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Date : 19980824


Dossier : T-2652-97

T-1668-97

Entre :     

     RÉMY CARTIER

     Partie requérante

     - et -

     PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

     Partie intimée

     MOTIFS DE L"ORDONNANCE

LE JUGE NADON :

[1]      Le requérant vise à faire annuler deux décisions rendues le 9 juillet et le 5 novembre 1997 par le Service correctionnel du Canada ("service correctionnel").

[2]      Les faits pertinents se résument comme suit. Jusqu"au 9 juillet 1997, le requérant était détenu à l"établissement carcéral de Donnacona, un établissement à sécurité maximale. Le requérant y purgeait une sentence de quinze ans, débutée en janvier 1990, pour homicide involontaire, usage d"arme à feu, avoir lancé une substance explosive, possession d"armes, vol qualifié, complot et déguisement. Après avoir passé plus d"un an à l"établissement carcéral Leclerc, il est retourné à l"établissement Donnacona le 19 juin 1996.

[3]      Le 23 juin 1997, le requérant recevait un avis de recommandation de transfèrement non-sollicité pour l"Unité spéciale de détention ("U.S.D.") de l"établissement carcéral de Ste-Anne-des Plaines. Les motifs à l"appui de l"avis sont les suivants:

             Nous possédons des informations à l"effet que vous avez été impliqué dans la très sérieuse agression sur le détenu LAURIE survenue le 4 juin 1997 vers 7h20.             
             Plusieurs rapports parvenus à la sécurité préventive nous démontrent également votre implication en ce qui concerne le trafic institutionnel de stupéfiants impliquant un membre du personnel (référence : RREC du 1997.06.23, rubrique "Poursuite d"activités criminelles").             
             Ces informations nous mentionnent de plus que vous faites usage, en compagnie d"un groupe de codétenus, d"intimidation et de trafic d"influence.             
             Dans les circonstances, conformément à la D.C. 540-10A, votre équipe de gestion de cas n"a d"autre choix que de recommander un transfert au C.R.R. (en isolement préventif), dans les plus brefs délais, car votre cas n"est plus assumable dans une population carcérale "MAXIMUM" régulière comme Donnacona.             

Votre cas sera éventuellement évalué pour une étude de placement à l"unité spéciale de détention du C.R.R. pour évaluation.

[4]      Le 23 juin 1997, le requérant recevait, en plus de l"avis de recommandation de transfèrement, un rapport récapitulatif de l"évolution du cas ("RREC"). Ce document de sept pages relate l"histoire du requérant en milieu carcéral et explique pourquoi le service correctionnel désire transférer le requérant à l"U.S.D.. On retrouve à la rubrique "FACTEURS RELIÉS À L"ADAPTATION EN ÉTABLISSEMENT : ÉLEVÉS" des sommaires de rapports de sécurité préventive sur lesquels se fonde le service correctionnel pour transférer le requérant. Les sommaires se lisent comme suit:

             R.R.S. 3210297 (1997/06/05)             
             Le sujet est impliqué dans un réseau de trafic de stupéfiants en établissement et fait des pressions sur les codétenus. Il est également impliqué dans le trafic d"influence et l"intimidation des pairs. Le rapport fait mention que les Rock Machines contrôlent tous les secteurs d"activités de l"unité, la cantine, le comité de détenus, le socioculturel etc.             
             R.R.S. 3210397 (1997/06/05)             
             L"information nous confirme que le groupe Rock Machines exerce un contrôle total de toutes les activités de l"unité. Les relations de ce groupe, incluant Rémi Cartier, font régner un climat de terreur et d"intimidation. Ils contrôle [sic ] le trafic institutionnel de stupéfiants, un membre du personnel serait également impliqué dans ce trafic. Ces individus menacent de s"en prendre certains [sic ] détenus et à leur famille et n"hésitent pas à frapper les dissidents.             
             R.R.S. 3210597 (1997/06/16)             
             Cette information nous démontre le "modus opérandi" de l"agression sur le détenu Laurie et la participation du sujet.             
             R.R.S. 3210697 (1998/06/18)             
             Les informations consignées sur ce rapport nous mentionnent que le 3 juin 1997, une rencontre a eu lieu entre les leaders de la population dont, Rémi Cartier, et qu"à cette occasion, il fut décidé que le détenu Peter Laurie devait être éliminé. Les motifs étant qu"il ne suivait plus les consignes du groupe et qu"il constituait une menace pour ces derniers.             
                         
             R.R.P. (1997-06 -16)             
             Information sur l"identité des agresseurs et le nom de Rémi Cartier y figure.             
             R.R.S. 3215389 (1989/12/22)             
             Ce rapport indique que le sujet est impliqué dans le trafic institutionnel et qu"il se sert d"un membre du personnel comme complice.             

