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                                                                                                                                 Date : 20040617

                                                                                                                    Dossiers : IMM-656-03

                                                                                                                                      IMM-661-03

                                                                                                                  Référence : 2004 CF 872

Ottawa (Ontario), le 17 juin 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE BLANCHARD

ENTRE :

                        GNANASEHARAN SELLIAH, NIRMALA GNANASEHARAN

                                                et MAHISHAN GNANASEHARAN

                                                                                                                                        demandeurs

                                                                             et

                    LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L=IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                                MOTIFS DE L=ORDONNANCE ET ORDONNANCE

INTRODUCTION


[1]                Les demandeurs sollicitent le contrôle judiciaire de la décision par laquelle a été rejetée leur demande d=examen des risques avant renvoi (ERAR) parce qu=ils n=étaient pas considérés comme des personnes exposées à un risque de persécution ou de torture, ou à une menace pour leur vie ou à un risque de traitements ou peines cruels et inusités pour le cas où elles seraient renvoyées au Sri Lanka. Les demandeurs sollicitent aussi le contrôle judiciaire d=une décision défavorable rendue, en application du paragraphe 25(1) de la Loi sur l=immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR), à la suite de leur demande fondée sur des considérations humanitaires. Les deux décisions découlent du même ensemble de faits, elles ont été rendues par la même agente d=immigration (l=agente) le 26 novembre 2002 et elles ont été communiquées aux demandeurs le 23 janvier 2003.

[2]                Après l=audition de la demande de contrôle judiciaire de la décision défavorable faisant suite à la demande fondée sur des considérations humanitaires, il a été jugé que, vu la similitude des faits, il convenait que les deux demandes de contrôle judiciaire soient instruites par le même juge. La Cour a donc ordonné que le jugement sur la demande de contrôle judiciaire de la décision défavorable se rapportant aux considérations humanitaires soit suspendu sine die jusqu=à ce que soit rendu le jugement sur la demande de contrôle judiciaire de la décision relative à l=ERAR. J=examinerai maintenant successivement les deux demandes, en commençant par celle qui concerne la décision relative à l=ERAR. Comme on le verra, certains points soulevés sont communs aux deux demandes.

LES FAITS


[3]                Les demandeurs, Gnanaseharan Selliah, son épouse Nirmala Gnanaseharan et son fils Mahishan, sont des Tamouls du Sri Lanka. Le demandeur principal, Gnanaseharan Selliah, avait été contraint, dès 1987, en sa qualité d=étudiant, de soutenir la cause tamoule. Il dit qu=il a été arrêté à deux reprises. En août 1990, il a ouvert une école privée à Alaveddy. Il affirme que les Tigres de libération de l=Eelam Tamoul (les LTTE) visitaient son école, donnaient des leçons de politique et recrutaient des membres pour leur parti. En octobre 1995, il est allé vivre à Madduvil avec son épouse et sa soeur et a appris plus tard que les Forces sri-lankaises avaient détruit son école et sa maison et que son associé avait été arrêté et assassiné par l=armée parce qu=il avait recruté des adeptes pour les LTTE. Il affirme qu=en 1996, il est parti s=installer à Vanni, que sa soeur a disparu et que son beau-frère et son neveu sont morts durant une attaque aérienne conduite par l=armée. Il dit aussi que son épouse, une infirmière, a été emmenée par les LTTE à leur camp de Maliavi pour y prodiguer des services médicaux. Ils sont finalement allés s=installer à Colombo, où il fut arrêté par la police sri-lankaise, qui le soupçonnait d=avoir été mêlé à une attaque conduite par les forces tamoules à Bandarawals le 25 octobre 2000. Puis il a été remis en liberté sous condition. L=épouse du demandeur principal affirme que, alors qu=elle était à Colombo, elle a été arrêtée par la police, puis harcelée et agressée au poste de police. Les demandeurs ont pris des dispositions pour quitter ensemble le pays.

[4]                Les demandeurs sont arrivés au Canada le 24 novembre 2000 et ont revendiqué l=asile à titre de réfugiés au sens de la Convention. Leur revendication était fondée sur leur origine tamoule et sur leur crainte d=être arrêtés, interrogés et torturés aux mains de l=armée sri-lankaise. Ils craignaient aussi d=être de nouveau recrutés de force par les LTTE, pour aller travailler dans leurs camps.


[5]                Le 29 mai 2001, la Section du statut de réfugié a jugé que les demandeurs n=étaient pas crédibles et elle a rejeté leurs demandes d=asile. Leur demande de contrôle judiciaire à l=encontre de cette décision a été rejetée le 2 octobre 2002. Les demandeurs ont présenté le 18 décembre 2001 une requête en vue d=être compris dans la catégorie des demandeurs non reconnus du statut de réfugié au Canada (la catégorie des DNRSRC), requête qui fut étudiée selon le processus de l=ERAR en application de la LIPR. Ils ont également demandé le 17 avril 2002, en application du paragraphe 25(1) de la LIPR, la résidence permanente en invoquant des considérations humanitaires. Cette dernière demande a été rejetée le 28 novembre 2002, sans qu=un entretien leur eût été accordé. Une décision d=ERAR défavorable a été rendue par la même agente à la même date. Les demandeurs ont été invités à se présenter au bureau de l=immigration le 23 janvier 2003 et ils ont été informés ce jour-là des deux décisions défavorables, la décision relative aux considérations humanitaires et celle relative à l=ERAR. Ces deux décisions sont l=objet des demandes de contrôle judiciaire qui sont jugées dans les présents motifs.

[6]                Le 20 janvier 2003, les demandeurs avaient présenté des renseignements additionnels, qui ont été reçus par un agent d=immigration, mais n=ont pas été étudiés par l=agente qui s=est prononcée sur la demande d=ERAR et la demande fondée sur des considérations humanitaires. À cette époque, les demandeurs ne savaient pas que l=agente avait le 28 novembre 2002 disposé des deux demandes, puisqu=ils n=ont été informés de ses décisions que le 23 janvier 2003.

I.           LA DÉCISION CONTESTÉE RELATIVE À L=EXAMEN DES RISQUES AVANT RENVOI (ERAR)

[7]                L=agente a estimé que les demandeurs n=avaient aucune raison de craindre personnellement la persécution ou la torture, ni des menaces à leur vie, ni des traitements cruels ou inusités s=ils devaient retourner au Sri Lanka.


[8]                Dans sa décision relative à la demande d=ERAR, l=agente disait qu=elle avait étudié les documents suivants : (1) les Formulaires de renseignements personnels (FRP) des demandeurs; (2) la décision de la Section du statut de réfugié (la SSR); (3) tous les documents se rapportant à la demande des demandeurs en vue d=être considérés dans la catégorie des DNRSRC, et tous les documents se rapportant à leur demande fondée sur des considérations humanitaires; et (4) tous les documents se rapportant à leur demande d=ERAR.

[9]                L=agente a relevé que la SSR avait trouvé dans les témoignages des demandeurs plusieurs incohérences, contradictions et invraisemblances. Elle a aussi examiné toutes les lettres personnelles produites par les demandeurs et se rapportant aux prétendus risques, ainsi que la preuve documentaire se rapportant aux conditions qui avaient cours au Sri Lanka. Elle a estimé que les risques allégués par les demandeurs n=avaient pas été suffisamment établis. S=agissant de la lettre écrite par la soeur du demandeur principal, une lettre où elle affirme que les LTTE sont venus chercher son mari et qu=ils cherchent encore les demandeurs, l=agente a conclu qu=elle ne savait pas trop à qui la soeur faisait référence, puisque le demandeur principal affirmait dans son FRP que le mari et le fils de sa soeur avaient été tués lors d=une attaque aérienne. L=agente doutait donc de l=authenticité de la lettre.


[10]            L=agente a estimé que le simple fait d=être Tamoul n=était pas une raison suffisante donnant lieu de croire que M. Selliah ou sa famille étaient repérés. Selon l=agente, le demandeur principal n=avait pas suffisamment expliqué pourquoi la police le considérerait comme quelqu=un qui avait participé à une attaque menée à Bandarawals le 25 octobre 2000. L=agente a aussi trouvé que les difficultés alléguées par l=épouse du demandeur principal n=étaient pas confirmées par d=autres éléments de preuve. Comme de nombreux Tamouls vivent à Colombo et que les LTTE ne sont guère présents dans cette ville, l=agente n=a pas été convaincue, selon la prépondérance des probabilités, que Mme Gnanaseharan était exposée à un risque. Selon elle, il s=agissait d=un risque général, non d=un risque propre à Mme Gnanaseharan.

[11]            L=agente s=est référée à un rapport d=Amnesty International, daté de 2000, où l=on pouvait lire que les jeunes Tamouls sont le groupe le plus susceptible de recrutement, et elle a estimé que, puisque le demandeur principal avait dépassé l=âge le plus exposé à un recrutement et que son fils n=avait pas atteint cet âge, ni l=un ni l=autre ne risquaient véritablement d=être recrutés par les LTTE. L=agente a aussi relevé, dans les documents d=information sur le pays, que près de 800 000 Sri-Lankais avaient dû se déplacer à l=intérieur du pays en 2001, depuis la partie nord de la péninsule de Jaffna. C=est la région d=où sont originaires les demandeurs. Elle a aussi relevé que le gouvernement avait recommencé, après un embargo, en février 2002, d=envoyer des secours aux régions tenues par les LTTE. Le rapport disait aussi que les populations déplacées avaient trouvé refuge dans des régions tenues par le gouvernement, à l=écart des régions tenues par les LTTE.


