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Date : 20211027


Dossier : 21-T-47

Référence : 2021 CF 1148

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 27 octobre 2021

En présence de monsieur le juge Ahmed

ENTRE :

CHERYL MCLEAN

DOUGLAS MCLEAN

demandeurs

et

MICHELAINE LAHAIE, PRÉSIDENTE DE LA COMMISSION CIVILE D’EXAMEN ET DE TRAITEMENT DES PLAINTES RELATIVES À LA GENDARMERIE ROYALE DU CANADA, BRENDA LUCKI, COMMISSAIRE DE LA GENDARMERIE ROYALE DU CANADA, LE SERGENT D’ÉTAT-MAJOR DARREN WOUTERS, LE SERGENT D’ÉTAT-MAJOR DEON MARQUIS, LE SERGENT RICHARD TONGE, LE CAPORAL KYLE WYONZEK ET LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeurs

ORDONNANCE ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] Les demandeurs, Cheryl McLean et Douglas McLean, ont introduit la présente requête en vertu de l’article 369 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 (les Règles) afin d’obtenir une ordonnance prorogeant le délai prévu pour déposer et signifier une demande de contrôle judiciaire.

[2] Les demandeurs sollicitent le contrôle judiciaire du rapport final (le rapport final) de la Commission civile d’examen et de traitement des plaintes relatives à la Gendarmerie royale du Canada (la CCETP) concernant les plaintes qu’ils ont déposées à l’encontre de membres de la Gendarmerie royale du Canada (la GRC), ainsi que le contrôle judiciaire de la réponse de la commissaire de la GRC au rapport provisoire de la CCETP sur leurs plaintes (la réponse de la commissaire). Les demandeurs sollicitent l’annulation des décisions de la CCETP et de la commissaire et une ordonnance de mandamus enjoignant à la CCETP de recommander que la commissaire prenne des mesures disciplinaires ou tienne des audiences disciplinaires à l’égard des membres de la GRC désignés à titre de défendeurs dans la présente requête.

[3] Pour les motifs exposés ci-dessous, je conclus que la requête des demandeurs ne répond pas aux exigences établies dans la jurisprudence pour l’obtention d’une prorogation de délai. La requête en prorogation de délai est donc rejetée.

II. Les faits

[4] Le 8 juin 2015, les demandeurs ont déposé une plainte concernant la conduite de membres de la GRC, se conformant pour ce faire au processus établi dans la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, LRC 1985, c R‑10. Le 13 mars 2017, la plupart des plaintes des demandeurs ont été rejetées. Le 11 mai 2017, les demandeurs ont demandé que l’affaire soit soumise à l’examen de la CCETP.

[5] Le 29 décembre 2017, la CCETP a, dans le cadre de son examen, rédigé le rapport provisoire prévu à la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada. Ce rapport provisoire a été fourni à la commissaire de la GRC, qui a rédigé une réponse qu’elle a ensuite transmise à la CCETP. Le 15 avril 2021, la CCETP a publié son rapport final.

[6] Le rapport final a été envoyé par courriel à l’avocat des demandeurs, le 21 avril 2021. Dans leurs observations, les demandeurs expliquent que le courriel a d’abord été ouvert par leur avocat, le 12 mai 2021, et qu’il a ensuite été transmis à l’associé de ce dernier, le 12 mai 2021. Le 13 mai 2021, une copie du rapport final a été imprimée et remise à l’associé. Ce dernier a cru à tort qu’il avait été reçu le 13 mai 2021 et c’est en fonction de cette date qu’il a établi la date limite pour présenter une demande de contrôle judiciaire.

[7] Une demande de contrôle judiciaire de la décision a été présentée le 11 juin 2021, mais a été subséquemment abandonnée à la suite de discussions avec l’avocat des défendeurs.

[8] Le 1er octobre 2021, les demandeurs ont déposé la présente requête en prorogation du délai pour présenter leur demande de contrôle judiciaire.

III. Question en litige

[9] La Cour doit décider si elle doit accorder aux demandeurs une prorogation du délai pour présenter leur demande de contrôle judiciaire du rapport final et de la réponse de la commissaire.

IV. Analyse

[10] Aux termes du paragraphe 18.1(2) de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F‑7, les demandes de contrôle judiciaire doivent être présentées dans les trente jours qui suivent la première communication de la décision ou de l’ordonnance à la partie concernée. Après l’expiration du délai de trente jours, le demandeur doit obtenir l’autorisation de déposer sa demande, sinon celle‑ci sera prescrite (Meeches c Assiniboine, 2017 CAF 123 au para 41).

[11] L’article 8 des Règles permet à la Cour de proroger, sur requête, tout délai prévu par les Règles. Une telle requête visant la prorogation d’un délai peut être présentée avant ou après la fin du délai.

[12] Dans l’arrêt Thompson c Canada (Procureur général), 2018 CAF 212 (Thompson), au paragraphe 5, la Cour d’appel fédérale a énoncé les quatre facteurs à considérer pour décider s’il y a lieu d’accorder une prorogation de délai :

  • 1) Le requérant a-t-il manifesté une intention constante de poursuivre sa demande de contrôle?

