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Date : 20211013


Dossier : IMM‐1203‐20

Référence : 2021 CF 1065

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 13 octobre 2021

En présence de madame la juge Walker

ENTRE :

IBHADE NYEROVWO AGBHONKESE

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Les faits

[1] La demanderesse, madame Agbhonkese, est une citoyenne du Nigéria. En 2019, elle a présenté une demande de visa afin d’obtenir la résidence permanente au titre de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral) (TQF) en sa qualité de candidate à l’Entrée express. Dans sa demande, elle a inscrit 15 points parce qu’elle a un parent admissible qui vit au Canada et qui est citoyen canadien.

[2] Dans une décision datée du 6 février 2020 (la décision), un agent des visas a rejeté sa demande. Il a conclu que la demanderesse n’avait pas fourni la preuve documentaire nécessaire pour étayer son point de vue selon lequel le demi‐frère de son mari, M. Anthony Agbhonkese, est un parent admissible. Son mari se nomme M. Godwin Agbhonkese.

[3] Dès qu’elle a reçu la décision défavorable, la demanderesse a sollicité un réexamen. Sa demande de réexamen a été refusée dans une lettre datée du 11 février 2020 (le refus de réexaminer la décision).

[4] La demanderesse demande aujourd’hui à la Cour de réexaminer la décision. Elle n’a pas déposé de demande de contrôle judiciaire du refus de réexaminer la décision.

II. Analyse

[5] Mon analyse des questions en litige soulevées par les parties est fonction de la preuve documentaire de la demanderesse. Il est donc utile d’exposer d’abord ces éléments de preuve.

[6] Au départ, la demanderesse a présenté les documents suivants à l’appui de son argument selon lequel le demi‐frère de son mari est un parent admissible :

  1. Une lettre signée par Anthony Agbhonkese, datée du 4 mai 2019, dans laquelle il affirme que Godwin Agbhonkese est son demi‐frère, du côté de son père;

  2. Une facture de l’autoroute express à péage 407 (ETR) faite au nom d’Anthony Agbhonkese, à une adresse à Brampton, en Ontario; la date de facturation est le 18 mars 2019;

  3. Un reçu manuscrit délivré à Anthony Agbhonkese pour le paiement de son loyer de mai 2019 à la même adresse à Brampton;

  4. Le certificat de mariage de la demanderesse et de Godwin Agbhonkese, provenant du registre de Benin City, au Nigéria;

  5. Une copie de la page des renseignements personnels figurant dans le passeport canadien d’Anthony Agbhonkese, et comportant sa photo, son nom complet, sa date de naissance, son lieu de naissance, sa nationalité (canadienne), la date de délivrance (le 15 avril 2018), la date d’expiration (le 15 avril 2028) et le lieu de délivrance (Brampton, en Ontario).

[7] Avec sa demande de réexamen, la demanderesse a présenté les éléments suivants :

  1. Un certificat de naissance de l’État de Lagos, au Nigéria, au nom de Anthony Agbhonkese, indiquant que son père est Agbhonkese Oribhabor et sa mère, Agboifoh Christiana;

  2. Un affidavit de déclaration d’âge relativement à Anthony Agbhonkese, souscrit par sa tante au Nigéria et confirmant les mêmes noms du père et de la mère;

  3. Un certificat de naissance de Benin City, au Nigéria, au nom de Godwin Agbhonkese, indiquant que son père est Agbhonkese Oribhabor et sa mère, Agbhonkese Clara;

  4. Un affidavit sur la situation familiale émanant de la division du système judiciaire de Benin City, au Nigéria : cet affidavit, fait sous serment devant un commissaire à l’assermentation, est souscrit par Agbhonkese Clara, laquelle affirme que feu Agbhonkese Oribhabor était son mari dont Anthony Agbhonkese est le premier fils né de sa première femme, et que Godwin Agbhonkese est l’un des enfants qu’elle a eus avec Agbhonkese Oribhabor.

Question préliminaire : le refus de réexaminer la décision

[8] Le défendeur fait d’abord valoir que la décision et le refus de la réexaminer sont des décisions distinctes qui doivent être contestées au moyen de demandes séparées. Par conséquent, la Cour ne devrait pas tenir compte des observations de la demanderesse sur le refus de réexaminer la décision (Kosolapova c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 458 au para 8 (Kosolapova)). Le défendeur fait également valoir que les éléments de preuve fournis avec la demande de réexamen auraient dû être présentés avec sa demande initiale, et que l’agent n’a pas eu tort de conclure qu’il ne pouvait pas tenir compte des éléments de preuve présentés après la date de la première demande.