[12]            L=agente a aussi relevé que, selon les documents relatifs au pays, il y avait, malgré ces difficultés, un espoir d=amélioration au Sri Lanka, car un nouveau gouvernement, investi du mandat de relancer le processus de paix, était entré en fonction en décembre 2001. Les LTTE avaient annoncé un cessez-le-feu unilatéral et le gouvernement avait fait de même en février 2002. Les deux parties avaient violé l=accord, mais elles étaient résolues à s=entendre sur la manière de répondre au mandat des LTTE, qui était d=instaurer un État séparé, et un climat propice se dessinait. L=agente a relevé que la paix et la stabilité régnaient alors au Sri Lanka et que l=organisme des Nations Unies pour les réfugiés imposait progressivement sa présence depuis juin 2002. Les LTTE et le gouvernement s=étaient d=ailleurs assis à la table de négociation le 16 septembre 2002 en Thaïlande. Le Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés (le HCNUR), dans un communiqué de presse daté du 20 novembre 2002, disait que le HCNUR avait appelé au versement d=une importante contribution afin d=aider les Sri-Lankais à retourner dans leurs foyers, après avoir constaté * ... les besoins des milliers de Sri-Lankais prenant déjà le chemin du retour, et ceux des nombreuses populations qui s=apprêtaient à leur emboîter le pas +. L=agente a estimé que le risque allégué par M. Selliah et sa famille ne correspondait pas à la réalité.


[13]            L=agente a estimé que, bien que M. Selliah eût prétendu qu=il n=y avait dans le pays nul endroit où il pût s=installer en sécurité, les LTTE n=exerçaient pas leurs activités dans tout le pays de la même manière, et que de nombreux Tamouls vivaient en paix à Colombo. Elle a aussi jugé que, selon un rapport du Département d=État des États-Unis daté de 2002, la Constitution du pays donne à chaque citoyen la liberté de circulation, et que cette liberté est généralement respectée par le gouvernement. L=agente a reconnu qu=il est très difficile de quitter une région tenue par les LTTE et de tenter de s=installer à Colombo et que des familles étaient séparées parce que les LTTE ne permettaient pas à tous les membres d=une famille de partir en même temps. Cependant, en 1995, les LTTE ont commencé d=autoriser les gens à circuler plus librement dans les zones contrôlées par le gouvernement.

[14]            L=agente est arrivée à la conclusion que les demandeurs ne seraient pas exposés à un risque personnel objectivement identifiable, à des sanctions excessives, à des traitements inhumains ou à la torture s=ils étaient renvoyés au Sri Lanka. (L=agente a par erreur indiqué dans sa conclusion le Bangladesh. Pour moi, il s=agit là d=une erreur d=écriture, qui est sans conséquence.) L=agente a indiqué que les demandeurs ne devraient donc pas bénéficier de la protection du Canada dont il est question aux articles 96 ou 97 de la LIPR. Elle a aussi estimé qu=une audience ne s=imposait pas parce que, même si elle devait accepter l=ensemble de la preuve, cela ne suffirait pas à faire droit à la demande de protection selon ce que prévoit l=alinéa 167c) du Règlement sur l=immigration et la protection des réfugiés.

POINTS LITIGIEUX

[15]            Les demandeurs font valoir cinq points qui selon eux justifient le contrôle judiciaire de la décision relative à l=ERAR :

A.         L=agente d=immigration a-t-elle manqué au devoir d=équité?

B.         L=agente d=immigration a-t-elle commis une erreur de droit parce qu=elle ne s=est pas demandé si les documents produits par les demandeurs le 20 janvier 2003 justifiaient le réexamen de sa décision?

C.         L=agente d=immigration a-t-elle commis une erreur de droit parce qu=elle n=a pas considéré séparément le cas de Mme Gnanaseharan?


D.         L=agente d=immigration a-t-elle ignoré ou mal interprété la preuve?

E.          L=agente d=immigration a-t-elle appliqué la mauvaise norme d=évaluation au regard de l=article 97 de la LIPR?

NORME DE CONTRÔLE

[16]            Les agents chargés de procéder aux examens des risques avant renvoi ont des connaissances spécialisées en matière d=évaluation des risques. Leurs conclusions sont en général dictées par les faits et, à mon avis, elles justifient de la part d=une juridiction de contrôle une retenue considérable. La jurisprudence ne semble pas totalement fixée sur la question de savoir si les conclusions d=un agent d=ERAR sont réformables selon la norme de la décision raisonnable simpliciter ou selon la norme de la décision manifestement déraisonnable : voir l=affaire Sidhu c. Canada (MCI), [2004] A.C.F. n ° 30, en ligne : QL, 2004 CF 39, au paragraphe 7, et l=affaire Joseph c. Canada (MCI), [2004] A.C.F. n ° 392, en ligne : QL. Il ne m=est pas nécessaire de décider ce point, vu les circonstances de la présente affaire, puisque ma conclusion est la même quelle que soit la norme appliquée.

ANALYSE

A.         L=agente d=immigration a-t-elle manqué au devoir d=équité?


[17]            Les demandeurs disent que l=agente a manqué au devoir d=équité, sous trois aspects : (1) elle n=a pas, avant de rendre une décision, éclairci les points qui étaient obscurs; (2) elle s=en est rapportée pour l=essentiel au raisonnement de la SSR lorsqu=elle a conclu à l=absence de crédibilité des demandeurs, et elle n=a pas tenu une audience; et (3) elle n=a pas donné aux demandeurs l=occasion de répondre à certains dossiers d=information sur lesquels elle s=était fondée, dossiers qui étaient postérieurs aux conclusions des demandeurs dans leur demande d=ERAR. J=aborderai successivement chacun de ces prétendus manquements à l=équité.

(1)        L=agente n=a pas éclairci certains points

[18]            Selon les demandeurs, puisque l=agente ne savait pas vraiment à qui la soeur du demandeur principal faisait référence dans sa lettre, elle aurait dû tenter d=éclaircir cet aspect, soit en organisant un entretien avec les demandeurs, soit à tout le moins en communiquant avec les demandeurs, avant de rejeter la lettre pour ce motif. La conclusion de l=agente selon laquelle M. Selliah n=était exposé qu=à un risque généralisé était contredite dans cette lettre, et, si l=agente n=avait pas rejeté la lettre, sa décision aurait pu être différente.

[19]            Les demandeurs disent aussi que l=agente aurait dû chercher à en savoir davantage sur le mariage secret organisé par les demandeurs adultes, au lieu de décider simplement qu=un mariage secret n=avait aucune explication plausible.

[20]            Les demandeurs affirment qu=il était important d=éclaircir ces points pour que la décision ne soit pas fondée sur une analyse erronée des faits. Selon eux, un tel éclaircissement s=imposait puisque l=agente affirmait dans ses motifs que * ... même si je devais tenir compte de tous les éléments de preuve qui ont été acceptés, cela ne suffirait pas à faire droit à la demande de protection, ... +


[21]            Le point de savoir si un agent des visas est tenu de faire d=autres investigations lorsqu=une demande est ambiguë a été examiné dans l=affaire Lam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l=Immigration) (1998), 152 F.T.R. 316 (C.F. 1re inst.). Au paragraphe 4 de ses motifs le juge Rothstein écrivait :

Un agent des visas peut pousser ses investigations plus loin s=il le juge nécessaire. Il est évident qu=il ne peut délibérément ignorer des facteurs dans l=instruction d=une demande, et il doit l=instruire de bonne foi. Cependant, il ne lui incombe nullement de pousser ses investigations plus loin si la demande est ambiguë. C=est au demandeur qu=il incombe de déposer une demande claire avec à l=appui les pièces qu=il juge indiquées. Cette charge de la preuve ne se transfère pas à l=agent des visas, et le demandeur n=a aucun droit à l=entrevue pour cause de demande ambiguë ou d=insuffisance des pièces à l=appui.

[22]            Je souscris aux motifs susmentionnés exposés par le juge Rothstein dans l=affaire Lam. Dans l=affaire dont je suis saisi, il appartenait aux demandeurs de prouver le bien-fondé de leurs affirmations et de produire les preuves nécessaires à cette fin. Les preuves produites étaient ambiguës et parfois contradictoires. Rien ne permet d=affirmer que l=agente a délibérément ignoré certains faits, et je suis d=avis qu=elle a agi de bonne foi. Elle n=était nullement tenue de chercher des preuves complémentaires ou de faire d=autres investigations. Elle devait étudier le dossier et rendre une décision d=après les preuves qu=elle avait devant elle. À mon avis, il ne lui incombait pas d=éclaircir davantage la preuve. (Voir aussi l=affaire Ly c. Canada [2000] A.C.F. n ° 1965, en ligne : QL; et l=affaire Tahir c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l=Immigration) (1998), 159 F.T.R. 109 (C.F. 1re inst.)).


(2)        L=agente s=en est rapportée aux conclusions de la SSR en matière de crédibilité et elle a négligé de tenir une audience

[23]            Selon les demandeurs, l=agente, pour mettre en doute les preuves nouvelles qu=elle avait devant elle, s=en est rapportée aux conclusions défavorables de la SSR touchant leur crédibilité. Le demandeur principal avait présenté des documents additionnels, et notamment une lettre de sa soeur qui attestait que les forces sri-lankaises et les LTTE s=intéressaient manifestement à lui. L=agente a expressément rejeté ce document, en exprimant des doutes sur l=authenticité de la lettre, et en considérant que les autres documents n=autorisaient pas une crainte objective. Selon les demandeurs, il est évident que l=agente ne saisissait pas le contenu de certains des documents qu=elle avait devant elle et que malgré cela elle n=a pas cherché à en savoir davantage. Les demandeurs affirment que, eu égard à l=article 113 de la LIPR et à l=article 167 du Règlement, il incombait à l=agente de tenir une audience, par entrevue personnelle ou par appel téléphonique.

[24]            Selon le défendeur, l=agente a remarqué que la SSR avait conclu à l=absence de crédibilité des demandeurs, mais l=agente ne s=est pas servie de la conclusion de la SSR pour arriver à sa propre décision. Le défendeur dit aussi que, dans la plupart des cas, les examens des risques avant renvoi se déroulent sur la foi de conclusions écrites. Une audience a lieu exceptionnellement lorsque, selon les facteurs réglementaires, le ministre est d=avis qu=une audience est requise, ainsi que le prévoit l=alinéa 113b) de la LIPR. Les facteurs sont exposés dans l=article 167 du Règlement :



167. Pour l=application de l=alinéa 113(b) de la Loi, les facteurs ci-après servent à décider si la tenue d=une audience est requise :

167. For the purpose of determining whether a hearing is required under paragraph 113(b) of the Act, the factors are the following:

a) l=existence d=éléments de preuve relatifs aux éléments mentionnés aux articles 96 et 97 de la Loi qui soulèvent une question importante en ce qui concerne la crédibilité du demandeur;

(a) whether there is evidence that raises a serious issue of the applicant=s credibility and is related to the factors set out in sections 96 and 97 of the Act;

b) l=importance de ces éléments de preuve pour la prise de la décision relative à la demande de protection;

(b) whether the evidence is central to the decision with respect to the application for protection; and

c) la question de savoir si ces éléments de preuve, à supposer qu=ils soient admis, justifieraient que soit accordée la protection

(c) whether the evidence, is accepted, would justify allowing the application for protection.


