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Date : 20050916

Dossier : IMM-7146-04

Référence : 2005 CF 1278

Ottawa (Ontario), le 16 septembre 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE RUSSELL

ENTRE :

MOSHEN SHAFEIE TAHMOURSATI

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

DEMANDE

[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire en vertu du paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés (la Loi), L.C. 2001, ch. 27, de la décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) datée du 30 juillet 2004 (la décision). La Commission a conclu que le demandeur n'était ni un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger. La Commission a dit que les questions déterminantes étaient la crédibilité et l'absence de crainte bien fondée de persécution invoquée par le demandeur.

LE CONTEXTE

[2]                Le demandeur, Mohsen Shafeie Tahmoursati, est un citoyen de la République islamique d'Iran âgé de 23 ans. Il prétend craindre d'être persécuté par les autorités iraniennes du fait de ses opinions politiques et de son appartenance à un groupe social, en l'occurrence sa famille.

[3]                Les allégations du demandeur prêtent un peu à confusion. Il a modifié son histoire plusieurs fois. Il a commencé par dire qu'il était membre du Mouvement démocratique étudiant de l'Iran, mais plus tard, il a démenti cette affiliation politique lorsqu'il a été confronté avec son témoignage antérieur selon lequel il avait vécu en Hollande de 1994 jusqu'à son arrivée au Canada en 2003. Ainsi, le demandeur fonde sa demande d'asile politique sur une histoire qu'il aurait, selon ses dires, inventée de toute pièce soi-disant suite aux conseils du passeur qui l'avait aidé à quitter la Hollande pour se rendre au Canada. Il reconnaît que toute son histoire concernant ses activités politiques était fausse.

[4]                Le demandeur mentionne que sa mère et ses deux frères sont toujours en Hollande et qu'il les a quittés pour venir au Canada. Sa mère a présenté une demande d'asile politique lorsqu'elle est arrivée en Hollande en 1994 en prétendant être monarchiste. Cette demande a été refusée par la suite. Le demandeur souligne que la demande de sa mère était fondée sur de fausses déclarations. Elle n'était pas monarchiste.

[5]                Le demandeur ajoute qu'il craint de retourner en Iran parce qu'il a désobéi à son père. Il prétend que son père était déçu parce qu'il refusait d'être un hezbollahi (intégriste). Lors d'audiences différentes, le demandeur a prétendu que son père vivait en Iran et aussi, que son père avait été exécuté en 1999.

[6]                Le demandeur a déposé trois lettres de Hollande : l'une d'un demandeur d'asile, l'une d'un travailleur social et l'une d'un avocat. Les lettres mentionnent la visite qu'a rendue son père en Hollande en 1997. Elles décrivent le père comme étant agressif et menaçant à l'égard de sa femme et de ses enfants. Le père a ordonné à la mère du demandeur ainsi qu'au demandeur et à ses frères de retourner en Iran. Toutefois, la mère et les frères du demandeur ont continué de vivre en Hollande alors que le demandeur est arrivé au Canada en 2003 et qu'il y a demandé l'asile.

LA DÉCISION VISÉE PAR LE CONTRÔLE

[7]                La Commission a relevé les nombreuses incohérences dans le témoignage du demandeur ainsi que son faux témoignage, qu'il a d'ailleurs reconnu, et elle a conclu que le demandeur n'était pas un témoin crédible. La Commission a conclu que le demandeur n'était ni un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger.

[8]                La Commission a jugé que, compte tenu du manque total de crédibilité du demandeur concernant les faits allégués dans sa demande, il n'avait pas satisfait au fardeau de la preuve qui lui incombe dans une demande d'asile.

[9]                La Commission a également conclu qu'à cause des incohérences, des histoires qui changeaient constamment et des contradictions dans le témoignage du demandeur, le demandeur n'était pas crédible et ne craignait pas avec raison d'être persécuté en Iran.

[10]            Par conséquent, la Commission a rejeté la demande d'asile du demandeur.

LES QUESTIONS EN LITIGE

[11]            Le demandeur soulève la question de savoir si la Commission n'a pas tenu compte de la preuve ou si elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée.

ARGUMENTATION

Le demandeur

[12]            Le demandeur prétend que la Commission n'a pas tenu compte des documents corroborants suivants en prenant sa décision :

a)    la lettre du travailleur social en Hollande;

b)    la lettre de l'avocat;

c)    la lettre du demandeur d'asile en Hollande;

d)    l'ordonnance rendue par une cour iranienne qu'avait obtenue son père et qui portait que sa mère devait accomplir son devoir conjugal.

