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Date : 20211105


Dossier : T-661-20

Référence : 2021 CF 1180

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 5 novembre 2021

En présence de monsieur le juge Manson

ENTRE :

GERALD BRIAN RUNDEL

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Introduction

[1] La Cour est saisie d’une demande de révision, présentée au titre du paragraphe 41(1) de la Loi sur l’accès à l’information, LRC 1985, c A-1 [la LAI], d’une décision rendue par la Gendarmerie royale du Canada [la GRC]. La décision était une réponse à la demande d’accès à l’information du demandeur concernant des communications liées à un incident qui avait eu lieu à l’aéroport international de Vancouver le 14 octobre 2007.

II. Le contexte

[2] Le demandeur est un membre de la GRC affecté au Groupe fédéral des crimes graves et du crime organisé, à Nanaimo, en Colombie-Britannique.

[3] Le 14 octobre 2007, le demandeur avait été l’un des quatre agents de la GRC ayant répondu à un incident qui s’était produit à l’aéroport international de Vancouver et qui avait entraîné la mort d’une personne [l’incident YVR]. Le demandeur avait également participé à l’enquête publique ultérieure et à la procédure judiciaire qui en avait résulté.

A. La demande d’accès à l’information du demandeur

[4] Le 19 août 2013, le demandeur avait présenté à la GRC une demande d’accès à l’information qui s’était vu attribuer le numéro de dossier d’accès à l’information de la GRC A‑2013‑05162 [la demande]. La demande visait à obtenir toutes les communications qui avaient mené à la délivrance d’un formulaire 1004 (fiche de rendement de la GRC), ainsi que les communications ultérieures, et qui étaient liées aux actions du demandeur se rapportant à l’incident YVR. La délivrance d’un formulaire 1004 constitue une procédure opérationnelle — il ne s’agit pas d’une mesure disciplinaire ou d’une mesure liée à l’application du code de déontologie de la GRC.

[5] En même temps, le demandeur avait présenté deux autres demandes d’accès à l’information, dont l’une visait des documents relatifs à un rapport interne de la GRC qui aurait été rédigé par le surintendant Wade Blizard [le rapport Blizard]. Cette demande s’était vu attribuer le numéro de dossier d’accès à l’information de la GRC A-2013-05950. La GRC a depuis nié l’existence du rapport Blizard.

[6] Le 1er août 2014, la GRC avait communiqué des documents en réponse à la demande, mais avait refusé de divulguer certains renseignements au titre du sous-alinéa 16(1)a)(ii) de la LAI.

B. La plainte du demandeur auprès du Commissariat à l’information du Canada et l’enquête de ce dernier

[7] Le 25 août 2014, le demandeur avait déposé une plainte [la plainte] auprès du Commissariat à l’information du Canada [le CIC].

[8] Le 16 septembre 2014, la GRC avait reçu un avis d’enquête et un résumé de la plainte [l’avis], conformément à l’article 32 de la LAI. La plainte alléguait que la GRC n’avait pas fourni tous les documents correspondant à la demande. Elle alléguait aussi que la réponse de la GRC avait été retardée de façon déraisonnable.

[9] En réponse à l’avis, le ou vers le 7 juillet 2015, la Sous-direction de l’accès à l’information et de la protection des renseignements personnels de la GRC avait lancé un autre appel, ou avait réattribué des tâches, pour trouver des documents correspondant à la demande. Le 20 mai 2016 et le 3 juillet 2018, la GRC avait communiqué des documents supplémentaires qui avaient été découverts grâce à la réattribution des tâches relative à la demande, mais avait refusé de divulguer certains renseignements au titre du sous-alinéa 16(1)a)(ii) et du paragraphe 19(1) de la LAI.

[10] Le 16 janvier 2019, le CIC a écrit à la GRC pour lui communiquer les résultats de son enquête sur la plainte. Le CIC a décrit en détail la portée de l’enquête et les efforts déployés jusqu’à ce moment-là par la GRC pour répondre à la demande. Le CIC a déclaré être en grande partie satisfait de l’étendue de l’attribution des tâches par la GRC, à l’exception d’un secteur qui semblait susceptible de détenir des documents pertinents, mais qui n’avait pas été chargé de faire des recherches. Le CIC a également jugé que la GRC avait interprété la demande de façon trop étroite, limitant ainsi à tort sa recherche. Par conséquent, le CIC a conclu que la GRC n’avait pas effectué une recherche raisonnable, et a formulé deux recommandations pour répondre aux préoccupations mentionnées ci‑dessus.

[11] Le ou vers le 1er février 2019, la GRC a mis en œuvre les recommandations du CIC. Le 12 mai 2020, la GRC a communiqué au demandeur d’autres documents, mais a refusé de divulguer certains renseignements au titre de l’alinéa 13(1)c), des paragraphes 16(2) et 19(1), ainsi que de l’article 23 de la LAI.