[25]            Selon le défendeur, ces facteurs sont cumulatifs, en raison de l=emploi de la conjonction * and +, dans la version anglaise de l=article 167 du Règlement. Les conclusions de la demande d=ERAR des demandeurs se résumaient à des arguments qui s=ajoutaient à leurs conclusions en vue de faire partie de la catégorie des DNRSRC, et elles répétaient la version donnée par les demandeurs, et elles ne sont donc pas exceptionnelles. Selon le défendeur, l=agente a fondé sa décision sur l=absence d=une preuve attestant un risque personnalisé, et non sur la crédibilité ou l=absence de crédibilité des demandeurs. La question de la crédibilité n=était pas essentielle pour la décision de l=agente d=ERAR. Le défendeur affirme que, puisque la décision de l=agente d=ERAR ne soulève pas une question sérieuse de crédibilité, elle n=avait nulle obligation de tenir une audience. Selon l=interprétation donnée par la Cour, une question sérieuse de crédibilité est une question de crédibilité qui est essentielle pour la décision en cause, ce qui n=est pas le cas ici.


[26]            Je suis d=avis que, même si la décision d=ERAR mentionne effectivement que la SSR a conclu à l=absence de crédibilité des demandeurs, l=agente n=a pas fait reposer sa décision sur cette conclusion de la SSR, et la conclusion de la SSR n=a pas été un facteur déterminant dans les motifs de la décision de l=agente. L=agente n=a pas commis d=erreur parce qu=elle a fait état de la décision de la SSR, et d=ailleurs, dans le contexte d=une demande d=ERAR, il était juste qu=elle en fasse état. L=alinéa 113c) de la LIPR prévoit que, pour l=examen d=une demande de protection, il est tenu compte des facteurs énumérés dans les articles 96 et 97 de la LIPR.

[27]            Après examen des facteurs énumérés dans l=article 167 du Règlement, je suis d=avis que les circonstances qui eussent justifié la tenue d=une audience n=étaient pas présentes dans le cas qui nous occupe. La crédibilité des demandeurs n=a pas été l=aspect déterminant de la décision de l=agente, l=agente ayant plutôt estimé que les risques auxquels étaient censément exposés les demandeurs n=avaient pas été établis au vu de la preuve objective, par exemple les avancées du processus de paix et l=existence, pour les demandeurs, d=une possibilité de refuge intérieur (PRI). L=agente a bien précisé que, eût-elle accepté l=ensemble des preuves produites par les demandeurs, ces preuves n=auraient pas suffi à justifier une conclusion favorable de sa part. Puisque le point essentiel était la pertinence de la preuve, et puisqu=aucune question sérieuse de crédibilité n=était soulevée, l=agente n=avait aucune obligation de tenir une audience : Kim c. Canada (MCI), [2003] A.C.F. n ° 452, en ligne : QL.


(3)        L=agente a tenu compte de documents qui étaient postérieurs aux conclusions ERAR des demandeurs

[28]            Les demandeurs disent qu=ils ont déposé leurs conclusions ERAR le 23 août 2002, et que, dans sa décision, l=agente s=est malgré cela servi de renseignements figurant dans un communiqué de presse du HCNUR daté de novembre 2002, ainsi que d=autres documents dont la date était postérieure à leurs conclusions ERAR. Selon les demandeurs, ces documents avaient de l=importance puisqu=ils parlaient expressément des changements survenus dans le pays, et ils disent qu=ils auraient dû avoir l=occasion de réagir aux impressions qu=avait pu avoir l=agente à la lecture des rapports portant une date postérieure à leurs conclusions ERAR : Haghighi c. MCI, [2000] 4 CF 407; Mancia c. MCI, [1998] 3 CF 461, aux paragraphes 26 et 28. Les demandeurs disent que leurs conclusions ont été déposées le 23 août 2002 et que la situation ayant cours au Sri Lanka s=était modifiée vers l=époque des pourparlers de septembre engagés en Thaïlande.


[29]            Je reconnais que l=agente s=est effectivement exprimée sur des preuves documentaires qui portaient sur les conditions générales ayant cours dans le pays et auxquelles elle n=avait eu accès qu=après le dépôt des conclusions des demandeurs. Comme on peut le lire dans l=arrêt Mancia, précité, l=équité requiert la communication des preuves de ce genre, lorsqu=elles sont nouvelles et importantes et lorsque ce sont des preuves susceptibles d=influer sur la décision. Dans l=arrêt Mancia, le juge Décary écrivait : * ... À mon avis, l=obligation de communiquer un document au demandeur se limite aux cas où un agent d=immigration s=appuie sur un document important postérieur aux observations et où ce document fait état de changements survenus dans la situation générale du pays qui risquent d=avoir une incidence sur sa décision +. L=objet de la liste est donc de dire si les documents postérieurs aux conclusions des demandeurs révèlent, dans la situation générale du pays, des changements susceptibles d=influer sur la décision.

[30]            Les dossiers postérieurs aux conclusions des demandeurs et mentionnés par l=agente dans ses motifs ne révèlent pas à mon avis, pour la situation ayant cours dans le pays, un changement qui pouvait influer sur sa décision. Se référant à un communiqué de presse du HCNUR daté du 20 novembre 2002, l=agente écrivait :

[traduction] Le HCNUR, dans un communiqué de presse daté du 20 novembre 2002, dit que le Commissaire du HCNUR avait appelé au versement d=une importante contribution pour venir en aide aux Sri-Lankais qui retournent dans leurs foyers. Plus de 180 000 Sri-Lankais déplacés sont retournés dans leurs foyers cette année. Le commissaire Ruud Lubbers dit que * la communauté internationale doit répondre aux besoins des milliers de Sri-Lankais prenant déjà le chemin du retour et ceux des nombreuses populations qui s=apprêtent à leur emboîter le pas +. La paix et la stabilité sont aujourd=hui présentes au Sri Lanka, et l=agence des Nations Unies pour les réfugiés impose progressivement sa présence dans le pays depuis juin 2002. Il a même des bureaux à Jaffna. Il est rapporté dans ce même communiqué de presse que plus de la moitié des Sri-Lankais qui sont retournés chez eux cette année sont revenus vers la péninsule de Jaffna, et nous savons que plus de la moitié de la population de Jaffna se compose de Tamouls. Par conséquent, le risque auquel seraient exposés le demandeur et sa famille en cas de retour au Sri Lanka, et même à Jaffna, n=est pas le risque allégué par le demandeur.


[31]            D=autres sources documentaires examinées par l=agente, sources dont la date était antérieure aux conclusions des demandeurs, montrent qu=il y avait lieu d=espérer une amélioration puisqu=un nouveau gouvernement ayant pour mandat de relancer le processus de paix était arrivé au pouvoir en décembre 2001. Les documents portant une date postérieure aux conclusions des demandeurs permettent de croire eux aussi à une amélioration de la situation ayant cours au Sri Lanka. À tout le moins, on pourrait soutenir que les documents postérieurs aux conclusions des demandeurs servent à renforcer davantage le sentiment de l=agente pour qui la paix et la stabilité prenaient leur place au Sri Lanka à la fin de 2002.

[32]            Je suis donc d=avis que, puisque les documents postérieurs aux conclusions des demandeurs n=établissent pas, pour la situation générale du pays, une évolution qui pouvait influer sur la décision, l=agente n=a commis aucune erreur sujette à révision en ne communiquant pas cette information aux demandeurs avant de rendre sa décision.

B.         L=agente d=immigration a-t-elle commis une erreur de droit parce qu=elle ne s=est pas demandé si les documents produits par les demandeurs le 20 janvier 2003 justifiaient le réexamen de sa décision?

[33]            Selon les demandeurs, lorsque l=agente a reçu leurs documents additionnels le 20 janvier 2003, après avoir rédigé et signé sa décision, elle était tenue de se demander si les nouveaux documents présentés pouvaient justifier le réexamen de la décision ou la réouverture du dossier. Selon les demandeurs, l=agente n=était pas dépouillée de sa fonction lorsque leurs documents additionnels lui ont été présentés, et elle a commis une erreur parce qu=elle a ignoré les documents en question.


[34]            Le défendeur affirme que l=agente ne pouvait pas tenir compte des documents additionnels, parce qu=elle était dépouillée de sa fonction, sa décision ayant été rendue deux mois avant que les demandeurs ne lui communiquent d=autres renseignements. L=agente n=avait aucune obligation, dans le contexte intérieur, de rouvrir le dossier et d=étudier les renseignements additionnels. Le défendeur dit aussi que, en l=absence d=un pouvoir expressément conféré par une loi, ce qui est le cas ici, un agent d=immigration n=est pas habilité à réexaminer, sur de nouveaux chefs, sa décision, ni à apprécier de nouveau les faits à l=origine d=une décision qui a déjà été rendue : Dumbrava c. Canada (MCI) (1995), 101 F.T.R. 230; Jiminez c. Canada (MCI) (1998), 147 F.T.R. 199.

[35]            Les points susmentionnés, celui de savoir si l=agente était dépouillée de sa fonction, ou celui de savoir si les décisions finales ont été rendues le 23 janvier 2003 ou plus tôt, ne doivent être décidés que si les renseignements additionnels présentés le 20 janvier 2003, et non pris en considération, étaient d=une importance telle qu=ils auraient pu conduire à une décision autre. S=ils n=avaient pas ce niveau d=importance, alors le fait qu=ils n=aient pas été pris en compte par l=agente, ou par un autre agent, ne saurait changer quoi que ce soit à la décision. J=examinerai donc les documents produits le 20 janvier 2003 afin de mesurer leur importance pour la décision de l=agente.

