3.4 Members must ensure that relevant considerations relating to the proposed bondsperson are explored at the detention review in order to assess the suitability of the person put forward.

 

[…]

. . .

 

3.3.8 Les commissaires devraient évaluer si la caution proposée est fiable et si elle a déjà manqué à son rôle de caution, soit de s’assurer que l’intéressé respecte ses conditions de mise en liberté, dans le cas où elle a déjà agi à titre de caution ou a eu une obligation semblable dans une situation antérieure. Les commissaires devraient évaluer si la caution proposée est capable d’exercer une influence sur l’intéressé, de le surveiller et de le motiver à respecter ses conditions de mise en liberté.

3.3.8 Members must assess whether the proposed bondsperson is reliable and whether there has been a previous failure of that bondsperson to ensure compliance with conditions of release by the person concerned, if they were acting as a bondsperson or under a similar obligation in the prior circumstances. Members must assess whether the proposed bondsperson is able to exert influence, provide supervision, and motivate the person concerned to comply with the conditions of release.

 

[…]

. . .

 

[Non souligné dans l’original.]

[Emphasis added.]

 

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

imm‑3778‑19

 

INTITULÉ :

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE c ISAAC BOAMPONG

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Audience tenue par vidéoconférence

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 13 janvier 2021

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE PAMEL

 

DATE DES MOTIFS :

LE 5 novembre 2021

 

COMPARUTIONS :

Sean Doyle

Sonia Bédard

 

Pour le demandeur

Personne n’a comparu

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

Pour le demandeur

 

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