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Date : 20211020


Dossier : IMM-2762-20

Référence : 2021 CF 1106

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Fredericton (Nouveau-Brunswick), le 20 octobre 2021

En présence de madame la juge McDonald

ENTRE :

NATALIA BONDARENKO

demanderesse

et

LE ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté

 

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] Dans la présente demande de contrôle judiciaire, la demanderesse, Natalia Bondarenko, une citoyenne russe, sollicite le contrôle judiciaire de la décision par laquelle un agent des visas a rejeté sa demande de permis d’études.

[2] Pour les motifs qui suivent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée, car la décision de l’agent des visas est raisonnable.

Contexte

[3] La demanderesse, âgée de 40 ans, est une citoyenne de Russie, où elle vit avec son fils de 14 ans. En 2003, elle a obtenu un diplôme d’économie en Russie, et elle occupe actuellement le poste de comptable principale pour une société établie dans ce pays.

[4] Dans sa demande de permis d’études, la demanderesse a indiqué qu’elle avait l’intention de suivre un programme d’études anglaises à Calgary, puis de suivre un programme de deux ans menant à un diplôme en administration des affaires. Elle a déclaré qu’elle voulait parfaire ses compétences en anglais et acquérir des connaissances sur les pratiques comptables occidentales.

[5] La mère et le frère de la demanderesse résident actuellement au Canada. Son frère est citoyen canadien. La demanderesse a indiqué dans sa demande que, pendant son séjour au Canada, elle habiterait chez son frère et qu’il subviendrait à ses besoins. Elle est séparée du père de son fils, qui vit lui aussi en Russie.

La décision faisant l’objet du contrôle

[6] Le 9 avril 2020, l’agent des visas a rejeté la demande présentée par la demanderesse, ayant conclu qu’il n’était pas convaincu qu’elle quitterait le Canada à la fin de son séjour, compte tenu de ses liens familiaux au Canada et en Russie, du but de sa visite et de sa situation professionnelle.

[7] L’agent s’est dit préoccupé par l’éventualité que la demanderesse quitte son emploi en Russie et qu’elle ne conserve donc aucun lien économique avec ce pays. De plus, l’agent a tenu compte de la présence de toute sa famille immédiate au Canada. Il a également pris en considération le fait qu’elle avait respecté les conditions de deux précédents visas de résident temporaire, qu’elle s’était déjà vu refuser deux demandes de permis d’études, que son projet d’études avait été reporté et que le conjoint dont elle était séparée vivait en Russie.

Question préliminaire

[8] Le 25 juin 2021, la demanderesse a déposé un affidavit supplémentaire, qui comprenait une déclaration personnelle faite par son ex-conjoint et une lettre de son employeur. Ces informations n’avaient pas été communiquées à l’agent au moment où il a pris la décision faisant l’objet du présent contrôle.

[9] Lors de l’audition de la demande de contrôle judiciaire, la demanderesse a confirmé à juste titre qu’elle ne se fondait pas sur le contenu de cet affidavit. Étant donné que l’agent des visas ne disposait pas de cette information, celle-ci ne pouvait pas être présentée à l’appui de la demande de contrôle judiciaire et n’a pas été prise en compte.

Questions en litige

[10] La seule question en litige dans le cadre du présent contrôle judiciaire consiste à savoir si la décision de l’agent des visas est raisonnable.

[11] Dans ses observations écrites, la demanderesse a soulevé des questions relatives à l’équité procédurale. Cependant, l’équité procédurale n’a pas été invoquée à l’audience, et rien n’indique qu’il y ait eu des manquements à cet égard. Je souligne que les demandes de permis d’étude sont assujetties à des exigences peu rigoureuses en matière d’équité procédurale (Hamad c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 600 au para 21).

Norme de contrôle

[12] Les deux parties conviennent que la norme de contrôle applicable en l’espèce est celle du caractère raisonnable. Comme il est énoncé dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 au para 99, « [l]a cour de révision doit s’assurer de bien comprendre le raisonnement suivi par le décideur afin de déterminer si la décision dans son ensemble est raisonnable. Elle doit donc se demander si la décision possède les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité, et si la décision est justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur celle‑ci » [références omises].

Analyse

La décision de l’agent est-elle raisonnable?

Liens familiaux

[13] La demanderesse fait valoir que l’agent n’a pas pleinement tenu compte de sa situation personnelle, puisqu’il a conclu qu’elle avait des liens ténus avec la Russie, bien que le père de son enfant y réside et qu’elle n’ait jamais sollicité le statut de résidente permanente. La demanderesse soutient également que l’agent n’aurait pas dû considérer ses liens familiaux au Canada comme un facteur lui étant défavorable.

[14] Les décisions invoquées par la demanderesse, Bteich c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 1230 [Bteich], et Gauthier c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 1211 [Gauthier], reposent sur des faits différents de ceux de l’espèce. Dans l’affaire Bteich, le demandeur était un citoyen libanais de 19 ans dont les parents et les trois sœurs résidaient au Canada. Le juge Shore a conclu qu’il était déraisonnable que l’agent tire des conclusions négatives de ces liens familiaux, et a jugé que l’agent aurait dû considérer le soutien financier que lui procurent les membres de sa famille comme un facteur favorable au demandeur (au para 2). De même, dans l’affaire Gauthier, la demanderesse, âgée de 22 ans, s’était vu refuser un permis d’études en raison de ses liens familiaux au Canada, où résidaient sa mère et sa sœur. Certes, le juge Shore a reconnu que « l’agent d’immigration était en droit de regarder l’ensemble des facteurs — y compris familiaux — qui pousseraient la demanderesse à demeurer ou non au Canada à la fin de la période de son permis d’études », mais il a en dernière analyse conclu que l’agent avait « mis une emphase déraisonnable sur ce facteur personnel » (aux para 17, 18).