[36]            Pour l=examen de ces documents, je me servirai d=un critère semblable au critère appliqué dans l=arrêt Mancia, précité. Selon ce précédent, l=équité requiert la communication des preuves qui sont nouvelles et importantes, surtout lorsqu=il s=agit de preuves susceptibles de peser sur la décision. J=ai ici affaire à des informations dont l=agente n=a pas tenu compte, mais les informations doivent néanmoins être nouvelles, ou il doit s=agir d=informations qu=il n=aurait pas été possible de toute façon aux demandeurs de présenter en même temps que leurs conclusions. Ce sont uniquement ces nouvelles informations qui seront examinées au regard de leur incidence possible sur la décision.



[37]            Il n=est pas contesté que les informations communiquées par les demandeurs le 20 janvier 2003 n=ont pas été considérées par l=agente. Les documents déposés par les demandeurs ce jour-là étaient annexés à une lettre de leur avocat, dans laquelle l=avocat répétait des arguments avancés devant l=agente. L=avocat avait joint à sa lettre de nombreuses coupures de journaux et les rapports de divers organismes de défense des droits de l=homme. Les documents évoquaient plusieurs thèmes : le risque auquel étaient exposés les rapatriés pour avoir quitté le Sri Lanka au moyen de faux passeports, ou sans cartes nationales d=identité, les violences sexuelles commises contre les femmes par les forces de sécurité, l=enrôlement forcé dans l=armée, la crainte d=extorsion et les représailles infligées à ceux qui résistent à l=extorsion, enfin les difficultés rencontrées par ceux qui veulent se rendre à Colombo et y demeurer. Cependant, les informations sont antérieures pour la plupart aux conclusions ERAR déposées à l=origine par les demandeurs le 5 septembre 2002, et elles ne peuvent être considérées comme des preuves nouvelles. La plupart des informations communiquées le 20 janvier 2003 étaient même accessibles auparavant et auraient pu être communiquées par les demandeurs lors du dépôt de leurs conclusions ERAR, ou avant. En fait, des articles semblables avaient été annexés par les demandeurs à leur demande initiale d=ERAR, notamment les suivants : * L=instabilité politique assombrit le processus de paix au Sri Lanka + (ABC Radio Australia News 02/09/2002), * Protestations au Sri Lanka contre la levée de la mise hors la loi des Tigres + (Agence France-Presse, le 26 août 2002), et * Accrocs au cessez-le-feu au Sri Lanka + (BBC News, le 8 juillet 2002). L=agente a tenu compte de ces informations avant de rédiger ses motifs, en concluant que le processus de paix n=était pas parfait, mais qu=il était sur la bonne voie. À mon avis, compte tenu de la preuve qu=elle avait devant elle à l=époque, l=agente pouvait très bien tirer cette conclusion.

[38]            L=information dont la date est effectivement postérieure aux conclusions ERAR des demandeurs se compose principalement d=articles qui traitent des difficultés rencontrées dans le lancement du processus de paix, et des activités de réinstallation à Jaffna, et, bien que cette information soit nouvelle, elle n=est pas importante, ni sensiblement différente de l=information contenue dans les conclusions ERAR des demandeurs en date du 5 septembre 2002. Les nouveaux entrefilets, par exemple * Les rebelles continuent de détenir sept soldats au Sri Lanka + (Deutsche Presse-Agentur, le 30 septembre 2002), * Amnesty International appelle le gouvernement sri-lankais à mettre fin à la torture + (Associated Press, le 2 novembre 2002) et * Des réfugiés réinstallés condamnent la colonisation prévue d=un village tamoul + (Tamilnet, le 13 décembre 2002), font simplement écho à des articles produits antérieurement par les demandeurs, ainsi qu=à des problèmes que l=agente elle-même avait reconnus et indiqués dans ses motifs. Les nouveaux documents ne sont donc pas à mon avis la preuve que la situation générale du pays a connu des changements importants qui, s=ils avaient été pris en compte, auraient pu conduire à une décision autre. Comme je l=ai dit plus haut, l=agente a tenu compte d=informations de même nature avant de rédiger ses motifs, et elle fait état dans ses motifs des écueils du processus de paix au Sri Lanka. Il n=appartient pas à la Cour d=apprécier de nouveau cette preuve.


[39]            Je suis donc d=avis que l=information déposée par les demandeurs le 20 janvier 2003 ne constitue pas, pour l=essentiel, une preuve nouvelle, et que l=information qui est nouvelle n=est pas d=une importance telle qu=elle aurait pu entraîner une décision différente.

[40]            En conséquence, je considère que la décision ultime de l=agente n=aurait pas été différente si elle avait tenu compte de l=information communiquée. Il est hors de propos qu=elle ait commis une erreur en ne prenant pas en compte l=information produite le 20 janvier 2003, qu=elle ait été dépouillée de sa fonction le 20 janvier 2003 ou qu=une décision définitive ait été rendue à cette date.

C.         L=agente d=immigration a-t-elle commis une erreur de droit parce qu=elle n=a pas considéré séparément le cas de Mme Gnanaseharan?

[41]            Selon les demandeurs, un examen attentif de la décision ERAR et de la décision relative aux considérations humanitaires montre que l=agente n=a pas tenu compte des risques auxquels serait exposée la demanderesse, Mme Gnanaseharan, et qu=elle a considéré sa demande en même temps que celle de son mari. Selon les demandeurs, Mme Gnanaseharan avait le droit à une évaluation séparée. En tant qu=infirmière diplômée, elle est exposée au risque d=un enrôlement forcé de la part des LTTE.


[42]            Selon le défendeur, les demandeurs n=ont pas présenté de conclusions distinctes en ce qui a trait à la situation de la demanderesse, ce qui empêchait l=agente de procéder à un examen distinct. Quoi qu=il en soit, la revendication de la famille était fondée sur celle du demandeur principal, et l=agente a évalué la famille tout entière.

[43]            Je rejette les conclusions des demandeurs. La demande présentée était celle d=une famille composée de trois personnes. Dans les cas de ce genre, un agent ne commet pas une erreur parce qu=il fait porter son évaluation sur une cellule familiale, pour autant que tout risque propre à un membre de cette cellule familiale soit également pris en compte dans l=évaluation. Je suis d=avis que les preuves et les circonstances propres à Mme Gnanaseharan, dans la demande d=ERAR comme dans celle relative aux considérations humanitaires, ont été dûment considérées par l=agente dans ses décisions.

[44]            À la page 3 de ses motifs touchant la demande d=ERAR, l=agente parle de la demande de Mme Gnanaseharan. Dans un paragraphe distinct intitulé * Revendication de l=épouse +, il est question des démêlés de la demanderesse avec les LTTE et de son enrôlement forcé comme dispensatrice de soins médicaux. Son témoignage est également examiné dans une section des motifs de l=agente intitulée * Revendication du demandeur principal +. Son travail de bénévole, son certificat attestant qu=elle a atteint le niveau 2 d=un programme d=apprentissage de la langue anglaise, et sa participation avec son fils à des programmes communautaires, tout cela est examiné dans la décision de l=agente relative aux considérations humanitaires. Je suis d=avis que l=agente a bien tenu compte du témoignage de Mme Gnanaseharan et de sa situation personnelle, et qu=elle n=a pas commis d=erreur dans la manière dont elle a évalué le prétendu risque auquel elle serait exposée si elle était renvoyée au Sri Lanka.


D.         L=agente d=immigration a-t-elle ignoré ou mal interprété la preuve?

[45]            Selon les demandeurs, l=agente a ignoré ou mal interprété la preuve se rapportant aux aspects suivants :

(1)        le risque pour les demandeurs d=être détenus à l=aéroport à leur retour;

(2)        la lettre de la soeur du demandeur principal;

(3)        les conclusions se rapportant au processus de paix;

(4)        les conclusions se rapportant à une possibilité de refuge intérieur.

Selon le défendeur, il n=est pas prouvé que l=agente d=ERAR n=a pas étudié l=ensemble de la preuve se rapportant à ces aspects. Le défendeur affirme qu=il est bien établi en droit qu=un agent est présumé avoir étudié l=ensemble de la preuve, jusqu=à ce que le contraire soit démontré. L=appréciation de la preuve, et le poids qu=il convient de lui accorder, relèvent du pouvoir discrétionnaire et des connaissances spécialisées de l=agent : Hassan c. MEI (1992), 147 N.R. 317 (CAF).

[46]            J=aborderai successivement chacun des points susmentionnés que soulèvent les demandeurs.

(1)        Le risque pour les demandeurs d=être détenus à l=aéroport à leur retour


[47]            Selon les demandeurs, l=agente a ignoré la preuve selon laquelle les demandeurs s=étaient illégalement rendus au Canada au moyen de faux passeports et selon laquelle, pour cette raison, ils risquaient la détention au Sri Lanka. L=agente aurait donc commis une erreur en concluant que le risque pour les demandeurs d=être détenus à l=aéroport était faible. Je souscris pour l=essentiel aux conclusions du défendeur sur ce point. Les demandeurs n=ont pas établi que l=agente a ignoré cet élément. De plus, l=affirmation des demandeurs selon laquelle ils seraient détenus à l=aéroport repose uniquement sur le témoignage du demandeur principal, qui affirmait avoir entendu, aux informations, que les demandeurs d=asile refusés sont souvent détenus et poursuivis pour être partis sans des passeports valides. On pourrait sans doute déduire de la preuve que les rapatriés risquent d=être poursuivis pour avoir voyagé sans documents valides, mais il n=est pas établi que les personnes rapatriées au Sri Lanka qui sont détenues risquent la torture ou la persécution. La preuve montre que les demandeurs d=asile sont détenus à des fins d=identité, puis relâchés. Je suis d=avis que l=affirmation des demandeurs est pure conjecture et qu=elle n=est pas autorisée par la preuve. L=agente n=a pas ignoré ni mal interprété la preuve. D=après les faits qu=elle avait devant elle, elle pouvait parfaitement arriver à la conclusion qu=elle a tirée. Elle n=a commis aucune erreur sujette à révision.

