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Date : 20211012


Dossier : T-147-21

Référence : 2021 CF 1062

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 12 octobre 2021

En présence de monsieur le juge Lafrenière

ENTRE :

EVERETT RODGER STUCKLESS

demandeur

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire présentée au titre des articles 18 et 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F-7. La demande vise une décision communiquée le 14 décembre 2020 [la décision] par Todd Cain, à titre de directeur général [DG], Direction générale des substances contrôlées et du cannabis [DGSCC], Santé Canada, par laquelle il a refusé de délivrer une habilitation de sécurité au demandeur au titre de l’article 53 du Règlement sur le cannabis, DORS/2018-144 [le Règlement].

I. Questions préliminaires

[2] Avant d’examiner le bien-fondé de la demande, il faut aborder trois questions préliminaires.

[3] Premièrement, avant de demander une réparation de la nature d’un bref de certiorari pour casser la décision, le demandeur a sollicité une ordonnance contraignant M. Cain à se conformer à l’obligation d’agir équitablement, ainsi qu’à l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, qui figure à l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (Royaume-Uni), c 11, en conférant au demandeur le droit d’être représenté par un avocat, ainsi que celui d’être jugé par un décideur indépendant choisi suivant la loi. Il s’est désisté de ces demandes de réparation au début de l’audience.

[4] Deuxièmement, le défendeur s’est opposé à l’inclusion de Todd Cain comme défendeur dans l’intitulé de la cause. Comme le demandeur l’a concédé à juste titre, M. Cain n’est pas réellement une partie à la présente instance au titre du paragraphe 303(1) des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106. L’intitulé doit donc être modifié de façon à supprimer tout de suite M. Cain de la liste des défendeurs.

[5] Par souci de clarté, je précise que la décision a en fait été rendue par Joanne Garrah, directrice générale par intérim [la DGI] de la DGSCC, au nom du ministre de la Santé (le ministre).

[6] La troisième question a trait à l’admissibilité de l’affidavit du demandeur que celui-ci a déposé à l’appui de sa demande. Le défendeur a soutenu dans son exposé des faits et du droit que l’affidavit est inapproprié, car il comporte des faits dont la DGI ne disposait pas au moment de rendre sa décision. L’affidavit contient également des paraphrases redondantes de la correspondance versée au dossier.

[7] Au début de l’audience, les parties ont consenti à une ordonnance radiant le paragraphe 17 et les paragraphes 26 à 31 de l’affidavit du demandeur. Après examen d’autres observations des avocats, j’ai aussi radié les paragraphes 6, 8, 9, 10, 12 et 13 de l’affidavit, au motif qu’ils contenaient des éléments de preuve nouveaux ou superflus. Le reste des paragraphes ont été maintenus, car ils relevaient de l’exception relative aux renseignements généraux sur le contexte, aux documents requis pour démontrer l’absence de preuve devant la DGI ou aux éléments de preuve qui pourraient être pertinents par rapport aux allégations du demandeur relatives à l’équité procédurale.

II. Le régime de réglementation du cannabis

[8] Il est utile de décrire brièvement le régime de réglementation du cannabis afin de replacer la présente affaire dans son contexte.

[9] L’objet de la Loi sur le cannabis, LC 2018, c 16 est énoncé à l’article 7. Il s’agit notamment de la protection de la santé et de la sécurité publiques. La loi encadre la production licite de cannabis dans le but de réduire et de décourager les activités illicites liées à cette substance grâce à des sanctions et des mesures d’application appropriées.

[10] De plus, d’après le paragraphe 67(1) de la Loi sur le cannabis, sous réserve du Règlement, le ministre « peut » accorder, refuser, suspendre ou annuler toute habilitation de sécurité.

[11] Il existe de nombreuses exigences à l’obtention d’une licence de producteur au titre de la Loi sur le cannabis. Parmi ces exigences, l’article 38 du Règlement exige qu’un titulaire de licence potentiel embauche un « chef de la sécurité ». Il s’ensuit l’exigence de l’alinéa 50f) du Règlement, selon lequel le chef de la sécurité doit recevoir une habilitation de sécurité, ainsi que l’exigence de l’alinéa 50b), lequel exige que les administrateurs et les dirigeants de toute personne morale qui détient une licence de producteur reçoivent une habilitation de sécurité.