Partage de l"information protégée

[5]      Le 24 juin 1997, le requérant déposait une contestation écrite de la recommandation de transfèrement et se plaignait du peu d"information qu"il avait reçu du service correctionnel. Le 27 juin 1997, le directeur de l"établissement Donnacona informait le requérant par écrit qu"à son avis toute l"information pertinente lui avait été dévoilée. La lettre du directeur se lit, en partie, comme suit:

Le RREC du 97-06-23 donne des explications détaillées des motifs qui ont mené à recommander votre transfèrement non sollicité vers le CRR (isolement préventif) en vue d"une admission à l"USD pour évaluation. Nous estimons donc que toute l"information pertinente vous a été fournie et que vous êtes en mesure de vous défendre de façon pleine et entière. Pour ce qui est de vous donner le droit de préparer vos observations relativement à la mesure recommandée dans votre cas, nous considérons que ce droit fut respecté et que la procédure stipulée au niveau de la DC 540 et du Règlement sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition fut respectée dans son intégralité. Aucun élément nouveau ne vient modifier la recommandation de transfèrement non sollicité vers le CRR (isolement préventif) en vue d"une admission à l"USD pour évaluation.

[6]      Le 9 juillet 1997, le requérant fut transféré à l"U.S.D. de Ste-Anne-des-Plaines pour évaluation suite à une décision prise ce jour-là par le sous-commissaire régional du service correctionnel.

[7]      À Ste-Anne-des-Plaines, une équipe fut chargée d"évaluer la situation du requérant relativement à son admission à l"U.S.D.. Le 26 septembre 1997 une décision fut prise de ne pas recommander l"admission du requérant à l"U.S.D..

[8]      Le 3 octobre 1997, le requérant fut informé que son cas serait étudié par le Comité national de révision (le "C.N.R.") des cas de l"U.S.D. le 9 octobre 1997. Le 6 octobre 1997, l"équipe de Ste-Anne-des-Plaines chargée d"évaluer le cas du requérant recevait des rapports de sécurité préventive qui n"étaient pas disponibles1 lorsque la recommandation de ne pas l"admettre à l"U.S.D. fut prise le 26 septembre 1997. Selon l"agent de gestion de cas du requérant, Mme Linda Giordano, le contenu de ces rapports "identifie clairement le détenu Cartier comme ayant participé à l"agression sur le détenu Laurie".

[9]      Après avoir pris connaissance du contenu des rapports de sécurité préventive, Mme Giordano informait le requérant de la réception de ces rapports de sécurité préventive dont un sommaire lui avait été communiqué par le biais du RREC du 23 juin 1997. De plus, Mme Giordano informait le requérant que l"information révélée par les rapports de sécurité préventive était telle à justifier son admission à l"U.S.D. et que des représentations en ce sens seraient faites verbalement au C.N.R. le 9 octobre 1997. Selon Mme Giordano, le requérant l"a informé qu"il avait l"intention de se présenter devant le C.N.R. en personne pour faire des représentations.

[10]      Le 9 octobre 1997, les membres du C.N.R. rencontrait le requérant et, compte tenu de l"information additionnelle reçue le 6 octobre 1997, ils reportaient l"étude de son dossier afin de permettre à l"équipe chargée de l"étude de son cas de réexaminer le dossier et de soumettre leur recommandation tout en partageant "le tout avec le détenu Cartier au moins cinq (5) jours avant la date de l"étude du cas par le comité national de révision ...".

[11]      Le 29 octobre 1997, le requérant fut informé que son cas serait étudié par le C.N.R. le 5 novembre 1997. Le même jour, après réexamen du dossier du requérant, Mme Giordano signait un RREC recommandant son admission à l"U.S.D.. Cette recommandation de l"équipe de gestion fut endossée le 29 octobre 1997 par le comité pavillonnaire de l"établissement de Ste-Anne-des-Plaines.

                            

[12]      Après avoir été informé de la recommandation visant à l"admettre à l"U.S.D., le requérant indiquait à Mme Giordano qu"il n"avait pas l"intention de faire des représentations devant le C.N.R. le 5 novembre 1997. Le 5 novembre 1997, le C.N.R., après étude du cas, concluait que le requérant devait être admis à l"U.S.D. et que son cas serait révisé dans quatre mois. La décision attaquée se lit comme suit:

             Le Comité national de révision des cas d"U.S.D. a examiné votre cas le 5 novembre 1997. Considérant l"information sur votre comportement à l"établissement, votre implication dans l"agression sur un codétenu en juin 1997 ainsi que votre rôle dans le trafic institutionnel d"intoxicants, nous avons décidé qu"une admission en U.S.D. était de mise afin de contenir le risque que vous représentez. Ainsi, la décision suivante a été prise:             
             -Admission à l"U.S.D.             

-Révision du cas dans 4 mois.

[13]      Dans le dossier T-2652-97, le requérant attaque la décision rendue par le C.N.R. le 5 novembre 1997. Dans le dossier T-1668-97, le requérant attaque la décision prise le 9 juillet 1997 de le transférer de Donnacona à Ste-Anne-des-Plaines. Le requérant attaque la décision du 5 novembre 1997 pour les motifs suivants:

             1.      Le Comité national de révision a agi sans aucune juridiction en l"espèce puisqu"il était clair que le transfert initial provenant de Donnacona était illégal vu l"information essentielle aux fins de contestation qui fut cachée au requérant.             
             2.      Le Comité national de révision des cas d"U.S.D. a commis une erreur de droit en agréant à l"admission du requérant sans lui communiquer suffisamment d"information aux fins d"une défense utile et intelligente tel qu"exigé par les principes d"équité procédurale, commettant par le fait même un excès de juridiction.             
3.      Le Comité national de révision a violé un principe d"équité procédurale en omettant d"enregistrer mécaniquement l"audience à laquelle avait droit le requérant.