[12] Le 22 mai 2020, le CIC a délivré son compte rendu concernant la plainte. Bien qu’il ait jugé que la plainte était fondée, le CIC a confirmé que la GRC avait accepté ses recommandations antérieures, mené de nouvelles recherches pour trouver des documents supplémentaires et fourni d’autres documents pertinents.

III. La décision faisant l’objet du contrôle

[13] Le demandeur sollicite, au titre du paragraphe 41(1) de la LAI, une révision de la communication par la GRC en réponse à la demande.

IV. La question en litige

[14] La seule question en litige dans la présente demande est de savoir si le défendeur s’est acquitté de son fardeau de rechercher et de communiquer tous les documents pertinents correspondant à la demande, conformément au paragraphe 48(1) de la LAI.

V. La norme de contrôle

[15] L’article 44.1 de la LAI mentionne expressément que les procédures prévues à l’article 41 de la LAI ne doivent pas être traitées comme une révision, mais plutôt comme une nouvelle affaire.

VI. Les dispositions applicables

[16] Conformément à l’article 4 de la LAI, un citoyen canadien ou un résident permanent a le droit à l’accès aux documents relevant d’une institution fédérale. Ce droit est limité par un certain nombre d’exemptions prévues dans la LAI.

[17] Lorsqu’une demande est présentée au titre de l’article 6 de la LAI, le responsable de l’institution fédérale visée par la demande doit donner communication des documents ou fournir un avis écrit précisant que l’accès ne sera pas accordé dans les 30 jours [article 7 de la LAI]. Le défaut du responsable d’une institution fédérale de respecter les délais prévus équivaut à un refus de communication [paragraphe 10(3) de la LAI].

[18] Le CIC peut recevoir les plaintes et faire enquête sur les plaintes déposées par des personnes qui se sont vu refuser la communication d’un document [alinéa 30(1)a) de la LAI]. Pendant une enquête et à la suite de celle-ci, le CIC adresse à l’institution fédérale un rapport présentant ses conclusions et ses recommandations [paragraphes 37(1) et (2) de la LAI].

[19] Aux termes du paragraphe 41(1), une personne qui dépose une plainte et reçoit un compte rendu du CIC peut exercer devant la Cour un recours en révision des questions qui font l’objet de sa plainte. Ce recours doit être entendu et jugé comme une nouvelle affaire [article 44.1 de la LAI].

[20] Dans les procédures devant la Cour, la charge d’établir le bien-fondé des décisions prises qui font l’objet du recours incombe à l’institution fédérale concernée [paragraphe 48(1) de la LAI].

[21] Les articles 49 à 50.2 confèrent à la Cour le pouvoir d’ordonner la communication de documents précis ou d’autres actions qu’elle juge appropriées à la lumière de sa décision rendue à l’égard de la demande.

VII. Analyse

[22] Les observations écrites du demandeur sont largement muettes sur la question en litige dans la présente instance. Ces observations témoignent plutôt d’une insatisfaction générale à l’égard des processus de communication de la GRC, ce qui échappe à la portée de la présente affaire dont la Cour est saisie.

[23] Bien que le demandeur affirme que le défendeur avait fait preuve d’un [traduction] « manque de clarté » dans son utilisation des exemptions prévues dans la LAI, il n’a pas fourni d’observations ou d’éléments de preuve démontrant qu’elles avaient mal été appliquées. En fait, le CIC mène une enquête distincte sur l’utilisation des exemptions par la GRC dans sa réponse à la demande.

[24] Le demandeur fait également allusion à une [traduction] « présomption de refus » de la part du défendeur, mais aucune observation n’a été fournie à cet égard.

A. La GRC s’est-elle acquittée de son fardeau de rechercher et de communiquer tous les documents pertinents?

[25] Conformément à l’article 44.1 de la LAI, la Cour doit réviser l’objet d’une plainte comme une nouvelle affaire. Il est possible de diviser en deux parties l’objet de la plainte dont la Cour est actuellement saisie aux fins de révision au titre du paragraphe 41(1) de la LAI. Premièrement, le délai dans lequel le défendeur a accordé l’accès [la plainte relative au retard] et, deuxièmement, la recherche et la communication raisonnables de tous les documents pertinents [la plainte relative à la recherche].

(1) La plainte relative au retard

[26] Dans la plainte, le demandeur allègue que le défendeur a retardé sa réponse à la demande de façon déraisonnable. Comme le prévoit l’article 7 de la LAI, le responsable de l’institution fédérale visée par la demande doit donner communication des documents ou fournir un avis écrit précisant que l’accès ne sera pas accordé dans les 30 jours. Le défendeur avait reçu la demande le 23 août 2013. Bien que le défendeur eût accusé réception de la demande en temps opportun, il n’avait pas fourni de documents pertinents avant le 1er août 2014 — environ un an plus tard.