[15] En l’espèce, par contre, la demanderesse est âgée de 40 ans, elle a un fils adolescent, et sa carrière est bien établie en Russie. Il était raisonnable que l’agent mette en balance ses liens familiaux importants au Canada (sa mère et son frère) et ses liens familiaux moins étroits en Russie (son ex-mari), et qu’il conclue que ceux-ci ne suffiraient pas à la convaincre de retourner dans son pays d’origine. Les notes du Système mondial de gestion des cas (SMGC) contiennent la mention : [traduction] « CONJOINT : AUCUNE INFORMATION/SÉPARÉS ». La seule information qui a été communiquée au sujet de l’ancien conjoint de la demanderesse consiste en un formulaire, daté du 31 août 2015, dans lequel il consent à ce que leur fils séjourne au Canada entre 2015 et 2023.

[16] Il était légitime et raisonnable que l’agent tienne compte des liens familiaux de la demanderesse au Canada. En l’espèce, on ne saurait dire que l’agent a mis l’accent de façon déraisonnable sur ce facteur.

Objet de la visite

[17] La demanderesse fait valoir que les motifs pour lesquels l’agent a rejeté sa demande ne tiennent pas compte des éléments de preuve qui concernent l’objet de sa visite, et que le refus de ses demandes antérieures de permis d’études a joué un rôle déterminant pour le rejet de sa dernière demande. Je ne suis pas d’accord. Bien que les motifs mentionnent les refus antérieurs de permis d’études, rien n’indique qu’ils aient lourdement pesé sur la décision de l’agent.

[18] Les notes du SMGC indiquent que la demanderesse sollicitait un permis d’études afin de fréquenter le Collège Bow Valley et de suivre par la suite un programme menant à un diplôme en administration des affaires. La demanderesse a déclaré qu’elle souhaitait poursuivre ses études pour améliorer ses perspectives d’emploi en Russie, mais les notes du SMGC soulignent qu’elle avait déjà effectué des études postsecondaires en Russie et qu’elle occupait un poste haut placé dans son domaine. Au vu de ces faits, il était raisonnable que l’agent doute que la demanderesse quitte le Canada à la fin de la période de séjour autorisée, et ce, compte tenu de la justification de sa visite.

Situation professionnelle actuelle

[19] La demanderesse fait valoir que la conclusion de l’agent concernant sa situation professionnelle était déraisonnable, car il n’a pas tenu compte ni du fait qu’elle avait travaillé sans interruption pendant 17 ans en Russie, ni de la confirmation, par son employeur, de son intention d’envisager la possibilité de la réembaucher à son retour. La demanderesse soutient qu’elle voulait poursuivre ses études afin d’améliorer ses perspectives d’emploi en Russie.

[20] La demanderesse a produit une lettre de son employeur dans laquelle il l’encourageait fortement à suivre des études au Canada. Étant donné la durée de la période pendant laquelle la demanderesse prévoyait s’absenter, il était raisonnable que l’agent considère la perte d’emploi comme un facteur défavorable. L’intention exprimée par son employeur d’envisager la possibilité de la réembaucher n’équivaut pas à une promesse de le faire. Compte tenu des circonstances, il était raisonnable que l’agent évalue cette preuve en conséquence et qu’il conclue que la demanderesse avait des liens financiers ténus avec la Russie.

[21] Dans l’ensemble, il était raisonnable de la part de l’agent de conclure, compte tenu de la situation professionnelle de la demanderesse, qu’elle ne quitterait pas le Canada à l’expiration de son permis d’études.

Conclusion

[22] En somme, les observations présentées par la demanderesse reviennent essentiellement à demander à la Cour de soupeser à nouveau les éléments de preuve. Or, ce n’est pas le rôle de la Cour dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12 au para 61). L’agent des visas n’était pas convaincu que la demanderesse répondait aux conditions requises pour obtenir un permis d’études. La décision est cohérente et transparente, et donc raisonnable.

[23] En conséquence, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.


JUGEMENT dans le dossier IMM-2762-20

LA COUR STATUE que :

  1. la demande de contrôle judiciaire est rejetée;

  2. aucune question à certifier n’a été proposée et l’affaire n’en soulève aucune.

« Ann Marie McDonald »

Juge

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-2762-20

 

INTITULÉ :

NATALIA BONDARENKO c MIRC

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 24 août 2021

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

lA juge MCDONALD

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

LE 20 octobre 2021

 

COMPARUTIONS :

Kevin Zemp

 

POUR La DEMANDEresse

 

Lora Falkenberg Walsh

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Kevin Zemp

Zemp Law Group

Avocats

Calgary (Alberta)

 

POUR La DEMANDEresse

 

Procureur général du Canada

Ministère de la Justice du Canada

Bureau régional des Prairies

Calgary (Alberta)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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