[13]            Le demandeur fait valoir que ces documents n'ont pas été mentionnés dans la décision, ce qui démontre que la Commission n'a pas tenu compte de cette preuve ou, à tout le moins, qu'elle n'a examiné que certains éléments de preuve du demandeur.

[14]            Le demandeur ajoute que la Commission a conclu qu'il était peu probable que sa mère n'ait pas invoqué la violence conjugale dans sa demande d'asile en Hollande. Il prétend qu'en Hollande, le régime d'asile ne reconnaît pas la violence conjugale comme motif d'obtenir qualité de réfugié au sens de la Convention et que les autorités hollandaises étaient au courrant de la violence qu'avaient subie sa mère, ses frères et lui-même. Le demandeur prétend que la Commission a commis une erreur en tirant une inférence négative en matière de crédibilité du fait que sa mère n'avait pas demandé l'asile en Hollande en invoquant la violence conjugale.

[15]            Compte tenu de toutes ces erreurs, le demandeur fait valoir que les autres motifs de la Commission de rejeter sa demande n'étaient pas suffisants pour maintenir la décision.

Le défendeur

[16]            Le défendeur prétend que pendant toute la durée de sa demande d'asile au Canada, le demandeur a constamment changé son histoire et que ses histoires contradictoires et incohérentes ont amené la Commission à mettre en doute la véracité de tous les renseignements fournis par le demandeur.

[17]            En outre, le défendeur fait remarquer que la mère du demandeur avait demandé l'asile en Hollande en se fondant sur de faux renseignements.

[18]            Le demandeur a inventé de toutes pièces ses activités étudiantes en Iran. Il a reconnu, plus tard, avoir fabriqué cette histoire sur l'instance du passeur qui l'avait aidé à quitter la Hollande pour se rendre au Canada.

[19]            Le défendeur fait remarquer également que quand il est arrivé au Canada, le demandeur a menti au sujet de son point de départ en prétendant qu'il arrivait d'Iran plutôt que de Hollande.

[20]            Le défendeur prétend que les observations du demandeur ne sont qu'un moyen de convaincre la Cour de réévaluer la preuve qui a été régulièrement soumise à la Commission, ce que la Cour ne peut faire à moins que les conclusions de la Commission soient à ce point déraisonnables que la Cour soit justifiée d'intervenir.

[21]            Le défendeur souligne que, compte tenu des faits de l'espèce, la Commission s'est fondée sur des incohérences et contradictions pour attaquer la crédibilité du demandeur. Le demandeur a changé toute son histoire et il a donc lui-même miné sa propre crédibilité.

[22]            Le défendeur prétend que les incohérences entre les déclarations antérieures et l'exposé circonstancié du formulaire de renseignements personnels (FRP) du demandeur peuvent servir à mettre en doute sa crédibilité (voir la décision Parnian c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1996), 96 F.T.R. 142).

[23]            Le défendeur cite également le juge Blais dans Solomon c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) 2004 CF 1252, qui a dit, au paragraphe 9 :

9. Compte tenu des deux différentes versions de faits et vu que le demandeur avait changé sa version des faits en fonction de ce qui lui était le plus avantageux (selon ce qu'avait admis candidement le demandeur lui-même), il était raisonnablement loisible à la commissaire de mettre en doute tout ce que le demandeur alléguait.

[24]            Le défendeur mentionne que la Commission a rejeté la demande parce que le demandeur n'a pas été en mesure de l'étayer au moyen d'une preuve crédible et non parce que la demande de sa mère, qui était fondée sur de faux renseignements, avait été déboutée en Hollande. Le défendeur fait valoir que la crédibilité du demandeur a été attaquée à cause de ses propres déclarations aux autorités canadiennes et des incohérences entre les notes prises au point d'entrée, son FRP et son témoignage à l'audience.

[25]            Pour ce qui concerne la preuve documentaire, le défendeur prétend que les documents précis dont parle le demandeur (les lettres et l'ordonnance) faisaient partie de l'ensemble de la preuve évaluée par la Commission dans l'examen de la demande du demandeur. Ce n'est pas parce que la Commission n'a pas mentionné les documents précis produits en preuve qu'elle n'en a pas tenu compte (voir Hassan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l' Immigration), [1992] A.C.F. no 946).

