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                                                            T-1330-84

 

 

 

OTTAWA (ONTARIO), LE 15 OCTOBRE 1996.

 

 

 

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE CULLEN.

 

 

 

ENTRE :

 

 

                   LORNEX MINING CORPORATION LTD.,

 

requérante,

 

 

                                  et

 

 

                         SA MAJESTÉ LA REINE,

 

intimée.

 

 

                               JUGEMENT

 

     Après avoir entendu les témoignages donnés, lu les documents déposé et entendu les moyens avancés par l'avocat de la demanderesse et celui de la défenderesse;

 

     IL EST ORDONNÉ AUX PRÉSENTES que l'appel de la demanderesse soit rejeté avec dépens à la défenderesse.

 

 

         B. Cullen      

J.C.F.C.

 

 

Traduction certifiée conforme                                  

Louise Dumoulin-Clark


 

 

 

 

 

 

                                                            T-1330-84

 

 

 

ENTRE :

 

 

                   LORNEX MINING CORPORATION LTD.,

 

requérante,

 

 

                                  et

 

 

                         SA MAJESTÉ LA REINE,

 

intimée.

 

 

                          MOTIFS DU JUGEMENT

 

LE JUGE CULLEN

 

     Il s'agit d'un appel interjeté contre la nouvelle cotisation établie à l'égard de l'année d'imposition 1978 de la demanderesse. La demanderesse demande que la nouvelle cotisation pour l'année 1978 établie à des fins d'impôts fédéral et provincial relativement à des intérêts capitalisés et à des intérêts convertis en frais d'exploration, de prospection et d'aménagement, soit modifiée ou renvoyée au ministre du Revenu national à des fins de réexamen et de nouvelle cotisation. Plus précisément, la question litigieuse consiste à savoir si la mention «revenu exonéré» aux paragraphes 21(1) à (4) de la Loi de l'impôt sur le revenu comprend le revenu exclu du calcul du revenu de la contribuable en vertu de l'ancien article 28 des Règles de 1971 concernant l'application de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970‑71‑72, ch. 63, modifiées, ou de toute autre disposition statutaire.


LES FAITS

 

     La demanderesse est une corporation, constituée conformément aux lois de la Colombie‑Britannique. À l'époque concernée, la demanderesse exploitait une mine à ciel ouvert à Kamloops (Colombie‑Britannique). La mine produisait principalement du cuivre et du molybdène.

 

     La demanderesse a commencé la phase de construction de la mine en 1969. À des fins fiscales, la mine a commencé à produire à l'échelle commerciale le premier septembre 1972.

 

     De 1969 à 1973 inclusivement, la demanderesse a emprunté des sommes considérables en vue de son entreprise minière. Elle a employé cet argent à l'aménagement de la mine et à l'acquisition de biens amortissables comme le matériel et la machinerie. Parmi le passif de la demanderesse le 31 décembre 1972 figuraient des emprunts bancaires et d'autre nature qui s'élevaient à environ 87 500 000 $. L'intérêt total payé ou payable à l'égard de ces emprunts s'élevait à 11 648 062 $ le 31 décembre 1972. Les frais d'intérêt pour la période allant du premier septembre 1972 au 31 décembre 1972 s'élevaient à 2 289 681 $.

 

     À des fins comptables, la demanderesse a capitalisé tous les frais d'intérêts qu'elle a subis entre 1969 et le premier octobre 1972. Cet intérêt capitalisé s'élevait à 9 925 039 $. Des frais d'intérêt de 1 723 623 $ pour la période allant du premier octobre 1972 au 31 décembre 1972 ont été déduits à des fins comptables. Aux mêmes fins, on a considéré que la production commerciale avait débuté le premier octobre 1972.

 

     L'intérêt total payé ou payable par la demanderesse à l'égard de la période allant du premier janvier 1973 au 31 décembre 1973 s'élevait à 6 763 876 $. À des fins comptables, la demanderesse a déduit les 6 763 876 $ en arrivant à un revenu net. L'ensemble des emprunts bancaires et d'autre nature non remboursés le 31 décembre 1973 s'élevait à environ 60 500 000 $.

 

     Le 28 juin 1973, la demanderesse a choisi, de la façon prescrite, que les paragraphes 21(2) à (4) de la Loi de l'impôt sur le revenu, S.R.C. 1952, ch. 148 (ci‑après appelée la Loi) s'appliquent à la somme de 11 648 662 $ (l'intérêt total payé de 1969 à 1972) à l'égard de son année d'imposition 1972. Comprise dans ce montant était la somme de 2 289 681 $ relative à la période allant du premier septembre 1972 au 31 décembre 1972, dont 1 881 951 $ étaient afférents à des fonds empruntés pour acheter des biens amortissables. Le solde de 407 730 $ avait trait à des fonds empruntés à des fins de prospection, d'exploration et d'aménagement.

 

     Le 28 juin 1974, la demanderesse a choisi, de la façon prescrite, que les paragraphes 21(1) à 21(4) de la Loi allaient s'appliquer à la somme de 6 763 876 $ (intérêt payé de janvier à décembre 1973) à l'égard de son année d'imposition 1973. De cette somme, 5 576 564 $ visaient des fonds empruntés pour acquérir des biens amortissables. Le solde de 1 187 312 $ se rapportait à des fonds empruntés à des fins de prospection, d'exploration et d'aménagement.