[12] Selon l’article 52 du Règlement, le ministre peut effectuer des vérifications de casier judiciaire et des dossiers pertinents des organismes d’application de la loi, notamment des renseignements recueillis pour assurer l’observation des lois.

[13] Avant de délivrer une habilitation de sécurité, le ministre doit conclure que le demandeur ne présente pas de risque inacceptable pour la santé ou la sécurité publiques, notamment le risque que le cannabis soit détourné vers un marché ou pour une activité illicites. Conformément au paragraphe 53(2) du Règlement, le ministre peut également tenir compte d’une série de facteurs pour évaluer le niveau de risque posé par le demandeur.

[14] D’après l’alinéa 62(7)f) de la Loi sur le cannabis, le refus ou l’annulation d’une habilitation de sécurité à l’égard d’une licence est un motif pour le ministre de refuser de délivrer, de renouveler ou de modifier une licence.

III. Le contexte factuel

A. La demande d’habilitation de sécurité

[15] Le demandeur est l’administrateur et l’un des actionnaires de Nova Grow Ltd. [Nova Grow], une entreprise canadienne de cannabis.

[16] Dans le but de devenir chef de la sécurité de Nova Grow, le demandeur a présenté une demande d’habilitation de sécurité individuelle et de licence de production de cannabis à la Direction générale de la légalisation et de la réglementation du cannabis [DGLRC] de Santé Canada le 7 octobre 2016. Le demandeur a ensuite fourni ses empreintes digitales et ses antécédents criminels.

[17] Au fil du temps, le demandeur a envoyé plusieurs courriels pour connaître l’état de sa demande d’habilitation de sécurité, exprimant ses préoccupations au sujet du retard dans le traitement de celle-ci.

[18] Le 1er janvier 2019, le demandeur a présenté un formulaire de consentement et d’attestation pour habilitation de sécurité lié à sa demande initiale de licence de producteur. Celui-ci était joint à sa demande d’habilitation de sécurité.

[19] En se fondant sur les renseignements biographiques soumis, la Section du filtrage sécuritaire [la SFS] de la Gendarmerie royale du Canada [la GRC] a effectué une recherche dans les bases de données d’application de la loi qui étaient accessibles pour établir si le demandeur avait participé à des activités criminelles, ou s’était associé à des personnes impliquées dans de telles activités.

[20] Le 17 février 2020, la SFS a présenté un rapport de vérification des dossiers sur l’exécution de la loi [VDEL] à la DGI. Le rapport de VDEL contient de l’information détenue par la police décrivant divers incidents survenus entre 2017 et 2018 auxquels le demandeur est lié, ainsi que des renseignements provenant de sources ouvertes.

B. L’examen de l’information détenue par la police et la recommandation au directeur général

[21] Dans le cas d’une découverte de renseignements potentiellement défavorables qui sont pertinents pour ce qui est de la délivrance d’une habilitation de sécurité, le dossier doit d’abord être examiné par le Forum consultatif interministériel sur la sécurité [le FCIS] de Santé Canada, qui est chargé de formuler une recommandation au directeur général.

[22] Le ou vers le 7 avril 2020, après examen de l’information dont il disposait, le FCIS a recommandé de ne pas accorder d’habilitation de sécurité au demandeur. La recommandation comportait notamment des renseignements contenus dans la VDEL, qui faisaient état de la participation récente et directe du demandeur à l’exploitation d’un dispensaire illégal de cannabis, d’un nombre élevé d’introductions par effraction dans le dispensaire, ainsi que d’actes perçus comme des menaces de violence.

[23] Le FCIS a conclu qu’il est plus probable qu’improbable que le demandeur présente un risque inacceptable pour la santé ou la sécurité publiques, notamment le risque que le cannabis soit détourné vers un marché ou pour une activité illicites.

C. L’avis d’intention quant au refus de l’habilitation de sécurité

[24] Le 6 mai 2020, la DGI a envoyé un avis d’intention [l’avis] au demandeur pour lui faire part de son intention de refuser de lui délivrer une habilitation de sécurité. L’avis a été donné conformément au paragraphe 55(1) du Règlement, qui précise que le ministre doit donner un avis du refus par écrit au demandeur s’il a l’intention de refuser l’habilitation de sécurité.