[26]            Dans l'ensemble, le défendeur prétend que le demandeur n'a pas établi que la Commission avait mal interprété la preuve documentaire ou qu'elle n'en avait pas tenu compte. Il veut tout simplement que la Cour réévalue la preuve qui a été examinée par la Commission. Le défendeur prétend que la Commission, à titre de juge des faits, a compétence pour apprécier la preuve et il cite la décision Singh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2003] A.C.F. no 1451, au paragraphe 11, dans laquelle le juge Snider a dit ce qui suit :

11. Une divergence d'opinions sur la façon dont la Commission a apprécié la preuve ne constitue pas un motif de contrôle judiciaire. En outre, la Commission n'a pas l'obligation d'accepter toutes les explications que lui donne le demandeur et elle peut rejeter celles qu'elle estime ne pas être crédibles compte tenu des incohérences, des contradictions ou des invraisemblances (voir à cet égard l'arrêt Aguebor, précité, et la décision Rathore c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1996] A.C.F. no 42 (1re inst.) (QL)).

ANALYSE

[27]            Le demandeur dit qu'il s'agit d'un cas typique, à savoir que la Commission n'a pas tenu compte des documents et des arguments qui réfutent directement son opinion selon laquelle le demandeur n'était pas crédible et n'avait pas établi qu'il craignait avec raison d'être persécuté ou d'être exposé à un risque s'il était renvoyé en Iran.

[28]            Le demandeur a agi cavalièrement en modifiant la vérité et il s'est avéré un opportuniste invétéré lorsqu'il a fabriqué son récit pour justifier sa demande d'asile. Néanmoins, le demandeur affirme qu'il a produit des documents à l'appui de la persécution alléguée et du risque auquel il serait exposé de la part de son père et il ajoute que la Commission aurait dû examiner cette preuve et en tenir compte en conformité avec les principes établis dans la décision Cepeda-Gutierrez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (6 octobre 1998), [1998] A.C.F. no 1425 (C.F. 1re inst.) et dans l'arrêt de la Cour d'appel fédérale, Mahanandan c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1994] A.C.F. no 1228, dans lequel le juge Isaac a dit, à l'audience :

[Y]

7. Les appelants prétendent devant nous que la Commission n'a pas bien ou n'a pas du tout examiné le fondement objectif de leur crainte. Premièrement, les appelants affirment que si la volumineuse preuve documentaire avait été correctement examinée, elle aurait fort bien pu renforcer l'appréciation de la Commission du fondement objectif de leur revendication. Deuxièmement, ils déclarent que si ce n'est la simple mention que la preuve présentée à l'audience était une preuve documentaire fournissant des renseignements de base sur le Sri Lanka, les motifs invoqués par la Commission ne contenaient aucune autre référence à la preuve documentaire, et encore moins le moindre examen de leur revendication qui tiendrait compte de cette preuve. Ensuite, ils prétendent d'une part que l'appréciation de leur revendication par la commission aurait fort bien pu être différente si celle-ci l'avait examinée en tenant compte de la preuve documentaire, et d'autre part, qu'en ne le faisant pas, la commission a commis une erreur donnant lieu à cassation

8. C'est aussi notre avis. Lorsqu'au cours d'une audience, la Commission admet une preuve documentaire du genre de celle qui est en cause en l'espèce, soit une preuve susceptible d'influer considérablement sur son appréciation de la revendication du statut de réfugié au sens de la Convention d'un appelant, il nous semble que la Commission doive dépasser la simple constatation de son admission de la preuve documentaire et qu'elle soit tenue aussi de préciser dans ses motifs l'impact, s'il en est, que cette preuve a eu sur la revendication du requérant. Comme je l'ai déjà dit, la Commission a omis de ce faire en l'espèce, et cette omission, à notre avis, porte un coup fatal à sa décision, qui ne peut être maintenue.

[Y]

[29]            Le demandeur souligne également que la Commission n'a pas tenu compte du témoignage qu'il a donné concernant le régime d'asile hollandais qui ne reconnaît pas la violence conjugale comme motif d'obtenir le statut de réfugié au sens de la Convention. S'il en est ainsi, alors la conclusion tirée par la Commission selon laquelle si sa mère « [avait] eu des problèmes avec son père, que ce soit en Iran ou en Hollande [...] elle aurait fondé sa demande d'asile en Hollande sur ces problèmes, et non sur de prétendues activités monarchistes en Iran » , n'aurait pas dû amener la Commission à tirer une inférence négative contre lui.