(2)        La lettre de la soeur du demandeur principal


[48]            Le demandeur principal soutient que l=agente a mal compris la lettre de sa soeur. Il explique que c=était une autre femme de sa famille, et non sa soeur, qui avait perdu son mari et son fils. En raison de cette confusion, d=affirmer les demandeurs, l=agente a, mal à propos, mis en doute l=authenticité de la lettre et ne lui a accordé aucun crédit. Le demandeur principal dit que ce n=est pas sa soeur, mais sa belle-soeur, qui avait perdu son mari. Pourtant, dans son témoignage, le demandeur principal a dit que c=était sa soeur qui avait écrit la lettre, et non sa belle-soeur. À mon avis, la conclusion de l=agente se rapportant à la lettre est autorisée par la preuve. Je partage l=avis du défendeur selon lequel, dans la présente affaire, le demandeur principal cherche maintenant à corriger le témoignage contradictoire et déroutant qu=il avait produit devant l=agente d=ERAR. Au vu des faits, la conclusion de l=agente était tout à fait raisonnable. Elle n=a commis aucune erreur sujette à révision.

(3)        Les conclusions de l=agente se rapportant au processus de paix

[49]            Les demandeurs disent que l=agente s=est méprise sur la preuve documentaire se rapportant au processus de paix au Sri Lanka et qu=elle a commis une erreur parce qu=elle a ignoré le caractère inachevé du processus de paix et parce qu=elle a conclu que la situation ayant cours au Sri Lanka avait connu une évolution encourageante.


[50]            L=agente n=a pas ignoré la preuve montrant que la paix et le cessez-le-feu demeurent précaires. Elle a reconnu dans sa décision que des hostilités sporadiques se déroulaient dans certaines régions du pays et que les deux belligérants avaient violé l=accord de cessez-le-feu. Elle a fait observer, avec raison, qu=un nouveau gouvernement avait pris les rênes du pouvoir en 2001, avec le mandat de relancer le processus de paix, et que l=accord de cessez-le-feu avait pris effet en février 2002. Elle s=en est rapportée à une documentation objective, où l=on pouvait lire qu=un pas vers la paix avait été fait. Elle a relevé que, dans un communiqué de presse daté du 20 novembre 2002, le HCNUR avait appelé au versement d=une importante contribution pour aider les Sri-Lankais à retourner dans leurs foyers, et des mesures en ce sens avaient débuté environ un an auparavant. Les dossiers d=information que l=agente avait devant elle lorsqu=elle a rendu sa décision l=autorisaient tout à fait à dire que la situation s=améliorait au Sri Lanka. Je rejette donc l=argument des demandeurs. Au vu de la preuve, l=agente pouvait très bien conclure comme elle l=a fait à propos des conditions ayant cours au Sri Lanka. Elle n=a commis aucune erreur sujette à révision.

(4)        Les conclusions de l=agente se rapportant à une possibilité de refuge intérieur

[51]            Selon les demandeurs, l=agente a commis une erreur lorsqu=elle a dit que les demandeurs avaient la * possibilité + de vivre à Colombo, et donc lorsqu=elle a conclu qu=une PRI s=offrait à eux. Ils soutiennent que l=agente savait que les Tamouls du Nord ne peuvent s=installer dans cette ville sans autorisation. Or, en dépit de cette restriction, l=agente s=est imaginée que les demandeurs pouvaient vivre dans cette ville alors qu=ils étaient eux aussi des Tamouls originaires du Nord. Selon les demandeurs, l=agente a ignoré la preuve qu=elle avait devant elle, une preuve qui attestait les difficultés rencontrées par les Tamouls qui ne sont pas originaires de Colombo et qui veulent s=installer dans cette ville, difficultés qui prennent les formes suivantes : logement, rafles et détentions de brève durée, de même que détentions de longue durée pour celui ou celle qui n=a pas les pièces d=identité requises, comme c=était le cas de M. Selliah. Par ailleurs, l=agente a reconnu que les familles finissaient souvent par être séparées, parce qu=elles devaient avoir des laissez-passer, ou en raison des restrictions imposées aux déplacements, ce qui ne l=a pas empêchée d=ignorer les effets que cela pouvait avoir sur l=existence, pour les demandeurs, d=une possibilité de refuge intérieur à Colombo.


[52]            S=il existe, pour des demandeurs d=asile, dans leur propre pays, un refuge où ils ne seront pas en butte aux persécutions, alors ils doivent s=en prévaloir à moins qu=ils ne puissent montrer qu=il est objectivement déraisonnable pour eux de chercher à s=en prévaloir : Thirunavukkarasu c. Canada (MEI), [1994] 1 CF 589 (CAF); [1993] A.C.F. n ° 1172. C=est aux demandeurs qu=il appartient de prouver qu=une PRI est déraisonnable, et il s=agit d=un critère objectif.

[53]            Lorsqu=elle s=est demandé s=il y avait une possibilité de refuge intérieur, l=agente a constaté que les LTTE ne sont pas actifs de la même manière dans tout le pays. Se fondant sur les documents d=information, elle a trouvé que de nombreux Tamouls vivent à Colombo et y vivent dans une paix relative. Elle a reconnu qu=il y existe des violences sporadiques, mais qu=il s=agit là d=un risque généralisé auquel est exposée toute la population. L=agente a relevé que, selon un rapport de 2002 du Département d=État des États-Unis, la Constitution accorde à chaque citoyen la liberté de circulation et que le gouvernement respecte en général ce principe. Cependant, l=agente a aussi relevé que des restrictions plus sévères avaient été imposées aux voyageurs et que des postes de contrôle avaient pour effet de limiter quelque peu la libre circulation des gens dans ces zones et les obligeaient à obtenir une carte de passage délivrée par la police. Souvent les familles devaient se séparer car ses membres n=étaient pas en mesure de partir tous en même temps. Finalement, l=agente a relevé que, en 1995, les LTTE avaient entrepris d=autoriser les gens à se déplacer plus librement dans les zones tenues par le gouvernement et que de nombreux Tamouls avaient quitté leurs domiciles du Nord et s=étaient rendus dans le Sud pour éviter la violence.


[54]            À mon avis, suffisamment d=éléments permettaient à l=agente de dire que, au moment de sa décision, Colombo offrait généralement une PRI aux Tamouls originaires du Nord et que, compte tenu des circonstances propres aux demandeurs, il ne serait pas déraisonnable pour la famille de chercher refuge dans cette ville. La preuve révèle d=ailleurs que les demandeurs avaient vécu à Colombo. Il m=est impossible de déduire du dossier que, dans sa conclusion relative à la PRI, l=agente a adopté un principe erroné ou a d=une autre manière commis une erreur en arrivant à cette conclusion.

E.          L=agente d=immigration a-t-elle appliqué la mauvaise norme d=évaluation au regard de l=article 97 de la LIPR?

[55]            Selon les demandeurs, l=agente a commis une erreur lorsqu=elle a appliqué le critère de la prépondérance des probabilités, pour dire qu=ils ne sont pas des personnes à protéger selon ce que prévoit l=article 97 de la LIPR. Ils soutiennent que l=agente aurait dû appliquer le même critère que celui qui est appliqué pour la détermination du risque selon ce que prévoit l=article 96 de la LIPR. Dans l=arrêt Adjei c. MEI, [1989] A.C.F. n ° 67, en ligne : QL, la Cour d=appel fédérale avait exposé ainsi le critère applicable à la détermination du risque selon l=article 96 : * ... il s=agit de savoir s=il existe un risque sérieux +.


[56]            Les demandeurs reconnaissent que la version anglaise de l=article 97 de la LIPR, * believed on substantial grounds +, pourrait être interprétée comme une disposition établissant un critère de prépondérance des probabilités, mais ils affirment que cette interprétation ne dispose pas de la question et que la version française, * ..., s=il y a des motifs sérieux de le croire,... + applique le critère des * raisons sérieuses de croire +, lequel n=est pas aussi rigoureux que celui de la prépondérance des probabilités. Les demandeurs font valoir qu=une telle norme s=accorde avec la norme exposée par la Cour d=appel pour la détermination du risque selon l=article 96 de la LIPR et qu=elle rend mieux compte de l=objet du texte législatif. Une norme uniforme est préférable pour les deux articles, étant donné que tous deux se rapportent à des risques similaires. Les demandeurs ajoutent que, puisque les dispositions concernant l=ERAR sont de nature réparatrice, elles doivent s=interpréter de la manière la plus équitable et la plus large qui soit compatible avec la réalisation de son objet (Loi d=interprétation, L.R.C. 1985, chapitre I-21, article 12), c=est-à-dire d=une manière qui garantisse la réalisation de l=objet de la LIPR. Cette interprétation s=accorde aussi avec les normes internationales.

[57]            Finalement, les demandeurs soutiennent que le législateur ne peut avoir eu l=intention de refuser la protection à une personne dont les probabilités qu=elle soit torturée ne sont que de 48 p. 100, plutôt que 51 p. 100. Ce serait là le résultat obtenu si la norme à appliquer devait être celle de la prépondérance des probabilités. Eu égard aux arguments ci-dessus, les demandeurs disent que l=agente a commis une erreur de droit lorsqu=elle a appliqué, à son analyse selon l=article 97, la norme de la prépondérance des probabilités.


[58]            Ce point lui-même, et les arguments ci-dessus soulevés par les demandeurs, ont été examinés en détail par Madame la juge Gauthier dans l=affaire Li c. Canada (MEI), [2003] A.C.F. n ° 1934, en ligne : QL. Dans cette affaire, la juge Gauthier a assimilé au critère de la prépondérance des probabilités les mots * believed on substantial grounds to exist +. Dans ses motifs, elle s=exprimait ainsi : * ... conformément au paragraphe 97(1) de la Loi [la LIPR], il doit exister une preuve convaincante (à savoir la prépondérance des probabilités) établissant les faits sur lesquels un demandeur se fonde pour dire qu=il fait face à un risque sérieux d=être torturé à son retour +. Reconnaissant que ce point n=avait pas encore été décidé par la Cour d=appel, et estimant qu=il s=agissait là d=une question de portée générale, la juge Gauthier, de sa propre initiative, a certifié la question suivante : * L=article 97 de la Loi [la LIPR] exige-t-il qu=une personne établisse, selon la prépondérance des probabilités, qu=elle fera face aux risques décrits aux alinéas 97(1)a) et b)? + La Cour d=appel fédérale ne s=est pas encore prononcée sur la question.