[27] Le défaut du responsable d’une institution fédérale de respecter le délai prévu de 30 jours équivaut à un refus de communication [paragraphe 10(3) de la LAI]. Le défendeur a clairement échoué à cet égard, et la Cour est sensible à la frustration du demandeur et aux efforts de celui-ci pour obtenir des documents correspondant à sa demande d’accès à l’information.

[28] Néanmoins, le retard ne semble pas avoir causé un préjudice ou porté atteinte au demandeur. Le défendeur a depuis communiqué de nombreux documents à quatre différentes reprises. En effet, le CIC a signalé que la plainte relative au retard avait été résolue.

(2) La plainte relative à la recherche

[29] La plainte allègue que le défendeur n’a pas effectué une recherche raisonnable pour trouver des documents correspondant à la demande. Conformément au paragraphe 48(1) de la LAI, il incombe au défendeur de s’acquitter de son fardeau de démontrer qu’il a effectué sa recherche de manière raisonnable pour trouver les documents en question.

[30] Le défendeur a fourni des éléments de preuve faisant état des multiples recherches qu’il avait réattribuées dans diverses divisions concernées en Colombie-Britannique et en Ontario. Suivant la recommandation du CIC, le défendeur a augmenté l’étendue et la portée de sa recherche pour inclure une autre division de la GRC et des mots-clés moins restrictifs. Dans son compte rendu, le CIC a conclu que, bien que la plainte eût été fondée, le défendeur avait mis en œuvre ses recommandations et d’autres documents avaient été communiqués.

[31] Le demandeur n’a fourni aucun élément de preuve ou argument de fond pour réfuter la position du défendeur. Bien qu’il en ait eu l’occasion, il n’a procédé à aucun contre-interrogatoire. La majorité des observations écrites et des éléments de preuve du demandeur n’abordent pas la question en litige dans la présente instance. Peu de poids a été accordé à l’affidavit de Shirley Heafey, car il ne traite pas beaucoup de la question en litige et est axé de façon plus générale sur la conduite de la GRC.

[32] Lors de l’audience, le demandeur a particulièrement attiré l’attention sur le refus de communiquer l’hypothétique rapport Blizard et les documents connexes qui auraient été examinés par le surintendant Blizard dans le cadre de la préparation de son rapport. Comme je l’ai déjà mentionné, la GRC a nié l’existence du rapport Blizard dans sa réponse à une autre demande d’accès à l’information. De plus, le rapport Blizard semble avoir été discuté dans le contexte de questions disciplinaires, ce qui échappe à la portée de la demande.

[33] Vu les documents qui pourraient avoir été examinés par le surintendant Blizard, il semble que ceux-ci échappent également à la portée de la demande. Certains de ces documents sont en dehors de la période précisée dans la plainte, tandis que d’autres font référence à des questions disciplinaires ou à d’autres questions qui échappent à la portée de la demande.

[34] Le demandeur décrit également un lecteur secret O: de la GRC, où il croit que sont peut‑être stockés des documents qu’il cherche à obtenir et qui n’ont pas été communiqués. Aucun élément de preuve ne démontre que des renseignements pertinents à la demande existent sur ce lecteur ou que celui-ci n’a pas été fouillé par la GRC.

[35] Encore une fois, bien qu’il soit regrettable qu’une enquête du CIC ait été nécessaire pour motiver le défendeur à effectuer une recherche approfondie et raisonnable, le dossier démontre que de telles recherches et communications raisonnables ont finalement été accomplies. Le défendeur s’est acquitté de son fardeau de rechercher et de communiquer les documents pertinents correspondant à la demande, conformément au paragraphe 48(1) de la LAI.

[36] Compte tenu du temps qu’il a fallu pour tenter de résoudre la question de la production de documents pertinents, et du fait que la GRC a trop tardé à coopérer pleinement, j’exerce mon pouvoir discrétionnaire et je n’adjugerai aucuns dépens.

 


JUGEMENT dans le dossier T-661-20

LA COUR STATUE :

  1. La demande est rejetée.

  2. Aucuns dépens ne sont adjugés.

« Michael D. Manson »

Juge

Traduction certifiée conforme

Christian Laroche, LL.B., juriste‑traducteur


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


Dossier :

T-661-20

 

INTITULÉ :

GERALD BRIAN RUNDEL c LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 1ER NOVEMBRE 2021

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :

LE JUGE MANSON

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :

LE 5 NOVEMBRE 2021

 

COMPARUTIONS :

Gerald Rundel

Pour le demandeur

 

Susanne Pereira

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Gerald Rundel

Nanaimo (Colombie-Britannique)

 

Pour le demandeur

 

Procureur général du Canada

Vancouver (Colombie-Britannique)

Pour le défendeur

 

 

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