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Date : 20040401

Dossier : T-587-01

Référence : 2004 CF 491

ENTRE :

                                                             IRVINE FORREST

                                                                                                                                          demandeur

                                                                             et

                                        LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                           défendeur

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE GIBSON :

INTRODUCTION

[1]                Les présents motifs font suite à l'audience d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision de la Commission canadienne des droits (la Commission) laquelle décision fut transmise à M. Forrest (le demandeur) dans une lettre ainsi libellée :

[traduction]

Je vous écris pour vous informer de la décision prise par la Commission canadienne des droits de la personne au sujet de la plainte [...] que vous avez portée contre le Service correctionnel du Canada.


Avant de rendre sa décision, la Commission a pris connaissance des rapports qui vous ont déjà été communiqués. Après examen de ces renseignements, la Commission a décidé de ne pas statuer sur la plainte pour les motifs suivants :

en vertu de l'alinéa 41(1)c) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, la Commission a décidé de ne pas statuer sur la plainte parce qu'elle ne relève pas de sa compétence car la victime de la prétendue pratique discriminatoire ne se trouvait pas légalement au Canada à l'époque où ces actes ou omissions ont été commis.

Par conséquent, le dossier concernant cette affaire est maintenant clos.                                                                                        [Numéro d'identification de la plainte omis]

[2]                La décision faisant l'objet du contrôle est datée du 19 mars 2001.

LES FAITS

[3]                Les faits qui ont mené à la présente demande de contrôle judiciaire n'ont pas été véritablement contestés.


[4]                Le demandeur est un citoyen de la Jamaïque. Il est entré légalement au Canada pour la première fois en 1988. Après avoir effectué un bref séjour, il est retourné en Jamaïque. Il est venu au Canada pour la deuxième fois en 1989[1]. Lors de sa seconde arrivée au Canada, il avait le statut de visiteur. Son statut de visiteur expirait le 31 janvier 1993. Avant l'expiration de son statut de visiteur et de son permis de travail connexe, le demandeur a été accusé d'avoir commis une infraction. Il a été acquitté de cette première accusation. Toutefois, le demandeur a par la suite été accusé et reconnu coupable d'une série d'infractions de sorte qu'il s'est vu imposer une peine d'emprisonnement de dix-huit (18) ans. Le demandeur a commencé à purger sa peine le 12 mai 1995. Il continue toujours de purger cette peine.   

[5]                Au terme d'une audience tenue le 23 novembre 1995, une mesure de renvoi du Canada a été prise contre le demandeur. La mesure de renvoi demeure en vigueur mais il est sursis à son exécution[2].

[6]                Depuis qu'il a été incarcéré, le demandeur prétend qu'il a fait l'objet de discrimination quant à la fourniture de services par le Service correctionnel du Canada (SCC) en ce sens qu'il aurait été traité d'une manière défavorable et différente et que, de plus, le SCC ne lui a pas fourni un milieu libre de harcèlement. Il prétend que le fondement de son mauvais traitement est sa [traduction] « [...] couleur (noir) [son] origine nationale ou ethnique (Jamaïcain) et [sa] religion (musulman) [...] » . Il prétend que ce traitement contrevient aux articles 5 et 14 de la Loi canadienne sur les droits de la personne[3]. Le demandeur prétend de plus qu'il a demandé réparation contre le traitement qu'il a reçu de la part du SCC en déposant de nombreuses plaintes et de nombreux griefs qui n'ont pas été réglés à sa satisfaction.


[7]                La plainte que le demandeur a déposée à la Commission a d'abord été rejetée par une décision datée du 16 septembre 1998. Ce rejet, comme le deuxième rejet faisant l'objet du présent contrôle, a été fondé sur une décision quant à un défaut de compétence de la part de la Commission. Le demandeur a demandé le contrôle judiciaire de cette décision et, sur consentement, la décision a été annulée par une ordonnance de la Cour datée du 20 octobre 1999. Cette ordonnance était, en substance, ainsi libellée :

[traduction]

LA COUR ORDONNE que :

1.             La demande de contrôle judiciaire soit accueillie.

2.             La décision de la Commission canadienne des droits de la personne datée du 16 septembre 1998 soit annulée et l'affaire renvoyée à la Commission canadienne des droits de la personne pour nouvel examen en conformité avec les directives de la Cour que la question du statut du demandeur au Canada à l'époque pertinente soit renvoyée au ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration comme le prévoit le paragraphe 4(6) [plutôt 40(6)] de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

3.             Le défendeur paye les dépens réellement encourus et dont on a fait la preuve.

[8]                En conformité avec l'ordonnance susmentionnée, la Commission a consulté le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration. Le ministre a répondu de la façon suivante :

[traduction]

Un examen des dossiers de Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) révèle que M. Forrest est ni citoyen canadien, ni résident permanent du Canada.