[59]            Je suis d=avis que je me dois d=adopter et d=appliquer, pour des raisons de courtoisie judiciaire, le jugement de Madame la juge Gauthier dans l=affaire Li, dans la mesure où ce jugement règle la question du critère applicable à l=article 97 de la LIPR, une question soulevée dans la présente instance. Selon moi, les circonstances de l=affaire Li ne sont pas distinctes de ceux de la présente affaire, ou bien Madame la juge Gauthier ne s=est pas manifestement fourvoyée parce qu=elle a oublié une disposition législative ou un précédent pertinent : voir l=affaire Ahani c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l=Immigration) [1999] A.C.F. n ° 1005, en ligne : QL.

[60]            Je reconnais avec Madame la juge Gauthier qu=il s=agit là d=une question de portée générale qui pourrait disposer d=un appel. Par conséquent, afin de préserver les droits des demandeurs en appel, je ferai droit à leur demande de certification d=une question générale. La question sera formulée dans mon ordonnance, à la fin des présents motifs.


Conclusion

[61]            Pour les motifs susmentionnés, la demande de contrôle judiciaire de la décision d=ERAR sera rejetée.

II.         LA DÉCISION CONTESTÉE RELATIVE AUX CONSIDÉRATIONS HUMANITAIRES

[62]            Je passe maintenant à la demande de contrôle judiciaire déposée à l=encontre de la décision défavorable relative aux considérations humanitaires qui a été rendue par la même agente le 26 novembre 2002. Les faits à l=origine de cette demande sont essentiellement les faits résumés plus haut dans les présents motifs et se rapportant à la demande d=ERAR. Outre les faits intéressant l=examen des risques auxquels étaient exposés les demandeurs, l=agente avait devant elle, concernant leur intégration dans la société canadienne, des éléments de preuve qui ne sont pas contestés.

[63]            L=agente a relevé que le demandeur principal a affirmé avoir été à maintes reprises harcelé par les LTTE et autres organisations tamoules lorsqu=il était étudiant à la fin des années 1980. Il s=occupait d=une école privée en 1995 et, lorsqu=il est parti s=installer à Madduvil avec son épouse et sa soeur, il avait appris que son institut avait été détruit par les forces sri-lankaises. Sa soeur avait été portée disparue et son épouse avait été emmenée par les LTTE pour servir d=infirmière. Le mari et la femme sont plus tard allés s=installer à Colombo, où le demandeur principal fut arrêté en 2000 par la police sri-lankaise. Il a été relâché sous condition, et la famille a quitté le Sri Lanka pour le Canada.


[64]            L=agente a relevé que le demandeur principal avait trouvé du travail comme aide-comptable pour * AKK Depanneur + en janvier 2002 et, pour le prouver, il a produit deux feuilles de paye datées de février et mars 2002. Rien ne permettait de croire qu=il travaillait encore dans ce magasin. L=agente a conclu, quoi qu=il en soit, * ... que le simple fait pour lui d=avoir un emploi au Canada ne suffit pas à le dispenser de son obligation de demander la résidence permanente depuis l=extérieur du Canada +.

[65]            Le travail de bénévole effectué par le demandeur principal a également été considéré par l=agente. Il a participé à une clinique fiscale pour l=année 2001; lui et son épouse ont été bénévoles pour la Fondation canadienne Rêves d=enfants; il a enseigné l=anglais à titre bénévole, et il a aussi suivi un cours de français, et il détient un certificat daté du 28 mars 2002 qui l=atteste.

[66]            L=agente a relevé que les demandeurs ont un fils de quatre ans qui avait participé à un programme social avec sa mère. L=agente a trouvé que, eu égard au jeune âge du fils, et puisqu=il n=avait pas encore l=âge de fréquenter l=école, il ne subirait pas des difficultés excessives s=il retournait au Sri Lanka. L=agente disait qu=elle avait appliqué, dans l=examen de la revendication du fils, le critère se rapportant à l=intérêt de l=enfant.


[67]            L=agente a relevé que le demandeur principal avait prétendu qu=il serait persécuté à son retour au Sri Lanka et que son épouse serait emmenée afin de travailler pour les LTTE. L=agente disait qu=elle n=était pas persuadée que le demandeur principal serait personnellement repéré par les LTTE ou par la police à son retour. Elle a aussi relevé que les combats entre les forces gouvernementales et les LTTE avait perdu de leur intensité et que des pourparlers de paix étaient en cours. Elle disait que les demandeurs disposaient sans doute d=une possibilité de refuge intérieur à Colombo, où les LTTE n=ont pas le champ libre, et que, selon elle, la police sri-lankaise à Colombo ne posait aucun risque personnalisé. L=agente a indiqué que, en dépit des documents produits par les demandeurs à propos d=événements inquiétants survenus au Sri Lanka, le climat général qui avait cours dans le pays semblait prendre une orientation encourageante.

[68]            L=agente a estimé que le demandeur principal n=avait pas prouvé qu=il y avait de bonnes chances pour qu=il soit persécuté en raison de ses opinions politiques, et, selon elle, le demandeur principal ne subirait pas de difficultés excessives s=il devait retourner au Sri Lanka pour y demander la résidence permanente au Canada avec son épouse et son enfant. L=agente a estimé que l=emploi occupé par le demandeur principal au Canada et le travail bénévole effectué par les demandeurs ne suffisaient pas en tant que tels à prouver leur intégration dans la société canadienne au point de justifier une dispense selon le paragraphe 25(1) de la LIPR. Par conséquent, la demande a été rejetée.

Norme de contrôle


[69]            La norme de contrôle applicable aux décisions des agents de visas en matière de considérations humanitaires a été fixée par la Cour suprême du Canada dans l=arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l=Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817. La norme applicable au contrôle d=une décision relative aux considérations humanitaires est celle de la décision raisonnable simpliciter.

Points litigieux

[70]            Les demandeurs soulèvent les points suivants concernant leur demande fondée sur des considérations humanitaires :

A.       L=agente a-t-elle manqué au devoir d=équité parce qu=elle n=a pas, avant de rendre sa décision relative aux considérations humanitaires, communiqué sa décision d=ERAR?

B.       L=agente a-t-elle commis une erreur parce qu=elle n=a pas tenu compte des documents produits par les demandeurs le 20 janvier 2003?

C.        L=agente a-t-elle commis une erreur de droit parce qu=elle n=a pas considéré séparément le cas de la demanderesse?

D.       L=agente a-t-elle rendu une décision déraisonnable concernant le demandeur mineur?

E.        L=agente a-t-elle ignoré ou mal interprété la preuve?

Analyse

            A.       L=agente a-t-elle manqué au devoir d=équité?


[71]            Les demandeurs relèvent que l=agente qui a rendu la décision d=ERAR a aussi rendu simultanément la décision contestée relative aux considérations humanitaires. Selon les demandeurs, la Cour d=appel fédérale a jugé que, lorsqu=un agent de révision des revendications refusées (l=agent de révision) rend une décision défavorable en matière d=évaluation des risques, alors l=équité procédurale requiert que cette décision soit communiquée au demandeur avant que ne soit rendue, en matière de considérations humanitaires, une décision qui s=appuie sur la décision de l=agent de révision : Haghighi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l=Immigration), [2000] 4 CF 407, [2000] A.C.F. n ° 854, en ligne : QL. La Cour a jugé que ce devoir existe même lorsque l=information utilisée par l=agent est présentée par le demandeur ou est raisonnablement accessible au demandeur.

[72]            Selon les demandeurs, les circonstances de la présente affaire soulèvent un point inédit, parce que les deux décisions, savoir la décision d=ERAR et la décision relative aux considérations humanitaires, ont été rendues par le même agent d=immigration, et non par deux agents distincts. Ils soutiennent néanmoins que, puisqu=il s=agissait de deux décisions distinctes, l=équité exigeait que les demandeurs soient informés de la décision défavorable d=ERAR et qu=ils aient la possibilité de réagir avant qu=une décision ne soit rendue concernant leur demande fondée sur des considérations humanitaires.

[73]            Comme on l=a vu, l=agente qui a procédé à l=examen des risques et rendu la décision d=ERAR a également rendu la décision concernant la demande fondée sur des considérations humanitaires. Les deux décisions ont été rendues le même jour. Les demandeurs ont raison de faire observer que la Cour a exprimé des avis partagés sur la question de savoir s=il y a obligation de divulguer un rapport d=examen des risques lorsqu=un seul décideur est chargé à la fois de l=examen des risques et de la demande fondée sur des considérations humanitaires.


[74]            Dans l=arrêt Haghighi, le demandeur, un Musulman converti au christianisme, n=avait pas été informé du rapport d=un agent de révision qui indiquait qu=il n=était pas exposé à un risque sérieux de torture. L=agente qui avait rendu la décision relative aux considérations humanitaires avait fondé sa décision en partie sur les conclusions de l=agent d=ERAR, qui avait conclu à l=absence de risque. La Cour d=appel avait répondu par l=affirmative à la question suivante : * Lorsqu=une revendication fondée sur des considérations humanitaires repose, du moins en partie, sur une crainte de persécution dans le pays d=origine du revendicateur, l=agent d=immigration chargé de rendre la décision discrétionnaire est-il tenu de révéler au revendicateur le rapport défavorable reçu d=un autre agent chargé d=examiner les risques, et doit-il donner au revendicateur l=occasion d=y réagir avant qu=il ne rende la décision finale? + Le juge Evans écrivait ce qui suit, aux paragraphes 37 et 38 de ses motifs :

37.           J=estime que l=obligation d=équité exige que ceux qui présentent de l=intérieur du pays une demande de droit d=établissement fondée sur des raisons d=ordre humanitaire aux termes du paragraphe 114(2) soient informés de l=ensemble du contenu du rapport d=évaluation des risques de l=agent de révision et qu=il leur soit permis de faire des observations au sujet de ce rapport, même dans les cas où le rapport est fondé sur des renseignements qui sont fournis par le demandeur ou qui lui sont raisonnablement accessibles. Compte tenu du volume, des nuances et des incompatibilités des renseignements disponibles à partir de différentes sources sur la situation dans le pays, donner au demandeur la possibilité de faire des observations sur les erreurs, les omissions et les autres lacunes que pouvait contenir l=analyse de l=agent de révision pourrait bien permettre d=éviter des décisions erronées de la part des agents d=immigration dans les dossiers où des raisons d=ordre humanitaire sont invouées, d=autant plus que ces rapports sont susceptibles de jouer un rôle vital dans la décision finale...