 

     Par avis de nouvelle cotisation daté du 3 juin 1982, le ministre du Revenu national (ci‑après appelé le «défendeur») a établi une nouvelle cotisation à l'égard de l'année d'imposition 1978 de la demanderesse au montant de 2 610 826,25 $ à l'égard de l'impôt fédéral et de 2 888 179,35 $ à l'égard de l'impôt provincial. Selon les calculs du défendeur, la demanderesse est devenue imposable à des fins fédérales en 1978. Le revenu imposable à des fins fédérales était de 12 688 566 $. La demanderesse a aussi fait l'objet d'une nouvelle cotisation à des fins provinciales pour les années d'imposition 1976, 1977 et 1978. Son revenu imposable à des fins provinciales pour 1978 était de 19 254 529 $. Cependant, selon les calculs de la demanderesse, son revenu pour 1978 aux fins de l'impôt fédéral était «égal à zéro» et aux fins de l'impôt provincial, son revenu était une somme inférieure à celle à l'égard de laquelle le défendeur avait établi une nouvelle cotisation.

 

     Par avis d'opposition en date du 27 août 1982, la demanderesse s'est dûment opposée à la totalité de la nouvelle cotisation établie à l'égard de l'impôt fédéral pour l'année 1978. Elle s'est aussi opposée à la nouvelle cotisation établie à l'égard de l'impôt provincial pour 1978, concédant que des impôts étaient payables à la province cette année‑là, mais s'élevant à un montant considérablement inférieur à celui qui était réclamé dans la nouvelle cotisation.

 

     Dans son avis d'opposition, la demanderesse a cité des faits et des motifs précis à l'égard de son opposition visant un certain nombre de points. L'un de ces points portait sur l'intérêt capitalisé et l'intérêt converti en frais d'exploration, de prospection et d'aménagement. La demanderesse a avancé que les paragraphes 21(1) à (4) de la Loi permettaient la capitalisation et la conversion de l'intérêt parce que les frais ne faisaient pas partie du «revenu exonéré» tel que le définit la Loi. La capitalisation et la conversion avaient pour effet d'augmenter le revenu exonéré d'impôt de la demanderesse.

 

     Le défendeur a ratifié la nouvelle cotisation de la demanderesse pour 1978 et il l'en a avisée par avis de ratification en date du 30 mars 1984. En ce qui concerne la question litigieuse susmentionnée, le défendeur a ratifié sa nouvelle cotisation en concluant que les frais d'intérêt susmentionnés avaient été engagés dans le but d'acquérir des biens, dont le revenu serait exonéré d'impôt au sens des paragraphes 20(1)c) et 21 de la Loi.


     Le défendeur a tenu pour acquis, en établissant sa nouvelle cotisation, que conformément à l'article 28 des Règles de 1971 concernant l'application de l'impôt sur le revenu, (ci‑après appelées «RAIR»), le revenu de la demanderesse tiré de l'exploitation de sa mine était exonéré d'impôt en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu à l'égard de la période allant du premier septembre 1972 au 31 décembre 1973 inclusivement..

 

LES QUESTIONS LITIGIEUSES

 

     La demanderesse avait‑elle le droit de capitaliser ses frais d'intérêt et de convertir ses frais d'intérêt en frais d'exploration, de prospection et d'aménagement ? Pour répondre à cette question, la Cour doit décider si la mention «revenu exonéré» aux paragraphes 21(1) à (4) comprend le revenu exclus du calcul du revenu de la contribuable en vertu de l'ancien article 28 des RAIR et d'autres dispositions statutaires. Dans ce contexte, la Cour doit se demander si l'exemption fiscale prévue par l'article 28 des RAIR est visée par le paragraphe 248(1) de la Loi en raison de l'alinéa 81(1)a) de la Loi. L'analyse comprend nécessairement l'étude de la question de savoir si l'intérêt était déductible du revenu imposable conformément à l'alinéa 20(1)c)(i) de la Loi. En termes simples, on ne peut déduire l'intérêt à payer en raison de l'acquisition d'un revenu exonéré d'impôt conformément à l'alinéa 20(1)c)(i).

 

ANALYSE

 

Dispositions statutaires

 

     L'intérêt ne peut être déduit dans le calcul du revenu que si les critères de l'alinéa 20(1)c) de la Loi sont respectés. Ce paragraphe est libellé comme suit :

 

ART. 20.  Déductions admises lors du calcul des revenus d'une entreprise ou d'un bien.

 

  (1) Nonobstant les dispositions des alinéas 18(1)(a), (b) et (h), lors du calcul du revenu tiré par un contribuable d'une entreprise ou d'un bien pour une année d'imposition, peuvent être déduites celles des sommes suivantes qui se rapportent entièrement à cette source de revenus ou la partie des sommes suivantes qui peut raisonnablement être considérée comme s'y rapportant;

 

. . .

 

c) Intérêts. -- une somme payée dans l'année ou payable pour l'année (suivant la méthode habituellement utilisée par le contribuable dans le calcul de son revenu), en exécution d'une obligation légale de verser des intérêts sur

(i) de l'argent emprunté et utilisé en vue de tirer un revenu d'une entreprise ou d'un bien (autre que l'argent emprunté et utilisé pour acquérir un bien dont le revenu serait exonéré d'impôt ou pour prendre une police d'assurance‑vie),

 

(ii) une somme payable pour des biens acquis en vue d'en tirer un revenu ou de tirer un revenu d'une entreprise ou de faire produire un revenu par ces biens ou cette entreprise (autre qu'un bien dont le revenu serait exonéré d'impôt ou qu'un bien représentant un intérêt dans une police d'assurance‑vie), ou

 

. . .