[9] La demanderesse soutient que sa demande initiale et sa demande de réexamen sont très similaires : l’auteure de la demande et le numéro de demande sont les mêmes. La multiplication des procédures ne servirait à rien (Naderika c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 788 au para 29 (Naderika)).

[10] Dans sa lettre de refus, l’agent explique que la demande initiale de la demanderesse a été examinée au fond et qu’elle a été rejetée parce que les éléments de preuve censés étayer son affirmation selon laquelle son mari a un frère qui vit au Canada étaient insuffisants. L’agent a renvoyé à la décision du 6 février 2020, et a conclu que [TRADUCTION] « [n]ous ne pouvons tenir compte d’aucun renseignement fourni après la date de présentation de votre demande, ni après la date de notre décision statuant sur votre demande ».

[11] Dans l’affaire Kosolapova, la décision faisant l’objet du contrôle était une demande de résidence permanente fondée sur des motifs d’ordre humanitaire. La juge MacTavish, maintenant juge à la Cour d’appel fédérale, a souligné que la décision initiale du 11 janvier 2013 fondée sur des motifs d’ordre humanitaire et la décision du 26 mars 2013 rendue à la suite du réexamen étaient des décisions distinctes, et que chacune aurait dû faire l’objet d’une demande de contrôle judiciaire (Kosolapova, au para 8).

[12] Par ailleurs, dans l’affaire Naderika, la Cour a examiné une décision du 17 juin 2014 où le décideur rejetait une demande de résidence permanente au Canada au titre de la catégorie des TQF. Le juge Gascon a souligné que le demandeur a communiqué avec le bureau des visas le 17 juin 2014, aussitôt qu’il a obtenu la décision portant rejet de sa demande, et qu’il a dit à son interlocuteur qu’il avait présenté des documents en mars 2014 en réponse à une demande que l’agent lui avait présentée en janvier. Le demandeur a sollicité le réexamen de la décision et a joint les documents de mars 2014 à sa demande. Il a ensuite déposé une demande de contrôle judiciaire du rejet prononcé en juin 2014, mais pas du refus de réexaminer la décision. Selon le juge Gascon, l’intérêt de la justice exigeait que la Cour examine, dans le cadre du contrôle judiciaire de la décision initiale portant rejet de la demande de résidence permanente, la décision statuant sur la demande de réexamen (Naderika, au para 29) :

[29] Quoi qu’il en soit, je suis convaincu que l’intérêt de la justice exige que la Cour examine la décision rendue à l’égard de la demande de réexamen dans le cadre du contrôle judiciaire de la décision initiale de refuser la demande de résidence permanente de M. Naderika (Marr c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 367, au paragraphe 56 [Marr]; Thangappan c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1266, au paragraphe 3). Le refus de réexaminer renvoie à la même décision, se rapporte au même dossier d’immigration et a été envoyé avant que M. Naderika ne dépose sa demande de contrôle judiciaire. De plus, la preuve produite auprès de l’agent avait permis de répondre de façon concluante à la préoccupation qui avait mené à la décision initiale. Il serait donc inutile d’exiger de M. Naderika qu’il présente une demande distincte de contrôle judiciaire et de scinder la procédure, et il serait également contraire à l’intérêt de la justice de le faire.

[13] En l’espèce, la demande de réexamen et la preuve supplémentaire de la demanderesse ont été présentées le jour même où elle a reçu la décision. Cette preuve répondait à la préoccupation selon laquelle elle n’avait pas démontré le lien de parenté entre Godwin et Anthony Agbhonkese. J’estime qu’il ne servirait à rien d’exiger de la demanderesse qu’elle conteste séparément le refus de réexaminer la décision.