Lors de l"audition, le procureur du requérant m"informait qu"il abandonnait le troisième motif.

[14]      Quant à la décision du 9 juillet 1997, le requérant s"y oppose au motif que le service correctionnel l"a transféré sans lui communiquer suffisamment d"information aux fins d"une défense utile et intelligente tel qu"exigé par les principes d"équité procédurale.

[15]      Les motifs au soutien des demandes de contrôle judiciaire sont, à toute fin pratique, identiques. Le requérant soumet que, lorsque la décision de le transférer de Donnacona à Ste-Anne-des-Plaines fut prise, il n"avait pas eu l"opportunité "de répondre aux accusations lancées contre lui, et ce tel qu"exigé par la Cour d"appel fédérale dans Demaria c. Comité national de classement des détenus et Payne (1986), 30 C.C.C. (3d) 55". Je reproduis, pour fin de meilleure compréhension de l"argumentation du requérant, les cinq soumissions formulées par le requérant à l"appui du deuxième motif dans le dossier T-2652-97:

             1.      Le fait de savoir que le requérant est le présumé auteur de l"agression reprochée n"est qu"un complément de l"accusation portée contre lui. Il n"en demeure pas moins qu"il en ignore encore les détails de base comme le lieu et les circonstances de cette agression, renseignements sans lesquels toute forme de défense est vaine.             
             2.      Les arguments basés sur les arrêts Demaria et Lee sont encore une fois de mise. Il s"agit toujours de contre balancer le droit du requérant à se voir communiquer de l"information aux fins d"une contestation utile et intelligente versus l"obligation de préserver l"identité des informateurs.             
             3.      Un simple exemple pratique va établir très clairement que le requérant aurait pu recevoir beaucoup plus d"informations essentielles à sa défense et ce, sans que la moindre atteinte à l"identité des informateurs ne puisse être possible : si le requérant avait seulement connu le lieu, l"heure, la durée et les circonstances très sommaires de l"agression, il aurait pu présenter une contestation alléguant entre autre un alibi s"il en a un.             
             4.      Ceci étant dit, comment ces seuls renseignements, réputés connus de celui dont nous sommes supposément convaincu de la culpabilité, peuvent-ils être susceptibles de mettre en danger la sécurité des informateurs ?             
5.      Il est donc clairement prouvé que le Service correctionnel via le Comité de révision a une fois de plus violé l"équité procédurale dans cette affaire et ce, par son défaut de communiquer toute l"information pertinente disponible qui n"est pas susceptible de révéler l"identité d"un informateur (Lee , précité).

[16]      Les articles 27, 28 et 29 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, S.C. 1992, c. 20, (la "Loi") sont pertinents et prévoient ce qui suit:

27. (1) Sous réserve du paragraphe (3), la personne ou l'organisme chargé de rendre, au nom du Service, une décision au sujet d'un délinquant doit, lorsque celui-ci a le droit en vertu de la présente partie ou des règlements de présenter des observations, lui communiquer, dans un délai raisonnable avant la prise de décision, tous les renseignements entrant en ligne de compte dans celle-ci, ou un sommaire de ceux-ci.

27. (1) Where an offender is entitled by this Part of the regulations to make representations in relation to a decision to be taken by the Service about the offender, the person or body that is to take the decision shall, subject to subsection (3), give the offender, a reasonable period before the decision is to be taken, all the information to be considered in the taking of the decision or a summary of that information.


(2) Sous réserve du paragraphe (3), cette personne ou cet organisme doit, dès que sa décision est rendue, faire connaître au délinquant qui y a droit au titre de la présente partie ou des règlements les renseignements pris en compte dans la décision, ou un sommaire de ceux-ci.

(2) Where an offender is entitled by this Part or the regulations to be given reasons for a decision taken by the Service about the offender, the person or body that takes the decision shall, subject to subsection (3), give the offender, forthwith after the decision is taken, all the information that was considered in the taking of the decision or a summary of that information.


(3) Sauf dans le cas des infractions disciplinaires, le commissaire peut autoriser, dans la mesure jugée strictement nécessaire toutefois, le refus de communiquer des renseignements au délinquant s'il a des motifs raisonnables de croire que cette communication mettrait en danger la sécurité d'une personne ou du pénitencier ou compromettrait la tenue d'une enquête licite.

(3) Except in relation to decisions on disciplinary offences, where the Commissioner has reasonable grounds to believe that disclosure of information under subsection (1) or (2) would jeopardize

(a) the safety of any person,

(b) the security of a penitentiary, or

(c) the conduct of any lawful investigation,

the Commissioner may authorize the withholding from the offender of as much information as is strictly necessary in order to protect the interest identified in paragraph (a), (b) or (c).