 

ou une somme raisonnable à cet égard, le moins élevé des deux montants étant à retenir;

 

[non souligné dans l'original]

 

Le contribuable admissible à déduire des intérêts conformément à l'alinéa 20(1)c) peut alors régulièrement convertir et capitaliser ces intérêts en application des paragraphes 21(1) à (4) inclusivement. Les parties de ces paragraphes applicables à cet appel sont libellées comme suit :

 

ART. 21.  Coût des emprunts.

 

  (1) Lorsque, dans une année d'imposition, un contribuable a acquis des biens (ci‑après appelés dans le présent article «biens amortissables»), à l'égard desquels il a droit, lors du calcul de son revenu pour cette année d'imposition, à une déduction en vertu des règlements établis en vertu de l'alinéa 20(1)(a), et choisit d'exercer ce droit de la manière prescrite, au plus tard à la date pour laquelle il est tenu en vertu de l'article 150 de produire la déclaration de ses revenus pour l'année,

 

(a)  dans le calcul de son revenu pour l'année et, le cas échéant, pour celles des 3 années d'imposition précédentes du contribuable, les dispositions des alinéas 20(1)(c), (d) et (e) ne s'appliquent pas au montant ou à la partie du montant qu'il a indiquée dans son choix, mais qui, sans le présent paragraphe, aurait été déductible lors du calcul de son revenu (autre qu'un revenu exonéré d'impôt) pour l'année et, le cas échéant, pour ces années précédentes en vertu de ces alinéas, relativement à l'emprunt utilisé pour acquérir les biens amortissables ou à la somme payable pour les biens amortissables acquis par lui; et

 

(b)  le montant ou la partie du montant, selon le cas, visée à l'alinéa (1) doit être ajoutée au coût en capital supporté par lui des biens amortissables ainsi acquis par lui.

 

  (2) Emprunt aux fins d'exploration ou d'aménagement.

 

. . .

 

(a)  lors du calcul de son revenu pour l'année et, le cas échéant, pour celles des 3 années d'imposition précédentes du contribuable, les dispositions des alinéas 20(1)(c), (d) et (e) ne s'appliquent pas au montant ou à la partie du montant qu'il a indiquée dans son choix, mais qui, sans le présent paragraphe, aurait été déductible lors du calcul de son revenu (autre qu'un revenu exonéré d'impôt) pour l'année et, le cas échéant, pour ces années précédentes en vertu de ces alinéas, relativement à l'emprunt utilisé pour l'exploration, l'aménagement ou l'acquisition d'un bien, selon le cas; et

 

(b)  le montant ou la partie du montant, selon le cas, visée à l'alinéa (a), est réputée représenter des frais d'exploration et d'aménagement au Canada, des frais d'exploration et d'aménagement à l'étranger, des frais d'exploration au Canada ou des frais d'aménagement au Canada définis aux articles 66, 66.1 ou 66.2, selon le cas, engagés par lui dans l'année.

 

  (3) Idem. Lors du calcul du revenu d'un contribuable pour une année d'imposition, lorsque le contribuable,

 

(a) dans une année précédente, a choisi d'exercer son droit en vertu du paragraphe (l) relativement à un emprunt utilisé pour acquérir des biens amortissables ou à une somme payable au titre de biens amortissables acquis par lui, et

 

(b) le cas échéant, dans chaque année d'imposition postérieure à cette année précédente et antérieure à l'année d'imposition a fait, en vertu du présent paragraphe, un choix portant sur le montant total qui, sans le présent paragraphe, aurait été déductible lors du calcul de son revenu (autre qu'un revenu exonéré d'impôt) pour chacune de ces années, en vertu des alinéas 20(1)(c), (d) et (e), relativement à l'emprunt utilisé pour acquérir des biens amortissables ou à la somme payable pour les biens amortissables acquis par lui,

 

. . ., les dispositions des alinéas 20(1)(c), (d) et (e) ne s'appliquent pas au montant ou à la partie du montant qu'il a indiquée dans son choix, mais qui, sans le présent paragraphe, aurait été déductible lors du calcul de son revenu (autre qu'un revenu exonéré d'impôt) pour l'année en vertu de ces alinéas, relativement à l'emprunt utilisé pour acquérir les biens amortissables ou à la somme payable pour les biens amortissables acquis par lui, et ce montant ou la partie de ce montant, selon le cas, doit être ajoutée au coût en capital supporté par lui pour les biens amortissables ainsi acquis par lui.

 

  (4) Idem. Lors du calcul du revenu d'un contribuable pour une année d'imposition, lorsque le contribuable,

 

(a) dans une année précédente, a choisi d'exercer son droit en vertu du paragraphe (2) relativement à un emprunt utilisé aux fins d'exploration, d'aménagement ou d'acquisition d'un bien, et

 

(b) le cas échéant, dans chaque année d'imposition postérieure à cette année précédente et antérieure à l'année d'imposition a fait, en vertu du présent paragraphe, un choix portant sur le montant total qui, sans le présent paragraphe, aurait été déductible lors du calcul de son revenu (autre qu'un revenu exonéré d'impôt) pour chacune de ces années en vertu des alinéas 20(1)(c), (d) et (e) relativement à l'emprunt utilisé pour l'exploration, l'aménagement ou l'acquisition d'un bien,

 

. . .  les dispositions des alinéas 20(1)(c), (d) et (e) ne s'appliquent pas au montant ou à la partie du montant qu'il a indiquée dans son choix, mais qui sans le présent paragraphe, aurait été déductible lors du calcul de son revenu (autre qu'un revenu exonéré d'impôt) pour l'année en vertu de ces alinéas, relativement à l'emprunt utilisé pour l'exploration, l'aménagement ou l'acquisition d'un bien, est réputée représenter des frais d'exploration et d'aménagement à l'étranger, des frais d'exploration au Canada ou des frais d'aménagement engagés par lui dans l'année au Canada . . .