[30]            Voici les principales conclusions de la Commission :

a)    « J'estime que le témoignage du demandeur est contradictoire et, donc, qu'on ne peut s'y fier [...] »

b)    « À mon avis, le récit du demandeur est un tissu de mensonges et n'est pas digne de foi. »

c)    « Je pense que le demandeur n'est pas en conflit avec les autorités iraniennes ni avec son père en Iran et que, s'il retourne là-bas, ni les autorités, ni son père ni la famille de ce dernier ne lui causeront de difficultés. »

[31]            Concernant la preuve présentée par le demandeur, la Commission a tiré les conclusions suivantes :

a)    « Compte tenu de la preuve dans son ensemble et des conclusions en matière de crédibilité, exposées ci-dessus, le demandeur n'a pas établi que sa crainte d'être persécuté s'il retourne en Iran est fondée, que ce soit à cause de ses opinions politiques ou de son appartenance à un groupe social en particulier, en tant que membre d'une famille où règne la violence, ou pour tout autre motif énoncé dans la définition de réfugié au sens de la Convention. »

b)    « Le demandeur n'a fourni aucun autre argument permettant de penser qu'il existe une sérieuse possibilité qu'il soit persécuté s'il retourne en Iran, et la documentation corrobore cette conclusion. »

c)    « Étant donné le manque de crédibilité lié aux faits déterminants en l'espèce, et après avoir analysé l'ensemble de la preuve, il m'apparaît que le demandeur n'est pas parvenu à établir l'existence de motifs sérieux de penser qu'il risque d'être soumis à la torture ou d'être exposé à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités. »

[32]            Le demandeur se plaint donc du fait qu'en tirant ses conclusions, la Commission n'a pas tenu compte de la preuve documentaire qui corroborait ses craintes concernant son père. Ce problème aurait été exacerbé par le fait que la Commission n'a pas examiné la preuve établissant qu'il est impossible de présenter une demande d'asile en Hollande en invoquant la violence conjugale.

[33]            La Commission dit clairement que deux aspects de la demande posent un problème :

Parmi les questions à trancher, la principale concerne la crédibilité du demandeur; la seconde a trait au bien-fondé de la crainte de persécution invoquée et la troisième est celle de savoir si le demandeur doit être protégé des autorités iraniennes à cause de ses opinions politiques ou de ses problèmes familiaux.

[34]            La Commission a rejeté l'aspect politique de la demande, et ce à juste titre. Le demandeur a reconnu avoir menti au sujet de ses activités politiques.

[35]            En ce qui concerne le père du demandeur, la Commission n'a pas examiné précisément la preuve corroborante alléguée mais elle a rejeté la demande au motif que « le témoignage du demandeur est contradictoire et, donc, qu'on ne peut s'y fier » et que « le récit du demandeur est un tissu de mensonges et n'est pas digne de foi » .

[36]            Selon moi, le demandeur demande à la Cour de trancher la question de savoir s'il était opportun pour la Commission de tout simplement rejeter l'exposé circonstancié du demandeur concernant sa crainte d'être persécuté par son père en se fondant sur le fait que son témoignage n'était pas digne de foi et que toute son histoire était fondée sur des mensonges, sans pour autant examiner la preuve corroborante précise.

[37]            Selon moi, les décisions Cepeda-Gutierrez et Mahanandan établissent que la Commission peut commettre une erreur susceptible de contrôle si elle ne mentionne ni n'analyse une preuve importante qui contredit ses propres conclusions et que la Cour peut déduire de ce silence que la Commission a tiré des conclusions de fait erronées sans égard à la preuve dont elle était saisie. En l'espèce, la preuve corroborante permettait de tirer une conclusion différente de celle de la Commission et, même si la Commission n'est pas obligée de mentionner tous les éléments de preuve qui contredisent sa conclusion, l'importance de la preuve déposée par le demandeur exigeait que la Commission l'examine. Autrement dit, la nature de la preuve exigeait que la Commission ne s'en tire pas tout simplement avec un énoncé global au sujet de toute la preuve dont elle était saisie.

[38]            Il en est ainsi à cause de toutes les explications présentées par le demandeur au sujet de ses mensonges passés, pendant le contre-interrogatoire :

[traduction]

AVOCAT :             Et pourquoi avez-vous finalement dit la vérité?