[25] L’avis exposait en détail les renseignements révélés lors de la VDEL. Malgré leur volume, je suis d’avis qu’il est nécessaire de reproduire la totalité des renseignements pour comprendre les éléments de preuve que le demandeur devait réfuter :
[traduction]

Date

Infraction

Décision/peine

30-11-2018

Possession d’une substance inscrite aux annexes en vue d’en faire le trafic, paragraphe 5(2) de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances (LRCDAS)

(2 chefs d’accusation)

Trafic d’une substance inscrite aux annexes, paragraphe 5(1) de la LRCDAS

(2 chefs d’accusation)

Accusations retirées

  • Le 1er février 2017, la GRC de Kelowna a enquêté sur un différend concernant un prêt de 31 000 $ entre vous (prêteur) et un ancien partenaire d’affaires (plaignant – le sujet A). L’agent a conclu qu’il s’agissait d’une affaire civile.

  • Entre mars et mai 2017, le détachement de la GRC de Codiac est intervenu dans le cadre de quatre appels de harcèlement et (ou) d’affaires civiles mettant en cause votre ancien partenaire d’affaires (le sujet B) et vous-même :

  • o Le 8 mars 2017, vous avez signalé que le sujet B vous avait menti au sujet de l’argent et du loyer de votre entreprise commune « Nova Budds ». Le sujet B a présenté à la police un permis d’exploitation d’entreprise vieux d’un an et a affirmé que vous l’aviez menacé avec violence, que vous aviez allégué avoir des amis chez les Hell’s Angels de la Nouvelle-Écosse, et qu’il avait cessé de vous acheter du cannabis, car vous ne pouviez pas présenter un permis de culture ou de vente. De plus, vous lui avez dit de vendre du cannabis à tout le monde, avec ou sans la présentation d’une ordonnance.

La GRC n’a pas pu confirmer ou nier l’existence d’un lien entre vous et les Hell’s Angels de la Nouvelle-Écosse, comme l’a déclaré le sujet B à la police.

  • o Le 16 mars 2017, le sujet B a déposé une plainte de harcèlement contre vous au sujet de l’entreprise.

  • o Le 28 avril 2017, il y a eu un différend concernant plus de 40 000 $ en cannabis et produits du cannabis de Canadian Vape. Vous avez déclaré que vous avez avancé les produits au sujet B, qui, selon vous, ne maintenait pas ses engagements.

  • o Le 5 mai 2017, vous avez présenté une plainte de harcèlement de plus de 20 000$ contre le sujet B.

La police a établi que les quatre affaires susmentionnées relevaient du domaine civil.

  • Le 22 mai 2017, la police régionale d’Halifax (la PRH) est intervenue à la suite d’une alarme déclenchée chez Jazz Vape et Nova Budds à Halifax, en Nouvelle-Écosse, et y a constaté une introduction par effraction et des dommages au panneau de système d’alarme. La police a constaté l’entreposage inapproprié de cannabis médicinal et de produits du cannabis, l’absence de mesures de sécurité ainsi que votre refus de transmettre la vidéo de l’incident du système de surveillance.

  • Entre juin et décembre 2017, le détachement de la GRC de Codiac est intervenu après quatre introductions par effraction à Nova Budds, un magasin vous appartenant, situé au 65, chemin Mapleton, à Moncton :

  • o Le 19 juin 2017, des marchandises de vapotage d’une valeur de 200 $ ont été volées.

  • o Le 13 août 2017, il y a eu une effraction, mais rien n’a semblé être volé. La police a mis fin à l’enquête, faute de pistes, et en raison de votre manque de coopération.

  • o Le 4 novembre 2017, des produits de cannabis comestibles d’une valeur de 3 405 $ ont été volés.

  • o Le 3 décembre 2017, des articles de cannabis d’une valeur totale 3 000 $, comme des produits comestibles, des huiles et d’autres produits du cannabis, ont été dérobés.

Les autorités ont mis fin aux trois premières enquêtes mentionnées ci-dessus en raison de l’absence de pistes, et à la dernière enquête en raison de votre manque de coopération.