[14] En outre, je ne souscris pas à l’argument du défendeur selon lequel l’agent n’était pas autorisé à prendre en considération les éléments de preuve remis avec la demande de réexamen. L’appréciation d’une demande de réexamen relève de l’exercice du pouvoir discrétionnaire et comporte deux étapes : 1) il faut se demander s’il y a lieu de réexaminer la décision antérieure, et, le cas échéant, 2) il faut faire le réexamen, en bonne et due forme, de la décision antérieure (Hussein c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 44 au para 55). Rien n’empêche l’agent des visas, lorsqu’il doit décider s’il réexamine une décision initiale, de vérifier si de nouveaux éléments de preuve justifient le réexamen. À l’étape suivante, l’agent examinera les éléments de preuve supplémentaires, et décidera s’ils permettent de combler les lacunes dans la preuve qui ont influé sur la décision de rejeter la demande initiale (Gill c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 1202 aux para 12‐16). À mon avis, les nouveaux éléments de preuve que la demanderesse a fournis avec sa demande de réexamen justifiaient que l’agent évalue l’opportunité de réexaminer la décision, et qu’il apprécie la nouvelle preuve du lien de parenté entre la demanderesse et Anthony Agbhonkese.

Vue d’ensemble du programme Entrée express

[15] Entrée express est le système exploité par Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) qui sert à gérer les demandes en matière d’immigration économique relatives à trois catégories, dont celle des TQF. Dans les faits, le candidat soumet son profil dans le système Entrée express d’IRCC. S’il répond aux critères de l’une des trois catégories, il sera intégré à un bassin de candidats. Ensuite, le candidat pourra être invité à demander la résidence permanente au Canada en tant que TQF, selon son classement dans le bassin. Le candidat devra ensuite présenter un dossier complet démontrant qu’il répond aux critères d’admissibilité.

[16] Le cadre législatif applicable au processus de demande se trouve à la Section 0.1 de la partie 1 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR), intitulée « Invitation à présenter une demande ». Selon le paragraphe 10.1(1), l’étranger qui cherche à entrer au Canada comme membre d’une catégorie visée par une instruction donnée en vertu de l’alinéa 10.3(1)a) ne peut présenter une demande de résidence permanente que s’il a été invité par le ministre à le faire.

[17] Selon le paragraphe 10.3(1) de la LIPR, le ministre peut donner des instructions régissant l’application de la section 0.1, notamment sur les catégories à l’égard desquelles l’étranger peut être invité à demander la résidence permanente au titre du paragraphe 10.1(1), sur les critères qu’il est tenu de remplir pour pouvoir être invité à présenter une demande, et sur la base sur laquelle peuvent être classés les uns par rapport aux autres les étrangers qui peuvent être invités à présenter une demande.

[18] Comme je l’ai mentionné ci‐dessus, l’une des catégories pour lesquelles une invitation peut être donnée aux termes du paragraphe 10.1(1) est celle des TQF, visée au paragraphe 75(1) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002227 (le Règlement). Le paragraphe 75(1) dispose que la catégorie des TQF « est une catégorie réglementaire de personnes qui peuvent devenir résidents permanents du fait de leur capacité à réussir leur établissement économique au Canada ». En outre, le paragraphe 76(1) du Règlement énonce les critères d’évaluation qui permettent de décider si le TQF « peut réussir son établissement économique au Canada ». L’un des critères pour lesquels des points sont attribués est le fait pour un parent admissible de vivre au Canada.

[19] Le gouvernement du Canada a publié sur son site Web un ensemble d’instructions et lignes directrices opérationnelles (les lignes directrices) concernant les documents qu’un demandeur doit présenter pour démontrer que sa demande respecte les critères. Voici comment valider l’existence d’un parent admissible au Canada :

  • - Une copie recto verso du document de citoyenneté canadienne du membre de la famille, du certificat de naissance canadien ou de la carte de résident permanent est requise.

  • - Des pièces justificatives selon lesquelles le membre de la famille réside actuellement au Canada doivent être fournies (p. ex. un bail résidentiel, des documents d’hypothèque, des factures de services publics).

  • - L’adresse au Canada du membre de la famille doit figurer sur ces documents, lesquels doivent également être récents, c’est‐à‐dire qu’ils ne doivent pas remonter à plus de 6 mois de la date de la présentation de la demande.

  • - La preuve de parenté du demandeur ou de l’époux ou conjoint de fait qui l’accompagne avec le membre de la famille est requise (p. ex. un certificat de naissance, un document officiel indiquant que le demandeur est un membre de la famille, ainsi qu’une copie de la face intérieure de la couverture du passeport du membre de la famille indiquant le nom de ses parents, des certificats de mariage, des documents légaux d’adoption ou tout autre document prouvant ou décrivant le lien de parenté).