  • 2) La demande de contrôle judiciaire a-t-elle un certain fondement?

  • 3) Le requérant a-t-il une explication raisonnable pour justifier le retard?

  • 4) L’autre partie a-t-elle subi un préjudice en raison du retard?

[13] Il n’est pas nécessaire qu’il soit satisfait à chacun des quatre facteurs. La Cour doit plutôt examiner chacun d’eux et décider si, tout bien considéré, il serait dans l’intérêt de la justice d’accorder la prorogation de délai (Thompson, au para 6).

[14] Concernant le premier facteur, les demandeurs soutiennent que leurs actions témoignent d’une intention constante de poursuivre la demande de contrôle judiciaire : ils ont pris des mesures pour collaborer avec l’avocat des défendeurs tout de suite après avoir eu connaissance de l’erreur ayant causé le retard. J’estime cependant que les demandeurs n’ont pas présenté d’éléments de preuve faisant foi d’une intention constante de poursuivre la demande de contrôle judiciaire; il manque notamment une explication à propos du retard initial observé du côté de leur avocat au moment de la réception du rapport final.

[15] En ce qui a trait au deuxième facteur, je conclus que plusieurs lacunes nuisent au fondement général de la demande de contrôle judiciaire : le manque d’éléments de preuve à l’appui des motifs de contrôle invoqués, l’impossibilité d’accorder l’ordonnance de mandamus demandée et le non‑respect de l’article 302 des Règles, selon lequel la demande de contrôle judiciaire ne peut porter que sur une seule ordonnance.

[16] Troisièmement, bien que les demandeurs reconnaissent dans leurs observations que le retard à déposer leur demande de contrôle judiciaire est attribuable à l’inattention de leur avocat, qui a été admise et à laquelle il a été remédié, ils n’expliquent pas le délai qui s’est écoulé entre le moment où le rapport final a été envoyé par courriel à leur avocat, soit le 21 avril 2021, et le moment où le courriel a été ouvert, soit le 12 mai 2021. La demande de contrôle judiciaire proposée a initialement été déposée le 11 juin 2021, c’est-à-dire 22 jours après le délai de 30 jours. Je suis d’accord avec les défendeurs pour dire que les demandeurs n’ont que partiellement justifié le retard en expliquant que leur avocat avait commis une erreur, et je conclus que les demandeurs n’ont pas offert d’explication raisonnable pour justifier entièrement le retard.

[17] Enfin, faute d’explication raisonnable au sujet du retard, je ne peux accorder de prorogation de délai sans porter préjudice aux défendeurs (Collins c Canada (Procureur général), 2010 CF 949 au para 6).

V. Conclusion

[18] Je souligne que les observations écrites des demandeurs sont plutôt alambiquées et qu’elles contiennent plusieurs erreurs typographiques, d’où la difficulté qu’a éprouvée la Cour à comprendre ce que les demandeurs lui demandaient par la présente requête. Par exemple, les demandeurs font référence au rapport final et à la réponse de la commissaire. Il est donc difficile de savoir si le contrôle judiciaire vise le rapport final, la réponse de la commissaire ou les deux.

[19] Néanmoins, je conclus que les demandeurs n’ont présenté aucune explication raisonnable pour justifier entièrement le retard et que la demande sous-jacente est dépourvue de fondement. Par conséquent, je conclus que la requête des demandeurs ne satisfait pas aux facteurs permettant d’obtenir une prorogation de délai qui ont été énoncés dans l’arrêt Thompson.


ORDONNANCE dans le dossier 21-T-47

LA COUR ORDONNE QUE la requête en prorogation de délai des demandeurs est rejetée avec dépens.

« Shirzad A. »

Juge

Traduction certifiée conforme

Édith Malo


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

21-T-47

 

INTITULÉ :

CHERYL MCLEAN ET DOUGLAS MCLEAN c MICHELAINE LAHAIE, PRÉSIDENTE DE LA COMMISSION CIVILE D’EXAMEN ET DE TRAITEMENT DES PLAINTES RELATIVES À LA GENDARMERIE ROYALE DU CANADA, BRENDA LUCKI, COMMISSAIRE DE LA GENDARMERIE ROYALE DU CANADA, LE SERGENT D’ÉTAT‑MAJOR DARREN WOUTERS, LE SERGENT D’ÉTAT‑MAJOR DEON MARQUIS, LE SERGENT RICHARD TONGE, LE CAPORAL KYLE WYONZEK ET LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

REQUÊTE PRÉSENTÉE en vertu de L’ARTICLE 369 DES RÈGLES DES COURS FÉDÉRALES

EN DATE DU 1ER OCTOBRE 2021

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LE JUGE AHMED

 

DATE DES MOTIFS :

LE 27 OCTOBRE 2021

OBSERVATIONS ÉCRITES PAR :

Thomas M. Engel

Samantha E. Labahn

 

POUR LES DEMANDEURS

James Elford

 

POUR LE DÉFENDEUR,

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Engel Law Office

Avocats

Edmonton (Alberta)

 

POUR LES DEMANDEURS

Procureur général du Canada

Edmonton (Alberta)

POUR LE DÉFENDEUR,

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

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