(4) Le délinquant qui ne comprend de façon satisfaisante aucune des deux langues officielles du Canada a droit à l'assistance d'un interprète pour toute audition prévue à la présente partie ou par ses règlements d'application et pour la compréhension des documents qui lui sont communiqués en vertu du présent article.

(4) An offender who does not have an adequate understanding of at least one of Canada's official languages is entitled to the assistance of an interpreter

(a) at any hearing provided for by this Part or the regulations; and

(b) for the purposes of understanding materials provided to the offender pursuant to this section.


28. Le Service doit s'assurer, dans la mesure du possible, que le pénitencier dans lequel est incarcéré le détenu constitue le milieu le moins restrictif possible, compte tenu des éléments suivants:

28. Where a person is, or is to be, confined in a penitentiary, the Service shall take all reasonable steps to ensure that the penitentiary in which the person is confined is one that provides the least restrictive environment for that person, taking into account


a) le degré de garde et de surveillance nécessaire à la sécurité du public, à celle du pénitencier, des personnes qui s'y trouvent et du détenu;

(a) the degree and kind of custody and control necessary for

(i) the safety of the public,

(ii) the safety of that person and other persons in the penitentiary, and

(iii) the security of the penitentiary;


b) la facilité d'accès à la collectivité à laquelle il appartient, à sa famille et à un milieu culturel et linguistique compatible;

(b) accessibility to

(i) the person's home community and family,

(ii) a compatible cultural environment, and

(iii) a compatible linguistic environment; and


c) l'existence de programmes et services qui lui conviennent et sa volonté d'y participer.

(c) the availability of appropriate programs and services and the person's willingness to participate in those programs.


29. Le commissaire peut autoriser le transfèrement d'une personne condamnée ou transférée au pénitencier, soit à un autre pénitencier, conformément aux règlements pris en vertu de l'alinéa 96d), mais sous réserve de l'article 28, soit à un établissement correctionnel provincial ou un hôpital dans le cadre d'un accord conclu au titre du paragraphe 16(1), conformément aux règlements applicables.

29. The Commissioner may authorize the transfer of a person who is sentenced, transferred or committed to a penitentiary to

(a) another penitentiary in accordance with the regulations made under paragraph 96(d), subject to section 28; or

(b) a provincial correctional facility or hospital in accordance with an agreement entered into under paragraph 16(1)(a) and any applicable regulations.


[17]      Le paragraphe 1 de l"article 27 de la Loi prévoit que le requérant a droit de recevoir, dans un délai raisonnable avant que la décision de le transférer ne soit prise, les renseignements pertinents menant à la décision ou à un sommaire de ces renseignements.

[18]      Le paragraphe 3 du même article, par ailleurs, prévoit la non-divulgation de certains renseignements lorsque le commissaire a des motifs raisonnables de croire que la communication de ces renseignements mettrait en danger la sécurité d"une personne ou du pénitencier.

[19]      Le requérant fait reposer son argumentation, inter alia, sur la décision rendue par la Cour d"appel fédérale dans Demaria . Cette décision, rendue en août 1986, fut discutée par la Cour d"appel dans Gallant c. Canada (Sous-Commissaire, Service Correctionnel Canada), [1989] 3 C.F. 329.

[20]      Dans Gallant, le détenu purgeait quatre sentences d"emprisonnement à vie pour meurtre. Le service correctionnel, le soupçonnant d"extorsion, décida de le transférer d"une institution à sécurité maximale vers une institution à sécurité super maximale. Le détenu contesta le transfert au motif que les renseignements qui lui avaient été fournis n"étaient pas suffisants pour lui permettre de répondre adéquatement. Suite à la décision de le transférer, le détenu déposa une demande de contrôle judiciaire qui fut accueillie par le juge de première instance. Ce dernier, s"appuyant sur la décision de la Cour d"appel dans Demaria , concluait que les principes de justice naturelle n"avaient pas été respectés puisque le détenu n"avait pas reçu une communication suffisante des renseignements pertinents. La décision fut portée en appel et la Cour d"appel concluait, par décision majoritaire, que les renseignements fournis par le service correctionnel au détenu avant la prise de la décision étaient suffisants.

[21]      Les deux juges de la majorité, soit les juges Pratte et Marceau, pour des motifs différents, concluaient que les principes de justice naturelle avaient été respectés. Je suis en plein accord avec les motifs énoncés par le juge Marceau, lesquels ont d"ailleurs été cités avec approbation par le juge Strayer (tel était son titre) dans Camphaug c. Canada (1990), 34 F.T.R. 165. Le juge Marceau, en plus de distinguer l"arrêt Demaria , explique la nature et la portée de la règle audi alteram partem dans le contexte d"une décision de transférer un détenu. Je reproduis donc les motifs du juge Marceau que l"on retrouve aux pages 341 à 344 du rapport:

                  Je souscris volontiers à l"opinion du juge Pratte qui conclut que le jugement interjeté en appel ne peut être confirmé. Toutefois, je dois souligner que, sauf le respect que je dois à mon confrère, il m"est difficile d"adhérer aux motifs qu"il invoque et j"aimerais soumettre ma propre opinion dans les commentaires qui suivent.             
                  1. Je n"ai pas compris que l"appelant avait reconnu qu"il avait été obligé de quelque façon de contrevenir à l"obligation d"agir équitablement à laquelle il est habituellement tenu. L"appelant a tout simplement reconnu qu"en remplissant son obligation d"agir équitablement, il avait donné à l"intimé tous les renseignements possibles sans lui révéler l"identité des indicateurs. Donc, je ne crois pas qu"il s"agisse de déterminer si la règle de confidentialité à l"égard des indicateurs peut libérer une instance décisionnelle de son obligation d"agir équitablement; il s"agit plutôt d"établir si la règle de confidentialité peut influencer , comme en l"occurrence, la portée de cette obligation. Et j"estime que cette différence est essentielle puisqu"il m"est très difficile d"accepter que le principe audi alteram partem , qui est l"essence même de l"obligation d"agir équitablement, puisse être entièrement écarté, sauf en cas d"urgence exceptionnelle et pour une période très courte. (Voir Cardinal et autre c. Directeur de l"établissement Kent, [1985] 2 R.C.S. 643).             
                  Le principe audi alteram partem qui porte tout simplement que la personne dont les droits ou intérêts peuvent être touchés doit pouvoir participer au processus décisionnel, est fondé sur la prémisse suivante: la personne doit toujours avoir la possibilité de soumettre de l"information, sous forme de faits ou d"arguments, afin de permettre à l"instance décisionnelle de rendre une décision équitable et raisonnable. Il est reconnu depuis longtemps qu"en toute logique et en pratique, la portée et la nature de cette participation dépendent des circonstances de l"espèce et de la nature de la décision à rendre. Cette interprétation de l"application pratique du principe doit être la même, peu importe que l"obligation d"agir équitablement soit fondée sur le devoir d"agir équitablement établi par la jurisprudence ou sur les principes de justice naturelle reconnus en common law ou sur le concept de justice fondamentale auquel se réfère l"article 7 de la Charte. Le principe demeure évidemment le même, partout où il s"applique.             
                  Tel que je le vois, le problème ici est de déterminer si, en vertu du principe audi alteram partem il aurait fallu, dans les circonstances qui prévalaient, donner au détenu plus de renseignements avant de l"inviter à présenter ses observations. J"estime que, compte tenu de la nature du problème dont l"appelant était saisi et de sa responsabilité envers les personnes qui lui sont confiées, il ne le fallait pas.             
                  2. Il me semble que pour apprécier les conséquences pratiques du principe audi alteram partem il ne faut pas traiter de la même façon toutes les décision administratives portant sur les détenus en milieu carcéral, qu"elles soient rendues par la Commission nationale des libérations conditionnelles en matière de révocation de libération conditionnelle ou par les comités de discipline à la suite d"infractions pénales pouvant entraîner différentes peines, jusqu"à la ségrégation, ou par les autorités carcérales approuvant, comme en l"espèce, le transfèrement des détenus d"un établissement à un autre pour des motifs d"ordre administratif et de sécurité. Ces décisions sont non seulement différentes en ce qui a trait aux droits, privilèges ou intérêts personnels visés, ce qui peut entraîner différentes normes en matière de garanties procédurales, mais également, et c"est encore plus important, quant à leurs objectifs et à leur raison d"être, ce qui ne peut qu"influer sur le genre de renseignements que le détenu doit connaître afin que sa participation au processus décisionnel ait une portée réelle. Dans le cas d"une décision visant à imposer une sanction ou une punition à la suite d"une infraction, les règles d"équité exigent que la personne accusée dispose de tous les détails connus de l"infraction. Il n"en est pas de même dans le cas d"une décision de transfèrement rendue pour le bon fonctionnement de l"établissement et fondée sur la croyance que le détenu ne devrait pas rester où il est, compte tenu des questions que soulève son comportement. Dans un tel cas, il n"y a pas de raison d"exiger que le détenu dispose d"autant de détails relatifs aux actes répréhensibles dont on le soupçonne. En effet, dans le premier cas, ce qu"il faut vérifier est la commission même de l"infraction et la personne visée devrait avoir la possibilité d"établir son innocence; dans le second cas, c"est uniquement le caractère raisonnable et sérieux des motifs sur lesquels la décision est fondée, et la participation de la personne visée doit être rendue pleinement significative pour cela, mais rien de plus. En l"occurrence, il ne s"agissait pas d"établir la culpabilité du détenu, mais de savoir si les renseignements reçus des six sources différentes représentaient des préoccupations assez importantes pour justifier son transfèrement.             
                  3. Il y a des différences fondamentales très nettes entre les circonstances de l"espèces et celles dont était saisie la Cour lorsqu"elle prononça l"arrêt Demaria , dont s"est inspiré exclusivement le juge de première instance:             
                  a) Dans Demaria le transfèrement était fondé sur la croyance que le détenu avait introduit du cyanure dans la prison; il s"agissait donc d"un acte, d"une opération qui avait déjà eu lieu et ne se répéterait probablement pas. En l"espèce, il est fondé sur la croyance que des détenus participaient à un système d"extorsion qui existe peut-être encore ou qui pourrait refaire surface.             
                  b) Dans Demaria, il n"y avait pas de raison directe de croire que la sécurité des autres détenus était en cause; il n"y avait pas de victimes claires des actes reprochés. Ici, au contraire, l"extorsion par voie de menaces implique nécessairement l"existence de victimes et met en danger la sécurité d"autrui.             
                  c) Dans Demaria, la police avait fourni des preuves indépendantes. En l"espèce, toute la preuve venait d"indicateurs qui avaient de bonnes raisons de craindre les représailles des prétendus extorqueurs.             
                  d) Dans Demaria, presque aucun renseignement n"avait été divulgué, ce qu"on avait simplement voulu justifier par l"affirmation générale, reprise par le juge Hugessen [à la page 78], que ""tous les renseignements concernant la sécurité préventive" [étaient] confidentiels et [ne pouvaient] être communiqués". En l"espèce, d"une part, beaucoup plus de renseignements ont été divulgués, y compris le rapport intégral sur l"évolution du cas du détenu, la portée des préoccupations du directeur et les raisons qui justifient le refus de communiquer d"autres détails. D"autre part, les autorités carcérales ont clairement affirmé sous serment qu"aucun autre renseignement ne pouvait être révélé sans danger, notamment dans la déclaration du directeur qui, comme l"affirme avec raison le juge de première instance, [aux pages 271 C.R.; 153 F.T.R.] "connaît mieux les conditions carcérales que la Cour et peut évaluer de façon plus réaliste ce que les détenus sont capables de déduire de renseignements donnés".             

