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Date : 20211021


Dossier : IMM-5664-20

Référence : 2021 CF 1120

Ottawa (Ontario), le 21 octobre 2021

En présence de monsieur le juge McHaffie

ENTRE :

ALMAN DOUKOURE

demandeur

et

MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] Le 4 novembre 2020, Alman Doukoure a présenté cette demande de contrôle judiciaire du refus de sa demande d’examen de risques avant renvoi (ERAR) par un agent d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada. Pour les motifs suivants, je rejette la demande de contrôle judiciaire en raison de son caractère théorique.

[2] Le 13 septembre 2021, soit une semaine avant l’audition de la demande prévue pour le 20 septembre 2021, l’avocat de M. Doukoure, Me Touré, a présenté une requête informelle pour cesser d’occuper. Me Touré a indiqué qu’il n’avait pas de nouvelles de M. Doukoure depuis quelques mois, que ce dernier n’était plus joignable par téléphone et qu’il ne répondait plus aux courriels. Me Touré a été également informé la veille qu’il semblerait que M. Doukoure ne soit plus au Canada.

[3] L’indication que M. Doukoure aurait pu quitter le pays soulève directement la question de la nature théorique de sa demande de contrôle judiciaire du refus de sa demande d’ERAR. L’article 112 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, ch 27 prévoit que seul « [l]a personne se trouvant au Canada » peut demander la protection sous forme de demande d’ERAR : Solis Perez c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CAF 171 au para 5. La Cour d’appel a donc confirmé qu’une demande de contrôle judiciaire du refus d’une demande d’ERAR devient théorique si le demandeur quitte le pays : Solis Perez aux para 5–6.

[4] En même temps, la Cour ne veut pas rejeter une telle demande de contrôle judiciaire à cause de son caractère théorique que si la preuve établit que le demandeur a quitté le pays. La Cour a donc convoqué une conférence de gestion de cas par téléconférence avec les parties suite à la requête de Me Touré pour se renseigner davantage sur la situation afin de déterminer la voie à suivre. Lors de cette conférence de gestion de cas, Me Touré a confirmé que le numéro de téléphone de M. Doukoure ne fonctionnait plus. De plus, l’ancien colocataire de M. Doukoure l’a informé que M. Doukoure n’habitait plus à son adresse et qu’il ne connaissait pas où il se trouvait. Il a été suggéré que M. Doukoure était possiblement aux États-Unis, où habite son fils. Cependant, Me Touré n’était pas en mesure de confirmer clairement que M. Doukoure avait quitté le pays.

[5] Lors de la conférence de gestion de cas, l’avocate du ministre, Me Lazaroff, a accepté de déposer avec la Cour l’information la plus récente du ministre concernant la localisation de M. Doukoure. Le 21 septembre2021, le ministre a déposé l’affidavit d’une adjointe juridique à Justice Canada. À cet affidavit est annexée comme pièce le courriel d’une agente de liaison avec justice de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC). L’agente de liaison indique que le 29 mars 2021, « un agent de renvoi de l’ASFC a décidé de ne pas émettre de mandat d’arrestation pour renvoi à l’encontre du demandeur car l’agent de renvoi était satisfait, en se basant sur les renseignements au dossier, que le sujet n’était plus au Canada. » L’ASFC a confirmé que M. Doukoure n’avait pas été admis légalement au Canada depuis le 29 mars 2021, mais ne pouvait pas confirmer dans quel pays il se trouve actuellement.

[6] L’agente de liaison a joint à son courriel une capture d’écran du Système national de gestion des cas (SNGC) par rapport à M. Doukoure, datée le 15 septembre 2021. L’entrée dans cette base de données, à la ligne intitulée « disposition », indique (en anglais) « Person not in Canada : Confirmed ». Dans la boîte à commentaire, il est écrit (en français) « Serait aux USA ».