 

      [non souligné dans l'original]

 

Les arguments

 

     La demanderesse soutient qu'elle avait droit de faire les choix prévus à l'article 21 parce que les frais d'intérêt que lui a valu l'argent emprunté et utilisé pour acquérir des biens amortissables dont elle se sert dans l'exploitation de son entreprise minière étaient déductibles conformément à l'alinéa 20(1)c)(i). Cet alinéa permet au contribuable de déduire l'intérêt afférent à l'argent emprunté et utilisé par le contribuable «en vue de tirer un revenu d'une entreprise ...». La demanderesse affirme qu'elle n'était pas inadmissible au choix prévu à l'article 21 parce que son revenu du premier septembre 1972 au 31 décembre 1973 n'étant pas un «revenu exonéré», la déduction de l'intérêt ne se rapportait pas au «revenu exonéré» conformément à l'alinéa 20(1)c)(i).

 

     La demanderesse soutient que le revenu n'était pas un «revenu exonéré» défini aux fins des paragraphes précités en vertu de l'article 28 des RAIR. L'article 28 permettait que le revenu tiré de l'exploitation d'une mine pour la période susmentionnée n'entre pas dans le calcul du revenu de la demanderesse. Celle‑ci fait valoir que ce revenu n'était pas un «revenu exonéré» comme le définit la Loi. La demanderesse cite l'ouvrage intitulé Driedger on the Construction of Statutes[1] à l'appui de son interprétation de la Loi.

 

     Le défendeur affirme que les frais d'intérêt qu'a subis la demanderesse entre septembre 1972 et décembre 1973 ont été subis pour tirer un revenu qui était exonéré d'impôt en vertu de l'article 28 des RAIR et de l'alinéa 81(1)a) de la Loi. Le défendeur affirme que ce revenu était un «revenu exonéré» tel qu'il est défini au paragraphe 248(1) de la Loi. Ces frais, par conséquent, constituaient des intérêts sur de «l'argent emprunté et utilisé pour acquérir un bien dont le revenu serait exonéré d'impôt» ... et, par conséquent, ils étaient expressément non déductibles en vertu de l'alinéa 20(1)c)(i) de la Loi. Conséquemment, la demanderesse n'avait pas le droit de faire choisir, en vertu de l'article 21 de la Loi, de capitaliser ou de convertir l'intérêt comme elle l'a fait en frais d'exploration, de prospection et d'aménagement.

 

Discussion

 

     L'expression «revenu exonéré» dont il est fait mention dans les dispositions précitées comprend‑elle le revenu exclus du calcul du revenu du contribuable en vertu de l'ancien article 28 des RAIR ou de toute autre disposition statutaire ?

 

     L'article 28 des Règles concernant l'application de l'impôt sur le revenu a été abrogé par 1985, chapitre 45, article 132. Il s'appliquait toutefois à l'époque concernée et était libellé comme suit :

 

28. Revenu tiré de l'exploitation d'une mine.

 

      (1) Sous réserve des conditions prescrites, le revenu tiré de l'exploitation d'une mine qui a commencé à produire avant 1974, ne doit pas être inclus dans le calcul du revenu d'une corporation, dans la mesure où un tel revenu est gagné ou produit pendant la période commençant le jour où la mine a commencé à produire et se terminant à celle des deux dates suivantes qui tombent en premier, le 31 décembre 1973 ou la date postérieure de 36 mois à la date à laquelle la mine a commencé à produire, sauf que le présent paragraphe ne s'applique pas dans le cas d'une mine qui a commencé à produire après le 7 novembre 1969, à moins que la corporation n'opte pour cette formule de la manière et dans les délais prescrits.

 

      (1.1) Définition de «revenu tiré de l'exploitation d'une mine». L'expression «revenu tiré de l'exploitation d'une mine» est réputée comprendre et avoir toujours compris, aux fins du présent article et de l'article 83 de l'ancienne loi, tel qu'il se lisait pour l'année d'imposition 1971 et pour les années d'imposition antérieures, le revenu d'une corporation attribuable au traitement de minerai extrait d'une mine appartenant à la corporation jusqu'au stade du métal primaire ou son équivalent.

 

      (2) Définitions.  Dans le présent article,

 

(a)«revenu tiré de l'exploitation d'une mine». -- «revenu tiré de l'exploitation d'une mine» signifie un revenu tiré de l'exploitation de la mine avant toute déduction faite en vertu de l'article 65 ou 66 de la loi modifiée;

 

(c)«production». -- «production» signifie une production en quantités commerciales raisonnables.

 

Il n'y a pas désaccord entre les parties quant à l'applicabilité de l'article 28 à la demanderesse du premier septembre 1972 au 31 décembre 1973.[2] Le différend porte sur l'effet de l'article 28 dans la Loi.