  • Le 31 octobre 2017, le groupe de réduction de la criminalité du détachement de la GRC de Codiac a entrepris une enquête sur des dispensaires locaux de cannabis, pour des infractions de trafic de cannabis et de possession de cannabis en vue d’en faire le trafic. Ils ont remis en main propre un avis d’application de la loi à Nova Budds, au 65, chemin Mapleton, à Moncton, au Nouveau-Brunswick. Par l’intermédiaire d’une lettre, Santé Canada a confirmé à la police que vous, votre ancien partenaire d’affaires (le sujet B) et le commerce au 65, chemin Mapleton, à Moncton, Nouveau-Brunswick, n’aviez aucune habilitation au titre du Règlement sur l’accès à la marihuana à des fins médicales ou du Règlement sur l’accès au cannabis à des fins médicales (le RACFM).

  • Le 4 décembre 2017, la PRH est intervenue pour une introduction par effraction à l’entrepôt de Regal Confections/Canadian Vape, situé au 311, chemin Rocky Lake, à Bedford, en Nouvelle-Écosse. Cet entrepôt appartient à vous et à votre conjointe. Des produits de vapotage et du cannabis, d’une valeur comprise entre 30 000 $ et 50 000 $, ont été volés. Deux semaines plus tard, soit le 14 décembre 2017, la police est intervenue par rapport à une plainte pour des menaces proférées relativement à l’introduction par effraction. Les plaignants ont dit à la police que vous les aviez menacés parce que vous croyiez qu’ils s’étaient introduits par effraction dans votre entrepôt. La police a conclu qu’il n’y avait pas suffisamment de preuves pour porter des accusations de menaces contre vous ou contre les plaignants pour l’introduction par effraction.

  • Le 5 janvier 2018, vous avez communiqué avec la PRH pour qu’elle intervienne à la suite d’une introduction par effraction aux locaux de Regal Confections/Canadian Vape Inc., situés au 311, chemin Rocky Lake, à Bedford, en Nouvelle-Écosse. Lors de votre appel, vous avez exprimé à la police vos frustrations en disant que si la police ne faisait rien, vous prendriez vous-mêmes les choses en main. La personne qui a pris votre appel vous a informé que votre déclaration pouvait être perçue comme une menace. Vous avez dit que [traduction] « ce n’est que la faute de la police si cela s’est produit de nouveau ». La PRH est intervenue. Votre conjointe, copropriétaire de l’entreprise, a expliqué aux agents que vos frustrations découlaient d’une série d’introductions par effraction dans les locaux. Les agents ont ensuite fermé le dossier, car les éléments de preuve étaient insuffisants pour continuer l’enquête.

  • Le 14 février 2018, la police a exécuté un mandat de perquisition à Nova Budds, où deux employés ont été arrêtés et accusés. La police a appris que vous étiez le propriétaire et la personne responsable de l’acquisition, de l’achat et de la vente des produits. Elle a saisi les biens suivants : 45 424 $ en produits comestibles, en accessoires, en cannabis séché et en huile, tous préemballés pour la vente; 649 $ en espèces, des ordinateurs, des bordereaux de transaction, des balances pour l’emballage de matériel, des factures et des registres. Après examen des registres, il a été constaté que, entre le 10 et le 13 février 2018, le dispensaire avait vendu des produits du cannabis d’une valeur de 20 427,08 $. Les dossiers faisaient état, au total, de 2330 inscrits, dont 202 possédaient une ordonnance médicale, et les 2128 autres non. La police a établi que 8,6 % des inscrits disposaient des bons documents pour acheter du cannabis dans le respect du RACFM et que Nova Budds n’a pas suivi ce règlement dans 91,4 % de ses ventes. Le 3 avril 2018, vous avez été arrêté et accusé de possession en vue d’en faire le trafic. Le 30 novembre 2018, le ministère public a retiré les chefs d’accusation.

  • Le 22 juillet 2018, la PRH est intervenue pour une introduction par effraction à Jazz Vape/Nova Budds au 740, autoroute Bedford, à Halifax, en Nouvelle-Écosse. Le demandeur a remis des séquences vidéo à la police. Celle-ci a remarqué que des actes de vandalisme avaient été commis dans l’immeuble. Or, il n’y avait pas eu d’introduction et rien n’a été volé.