  • - Si le demandeur déclare avoir un demi‐frère ou une demi‐sœur, aucune preuve dans la demande ne doit démontrer qu’il y a eu échec du mariage ou de l’union de fait entre les parents du demi‐frère ou de la demi‐sœur.

Le caractère raisonnable de la décision

[20] La question déterminante en l’espèce est celle de savoir si la preuve de la demanderesse a raisonnablement établi que le demi‐frère de son mari est un parent admissible. La demanderesse soutient que l’examen de la preuve par l’agent était déraisonnable.

[21] La norme de contrôle qui s’applique à l’examen d’une décision au fond, y compris l’examen par l’agent des éléments de preuve présentés par la demanderesse, est celle de la décision raisonnable (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 aux para 10, 23 (Vavilov)). Lorsque la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable, le rôle d’une cour de révision consiste à examiner les motifs du décideur administratif et de décider si la décision est « fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle » et si elle est « justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti » (Vavilov, au para 85).

[22] Le défendeur fait valoir que la demanderesse n’a pas respecté les exigences énoncées dans les lignes directrices parce qu’elle n’a joint à sa demande qu’un côté de la page de renseignements biographiques du passeport canadien d’Anthony Agbhonkese, et que la lettre d’Anthony ne permet pas de prouver le lien de parenté qu’il a avec la demanderesse.

[23] J’estime que les observations du défendeur ne sont pas convaincantes. Le recours de l’agent aux lignes directrices n’a pas été justifié ou expliqué de manière intelligible, et il reflète une approche qui privilégie la forme plutôt que le fond.

[24] Je conclus qu’il était déraisonnable pour l’agent de ne pas tenir compte de la preuve d’identité d’Anthony Agbhonkese – à savoir son passeport canadien – sans fournir une justification logique. La page des renseignements biographiques du passeport canadien d’Anthony indique son nom, sa date de naissance, sa nationalité canadienne et son admissibilité à détenir un passeport canadien, ainsi que le fait qu’il réside à Brampton, en Ontario. Ni l’agent ni le défendeur n’ont présenté d’observations quant aux informations supplémentaires qui pourraient figurer au verso de la page des renseignements biographiques. Selon les lignes directrices, la copie recto verso d’un document est exigée relativement à certains documents qui sont délivrés sous la forme d’une carte sur laquelle des renseignements sont exposés sur ses deux côtés. Le passeport n’est pas un tel document. Il comporte des pages, et non des côtés. Je constate également que les lignes directrices elles‐mêmes mentionnent que « la page des renseignements personnels d’un passeport ou d’un titre de voyage » doit être fournie pour confirmer l’identité du demandeur.

[25] Selon la lettre présentée pour établir le lien de parenté entre Anthony Agbhonkese et Godwin Agbhonkese, Godwin est le demi‐frère cadet d’Anthony, et la mère de Godwin était la dernière épouse de leur père décédé. Le défendeur fait valoir que la lettre n’est pas un document visé par les lignes directrices parce qu’il ne s’agit pas d’un document officiel. Selon le défendeur, la lettre est peu probante et ne suffit pas à établir le lien de parenté entre la demanderesse et Anthony Agbhonkese.

[26] La demanderesse fait valoir que les lignes directrices n’exigent pas un document officiel pour établir le lien de parenté qui existe entre le demandeur et un membre de sa famille au Canada. Les lignes directrices font état d’une série de documents officiels et de « tout autre document prouvant ou décrivant le lien de parenté ». La demanderesse fait également valoir que les éléments de preuve qu’elle a fournis avec sa demande de réexamen établissent pleinement le lien familial.

[27] J’estime que sur ce point, les motifs de l’agent ne présentent pas les caractéristiques d’une décision raisonnable pour plusieurs raisons. Premièrement, l’agent n’a pas expliqué dans sa décision pourquoi il a conclu que la demanderesse [traduction] « n’a pas fourni une preuve documentaire suffisante avec sa demande pour prouver [son lien familial] ». Deuxièmement, ni l’agent ni le défendeur n’ont donné d’explications convaincantes pour répondre à l’observation selon laquelle les lignes directrices mentionnent « tout autre document », à savoir un document autre qu’un document officiel, comme preuve acceptable d’un parent admissible. Comme le soutient le défendeur, l’agent a peut‐être examiné la teneur de la lettre d’Anthony Agbhonkese et l’a jugée insuffisante pour plusieurs raisons. Toutefois, l’agent n’a fourni dans sa décision aucune analyse quant à la présence de telles lacunes.