Il est entré au Canada le 24 août 1990, à titre de visiteur, et s'est vu accorder des prorogations de délai de son statut de visiteur jusqu'au 31 janvier 1993.

M. Forrest fait l'objet d'une mesure de renvoi du Canada. Cette mesure a été prise à la suite d'une audience d'immigration tenue le 23 novembre 1995 et lui a été transmise le même jour par l'arbitre. Par conséquent, CIC prétend que M. Forrest ne se trouvait pas légalement au Canada au moment des actes ou omissions présumés (c.-à-d., entre août 1995 et aujourd'hui). Une mesure de renvoi a été prise contre lui et il purge présentement une peine imposée par une cour de justice canadienne pour des infractions prévues au Code criminel du Canada.


LA RÉPARATION DEMANDÉE

[9]                    Le demandeur demande une série de réparations dont la majorité outrepassent la compétence de la Cour en matière de contrôle judiciaire.

LES QUESTIONS EN LITIGE

[10]            Dans son mémoire des faits et du droit, le demandeur prétend que les questions en litige dans le présent contrôle judiciaire sont les suivantes :

[traduction]

Savoir si :

a)             le demandeur se trouve illégalement au Canada, comme l'a conclu la Commission canadienne des droits de la personne en invoquant le paragraphe 40(5) de la Loi canadienne sur les droits de la personne et la conclusion du ministre de l'immigration;

b)             la Commission canadienne des droits de la personne a commis une erreur en concluant que la plainte du demandeur outrepassait sa juridiction, en conformité avec l'alinéa 41c) de la Loi canadienne sur les droits de la personne;

c)             l'omission de la Commission canadienne des droits de la personne d'enquêter sur les plaintes du demandeur constitue une violation des droits du demandeur conférés par l'article 12 de la Charte canadienne des droits et libertés;

d)             le paragraphe 40(5) de la Loi canadienne sur les droits de la personne constitue une violation des droits conférés au demandeur par les articles 7, 12 et 15 de la Charte canadienne des droits et libertés;


e)             la décision de la Commission canadienne des droits de la personne de refuser au demandeur une protection égale contre la discrimination, alors qu'elle enquêtait sur les plaintes présentées par d'autres personnes, constitue de la discrimination, en contravention de l'article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés.

[11]            Interprété largement, l'exposé des questions qui précède, si la Cour en est régulièrement saisie et s'il est tranché en faveur du demandeur, peut militer en faveur d'une réparation sous forme d'une déclaration que l'alinéa 40(5)a) de la Loi canadienne sur les droits de la personne est, eu égard aux faits de l'affaire, inopérant en ce qu'il est incompatible avec la Charte canadienne des droits et libertés[4]. Aucun avis d'une question constitutionnelle n'a été signifié en conformité avec l'article 57 de la Loi sur la Cour fédérale[5]. Si on se fie à la manière selon laquelle la présente affaire a été débattue devant la Cour, je suis convaincu que la difficulté susmentionnée ne se pose pas et que la véritable question en litige dans la présente demande de contrôle judiciaire peut être énoncée très simplement de la manière suivante :

[traduction] La Commission a-t-elle commis une erreur susceptible de faire l'objet d'un contrôle judiciaire lorsqu'elle a conclu qu'elle n'avait pas compétence pour disposer des plaintes du demandeur?

[12]            Essentiellement, les renvois du demandeur aux articles 7, 12 et 15 de la Charte ont été invoqués à l'appui de l'argument que, à tout moment pertinent, le demandeur aurait dû être considéré comme se trouvant légalement au Canada aux fins de la détermination de la compétence de la Commission de traiter ses plaintes.


LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES PERTINENTES

[13]            Les dispositions pertinentes de la Loi canadienne sur les droits de la personne sont les suivantes :


40. (1) Sous réserve des paragraphes (5) et (7), un individu ou un groupe d'individus ayant des motifs raisonnables de croire qu'une personne a commis un acte discriminatoire peut déposer une plainte devant la Commission en la forme acceptable pour cette dernière.

