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Date : 20211101


Dossier : IMM‑4017‑20

Référence : 2021 CF 1162

[traduction française]

Ottawa (Ontario), le 1er novembre 2021

En présence de monsieur le juge Gleeson

ENTRE :

OLANREWAJU ABIODUN HASSAN

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] Le demandeur, monsieur Olanrewaju Abiodun Hassan, est un citoyen du Nigéria. Il est entré au Canada en provenance des États‑Unis en septembre 2017 et a demandé l’asile en affirmant qu’il craignait ses anciens partenaires commerciaux au Nigéria.

[2] Le demandeur a déclaré que, à titre de directeur général d’une entreprise pétrolière et gazière bien établie, il avait renvoyé trois membres du conseil d’administration de la société ayant commis des actes frauduleux et contre qui il avait eu gain de cause dans des poursuites civiles intentées entre 2012 et 2016. Il estime que ces trois personnes sont derrière deux tentatives d’assassinat perpétrées contre lui en 2016.

[3] La Section de la protection des réfugiés [la SPR] de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada a rejeté la demande d’asile de M. Hassan après avoir soulevé de [traduction] « sérieuses préoccupations en matière de crédibilité », mais elle a conclu que l’existence d’une possibilité de refuge intérieur [PRI] viable au Nigéria était la question déterminante.

[4] La Section d’appel des réfugiés [la SAR] a confirmé le refus de la SPR, mais pour d’autres motifs. Elle a conclu que la crainte alléguée par le demandeur n’avait pas de lien avec l’un des motifs de la Convention énoncés à l’article 96 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR] et qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve crédibles démontrant, selon la prépondérance des probabilités, que le demandeur était exposé à un risque de préjudice au sens de l’article 97 de la LIPR.

[5] Le demandeur demande le contrôle de la décision de la SAR en date du 11 août 2020 au titre de l’article 72 de la LIPR. Il prétend que la décision de la SAR devrait être annulée pour deux motifs : 1) un manquement à l’équité procédurale; 2) la SAR a apprécié sa crédibilité et les éléments de preuve de manière déraisonnable. Le défendeur soutient que la décision de la SAR était équitable sur le plan procédural et que la conclusion de la SAR quant à la crédibilité ainsi que la façon dont elle a traité les éléments de preuve étaient raisonnables.

[6] Je ne suis pas convaincu que l’intervention de la Cour est justifiée, pour les motifs qui suivent. La demande est rejetée.

II. Norme de contrôle

[7] Les questions d’équité procédurale sont contrôlées en examinant si un processus juste et équitable a été suivi eu égard à l’ensemble des circonstances (Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69 au para 54 [Chemin de fer Canadien Pacifique]). Cet exercice de contrôle est « particulièrement bien reflété dans la norme de la décision correcte », même si, à proprement parler, aucune norme de contrôle n’est appliquée (Chemin de fer Canadien Pacifique, au para 54; voir aussi Grewal c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 1186 au para 5; Sun c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 477 au para 27; Taseko Mines Limited c Canada (Environnement), 2019 CAF 319 au para 49; Association canadienne des avocats en droit des réfugiés c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2020 CAF 196 au para 35). Le principe de l’équité procédurale est « intrinsèquement souple et tributaire du contexte », et les exigences procédurales applicables sont déterminées eu égard à l’ensemble des circonstances dans un cas donné (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 aux para 77 et 127 [Vavilov]).

[8] La norme de contrôle applicable aux questions portant sur la crédibilité et l’évaluation de la preuve faite par la SAR est celle de la décision raisonnable (Sary c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 178 au para 14). Une décision raisonnable est une décision qui est justifiée, transparente et intelligible; elle est « fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles » (Vavilov, aux para 15 et 85).

III. Analyse

A. Il n’y a pas eu manquement à l’équité procédurale

[9] La SAR, après avoir estimé que la présomption de véracité du témoignage du demandeur avait été réfutée, a conclu que le fait que le demandeur n’avait pas pu fournir une explication raisonnable quant à l’absence de documents corroborants minait sa crédibilité.

[10] En ce qui concerne l’absence de documents corroborants et la mention dans le formulaire FDA qu’il a tardé à quitter le Nigéria, la SAR a conclu que le demandeur avait eu la possibilité de réunir des documents avant son départ. Le demandeur prétend que cette conclusion reposait sur des suppositions de faits que la SPR ou la SAR n’a pas portées à son attention. Cette omission a rendu le processus inéquitable puisque l’absence de documents était au cœur de la conclusion défavorable quant à la crédibilité.

[11] Je ne suis pas convaincu que la conclusion de la SAR a donné lieu à un manquement à l’équité procédurale.