[28] De plus, même si l’agent n’est pas tenu de réexaminer la demande, selon les principes de base de l’équité et du bon sens, il devrait le faire lorsque la demande est présentée dans les jours qui suivent le prononcé d’une décision défavorable et qu’une nouvelle preuve confirme un fait important en litige (Naderika, aux para 30, 33; voir aussi Mansouri c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1242 au para 8). En l’espèce, la demande de réexamen a été faite le jour même où la décision a été rendue, et les nouveaux éléments de preuve établissent que la demanderesse a rempli le critère du parent admissible grâce à son mari et au demi‐frère canadien de celui‐ci.

[29] Par conséquent, dans les circonstances de la présente affaire, je conclus que la décision est déraisonnable, tout comme le refus de l’agent de réexaminer la demande de résidence permanente de la demanderesse à titre de TQF. La décision de l’agent sera annulée, et la demande sera renvoyée pour qu’une nouvelle décision soit rendue sur la base des éléments de preuve initialement présentés et de ceux joints à la demande de réexamen.

L’équité procédurale

[30] La demanderesse soutient que l’agent a tiré une conclusion déguisée sur la crédibilité lorsqu’il a affirmé que sa documentation n’était pas conforme aux lignes directrices, et qu’elle a été privée d’équité procédurale parce que l’agent ne lui a pas donné l’occasion de répondre aux préoccupations qu’il avait concernant la preuve documentaire.

[31] Les questions d’équité procédurale ne se prêtent pas nécessairement à une analyse relative à la norme de contrôle applicable (Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69 (Canadien Pacifique)). Le rôle de la Cour consiste plutôt à décider si la procédure était équitable eu égard à l’ensemble des circonstances (Canadien Pacifique, aux para 54‐56; Association canadienne des avocats en droit des réfugiés c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2020 CAF 196 au para 35).

[32] Selon l’un des principes d’équité procédurale, le demandeur doit avoir véritablement l’occasion de présenter tous les éléments de preuve qui permettent d’étayer son point de vue et le décideur doit en tenir pleinement compte. Cependant, dans le contexte d’une demande de visa, l’obligation d’équité n’impose pas à l’agent des visas d’aviser le demandeur de ses préoccupations qui découlent directement des exigences de la loi ou d’un règlement, ni de lui donner la possibilité d’y répondre et de les dissiper (Naderika, aux para 20‐21; Liu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1025 au para 16). En l’espèce, les préoccupations de l’agent quant à la preuve découlaient directement du Règlement et des lignes directrices. Je conclus que le fait pour l’agent de ne pas avoir permis à la demanderesse de répondre à ses préoccupations quant à la preuve ne l’a pas privée de son droit à l’équité procédurale.

[33] La demanderesse soutient également que la décision n’était pas fondée sur le caractère insuffisant de la preuve, et que l’agent a dû, pour en arriver à décider de rejeter sa demande, tirer des conclusions défavorables quant à sa crédibilité. Je ne suis pas d’accord. Rien dans le dossier n’indique que l’agent a tiré des conclusions déguisées sur la crédibilité. L’agent s’est fondé sur sa conclusion selon laquelle la demanderesse n’avait pas présenté de documents conformes aux lignes directrices et établissant son lien de parenté avec Anthony Agbhonkese pour rejeter la demande. Même si j’ai conclu que selon le cadre d’analyse énoncé dans l’arrêt Vavilov, la décision n’est pas raisonnable, j’estime que l’agent a agi équitablement et que sa décision ne reposait pas sur des conclusions quant à la crédibilité.

III. Conclusion

[34] La demande sera accueillie.

[35] Les parties n’ont proposé aucune question à certifier, et la présente affaire n’en soulève aucune.

 


JUGEMENT dans le dossier IMM‐1203‐20

LA COUR STATUE :

  1. La demande de contrôle judiciaire est accueillie.

  2. Aucune question de portée générale n’est certifiée.

« Elizabeth Walker »

Juge

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‐1203‐20

 

INTITULÉ :

IBHADE NYEROVWO AGBHONKESE c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 23 SeptembrE 2021

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE WALKER

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

LE 13 OCTOBRE 2021

 

COMPARUTIONS :

Ugochukwu Udogu

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Monmi Goswami

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Ugochukwu Udogu

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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