38.            Vu les conséquences potentiellement graves pour une personne qui est renvoyée dans un pays où, contrairement au rapport de l=agent de révision, il y a un risque sérieux de torture, la correction accrue de la décision qui est susceptible de résulter du fait d=accorder à l=intimé le droit procédural recherché en l=espèce justifie tout retard administratif que cela pourrait occasionner...


[75]            Dans l=affaire Mia c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l=Immigration), 2001 CFPI 1150, [2001] A.C.F. n ° 1584, en ligne : QL, le juge McKeown a écarté l=application de l=arrêt Haghighi, en raisonnant ainsi :

En toute déférence, je ne crois pas que les principes d=équité obligent un ARRR qui procède à une évaluation du risque pour savoir si le demandeur est membre de la catégorie DNRSRC à divulguer l=évaluation en question avant d=en arriver à sa décision. À mon sens, reconnaître l=existence de cette obligation équivaudrait pour ainsi dire à contraindre un décideur à communiquer les motifs de sa décision à des fins de commentaires avant de prendre sa décision finale. Dans la présente affaire, la personne qui a examiné les éléments de preuve a pris la décision. Aucune autre personne n=a participé au processus. Il ne s=agit pas d=un cas où le décideur reçoit des renseignements de personnes autres que le demandeur. De plus, je souligne que l=arrêt Haghighi portait sur une demande fondée sur des motifs d=ordre humanitaire. ...

                                                                                                                                                        [Non souligné dans l=original]                              

Le juge McKeown a estimé que les niveaux de risque établis dans l=arrêt Haghighi pour les décisions relatives aux considérations humanitaires ne s=étendaient pas, nonobstant la conclusion opposée du juge Lemieux dans l=affaire Soto c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l=Immigration) 2001 CFPI 818, [2001] A.C.F. n ° 1207, en ligne : QL, à la décision qui dispose de la demande d=un revendicateur en vue d=être compris dans la catégorie des DNRSRC. Selon le juge McKeown, puisqu=il n=y avait qu=un seul décideur et qu=une seule décision dans la demande d=un revendicateur en vue d=être compris dans la catégorie des DNRSRC, la divulgation d=un examen des risques équivalait à communiquer les motifs de la décision avant qu=elle ne soit rendue. Le juge McKeown a souligné que le raisonnement suivi dans l=arrêt Haghighi ne s=appliquait qu=aux demandes fondées sur des considérations humanitaires et que la communication d=un examen des risques devrait se limiter à la procédure liée aux considérations humanitaires.


[76]            Ce raisonnement a aussi été suivi dans le jugement Chen c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l=Immigration) (1re inst.) [2002] 4 C.F. 193, [2002] A.C.F. n ° 341, en ligne : QL. Dans cette affaire, Madame la juge Hansen a réaffirmé que le ratio decidendi de l=arrêt Haghighi devait se limiter aux circonstances propres à cette affaire. De l=avis de la juge Hansen, si la divulgation du rapport d=examen des risques a été imposée dans l=arrêt Haghighi, c=est parce que cette affaire concernait une demande fondée sur des considérations humanitaires, et la Cour était d=avis que les fonctionnaires de l=immigration étaient susceptibles d=accorder un * poids décisif + aux opinions des agents de révision, et cela parce qu=ils bénéficient d=une relative spécialisation dans l=évaluation des risques. La juge Hansen a estimé que, lorsqu=un revendicateur débouté demande d=être compris dans la catégorie des DNRSRC, l=analyse des risques incorpore les motifs de la décision contestée et que le fait d=imposer la communication d=un rapport d=examen des risques revenait à obliger les décideurs à communiquer leurs motifs avant leurs décisions.


[77]            Dans l=affaire Majerbi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l=Immigration), 2002 CFPI 878, [2002] A.C.F. n ° 1145, en ligne : QL, le juge Blais a suivi le raisonnement exposé dans les espèces Mia et Chen, précitées, même si l=affaire dont il était saisi concernait une demande fondée sur des considérations humanitaires. Le juge Blais a estimé qu=un agent d=immigration qui a effectué l=examen des risques et s=est aussi prononcé sur l=existence ou non de considérations humanitaires n=avait pas l=obligation de révéler les conclusions de l=examen des risques. Dans l=affaire Majerbi, le juge Blais a écarté l=application de l=arrêt Haghighi, pour les raisons suivantes : premièrement, l=analyse des risques entraînés par le renvoi de l=intéressé avait été faite par le même agent d=immigration, non par un tiers comme c=était le cas dans l=affaire Haghighi, et cette analyse faisait donc partie d=une décision finale. Deuxièmement, forcer la communication du rapport d=examen des risques * ... équivaudrait à exiger des décideurs administratifs qu=ils fournissent une ébauche de leurs décisions aux demandeurs avant de rendre une décision finale... + Le juge Blais a aussi relevé que la Cour d=appel, dans l=arrêt Haghighi, avait pris soin de dire que la communication du rapport de l=agent de révision ne devrait pas être utilisée par les demandeurs comme prétexte pour plaider de nouveau leur cause devant l=agent d=immigration.


[78]            J=admets que l=arrêt Haghighi n=est pas applicable ici. Les circonstances de cette affaire faisaient intervenir deux décideurs, dont les responsabilités n=étaient pas les mêmes et qui n=avaient sans doute pas les mêmes niveaux de connaissances en matière d=examen des risques. Dans ces conditions, donner à un revendicateur l=occasion de s=exprimer sur de présumées erreurs, omissions ou autres lacunes dans l=analyse de l=agent de révision pourrait fort bien éviter une décision fautive en matière de considérations humanitaires. Dans le cas qui nous occupe, la loi n=est plus la même et les conditions sont différentes. L=agente d=immigration qui a procédé à l=examen des risques était également saisie de la demande fondée sur des considérations humanitaires. Dans ces conditions, je ne suis pas persuadé qu=il faille, pour assurer l=équité, révéler à un revendicateur les conclusions d=un examen des risques avant que la même agente rende une décision en matière de considérations humanitaires. Je souscris donc aux vues exprimées par les juges McKeown, Hanson et Blais dans les affaires susmentionnées. Eu égard aux circonstances particulières de la présente affaire, l=agente n=était pas tenue de révéler les conclusions de l=examen des risques avant de rendre une décision sur la demande fondée sur des considérations humanitaires. L=agente n=a pas manqué au devoir d=équité.

[79]            Sous la rubrique de l=équité procédurale, les demandeurs affirment aussi que l=agente avait le devoir de préciser si le demandeur principal avait encore un emploi, au lieu de conclure négativement qu=il n=en avait sans doute plus. Selon le défendeur, l=agente a simplement relevé que rien ne prouvait que le demandeur principal occupait un emploi. Le défendeur dit aussi que c=est là un point sans intérêt puisque l=agente a conclu que l=emploi du demandeur principal ne suffisait pas à établir un lien significatif avec la société canadienne.

[80]            Je souscris pour l=essentiel à la position du défendeur. L=agente n=était pas tenue d=inviter le demandeur principal à ajouter aux documents produits dans sa demande. C=est aux demandeurs qu=il appartient d=apporter les preuves nécessaires de nature à convaincre l=agente qu=une dispense selon le paragraphe 25(1) de la LIPR est justifiée. D=ailleurs, même si l=agente a commis une erreur parce qu=elle n=a pas précisé si le demandeur principal occupait un emploi ou non, l=erreur n=est pas sujette à révision. Au vu de la preuve, l=agente pouvait fort bien arriver à la conclusion que le simple fait d=occuper un emploi ne suffit pas à établir l=existence de considérations humanitaires. Par conséquent, même si l=agente a commis une erreur en n=invitant pas le demandeur principal à présenter d=autres documents, cette erreur ne justifie pas l=intervention de la Cour.


[81]            Les demandeurs disent aussi que l=agente a commis une erreur parce qu=elle ne les a pas crus et parce qu=elle s=est fondée en grande partie sur le raisonnement de la Section du statut de réfugié. J=ai parcouru les notes de l=agente et je n=y vois aucune mention du refus de la Section du statut de réfugié de croire les demandeurs, ni aucune indication que l=agente s=est fondée sur ce refus pour rendre sa propre décision. C=est dans la décision relative à l=ERAR que l=on trouve des mentions indiquant que les demandeurs n=ont pas été crus par la Commission de l=immigration et du statut de réfugié, et j=ai examiné cet aspect plus haut, dans mes motifs portant sur la décision relative à l=ERAR. Les arguments des demandeurs sur ce point ne sont pas convenablement formulés dans le contexte du présent contrôle judiciaire.

[82]            Finalement, les demandeurs font valoir que l=agente s=est fondée sur des documents datant de 2002, postérieurs à leurs conclusions ERAR. Ce point a lui aussi été examiné plus haut dans mes motifs se rapportant à la décision ERAR.

B.       L=agente a-t-elle commis une erreur de droit parce qu=elle ne s=est pas demandé si les documents présentés par les demandeurs le 20 janvier 2003 justifiaient le réexamen de sa décision?


[83]            Les demandeurs soutiennent que les documents présentés par eux le 20 janvier 2003 auraient dû conduire l=agente à réexaminer sa décision relative aux considérations humanitaires. D=après eux, même si l=agente ne travaillait plus en janvier 2003 au bureau d=immigration concerné, les agents des visas ont le pouvoir de réexaminer les décisions qui ont été prises par d=anciens collègues, et ils ajoutent que, après leurs décisions, les agents ne sont pas dépouillés de leurs fonctions. Le précédent invoqué au soutien de cette affirmation est le jugement Lo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l=Immigration), 2002 CFPI 1155, [2002] A.C.F. n ° 1596, en ligne : QL, aux paragraphes 32 et 33.