  • Le 23 novembre 2018, la PRH est intervenue pour un différend entre vous et deux de vos employés concernant la retenue de la paye et le vol d’articles de Nova Budds. Les deux parties ont donné des récits contradictoires des événements et vous avez dit à la police que vous n’étiez pas le propriétaire de Nova Budds et que vous étiez seulement le propriétaire de l’immeuble. Les anciens employés ont dit à la police que vous reteniez leur salaire et que vous étiez le propriétaire du dispensaire.

Pour trouver d’autres renseignements à votre sujet, la GRC a effectué des recherches dans des sources ouvertes sur Internet. Les paragraphes suivants renferment les constatations de la GRC.

  • Le 13 février 2018, la Commission des services publics et d’examen de la Nouvelle-Écosse a rejeté votre demande d’appel concernant le permis d’exploitation d’entreprise pour Jazz Vape et Nova Budds, situées au 740, autoroute Bedford, à Halifax, en Nouvelle-Écosse. Voici l’une des conclusions de la Commission : [TRADUCTION] « Le modèle d’affaires de Nova Budds tel qu’il est décrit par M. Stuckless est illégal sous le régime du RACFM. »

https://nsuarb.novascotia.ca/sites/default/files/m08245%20Decision.pdf

  • Au 20 juin 2019, selon une recherche dans le registre des sociétés par actions de la Nouvelle-Écosse, vous êtes administrateur, directeur général et agent reconnu de Nova Grow Ltd. (registre 3301520), et vous êtes actif depuis le 19 septembre 2016.

[26] La lettre du 6 mai 2020 envoyée au demandeur comportait une erreur typographique. Selon le point 6, la date de l’événement était le 4 décembre 2017, mais elle aurait dû être le 3 décembre 2017.

[27] Dans l’avis, la DGI a déclaré qu’elle avait tenu compte de la preuve contenue dans le dossier du demandeur et qu’elle avait soupesé les éléments pertinents au regard des facteurs énoncés au paragraphe 53(2) du Règlement. Compte tenu de l’information pertinente à sa disposition, la DGI était d’avis que le demandeur présentait un risque inacceptable pour la santé ou la sécurité publiques, notamment le risque que le cannabis soit détourné vers un marché ou pour une activité illicites.

[28] Les facteurs les plus pertinents pris en compte par la DGI étaient les sous-alinéas 53(2)b)(i) et (iv), le sous-alinéa 53(2)b)(vii)(B) et l’alinéa 53(2)d) du Règlement, à savoir :

  • la question de savoir s’il est connu — ou s’il y a des motifs raisonnables de soupçonner — que le demandeur participe ou contribue, ou a participé ou contribué, à des activités qui sont interdites par la section 1 de la partie 1 de la Loi sur le cannabis ou qui contreviennent à l’une de ses dispositions, à l’exclusion des alinéas 8(1)a) à e), ou qui sont interdites par la sous-section E de la section 2 de la partie 1 de la Loi sur le cannabis ou qui contreviennent à l’une de ses dispositions;

  • la question de savoir s’il est connu — ou s’il y a des motifs raisonnables de soupçonner — que le demandeur participe ou contribue, ou a participé ou contribué, à la perpétration d’une infraction impliquant des actes de violence ou des menaces de violence;

  • la question de savoir s’il est connu — ou s’il y a des motifs raisonnables de soupçonner — que le demandeur est ou a été associé à un individu qui est membre d’une organisation visée au sous-alinéa 53(2)b)(v) du Règlement;

  • la question de savoir s’il y a des motifs raisonnables de croire que les activités du demandeur, notamment les activités financières, présentent un risque pour l’intégrité du contrôle de la production et de la distribution du cannabis sous le régime de la Loi sur le cannabis.

[29] L’avis se conclut ainsi :

[traduction]
À mon avis, compte tenu de votre participation récente et directe à l’exploitation d’un dispensaire de cannabis illégal, vous vous trouvez dans une situation visée au sous-alinéa 53(2)b)(i) et à l’alinéa 53(2)d) du [Règlement].