     Je disposerais donc de l"appel comme l"a suggéré le juge Pratte.

[22]      Je désire aussi noter les propos du juge Strayer [tel était son titre] dans Camphaug. Le juge Strayer s"exprime comme suit2:

... Je souscris respectueusement à la manière dont l"exigence a été décrite par le juge Marceau dans l"affaire Trono . Le juge a déclaré que le principe audi alteram partem est en cause. Ce principe exige une certaine participation de la personne dont les droits et les intérêts sont touchés par la décision, laquelle est destinée à lui permettre de fournir des renseignements susceptibles d"aider le décideur à en arriver à une conclusion juste et prudente. Qu"il soit prescrit par la common law ou par la Charte, le contenu de l"exigence relative à l"équité est le même. Je souscris également respectueusement à l"avis exprimé par le juge Marceau dans la même affaire, à savoir qu"une décision concernant le transfèrement n"est pas similaire à une déclaration de culpabilité : le décideur doit raisonnablement croire que le détenu devrait être transféré en vue d"assurer l"administration ordonnée et efficace de l"établissement. Cela laisse entendre que l"équité dans la prise d"une telle décision n"exige pas qu"on donne au détenu tous les détails au sujet de tous les présumés actes illicites; il suffit qu"il puisse faire des observations destinées à montrer que la recommandation est déraisonnable. [page 3 des motifs en langue française]

Plus loin, à la page 5, il conclut ses motifs comme suit:

     Compte tenu des critères d"équité qui s"appliquent dans les cas de ce genre et dont j"ai ci-dessus fait mention, je suis convaincu que le requérant avait à sa disposition tous les renseignements dont disposait le sous-commissaire et qu"il suffisait qu"un avis de 48 heures lui soit donné pour présenter ses observations par écrit. Comme je l"ai dit ci-dessus, il n"incombait pas au sous-commissaire d"examiner de nouveau toutes les allégations qui avaient été faites contre le détenu en se fondant sur une preuve détaillée; il était suffisant qu"il croie raisonnablement que Camphaug doive être transféré, ce dernier ayant eu une occasion adéquate de faire des observations à ce sujet.

[23]      Je désire aussi référer à une décision rendue le 6 mai 1994 par la Cour d"appel du Québec dans Ghislain Gaudet c. Laval Marchand (Dossier No. 500-10-000030-948). Les motifs de cette décision rendus par le juge Rothman sont similaires à ceux énoncés par le juge Marceau dans Gallant.

[24]      Dans Gaudet, le détenu demandait l"annulation d"une décision du service correctionnel de le transférer de l"établissement carcéral de Donnacona à l"U.S.D. de Ste-Anne-des-Plaines. Le détenu s"opposait au transfert au motif que le service correctionnel ne lui avait pas fourni suffisamment d"information afin de lui permettre de confronter ceux qui l"avaient dénoncé.

[25]      Comme dans la présente affaire, le service correctionnel avait fourni au détenu un RREC qui énonçait les motifs pour lesquels le service correctionnel avait l"intention de le transférer à l"U.S.D.. Se retrouvait au RREC, comme en l"instance, un sommaire des divers rapports de sécurité préventive sur lesquels se fondait le service correctionnel pour transférer le détenu à l"U.S.D. de Ste-Anne-des-Plaines.