 

     L'expression «ne doit pas être inclus dans le calcul du revenu...» à l'article 28 signifie‑t‑elle la même chose que «revenu exonéré» au sens de la Loi ? Bien que la demanderesse se soit efforcée, à l'aide de règles d'interprétation des lois et de jurisprudence, de convaincre cette Cour que les deux expressions ne sont pas équivalentes aux fins de la Loi, je ne puis partager cet avis. Sur le fondement de l'interprétation des lois, de la jurisprudence et du bon sens, je dois conclure que l'expression «ne doit pas être inclus dans le calcul du revenu» à l'article 28 des RAIR a le même sens que les mots «revenu exonéré» au sens que leur donne la Loi.

 

     Pour que le revenu soit un «revenu exonéré», il doit être défini de la sorte dans la Loi. Le paragraphe 248(1) définit ce qu'il faut entendre par «revenu exonéré». En voici le libellé :

 

«revenu exonéré», -- «revenu exonéré» signifie de l'argent ou des biens reçus ou acquis par une personne dans des circonstances telles qu'ils ne sont pas, en raison d'une disposition quelconque de la Partie I, inclus dans le calcul de son revenu, mais, pour plus de précision, ne comprend pas un dividende afférent à une action, sauf que, aux fins de l'alinéa 247(1)(c), le «revenu exonéré» comprend un dividende reçu par elle dont le montant peut être déduit par elle de son revenu en vertu du paragraphe 112(1); ...

 

 

[non souligné dans l'original]

 

Le paragraphe 28(1) des RAIR vise l'argent qui n'est pas inclus dans le calcul du revenu du contribuable. Mais ce paragraphe ne se trouve pas placé dans la Partie 1. Cela signifie‑t‑il que nos recherches s'arrêtent simplement là et que, par conséquent, le revenu visé au paragraphe 28(1) n'est pas un «revenu exonéré» ? Certainement pas. Il faut également examiner si, en raison d'une autre disposition de la Partie 1, le revenu visé au paragraphe 28(1) serait défini comme étant un revenu exonéré. Les recherches ne seraient pas non plus complètes sans examen du rôle que joue le paragraphe 28(1) au sein de la Loi dans son ensemble, et en particulier, au sein de la Partie 1.

 

«... en raison d'une autre disposition de la Partie 1»

 

     Le paragraphe 81(1) de la Loi définit les types de sommes qui ne doivent pas être inclus dans le calcul de l'impôt du contribuable. Plus précisément, l'alinéa 81(1)a) autorise la non‑inclusion des sommes précisées dans des textes législatifs autres que la Loi. Ce paragraphe est libellé comme suit :

 

81.(1) Ne sont pas inclus dans le calcul du revenu d'un contribuable pour une année d'imposition :

 

(a)Exemptions statutaires. -- une somme exonérée de l'impôt sur le revenu par toute autre loi du Parlement du Canada;

 

     Les RAIR sont entrées en vigueur conformément à la Loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu, effectuant certains changements et introduisant certaines dispositions dans la législation relatifs ou consécutifs aux modifications apportées à la présente loi, S.C. 1970‑71‑72, chapitre 63 (ci‑après appelée la «Loi modificative»). Elles ne font pas partie de la Loi, mais d'un texte législatif distinct du Parlement du Canada. L'alinéa 81(1)a) de la Loi est une disposition qui autorise les exclusions du revenu précisées dans les RAIR. Le paragraphe 28(1) des RAIR est, par conséquent, une exemption statutaire conformément à l'alinéa 81(1)a) de la Loi, lequel se trouve à la Partie I de la Loi. Donc, le montant exclus du revenu par le paragraphe 28(1) des RAIR est, en raison d'une disposition de la Partie I de la Loi, définissable comme étant un revenu exonéré visé au paragraphe 248(1).

 

     En s'appuyant sur les règles de l'interprétation des lois, cette Cour conclut que la mention «revenu exonéré» dans chacun des paragraphes 21(1) à (4) de la Loi comprend le revenu exonéré d'impôt en vertu de l'ancien article 28 des RAIR.

 

Historique de l'article 28 des Règles

 

     Avant 1972, l'exemption ayant trait à une «nouvelle mine» était accordée en vertu de la Partie I de la Loi, par le paragraphe 83(5). Ce paragraphe était libellé en partie comme suit :

 

... Sous réserve des conditions prescrites, il ne faut pas inclure, dans le calcul du revenu d'une corporation, le revenu provenant de l'exploitation d'une mine au cours de la période de 36 mois commençant le jour où la mine est entrée en production.


     Le droit de capitaliser ou de convertir des intérêts en frais d'exploration, de prospection et d'aménagement a été accordé à l'alinéa 85j), le prédécesseur de l'article 21. Conséquemment, au cours de la période d'exonération du revenu d'une «nouvelle mine» antérieurement à 1972, l'exclusion à l'alinéa 85j) prendrait effet et les frais d'intérêt subis au cours de cette période ne pourraient pas être capitalisés ni convertis. Si la demande de la demanderesse avait porté sur des années d'imposition antérieures à 1972, son appel aurait clairement été rejeté. Cette conclusion est conforme à l'interprétation donnée précisément à ce problème par le juge en chef de la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Canadian Rock Salt Company Ltd. c. La Reine [1974] 2 C.F., (1974) 74 D.T.C. 6547. Le juge en chef, en parlant du prédécesseur de l'article 28, a dit ce qui suit à la page     :

 

      À mon avis l'article 83(5), pour chacune des années d'imposition auxquelles il s'appliquait, avait pour résultat de rendre non «déductibles» les intérêts sur l'argent emprunté aux fins d'exploitation minière, ... l'article 83(5), quand il dit qu'il ne faut pas inclure le revenu provenant de l'exploitation de la mine, exige en fait l'élimination des revenus et des déductions, extraits du compte des profits et pertes, utilisés pour calculer le «revenu» annuel de la mine qui autrement seraient utilisés pour obtenir le revenu imposable de toutes provenances de la corporation pour l'année d'imposition.