40. (1) Subject to subsections (5) and (7), any individual or group of individuals having reasonable grounds for believing that a person is engaging or has engaged in a discriminatory practice may file with the Commission a complaint in a form acceptable to the Commission.

[...]

...

40.(5) Pour l'application de la présente partie, la Commission n'est validement saisie d'une plainte que si l'acte discriminatoire :

a) a eu lieu au Canada alors que la victime y était légalement présente ou qu'elle avait le droit d'y revenir;

40.(5) No complaint in relation to a discriminatory practice may be dealt with by the Commission under this Part unless the act or omission that constitutes the practice

(a) occurred in Canada and the victim of the practice was at the time of the act or omission either lawfully present in Canada or, if temporarily absent from Canada, entitled to return to Canada;

[...]

...

40.(6) En cas de doute sur la situation d'un individu par rapport à une plainte dans les cas prévus au paragraphe (5), la Commission renvoie la question au ministre compétent et elle ne peut procéder à l'instruction de la plainte que si la question est tranchée en faveur du plaignant.

40.(6) Where a question arises under subsection (5) as to the status of an individual in relation to a complaint, the Commission shall refer the question of status to the appropriate Minister and shall not proceed with the complaint unless the question of status is resolved thereby in favour of the complainant.



[14]            J'estime que les définitions de « délinquant » et de « détenu » figurant au paragraphe 2(1) de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition[6], lues conjointement avec l'objet de la Loi mentionné à l'article 3 et avec les principes visant à guider le Service correctionnel du Canada énoncés à l'article 4, font suffisamment autorité en ce qui concerne le principe que, par suite des peines qui lui ont été imposées par une cour ou des cours de justice canadienne, le demandeur est légalement détenu par le Service correctionnel du Canada.

[15]            Les articles 7, 12 et 15 de la Charte canadienne des droits et libertés sont ainsi libellés :


7. Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu'en conformité avec les principes de justice fondamentale.

7. Everyone has the right to life, liberty and security of the person and the right not to be deprived thereof except in accordance with the principles of fundamental justice.

[...]

...

12. Chacun a droit à la protection contre tous traitements ou peines cruels et inusités.

12. Everyone has the right not to be subjected to any cruel and unusual treatment or punishment.

[...]

...

15. (1) La loi ne fait acception de personne et s'applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l'origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l'âge ou les déficiences mentales ou physiques.

15. (1) Every individual is equal before and under the law and has the right to the equal protection and equal benefit of the law without discrimination and, in particular, without discrimination based on race, national or ethnic origin, colour, religion, sex, age or mental or physical disability.

(2) Le paragraphe (1) n'a pas pour effet d'interdire les lois, programmes ou activités destinés à améliorer la situation d'individus ou de groupes défavorisés, notamment du fait de leur race, de leur origine nationale ou ethnique, de leur couleur, de leur religion, de leur sexe, de leur âge ou de leurs déficiences mentales ou physiques.

(2) Subsection (1) does not preclude any law, program or activity that has as its object the amelioration of conditions of disadvantaged individuals or groups including those that are disadvantaged because of race, national or ethnic origin, colour, religion, sex, age or mental or physical disability.


L'ANALYSE

a)         Le dépôt des plaintes et l'absence de compétence


[16]            Le paragraphe 40(1) de la Loi canadienne sur les droits de la personne prévoit que, sous réserve de certaines exceptions, un individu ayant des motifs raisonnables de croire qu'une personne a commis un acte discriminatoire peut déposer une plainte devant la Commission. Le demandeur est l'individu et le SCC est la personne. L'alinéa 40(5)a) de la Loi canadienne sur les droits de personne prévoit que, entre autres facteurs, lesquels ne sont pas pertinents en l'espèce, la Commission n'est validement saisie d'une plainte que si l'acte discriminatoire a eu lieu au Canada alors que la victime, le demandeur en l'espèce, y était légalement présente [...]. Il ne fait aucun doute que le demandeur, au moment où les actes discriminatoires allégués par celui-ci ont été commis, était présent au Canada. Il a en fait été incarcéré dans une série d'établissements correctionnels fédéraux. Il reste alors la question de savoir s'il était légalement présent au Canada. S'il n'était pas légalement présent au Canada, la Commission ne peut pas traiter la plainte.