[7] Suite à la réception de cet affidavit, la Cour a invité les parties à déposer des observations sur le caractère théorique de la demande. Le ministre, s’appuyant sur l’arrêt Solis Perez, entre autres, soutient que la demande est théorique et doit être rejetée. Me Touré soutient que l’affidavit déposé ne repose pas sur aucune preuve palpable ni sur un document concret à l’effet que M. Doukoure est hors du Canada. Par contre, il admet qu’il ne peut non plus affirmer où se trouve M. Doukoure actuellement, et que ses essais de contact à la suite de la conférence de gestion de cas, y compris le contact avec l’ancien colocataire étaient infructueux. Me Touré a donc demandé à la Cour de reporter l’audition de contrôle judiciaire pour permettre aux parties d’apporter une preuve certaine et convaincante quant à l’endroit où se trouve M. Doukoure.

[8] À mon avis, les preuves devant la Cour, même si elles ne sont pas irréfutables, tel qu’admis par le ministre, indiquent, sur la prépondérance de probabilités, que M. Doukoure n’est plus au pays. Je suis satisfait que l’information fournie que M. Doukoure était hors du pays au mois de mars 2021 est fiable, malgré le fait que l’agente d’ASFC qui a fait l’entrée au SNGC n’a pas déposé d’affidavit à cet égard. Depuis ce temps, M. Doukoure n’a pas été admis légalement au Canada. Cela est conforme avec le fait que son avocat, Me Touré, ne parvient pas à le trouver. Il est à noter qu’une partie à une instance devant cette Cour a une certaine obligation de veiller à ce que son avocat puisse la contacter pour permettre l’instruction ordonnée et efficace de l’affaire.

[9] J’accepte que la demande de Me Touré de reporter l’audition pour permettre aux parties d’apporter une preuve plus déterminante par rapport à la localisation de M. Doukoure n’est pas déraisonnable. Par contre, je n’ai aucune indication qu’une remise additionnelle, même de quelques mois, pourrait apporter des nouvelles informations concernant M. Doukoure. Selon Me Touré, il n’a pas pu rejoindre son client pendant des mois et il a pris toutes les mesures possibles pour le trouver. La preuve déposée par le ministre indique que M. Doukoure a quitté le pays depuis six mois et rien ne suggère que d’autres informations sont ou seront disponibles. Dans ce contexte, l’apparition éventuelle d’une preuve plus précise n’est que de la spéculation. Je ne suis pas prêt à reporter l’audition pour attendre son arrivée.

[10] Ayant conclu que M. Doukoure n’est plus au pays, j’accepte la position du ministre que sa demande de contrôle judiciaire du refus de sa demande d’ERAR est théorique : Solis Perez aux para 5–6. La Cour peut toujours entendre une cause théorique si les circonstances le justifient : Borowski c Canada (Procureur général), [1989] 1 RCS 342 aux pp 353, 358–363. Or, Me Touré ne prétend pas que cette Cour devrait entendre l’affaire malgré son caractère théorique. Je suis d’accord avec l’observation du ministre que les circonstances actuelles ne justifient pas la détermination de l’affaire malgré son caractère théorique.

[11] La demande de contrôle judiciaire est donc rejetée comme théorique. Aucune question pour certification n’a été proposée ou soulevée dans cette affaire.

[12] Il ne me reste que de remercier les avocats, Me Touré et Me Lazaroff, pour la façon professionnelle et pratique qu’ils ont adressé la situation créée par la disparition de M. Doukoure.


JUGEMENT dans le dossier IMM-5664-20

LA COUR STATUE que

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée comme théorique.

« Nicholas McHaffie »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-5664-20

INTITULÉ :

ALMAN DOUKOURE c MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

CONTRÔLE JUDICICAIRE DÉCIDÉ À OTTAWA (ONTARIO), SUR LA BASE DE PRÉTENTIONS ÉCRITES

JUGEMENT ET MOTIFS:

LE JUGE MCHAFFIE

 

DATE DES MOTIFS :

LE 21 octobre 2021

 

PRÉTENTIONS ÉCRITES :

Me Aboubacar Touré

 

Pour LE DEMANDEUR

 

Me Lynne Lazaroff

 

Pour LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Cabinet Touré Légal inc.

Montréal (Québec)

 

Pour lE DEMANDEUR

 

Procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

Pour lE DÉFENDEUR

 

 

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