De plus, compte tenu de paroles qui ont été perçues comme des menaces que vous avez proférées à l’égard de plusieurs personnes, vous vous trouvez dans une situation visée par le sous-alinéa 53(2)b)(iv) du [Règlement].

Enfin, puisque vous avez allégué être associé aux Hell’s Angels de la Nouvelle-Écosse, vous êtes dans une situation visée par la division 53(2)b)(vii)(B) du [Règlement].

Suivant le paragraphe 55(1) du [Règlement], vous avez le droit de présenter des observations écrites en réponse au présent avis d’intention quant au refus de vous accorder une habilitation de sécurité. Les observations écrites doivent être présentées à Santé Canada dans les trente (30) jours suivant la date de la présente lettre. Votre demande d’habilitation de sécurité sera tranchée seulement après réception et examen des observations écrites ou dans les trente (30) jours suivant la présente lettre, selon la première de ces éventualités.

D. La réponse du demandeur à l’avis

[30] Le demandeur a répondu à l’avis le 15 mai 2020. Il a ainsi contesté l’allégation selon laquelle il avait exploité un dispensaire de cannabis illégal :

[traduction]
J’ai communiqué avec la GRC au détachement de Moncton, au Nouveau-Brunswick, et j’ai parlé à un commandant au sujet de l’achat d’un immeuble qui abrite actuellement un dispensaire de cannabis […] Ils m’ont dit que c’était à moi de voir, mais que, en ce qui concerne la GRC, il n’y avait pas de problème et il n’y en aurait pas dans un avenir prévisible. J’ai acheté l’immeuble et je n’ai eu aucun problème avec la GRC ou la municipalité jusqu’au 14 février 2018 […] Le même détachement de la GRC (Moncton) a effectué une descente dans l’immeuble. J’ai communiqué avec la GRC de Moncton, au Nouveau-Brunswick, pour leur demander ce que je devais faire […] En même temps, j’ai expliqué que je n’étais pas le propriétaire du dispensaire et que je ne souhaitais pas l’être, mais que je mène des démarches en vue d’acheter l’immeuble au 65, chemin Mapleton, et je ne voulais pas avoir d’ennuis […] Je me suis présenté au palais de justice de Moncton, au Nouveau-Brunswick, avec les propriétaires de la boutique de marihuana et toutes les accusations portées contre moi ont été retirées. Cela dit, trois mois plus tard, j’ai reçu un deuxième avis de comparution, que j’ai respecté, et après avoir parlé à la Cour, le même procureur de la Couronne a encore une fois retiré toutes les accusations. […]

Le 14 février 2018, j’ai appris, et j’ai pu certainement constater, qu’il y a eu une descente dans un dispensaire situé au 65, chemin Mapleton, mais je n’en étais pas le propriétaire et je n’étais ni présent ni à proximité du dispensaire pendant la descente. En fait, j’ai été arrêté pour cette raison seulement quatre ou cinq mois plus tard, ce qui a été très surprenant et très choquant pour ma famille et pour moi […] Comme je me suis présenté au palais de justice avec le vrai propriétaire du dispensaire, toutes les accusations ont été retirées.

Pour ce qui est des montants et des bordereaux d’expédition, etc., cela n’a rien à voir avec moi, à moins que ceux-ci ne se rapportent aux articles de Nova Budds ou de Jazz Vape qui ne sont pas illégaux et qui ne contiennent pas de cannabis.

À ce moment-là, j’avais commencé les démarches pour acheter l’immeuble du 65, chemin Mapleton. Il faut également rappeler que j’ai exigé la fermeture du dispensaire après en être devenu propriétaire.

En fait, j’ai fini par forcer le propriétaire du dispensaire à libérer les locaux, mais cela a pris quelques mois, parce qu’il s’obstinait à dire que le bail lui permettait d’y avoir accès, que j’ai dû avoir recours aux services d’un avocat et que le propriétaire insistait sur le fait que je n’avais pas le droit de l’évincer.

[31] Le demandeur a ensuite nié les allégations de harcèlement d’une personne qui lui devait de l’argent, allégations que la GRC de Kelowna a consignées, et il a également nié les allégations selon lesquelles il avait vendu du cannabis à cet individu sans permis. Il a reconnu qu’il y avait eu plusieurs introductions par effraction dans l’immeuble situé au 65, chemin Mapleton, mais a nié que quelque chose d’illégal avait pu se retrouver dans la boutique de tabac et de vapotage dont il était propriétaire, qui se trouvait au même endroit.