[26]      Le juge de première instance ayant rejeté sa demande, le détenu porta l"affaire devant la Cour d"appel. En rejetant l"appel, le juge Rothman, pour la Cour, s"exprimait comme suit:

                  Appellant"s counsel makes it equally plain, in his letter of November 10, 1993, that what appellant wished to have was an oral hearing at which he could cross-examine the witnesses, including the confidential sources, who had provided information to the prison authorities against him:             
                     "Par la présente, monsieur Gaudet vous informe de sa volonté d"assister en personne à l"audition de son cas sur son transfert accompagné de son avocat, et demande également de pouvoir être confronté aux témoins qui l"auraient accusé de certains faits qui sont à la base de la recommandation de transfert (voir R.R.E.C. du 28 octobre 1993).                     
                     Par la même occasion, monsieur Gaudet demande une communication complète de la preuve retenue contre lui, y compris une copie des déclarations des témoins à la base des allégués factuels qui lui sont reprochés et ce, dans le but de lui permettre de faire une défense pleine et entière."                     

     The identities and statements of police informers is, [sic] of course, protected by a well-established rule of confidentiality. (Bisaillon v. Keable et al [1983] 2 S.C.R. 60) In a prison context, the reasons for the rule are too obvious to need elaboration. Suffice it to say, there would be few prison informers if their identities were not protected.

     Further, while the penitentiary authorities did have a duty to act fairly and to afford appellant an opportunity to know the reasons for the transfer and an opportunity to be heard or to make representations on his behalf, the prison context must be borne in mind. In Cardinal and Oswald (supra) the Supreme Court of Canada considered the duty of procedural fairness in the context of prison administration. Mr. Justice Le Dain observed (p. 654) :

                     "      The question, of course, is what the duty of procedural fairness may reasonably require of an authority in the way of specific procedural rights in a particular legislative and administrative context and what should be considered to be a breach of fairness in particular circumstances. The caution with which this question must be approached in the context of prison administration was emphasized by this Court in Martineau (No. 2), supra. Pigeon J., with whom Martland, Ritchie, Beetz, Estey and Pratte JJ. concurred, said at p. 637:                     
         I must, however, stress that the Order issued by Mahoney J. deals only with the jurisdiction of the Trial Division, not with the actual availability of the relief in the circumstances of the case. This is subject to the exercise of judicial discretion and in this respect it will be essential that the requirements of prison discipline be borne in mind, just as it is essential that the requirements of the effective administration of criminal justice be borne in mind when dealing with applications for certiorari before trial, as pointed out in Attorney General of Quebec v. Cohen ([1979] 2 S.C.R. 305). It is specially important that the remedy be granted only in cases of serious injustice and that proper care be taken to prevent such proceedings from being used to delay deserved punishment so long that it is made ineffective, if not altogether avoided.

     Dickson J. (as he then was), with whom Laskin C.J. and McIntyre J. concurred, expressed a similar caution at p. 630 as follows:

         It should be emphasized that it is not every breach of prison rules of procedure which will bring intervention by the courts. The very nature of a prison institution requires officers to make "on the spot" disciplinary decisions and the power of judicial review must be exercised with restraint. Interference will not be justified in the case of trivial or merely technical incidents. The question is not whether there has been a breach of the prison rules, but whether there has been a breach of the duty to act fairly in all the circumstances The rules are of some importance in determining this latter question, as an indication of the views of prison authorities as to the degree of procedural protection to be extended to inmates.

     The same caution was emphasized by the Court of Appeal in R. v. Hull prison Board of Visitors, ex parte St Germain, [1979] 1 All E.R. 701, which was referred to by Pigeon and Dickson JJ. in Martineau (No. 2), supra, and in which Megaw L.J. said p. 713 concerning the judicial review of prison disciplinary decisions:

                      It is certainly not any breach of any procedural rule which would justify or require interference by the courts. Such interference, in my judgment, would only be required, and would only be justified, if there were some failure to act fairly, having regard to all relevant circumstances, and such unfairness could reasonably be regarded as having caused a substantial, as distinct from a trivial or merely technical, injustice which was capable of remedy."             
                  The standards by which procedural fairness is measured are not immutable. They vary according to the context in which they are invoked. (R. v. Lyons [1987] 2 S.C.R. 309, 361; R. v. Wholesale Travel Group Inc. [1991] 3 S.C.R. 154) A criminal trial to determine the guilt or innocence of an accused person is a different context from a hearing to determine the transfer of a prisoner from the general prison population to administrative segregation or a special handling unit and the hearing cannot be the same.             
                  In this case, appellant was given the opportunity to consult counsel and to make representations in person and in writing as to the reasons for the transfer.             
                  In my view, the authorities satisfied their obligation to act fairly, as indicated by the Supreme Court in Cardinal and Oswald (supra, p. 659):             
             "      The issue then is what did procedural fairness require of the Director in exercising his authority pursuant to s. 40 of the Penitentiary Service Regulations, to continue the administrative dissociation or segregation of the appellants, despite the recommendation of the Board, if he was satisfied that it was necessary or desirable for the maintenance of good order and discipline in the institution. I agree with McEachern C.J.S.C. and Anderson J.A. that because of the serious effect of the Director"s decision on the appellants, procedural fairness required that he inform them of the reasons for his intended decision and give them an opportunity, however informal, to make representations to him concerning these reasons and the general question whether it was necessary or desirable to continue their segregation for the maintenance of good order and discipline in the institution."             
                  In my respectful opinion, the authorities had no duty to provide appellant with copies of the statements given by informers, nor to afford appellant an opportunity to cross-examine these witnesses or the penitentiary authorities themselves. In a prison context, such a hearing would go considerably beyond procedural fairness into the realm of an unreasonable intrusion into the administration and security of the penitentiary.             