 

      Il s'ensuit donc, à mon avis, que, dans le calcul du revenu pour une année d'imposition à laquelle l'article 83(5) s'applique, l'intérêt de l'emprunt utilisé pour l'exploitation de la mine n'est pas déductible.

 

     Ce que l'on peut retenir des paroles du juge en chef, qui est directement pertinent à l'espèce, c'est que la disposition qui exonère d'impôt un revenu est une disposition qui touche à l'article 9 de la Loi, en ce sens que le revenu est un profit. Ce qui est exonéré en vertu de cette disposition, ce sont les recettes moins les déductions. Ce qui serait par ailleurs une déduction aux fins de la Loi, n'est pas déductible. Cette somme est exclue du calcul du revenu, ainsi que les recettes. C'est exactement l'effet qu'il faut attribuer à l'ancien article 28 des RAIR. Cela est en accord avec l'historique de l'application de la disposition concernée, à laquelle j'en arrive.

 

     La Partie III de la Loi modificative, entrée en vigueur le premier janvier 1972, a apporté de profondes modifications en matière fiscale. La Partie I du chapitre 63 a abrogé la Partie I (en autres) de l'ancienne Loi, et lui a substitué sa propre nouvelle Partie I. Les considérables nouvelles dispositions fiscales ont été suivies des RAIR. Ces dernières ont été adoptées en tant que Partie III du chapitre 63, S.C. 1970‑71‑72, et elles traitaient de l'entrée en vigueur de la Loi modifiée. Les RAIR établissaient des règles transitoires spéciales qui s'appliquaient jusqu'à ce que la nouvelle Loi prenne entièrement effet, ainsi que des règles spéciales qui s'appliqueraient à certains contribuables dans l'éventualité où leurs années d'imposition ne coïncideraient pas avec les années civiles.

 

     L'article 9 des Règles est libellé comme suit :

 

                            APPLICATION DES PARTIES

 

9.  Application de l'art. 1 de la présente loi.

 

  Sous réserve des dispositions de la loi modifiée et sous réserve de la présente Partie, l'article 1 de la présente loi s'applique aux années d'imposition 1972 et suivantes.

 

Cet article indique que les Règles complètent la Loi pour en assurer la bonne application. Divers ministères établissent des règles et des règlements pour assurer le respect de l'esprit de la loi. Les règles et les règlements prescrivent ou dirigent les actions en fonction des lois, mais elles ne se substituent aucunement aux lois. La Partie I de la Loi est un texte législatif qui doit se lire de concert avec les Règles. De cette façon, il faut prendre en considération l'effet de l'article 28 des Règles sur chaque paragraphe de la Loi qui touche le revenu exonéré des mines. L'article 28 donne un sens supplémentaire et intégral à ces paragraphes, et de cette façon, l'article 28 des Règles constitue une partie supplémentaire et intégrale de la Partie I - même s'il est placé dans la Partie III. La demanderesse a aussi clairement tort de soutenir que l'article 28 étant placé en dehors de la Loi à la Partie III de la Loi modificative, ce paragraphe n'a aucune incidence sur les dispositions à la Partie I. Celle‑ci ne peut s'interpréter sans lui donner le sens supplémentaire et intégral que lui donnent les Règles.

 

     Le point de vue préconisé par le Bulletin d'interprétation IT‑144 du ministère du Revenu national en date du 31 janvier 1974 (subséquemment annulé par le feuillet de correction en date du 15 avril 1983) indique que l'article 28 des Règles avait simplement pour objet de prolonger la période d'exemption des nouvelles mines au cours de la phase transitoire de la Loi jusqu'à la fin de 1973 - c'est‑à‑dire que l'article 28 devait prévoir la continuation d'une disposition antérieure, et non pas lui apporter des modifications de fond (les seules modifications importantes effectuées à l'ancienne disposition, le paragraphe 83(5) de la Loi antérieure à 1972, était l'adjonction d'une définition expresse du «revenu tiré de l'exploitation d'une mine», définition qui manquait au paragraphe 83(5), et la date à laquelle prenait fin cette disposition.) Je glane cette conclusion du premier paragraphe du IT‑144, libellé comme suit :

 

Exonération applicable aux nouvelles mines

 

1.  En conformité du paragraphe 83(5) de la Loi antérieure à 1972, lorsqu'une corporation répondait aux exigences du Règlement 1900, le revenu qu'elle tirait de l'exploitation d'une mine au cours de la période de 36 mois commençant le jour où la mine entrait en production en quantités commerciales raisonnables n'était pas compris dans le calcul de son revenu aux fins de l'impôt. L'article 28 des RAIR prolonge cette exonération jusqu'au 31 décembre 1973.