[17]            Les autres exceptions à la règle générale mentionnées au paragraphe 40(1) de la Loi canadienne sur les droits de la personne ne sont pas pertinentes aux faits de l'espèce.

b)         L'avis du ministre

[18]            Le paragraphe 40(6) prévoit qu'en cas de doute sur la situation d'un individu par rapport à une plainte dans les cas prévus au paragraphe 40(5), la Commission renvoie la question au ministre compétent. Par conséquent, la Commission ne peut procéder à l'instruction de la plainte que si la question est tranchée, à la suite du renvoi au ministre compétent, en faveur du plaignant.

[19]            En conformité avec l'ordonnance susmentionnée rendue par la Cour le 20 octobre 1999, la Commission a renvoyé la plainte du demandeur au ministre de la Citoyenneté et de l'immigration. La réponse du ministre est citée plus haut dans les présents motifs. Le ministre a déclaré que le demandeur était, au moment pertinent, ni un citoyen canadien, ni un résident permanent du Canada. Il s'agissait clairement d'un avis quant au statut du demandeur au Canada.

[20]            Mais le ministre est allé plus loin. Il a souligné la mesure de renvoi en vigueur contre le demandeur. En se fondant sur la mesure de renvoi, elle a déclaré ce qui suit :

[traduction] Par conséquent, CIC [Citoyenneté et Immigration Canada] affirme que M. Forrest [le demandeur] n'était pas légalement présent au Canada au moment où les présumés actes ont eu lieu (c.-à-d., entre août 1995 et aujourd'hui). [...]


[21]            Je conclus que la phrase précitée n'est pas un avis quant au statut mais plutôt une expression d'un point de vue ministérielle et non pas le point de vue du ministre quant à la signification de l'expression « légalement présent[ ] [au Canada] » , employée au paragraphe 40(5) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, dans le contexte des faits de l'espèce. Bien qu'il était loisible au ministre de donner un avis à titre gratuit quant à l'opinion ou la position de son ministère, cet avis, n'étant pas un avis quant au statut, ne liait certainement pas la Commission et ne pouvait pas servir, en soi, de fondement à la Commission pour se dégager de sa responsabilité, si effectivement cette responsabilité a continué d'exister, quant à la question de savoir si le demandeur était, à tout moment pertinent, et d'après les faits soumis à la Commission, un individu légalement présent au Canada. La Commission n'était certainement pas liée ou obligée d'accepter l'avis du ministre, ni celui de son ministère à cet égard et ne pouvait pas non plus décider d'ignorer une responsabilité qui lui est assignée par la loi et qu'elle continuait d'avoir et adopter tout simplement, tel quel, le point de vue du ministère du ministre.

c)         Autre avis à la Commission

[22]            Le dossier du tribunal déposé devant la Cour indique que la Commission, lorsqu'elle est parvenue à la décision faisant l'objet du présent contrôle judiciaire, était saisie, non seulement de l'avis du ministre quant au statut et de l'opinion spontanée rattachée de son ministère, mais également du rapport d'un enquêteur de la Commission. Ce rapport, après avoir résumé les plaintes du demandeur et examiné l'historique des plaintes soumises à la Commission, concluait par les paragraphes suivants :

[traduction]

7.             À la suite de l'ordonnance de la Cour fédérale, on a demandé au ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration de confirmer le statut juridique du plaignant au Canada. Par lettre datée du 28 février 2000, le ministre a informé la Commission que le plaignant n'avait « aucun statut » au Canada. La lettre indique que le plaignant fait l'objet d'une mesure de renvoi du Canada et que l'ordonnance a été rendue à la suite d'une audience d'immigration tenue le 23 novembre 1995.

8.             Le paragraphe 40(6) de la LCDP accorde au ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration la compétence quant à la détermination du statut au Canada d'un individu et mentionne que la Commission ne peut procéder à l'instruction de la plainte que si la question est tranchée en faveur du plaignant. Compte tenu de la conclusion du ministre que le plaignant n'a aucun statut au Canada, la Commission canadienne des droits de la personne n'a pas compétence pour traiter la plainte.


[23]            Je conclus que l'avis qui précède, en particulier ce qui figure au paragraphe 8, précité, est juste. Comme il a été souligné plus haut, le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration a donné au ministre un avis « quant au statut » selon lequel étant donné que le demandeur est ni citoyen canadien, ni résident permanent du Canada, il n'a aucun « statut » au Canada. De plus, il n'a pas été contesté devant la Cour que, au moment pertinent, le demandeur n'avait aucun statut de « visiteur » au Canada si, en effet, un visa de visiteur confère un « statut » au sens employé en matière d'immigration. Compte tenu de l'avis du ministre « quant au statut » , en vertu du paragraphe 40(6) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, la Commission n'avait pas compétence pour examiner davantage la question de savoir si oui ou non le demandeur était « légalement présent au Canada » car la question du statut n'a pas été résolue en faveur du demandeur. En effet, la question de la présence légale au Canada est devenue non pertinente et l'avis à titre gratuit du ministre à cet égard était également non pertinent.