     I am mindful that it is not always an easy matter to balance the need for procedural fairness to a prisoner with the contextual requirements of prison administration and safety, as well as the duty to protect the identities and safety of informers and other confidential sources. (See, for example, Demaria v. Regional Classification Board [1987] 30 C.C.C. (3d) 55, Fed. C.A.; Balian v. Regional Transfer Board [1988] 62 C.R. (3d) 258, Ont. H.C.; Gallant v. Canada (Deputy Commissioner, Correctional Service Canada) [1989] 3 F.C. 329, Fed. C.A.)

     In this case, I believe the balance was struck and the requirement of procedural fairness was met.

[27]      En l"instance, le requérant ne cherche pas à contre-interroger les informateurs ni le personnel de l"établissement carcéral. Nonobstant, je suis d"avis que les propos du juge Rothman, comme ceux du juge Marceau dans Gallant , sont pertinents aux faits de la présente affaire.

[28]      La seule question en litige est celle à savoir si le service correctionnel a fourni au requérant, tel que le requiert l"article 27 de la Loi, tous les renseignements "entrant en ligne de compte" dans la prise de la décision, ou un sommaire de ces renseignements. Cette disposition est tempérée par le paragraphe 3 de l"article 27 qui prévoit que le Commissaire peut autoriser la non-divulgation de certains renseignements au détenu "s"il a des motifs raisonnables de croire que cette communication mettrait en danger la sécurité d"une personne ou du pénitencier ou compromettrait la tenue d"une enquête licite".

[29]      À mon avis, le RREC du 23 juin 1997, qui comprend les sommaires des rapports de sécurité, fournissait au requérant suffisamment d"information afin de lui permettre de comprendre pourquoi le service correctionnel voulait le transférer. L"information qui lui avait été fournie permettait au requérant de faire les observations qui lui semblaient appropriées relativement à l"agression sur le détenu Laurie, au trafic de stupéfiants ainsi qu"à l"intimidation et au trafic d"influence à l"intérieur de l"établissement carcéral.

[30]      Dans son argumentation écrite dans le dossier T-2652-97, le procureur du requérant explique que, vu le manque d"information, le requérant n"aurait pu, par exemple, présenter une contestation fondée sur un alibi, s"il en avait un. Cet argument, à mon avis, est mal fondé. Comme l"explique le juge Marceau dans Gallant , une décision de transférer un détenu ne peut être confondue à une déclaration de culpabilité. Dans le cas d"une décision de transférer un détenu, la question n"est pas de savoir si le détenu a un alibi mais plutôt de savoir si l"information dont dispose le service correctionnel est telle à justifier un transfert. Je cite à nouveau les propos du juge Marceau dans Gallant où, aux pages 342 et 343, il s"exprime comme suit:

...Dans le cas d"une décision visant à imposer une sanction ou une punition à la suite d"une infraction, les règles d"équité exigent que la personne accusée dispose de tous les détails connus de l"infraction. Il n"en est pas de même dans le cas d"une décision de transfèrement rendue pour le bon fonctionnement de l"établissement et fondée sur la croyance que le détenu ne devrait pas rester où il est, compte tenu des questions que soulève son comportement. Dans un tel cas, il n"y a pas de raison d"exiger que le détenu dispose d"autant de détails relatifs aux actes répréhensibles dont on le soupçonne. En effet, dans le premier cas, ce qu"il faut vérifier est la commission même de l"infraction et la personne visée devrait avoir la possibilité d"établir son innocence; dans le second cas, c"est uniquement le caractère raisonnable et sérieux des motifs sur lesquels la décision est fondée, et la participation de la personne visée doit être rendue pleinement significative pour cela, mais rien de plus. En l"occurrence, il ne s"agissait pas d"établir la culpabilité du détenu, mais de savoir si les renseignements reçus des six sources différentes représentaient des préoccupations assez importantes pour justifier son transfèrement.

[31]      Il suffit de lire, à mon avis, le RREC du 23 juin 1997 pour en arriver à la conclusion que les règles d"équité procédurale, compte tenu des circonstances, ont été respectées. Pour ces motifs, les demandes de contrôle judiciaire seront refusées.

Ottawa, Ontario      "MARC NADON"

Le 24 août 1998      Juge

__________________

1 R.R.S. 3210597 (1997/06/16)          Cette information nous démontre le "modus opérandi" de l"agression sur le détenu Laurie et la participation du sujet.
R.R.P. (1997-06 -16)      Information sur l"identité des agresseurs et le nom de Rémi Cartier y figure.

2 Le texte qui suit est la traduction en langue française des motifs énoncés par le juge Strayer en langue anglaise. Cette décision est rapportée à (1990) 34 F.T.R. 165. Le texte cité apparaît aux pages 166 et 167.

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