 

[non souligné dans l'original]

 

Dans le même bulletin, le paragraphe 13 donne une autre indication que l'article 28 n'était pas destiné à modifier l'approche adoptée avant 1972 en accordant aux contribuables davantage d'exonérations que celles auxquelles ils avaient droit auparavant. Voici le libellé du paragraphe 13 :

 

13.  Lorsqu'une corporation qui retire un revenu de l'exploitation d'une nouvelle mine a fait un choix en conformité avec l'article 28, cette corporation n'a pas le droit de réclamer une déduction pour amortissement accéléré conformément aux Règlements 1100(1)w) et x) à l'égard de ses biens admissibles dans la catégorie 28 en vertu du Règlement 1100A(1), à moins qu'elle n'ait procédé au choix prévu au sous‑alinéa 13(21)f)(iv) de la Loi de la façon prescrite par le Règlement 1100A(2). Le choix en question autorise la déduction pour amortissement accéléré, mais a pour effet de réduire, du montant du revenu de la mine en question qui était exonéré d'impôt, la fraction non amortie du coût en capital applicable aux biens de la catégorie 28.

 

La dernière ligne du paragraphe m'indique qu'il n'était pas l'intention du législateur que l'exonération à l'article 28 serve de fondement à d'autres exemptions fiscales qui n'étaient pas prévues avant l'adoption des Règles.

 

     En raison de l'historique de l'application de l'article 28 des RAIR, cette Cour conclut que la mention du «revenu exonéré» dans chacun des paragraphes 21(1) à (4) de la Loi comprend le revenu exonéré d'impôt en vertu de l'ancien article 28 des RAIR.

 

La jurisprudence

 

     Bien qu'aucune jurisprudence ne porte exactement sur la question soumise à la Cour, le juge Mahoney, qui s'exprimait au nom de la majorité de la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Westar Mining Ltd. c. Sa Majesté la Reine, [1992] 3 C.F. 110, (1992) DTC 6358 (ci‑après appelé Westar), a fait des commentaires sur l'effet de l'article 28 qui sont pertinents à l'espèce.

 

     La question litigieuse dans Westar consistait à savoir si le produit d'assurance contre les pertes d'exploitation touché par la contribuable avait été à juste titre qualifié de revenu exonéré tiré de l'exploitation d'une mine au sens de l'article 28(1) des Règles. La Cour a conclu qu'étant donné la décision de la Cour suprême du Canada dans l'arrêt M.N.R. v. Bethlehem Copper 974 DTC 6520, le produit d'assurance était un revenu exonéré d'impôt.

 

     Le juge Mahoney, en analysant la définition de l'expression «revenu tiré de l'exploitation d'une mine» donnée au paragraphe 28(1), a dit ce qui suit :

 

. . .  J'estime que, sous réserve de l'effet éventuel de cette définition, l'effet des paragraphes 28(1) des RAIR et 83(5) de l'ancienne Loi est, pour les fins de l'espèce, identique.

 

Naturellement, la question litigieuse dans l'affaire Westar n'est pas la même que celle dont il est question en l'espèce. Cependant, les règles d'interprétation applicables à l'article 28 sont semblables. Dans l'affaire Westar, rien n'indiquait que la contribuable avait demandé ni que la défenderesse avait accueilli la déduction des primes d'assurance (c'est‑à‑dire un revenu exonéré d'impôt) dans le calcul de son revenu imposable. Ce n'est pas le cas en l'espèce, la demanderesse s'efforçant d'obtenir des déductions analogues à celles qui sont prévues au paragraphe 20(1) et à l'article 21 dans le calcul de son revenu taxable. Cependant, l'alinéa 18(1)c) de la Loi interdit de déduire du revenu imposable une dépense faite ou engagée en vue de tirer un revenu exonéré d'impôt.

 

     Deuxièmement, les principes appliqués par la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Sa Majesté la Reine c. Cyprus Anvil Mining Corporation A‑743‑85, (1989) 90 D.T.C. 6063 (ci‑après appelé Cyprus Anvil) traitent directement de l'interprétation que doit donner cette Cour à l'effet de l'article 28 en l'espèce.

 

     Les faits dont il est question dans l'affaire Cyprus Anvil diffèrent de ceux en l'espèce, mais ce n'est pas le cas pour les principes juridiques en cause. Dans l'affaire Cyprus Anvil, la corporation intimée avait modifié la façon dont elle évaluait son stock entre la période d'exonération de la mine prévue à l'article 28 et sa période imposable postérieure à sa période d'exonération. Le stock avait toujours été évalué selon la méthode de la valeur minimale, soit celle du coût d'achat ou de la valeur marchande, mais pour la période d'exonération, l'intimée a soutenu qu'elle avait droit de maximiser son revenu en évaluant son stock selon sa valeur marchande. De cette façon, le contribuable s'efforçait de maximiser les bénéfices qui seraient reflétés dans la période d'exonération de trois ans, et minimiser les bénéfices qui seraient reflétés au cours de la période postérieure à la période d'exonération.

 

     Ces faits sont analogues à ceux de l'espèce. La demanderesse devant cette Cour avait déduit des intérêts à des fins d'états financiers, et elle a cherché à les capitaliser et les convertir à des fins fiscales.