[24]            Finalement, au regard de la norme de contrôle à appliquer, que ce soit celle de la décision correcte ou une norme moins exigeante, je conclus que la Commission n'a commis aucune erreur pouvant faire l'objet d'un contrôle judiciaire lorsqu'elle a conclu qu'elle n'était pas compétente pour traiter les plaintes du demandeur.

d)         Les questions relatives à la Charte soulevées par le demandeur


[25]            Les articles 7 et 12 de la Charte confère des droits à « chacun » et, comme on peut le supposer, il s'agit de « chacun » qui relève de la compétence législative du Parlement du Canada. La compétence législative du Parlement du Canada, dans les limites de sa compétence, s'étend manifestement à « chacun » se trouvant au Canada, et encore une fois, du moins peut-on le prétendre, s'étend à la question de savoir si ces personnes se trouvent « légalement » ou non au Canada. On peut en dire autant de l'article 15 de la Charte qui mentionne « tous » plutôt que « chacun » . La distinction entre « tous » et « chacun » n'a pas d'importance en ce qui concerne le demandeur. Par conséquent, il est possible de prétendre qu'il existe une dichotomie entre, d'une part, les articles 7, 12 et 15 de la Charte et, d'autre part, les paragraphes 40(5) et (6) de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

[26]            Malheureusement, il ne faut pas s'en étonner, compte tenu que le demandeur s'est représenté lui-même, les questions que soulève cette possible dichotomie n'ont fait l'objet que d'une argumentation écrite ou orale limitée devant la Cour. De plus, comme nous l'avons vu, aucun avis de question constitutionnelle soulevée par la présente affaire n'a été signifié aux termes de l'article 57 de la Loi sur les Cours fédérales. Par conséquent, la Cour refuse d'examiner ces questions.

LES DÉPENS


[27]            Le demandeur a demandé le remboursement de ses menues dépenses dans la présente demande de contrôle judiciaire. Le défendeur a sollicité des dépens, s'il a gain de cause, au montant de 1 500,00 $. Compte tenu de la conclusion à laquelle je suis arrivé, je suis convaincu que le défendeur a droit à certains dépens. Cela étant dit, compte tenu des autres dépens adjugés contre le demandeur et de son manque de moyens dont il a fait part à la Cour, je suis porté dans l'exercice de mon pouvoir discrétionnaire à fixer les dépens à 500,00 $ plutôt qu'à 1 500,00 $, comme on l'a demandé, et de ne pas adjuger le paiement immédiat de ces dépens contrairement à ce qu'aurait souhaité le demandeur.

[28]            Une ordonnance quant au résultat sur le fond et quant aux dépens sera rendue en conséquence.

                                                                       _ Frederick E. Gibson _             

                                                                                                     Juge                            

Ottawa (Ontario)

Le 1er avril 2004

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B., trad. a.


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                             T-587-01

INTITULÉ :                            IRVINE FORREST

c.

LE PROCUREUR GÉNÉRAL

DU CANADA ET AL

LIEU DE L'AUDIENCE :      PETERBOROUGH (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :    LE 18 MARS 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :              LE JUGE GIBSON

DATE DES MOTIFS :           LE 1ER AVRIL 2004

COMPARUTIONS :

Irvine Forrest                             POUR LE DEMANDEUR

Sogie Sabeta                             POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Irvine Forrest                             POUR LE DEMANDEUR

Procureur général du Canada     POUR LE DÉFENDEUR



[1]         Bien que cette question ne soit pas vraiment pertinente, il appert des éléments de preuve portés à l'attention de la Cour que c'est à la fin d'août 1990 que le demandeur est arrivé pour la deuxième fois au Canada.

[2]         Voir : Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, al. 50b) et Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227, art. 223.

[3]         L.R.C. 1985, ch. H-6.

[4]         Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982 (L.R.C. 1985, annexe II, no 44), annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.-U.), 1982, ch. 11.

[5]         L.R.C. 1985, ch. F-7.

[6]         L.C. 1992, ch. 20.


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