[84]            Cette question a été examinée en détail plus haut dans les présents motifs, dans le cadre de la demande de contrôle judiciaire de la décision relative à l=ERAR. Les documents présentés par les demandeurs le 20 janvier 2003, résumés au paragraphe 37 des présents motifs, se rapportent essentiellement aux risques courus par les demandeurs s=ils étaient renvoyés au Sri Lanka. Après examen de la décision ERAR de l=agente, je suis arrivé à la conclusion que les documents déposés par les demandeurs le 20 janvier 2003 ne constituaient pas, pour la plupart, des preuves nouvelles, et que les documents qui constituaient des preuves nouvelles n=étaient pas d=une importance telle qu=ils auraient pu conduire à une décision ERAR différente. J=ai donc estimé que la décision de l=agente de ne pas tenir compte des documents ne constituait pas une erreur sujette à révision.


[85]            Ce même raisonnement vaut pour la décision relative aux considérations humanitaires. La décision relative à l=ERAR était l=un de plusieurs facteurs pris en compte par l=agente durant son examen des considérations humanitaires. Puisque les documents nouveaux n=étaient pas de nature à infléchir la décision relative à l=ERAR, et puisque les preuves nouvelles se rapportaient pour l=essentiel à l=examen des risques courus par les demandeurs, il s=ensuit que les documents nouveaux, même si l=agente en avait tenu compte, n=auraient pu véritablement entraîner une décision différente en matière de considérations humanitaires. L=agente n=a donc pas commis une erreur sujette à révision parce qu=elle n=a pas tenu compte des renseignements additionnels communiqués par les demandeurs le 20 janvier 2003.

C.       L=agente a-t-elle commis une erreur de droit parce qu=elle n=a pas considéré séparément le cas de la demanderesse?

[86]            Le demandeur principal soutient que l=agente a totalement ignoré le risque auquel serait exposée son épouse si elle retournait au Sri Lanka, se contentant simplement d=annexer sa revendication à celle de son mari. Je ne partage pas cet avis. La décision de l=agente renferme un paragraphe distinct intitulé * Revendication de l=épouse +, qui nous renseigne sur la vie de la demanderesse lorsqu=elle se trouvait au Sri Lanka. L=agente y mentionne que la demanderesse a été emmenée par les LTTE pour prodiguer des soins médicaux, qu=elle a été arrêtée par la police, puis qu=elle a été harcelée et agressée au poste de police. Dans sa décision, l=agente reconnaît les activités de la demanderesse au Canada, son travail bénévole, le fait qu=elle a suivi des cours d=anglais, enfin sa participation, avec son fils, à des programmes communautaires. Je suis d=avis que l=agente a bien tenu compte des preuves produites au nom de la demanderesse. Je suis aussi d=avis que, au vu de la preuve, l=agente pouvait fort bien décider comme elle l=a fait en ce qui a trait aux risques courus par la demanderesse, et à son intégration dans la société canadienne. Je ne puis voir aucune erreur sujette à révision dans la manière dont l=agente a évalué le cas de la demanderesse.


D.       L=agente a-t-elle rendu une décision déraisonnable en ce qui concerne le demandeur mineur?

[87]            Les demandeurs soutiennent que l=agente n=a pas pleinement tenu compte de l=intérêt du demandeur mineur et qu=elle semble avoir ignoré la situation précaire des enfants au Sri Lanka sur le plan de la santé.

[88]            Rien ne prouve que le demandeur mineur serait exposé à un risque particulier pour sa santé s=il devait être renvoyé au Sri Lanka. Je suis d=avis que la décision de l=agente concernant le demandeur mineur n=est pas déraisonnable. L=agente a évalué le cas de l=enfant séparément de celui de ses parents, elle a tenu compte de son jeune âge, elle a constaté qu=il n=était pas scolarisé et que son intégration dans la société canadienne était limitée, et elle a conclu que le demandeur mineur ne connaîtrait pas de difficultés excessives s=il était renvoyé au Sri Lanka pour y faire avec ses parents une demande de résidence permanente au Canada. Je suis persuadé que l=agente était bien au fait de l=intérêt du demandeur mineur et qu=elle n=a commis aucune erreur sujette à révision lorsqu=elle a évalué la revendication de l=enfant.

E.        L=agente a-t-elle ignoré ou mal interprété la preuve?


[89]            Les demandeurs disent que l=agente a conclu à tort que le risque pour les demandeurs d=être détenus à l=aéroport était faible, et ils disent qu=elle a oublié qu=ils s=étaient rendus au Canada au moyen de faux passeports et qu=ils risquaient donc d=être détenus au Sri Lanka à leur retour dans ce pays. La conclusion de l=agente selon laquelle le risque pour les demandeurs d=être détenus à l=aéroport était faible n=apparaît pas dans la décision relative aux considérations humanitaires, mais plutôt dans la décision relative à l=ERAR. La question a été examinée en détail dans mon examen de la décision relative à l=ERAR, et mon analyse et mes conclusions concernant la décision ERAR valent aussi pour la décision relative aux considérations humanitaires.

[90]            Selon les demandeurs, l=agente a commis une erreur lorsqu=elle a dit qu=ils pouvaient retourner vivre à Colombo, ignorant ainsi que les Tamouls originaires du Nord ne peuvent vivre dans cette ville sans autorisation. Là encore, ce point a été examiné plus haut dans les présents motifs, lors de mon examen de la décision relative à l=ERAR, et il ne m=est pas nécessaire d=y revenir. Mon analyse et ma conclusion restent applicables.

[91]            Les demandeurs soutiennent aussi que l=agente a mis en doute la lettre de la soeur du demandeur principal qui faisait état de l=assassinat d=un homme appartenant à la famille. Je ne trouve aucune mention de ce fait dans les notes de l=agente relatives aux considérations humanitaires. La question est soulevée dans la décision relative à l=ERAR, et j=en ai disposé plus haut dans les présents motifs, lors de mon examen de cette décision. Mon analyse et ma conclusion restent applicables.


[92]            Finalement, les demandeurs disent que l=agente a commis une erreur parce qu=elle a oublié que le processus de paix demeure inachevé, et ils disent qu=elle a eu tort de croire que la situation ayant cours dans le pays avait évolué. Je rejette cet argument. Dans sa décision et ses motifs, l=agente dit ceci : * on observe une amélioration du climat parmi la population du pays, et la région Nord du Sri Lanka montre peu à peu un retour à la normale +. L=agente a reconnu les événements inquiétants qui se déroulent au Sri Lanka, mais elle a estimé que le climat général du pays semble prendre une tournure favorable. Cette conclusion est autorisée par la preuve documentaire, et c=est une conclusion que l=agente pouvait fort bien tirer lorsqu=elle a rendu sa décision.

[93]            Les demandeurs n=ont pas prouvé que l=agente a ignoré ou mal interprété la preuve lorsqu=elle a rendu sa décision sur la demande fondée sur des considérations humanitaires. Je suis d=avis qu=aucune erreur sujette à révision n=a été commise par l=agente lorsqu=elle a étudié ladite demande.

Conclusion

[94]            Pour les motifs susmentionnés, la demande de contrôle judiciaire de la décision relative aux considérations humanitaires sera rejetée.

Certificat

[95]            Les demandeurs voudraient que la Cour certifie les trois questions suivantes, qui, selon eux, sont des questions graves de portée générale :

1.          Dans une demande d=examen des risques avant renvoi et/ou une demande fondée sur des considérations humanitaires, le devoir d=équité oblige-t-il l=agent à éclaircir avec le revendicateur les faits sur lesquels l=agent a des doutes?


2.          Lorsqu=un agent d=immigration a rendu sa décision sur une demande d=examen des risques avant renvoi et/ou sur une demande fondée sur des considérations humanitaires, l=agent est-il dépouillé de sa fonction, de telle sorte qu=il ne lui serait pas possible d=étudier des preuves nouvelles pour savoir si elles sont de nature à modifier sa décision?

3.          L=article 97 de la LIPR requiert-il d=un revendicateur qu=il prouve, selon la prépondérance des probabilités, qu=il sera exposé aux risques décrits dans les alinéas 97(1)a) ou b).

[96]            S=agissant de la première question, j=ai exprimé l=avis que l=agente n=a pas interprété erronément la preuve et que, en tout état de cause, ses conclusions sur les points soulevés étaient selon moi sans conséquence. Même si une erreur a été commise, elle n=aurait donc pas eu d=effet. Finalement, la question proposée ne saurait disposer d=un appel et elle ne sera pas certifiée.

[97]            S=agissant de la deuxième question, j=ai exprimé l=avis que les documents additionnels que l=agente n=a pas pris en compte n=auraient pas de toute façon modifié sa décision ultime, et cela quand bien même eût-elle ignoré à tort les documents produits le 20 janvier 2003, quand bien même eût-elle été dépouillée de sa fonction le 20 janvier 2003, ou quand bien même une décision finale eût-elle été rendue à cette date. Par conséquent, la deuxième question proposée ne saurait disposer d=un appel et elle ne sera pas certifiée.


[98]            Comme je l=ai dit plus haut dans les présents motifs, je suis d=avis que la troisième question posée par les demandeurs est une question grave de portée générale, qui pourrait disposer d=un appel, et elle sera donc certifiée.

ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1.          Les demandes de contrôle judiciaire sont rejetées.

2.          La question suivante est certifiée :

L=article 97 de la LIPR requiert-il d=un revendicateur qu=il prouve, selon la prépondérance des probabilités, qu=il sera exposé aux risques décrits dans les alinéas 97(1)a) ou b)?

                                                                                                                      _ Edmond P. Blanchard _              

                                                                                                                                                     Juge                               

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIERS :                                         IMM-656-03 et IMM-661-03

INTITULÉ :                                          GNANASEHARAN SELLIAH ET AUTRES c. MCI

LIEU DE L=AUDIENCE :                  TORONTO (ONTARIO)

DATES DES AUDIENCES :               LE 26 AOÛT 2003 POUR LE DOSSIER IMM-656-03

LE 5 AVRIL 2004 POUR LE DOSSIER IMM-66-03

MOTIFS DE L=ORDONNANCE :    LE JUGE BLANCHARD

DATE DES MOTIFS :                         LE 17 JUIN 2004

COMPARUTIONS :

Barbara Jackman                                                                       pour les demandeurs

Marcel Larouche                                                                       pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Barbara Jackman                                                                       pour les demandeurs

3 - 596, avenue St. Clair ouest

Toronto (Ontario) M6C 1A6

Morris Rosenberg                                                                      pour le défendeur

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario) M5X 1K6

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