[12] L’absence de documents corroborants constituait clairement un problème devant la SPR, et le demandeur a eu la possibilité d’expliquer pourquoi il n’avait pas de documents au sujet de la longue procédure judiciaire et du rôle qu’il jouait dans l’entreprise. La SPR n’a pas demandé au demandeur s’il avait déployé des efforts particuliers pour réunir des documents corroborants avant de quitter le Nigéria, mais la préoccupation plus générale n’en a pas moins été signalée et abordée. La préoccupation n’était ni nouvelle ni inconnue du demandeur, qui était représenté par une avocate devant la SPR et qui a eu la possibilité de répondre aux préoccupations de la SPR.

[13] Dans les circonstances, j’estime que le demandeur a bel et bien eu la possibilité d’expliquer pourquoi il n’avait pas obtenu des documents avant de quitter le Nigéria. Toutefois, même si je partageais l’avis du demandeur à ce sujet, je n’en conclurais pas moins que les circonstances ne font pas ressortir un manquement à l’équité.

[14] L’analyse effectuée par la SAR sur la conduite du demandeur avant qu’il ne quitte le Nigéria n’était pas le seul ni même le principal motif de sa conclusion défavorable quant à la crédibilité. La SAR a conclu que même si le demandeur n’avait pas pensé à réunir des documents avant de quitter le Nigéria, il avait eu beaucoup de temps pour ce faire depuis son arrivée au Canada. La SAR a reconnu l’explication donnée par le demandeur à cet égard – soit qu’il avait perdu contact avec son avocat au Nigéria en 2017, et qu’il ne voulait pas essayer d’obtenir les documents par d’autres moyens parce qu’il ne voulait pas être retrouvé au Canada – , mais elle a jugé que cette explication était déraisonnable.

[15] La conclusion de la SAR selon laquelle le demandeur a eu la possibilité de réunir des documents avant de quitter le Nigéria ne constituait qu’un aspect de l’analyse effectuée par la SAR à l’appui de sa conclusion selon laquelle le demandeur avait eu la possibilité de réunir des éléments de preuve documentaire avant son audience. Compte tenu de l’ensemble des circonstances, je suis donc convaincu que le processus a été équitable.

B. La décision est aussi raisonnable

[16] Pour conclure que le demandeur avait eu amplement le temps et la possibilité de réunir des documents après son arrivée au Canada, la SAR se fonde sur de l’information figurant dans le cartable national de documentation [le CND], où il est mentionné que, si l’affaire est portée devant un tribunal, il est possible d’obtenir des documents judiciaires à partir de l’étranger en transmettant une demande directement au greffier du tribunal en cause. Le demandeur prétend que la SAR a interprété de manière raisonnable les éléments de preuve en invoquant ce rapport. Il affirme que, parce que l’information concerne expressément les documents utilisés dans le cadre de procédures criminelles, elle n’a que peu de pertinence pour ce qui est des procédures civiles qu’il a affirmé avoir intentées au Nigéria.

[17] Cet argument ne me convainc pas. La SAR a expressément reconnu que l’information en question concernait le système de justice pénale. Après quoi, elle a affirmé : « [s]elon les éléments de preuve contenus dans le CND à propos des documents juridiques relatifs à une affaire criminelle, j’estime que, selon la prépondérance des probabilités, les documents juridiques concernant le litige de M. Hassan, qui aurait duré quatre ans, avec de nombreuses séances, de nombreux ajournements ainsi qu’une décision finale, auraient dû être normalement accessibles à M. Hassan par l’intermédiaire du greffier du tribunal au Nigéria ». Cette conclusion repose fortement sur le dossier et est étayée au moyen de motifs intelligibles et transparents.

[18] Il était raisonnablement loisible à la SAR de conclure, comme elle l’a fait, que la présomption de véracité avait été réfutée et que le demandeur avait omis de fournir une explication raisonnable pour l’absence de documents corroborants. La SAR n’a pas commis d’erreur quand elle a tiré ces conclusions et, en dernière analyse, quand elle a conclu que le demandeur n’avait pas fourni suffisamment d’éléments de preuve pour établir les faits sous‑tendant sa demande d’asile.

IV. Conclusion

[19] La demande de contrôle judiciaire est rejetée. Les parties n’ont soumis aucune question grave aux fins de certification, et je suis convaincu que l’affaire n’en soulève aucune.


JUGEMENT dans le dossier IMM‑4017‑20

LA COUR STATUE que :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée;
  2. Aucune question n’est certifiée.

blak

« Patrick Gleeson »

blank

Juge

Traduction certifiée conforme

Line Niquet, trad. a


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑4017‑20

 

INTITULÉ :

OLANREWAJU ABIODUN HASSAN c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

audience tenue par VIDéOCONFéRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

le 13 ocTOBRe 2021

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

le juge GLEESON

 

DATE DES MOTIFS :

le 1er novembre 2021

 

COMPARUTIONS :

Dov Maierovitz

 

pour le demandeur

 

Brad Gotkin

pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Dov Maierovitz

Avocat

Toronto (Ontario)

 

pour le demandeur

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

pour le défendeur

 

 

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