DEMANDEUR :     Eh bien, vous m'avez confronté avec le fait que si je disais la vérité je pouvais obtenir le droit d'asile ici, que j'avais une chance. J'ai donc dit la vérité.

AVOCAT :             Maintenant, vous comprenez très certainement le problème du commissaire. Vous allez en Hollande avec votre mère, vous y dites des mensonges. À votre arrivée au Canada, vous mentez deux fois aux agents d'immigration. Pourquoi devrions-nous vous croire maintenant?

DEMANDEUR :     Eh bien tout simplement parce que maintenant je dis la vérité et j'ai également fait tout ce que je pouvais pour étayer mon récit; les déclarations de Hollande, les documents de l'ambassade en Hollande et tous les autres documents que je vous ai soumis.

[39]            Le demandeur a expliqué qu'il avait menti par le passé parce qu'il ne savait pas qu'il pouvait présenter un cas de violence familiale au Canada et que, s'il avait dit la vérité, [traduction] « [j]e pensais que je serais renvoyé immédiatement de l'aéroport vers la Hollande » .

[40]            Lorsqu'elle a évalué la crédibilité, la Commission aurait dû examiner la preuve du demandeur selon laquelle il allait maintenant dire la vérité. Dans son témoignage, il mentionne bel et bien les agressions perpétrées par son père. La Commission dit tout simplement que parce que le demandeur a menti par le passé, il continue de mentir et qu'on ne saurait le croire.

[41]            Cela est peut-être vrai et il n'est pas peut-être pas manifestement déraisonnable de tirer cette conclusion, compte tenu de la preuve. Cependant, la Commission doit dire clairement qu'elle reconnaît l'existence de la preuve contradictoire, qu'elle a examiné cette preuve qui semble corroborer l'explication donnée au sujet des mensonges et qu'elle a tenu compte du fait que le demandeur disait, enfin, la vérité. Cette preuve était trop importante pour que la Commission affirme d'une manière générale et routinière qu'elle a examiné toute la preuve. Il faut conclure que cette preuve a été mise de côté puisque la Commission a décidé que les mensonges du demandeur étaient à ce point répugnants (et ils l'étaient) qu'elle n'était pas disposée à le croire ni à examiner toute la preuve qu'il avait produite et qui était susceptible d'étayer qu'il disait, enfin, la vérité.

[42]            Dans le même ordre d'idées, pour ce qui est du bien-fondé de la demande, la Commission affirme catégoriquement : « le demandeur n'a fourni aucun autre argument permettant de penser qu'il existe une sérieuse possibilité qu'il soit persécuté s'il retourne en Iran, et la documentation corrobore cette conclusion » .

[43]            Cependant, le demandeur a déposé des renseignements concernant le bien-fondé de sa demande et les documents font état d'un risque grave. Encore une fois, la Cour ne dit pas que, si elle était examinée dans son ensemble, la preuve étayerait la demande. Mais la Commission aurait dû examiner cette preuve et comme elle ne l'a pas fait, on peut en inférer que la Commission n'en a pas tenu compte.

[44]            L'habitude de mentir qui semble caractériser les agissements de la mère du demandeur en Hollande et les rapports du demandeur avec l'Immigration canadienne, aussi répugnante soit-elle, n'a en rien atténué la responsabilité de la Commission d'examiner les éléments de preuve importants ainsi que les arguments qu'avait présentés le demandeur pour expliquer qu'il n'avait pas tout de suite compris les motifs qu'on pouvait invoquer au soutien d'une demande d'asile au Canada et que, une fois qu'il les avait bien compris, il avait dit la vérité à la Commission.

ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1.          La demande est accueillie et la question est renvoyée pour nouvel examen par un tribunal différemment constitué;

2.          Aucune question n'est certifiée.

« James Russell »

Juge

Traduction certifiée conforme

David Aubry, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     IMM-7146-04

INTITULÉ :                                                    MOHSEN SHAFEIE TAHMOURSATI

                                                                        c.

                                                                        LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET

                                                                        DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                              TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE 12 JUILLET 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                    LE JUGE RUSSELL

DATE DES MOTIFS

ET DE L'ORDONNANCE :                          LE 16 SEPTEMBRE 2005

COMPARUTIONS :

Michael Crane                                                   POUR LE DEMANDEUR

Lisa Hutt                                                           POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Michael Crane                                                   POUR LE DEMANDEUR

Avocat

Toronto (Ontario)

John H.Sims, c.r.                                               POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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