 

     Toutefois, comme l'a décidé l'arrêt Cyprus Anvil, une telle modification, en fait, a pour effet de fausser les bénéfices réalisés par la contribuable aussi bien au cours de sa période d'exonération qu'avant et après. Je suis d'accord avec la conclusion du juge Urie à l'égard de l'effet de la période d'exonération sur l'ensemble de la Loi. S'exprimant pour la Cour, le juge Urie a dit à la page 13 :

 

...  La période d'exonération ne peut exister isolément et les règles à appliquer lorsqu'il s'agit de calculer le bénéfice que la compagnie tire de sa production de concentrés au cours de la période d'exonération doivent, comme notre Cour l'a affirmé dans un contexte factuel et législatif différent dans l'arrêt Denison Mines Ltd. c. M.R.N. :

 

[...] être jugée[s] selon de solides principes commerciaux et non selon ce qui peut avantager le contribuable, compte tenu des particularités de la Loi de l'impôt sur le revenu.

 

      Le fait incontestable que le paragraphe 8(5) soit une mesure législative d'incitation ne donne pas, à mon sens, droit à la personne qui bénéficie d'un avantage accordé par la loi de proposer une méthode de calculer le bénéfice qu'elle prétend avoir réalisé durant la période d'exonération d'une façon qui est contraire à sa méthode de calculer son revenu avant, pendant et après la période d'exonération tant pour ses propres fins de présentation de l'information financière que pour celles de la déclaration fiscale. Permettre au contribuable de modifier ses méthodes comptables habituelles dans le seul but de maximiser ses profits au cours des périodes d'exonération fausse non seulement le revenu gagné au cours de cette période, mais également celui qui est réalisé au cours des périodes précédentes et ultérieures. Cela n'est ni logique, ni autorisé par la loi, ni conforme aux bonnes méthodes commerciales ou comptables. (non souligné dans l'original)

 

Ce raisonnement s'applique à l'espèce. Il n'est pas logique de qualifier le revenu de la demanderesse pour la période en question, qui était exonéré du calcul du revenu imposable par une disposition statutaire, d'autre chose que de revenu exonéré d'impôt défini par une disposition statutaire. Ainsi donc, la demanderesse n'était pas autorisée par la loi à maximiser son revenu de cette façon. Et en le faisant, elle n'a certainement pas agi conformément aux bonnes méthodes commerciales ou comptables.

 

     Compte tenu de la jurisprudence relative à l'interprétation de l'ancien article 28 des RAIR, cette Cour conclut que le «revenu exonéré» aux paragraphes 21(1) à (4) de la Loi comprend le revenu qui est exonéré d'impôt en vertu de l'ancien article 28 des RAIR.

 

CONCLUSION

 

     En se prévalant des choix prévus à l'article 21 de la Loi, la demanderesse a cherché à maximiser son revenu durant la période d'exonération allant du premier septembre 1972 au 31 décembre 1973, et à minimiser son revenu pour la période postérieure à celle d'exonération. La demanderesse a tenté de faire ce qui précède en prenant l'intérêt payé et les dépenses d'exploration et d'aménagement qu'elle avait subis et déduits à des fins d'états financiers relativement à la période d'exonération, et en les reportant dans sa période non exonérée.

 

     Cependant, la mention «revenu exonéré» à chacun des paragraphes 21(1) à (4) de la Loi de l'impôt sur le revenu comprend le revenu qui est exclus du calcul de l'impôt de la contribuable en vertu de l'ancien article 28 des Règles de 1971 concernant l'application de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970‑71‑72, ch. 63, et ses modifications. Les actions de la demanderesse n'étaient donc ni autorisées par la législation ni admises par la jurisprudence.

 

     Cette Cour n'a pas compétence pour entendre l'appel en ce qui concerne l'impôt sur le revenu provincial. Néanmoins, il est raisonnable de conclure que, l'impôt sur le revenu provincial étant déterminé sur le fondement de l'impôt sur le revenu fédéral, la décision de cette Cour à l'égard de l'appel visant l'impôt sur le revenu fédéral aura une incidence sur la question de l'impôt provincial. Cependant, dans les domaines où l'impôt provincial est calculé indépendamment de l'impôt fédéral, la demanderesse doit rechercher une réparation auprès de la cour provinciale compétente.

 

     Par les motifs qui précèdent, l'appel est rejeté.

 

 

OTTAWA      B. Cullen    

Le 15 octobre 1996  J.C.F.C.

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme                                   

Louise Dumoulin-Clark


                       COUR FÉDÉRALE DU CANADA

 

                     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

 

              AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

 

No DU GREFFE :T-1330-84

 

 

INTITULÉ :Lornex Mining Corporation Ltd.

 

c.

 

Sa Majesté la Reine

 

 

LIEU DE L'AUDIENCE :            Toronto (Ontario)

 

 

DATE DE L'AUDIENCE :            le 30 septembre 1996

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT PRONONCÉS PAR :Monsieur le juge Cullen

 

 

EN DATE DU :15 septembre 1996

 

 

 

 

ONT COMPARU :

 

 

M. William Bies et

M. Alex PankretzPOUR LA REQUÉRANTE

 

 

Mme Marie-Thérèse BorisPOUR L'INTIMÉE

 

 

 

 

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

Fasken, Campbell et Godfrey

Toronto (Ontario)POUR LA REQUÉRANTE

 

 

Sous-procureur général

  du Canada

Ottawa (Ontario)POUR L'INTIMÉE



    [1]Elmer A. Driedger, Driedger on the Construction of Statutes, 3ième éd. (Toronto: Butterworths, 1994).

    [2](Les articles 65 et 66, précités, traitent en grande partie des frais d'exploration et d'aménagement, une question déjà réglée entre les parties. Ces paragraphes ne sont donc pas pertinents aux fins du présent appel.)

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