[32] Le demandeur a contesté l’allégation selon laquelle le cannabis médicinal qui avait été retrouvé dans l’édifice sur Mapleton était mal entreposé. À la connaissance du demandeur, [traduction] « le cannabis volé provenait du gestionnaire et des employés, qui étaient des patients totalement autorisés à consommer du cannabis à des fins médicales […] ».

[33] Quant à l’introduction par effraction et au vol qualifié du 3 décembre 2017 à l’entrepôt de Regal Confections et Canadian Vape (dont le demandeur était propriétaire avec son épouse), le demandeur a confirmé qu’ils s’étaient produits et que la valeur des biens volés s’élevait en fait à 80 000 $. Le demandeur a nié l’allégation selon laquelle il avait harcelé la personne qui s’était introduite par effraction, qu’il a décrite comme un ancien employé de l’entrepôt.

[34] Le demandeur a reconnu qu’il y a eu des introductions par effraction entre juin et décembre 2017 au 65, chemin Mapleton, mais a nié que des produits illégaux aient été volés. Il a confirmé l’introduction par effraction du 5 janvier 2018 et a admis avoir déclaré à la police qu’il prendrait des mesures en réaction aux introductions par effraction récurrentes si la police ne faisait rien, mais seulement par frustration. Le demandeur a déclaré avoir peu de connaissances, voire aucune, au sujet des Hell’s Angels. Le demandeur a également nié avoir été déclaré coupable d’infractions criminelles, avoir été associé à des organisations criminelles et avoir un casier judiciaire.

E. La demande de renseignements supplémentaires

[35] Dans une lettre du 27 mai 2020, le FCIS a demandé à ce qu’une lettre soit envoyée au demandeur pour lui demander des renseignements supplémentaires.

[36] La DGI a ensuite envoyé au demandeur une lettre datée du 21 juillet 2020, au titre de l’article 67 de la Loi sur le cannabis pour, lui demander de présenter les renseignements supplémentaires suivants :

[traduction]
un exemplaire du contrat d’achat du 65, chemin Mapleton, à Moncton, au Nouveau-Brunswick, qui porte clairement la date à laquelle le demandeur a acheté le bien;

la confirmation des entreprises exploitées à cette adresse avant l’achat, le rôle joué par le demandeur dans ces entreprises, le cas échéant, et l’information dont le demandeur disposait au sujet des activités passées de ces entreprises;

la confirmation des entreprises exploitées au 65, chemin Mapleton après l’achat de la propriété par le demandeur et la description de son rôle dans celles-ci;

un exemplaire du jugement relatif au paiement auquel le demandeur a fait référence en parlant d’un événement survenu en mai 2017 et la confirmation que l’événement traité dans le paragraphe faisant référence à ce jugement est celui du 8 mars 2017.

[37] Le 28 juillet 2020, le demandeur a répondu à la demande de la DGI. Il a déclaré qu’il avait exploité une boutique pour produits de vapotage au 65, chemin Mapleton, de novembre 2016 à mai 2018. À cette même adresse, il y avait une boutique de marihuana à des fins médicales qui était exploitée par plusieurs personnes différentes à des moments différents, entre 2016 et 2018, jusqu’à ce que lui et son épouse achètent l’immeuble. Le demandeur a insisté pour dire qu’il ne participait pas à l’exploitation de cette boutique et a exigé la fermeture de celle-ci dès qu’il a pris le contrôle des locaux. Depuis octobre 2018, il y a une boutique de produits de vapotage et de tabac à cet endroit. Le courriel du demandeur était accompagné d’un certificat d’exécution et d’un exemplaire d’une ordonnance de jugement par défaut prononcée par la Cour des petites créances du Nouveau-Brunswick.

F. La recommandation mise à jour et la demande de renseignements supplémentaires par la directrice générale par intérim

[38] Le 7 août 2020, le FCIS a présenté une recommandation mise à jour fondée sur les renseignements tirés du rapport de VDEL, ainsi que sur les observations écrites du 17 mai 2020 et celles du 28 juillet 2020 que le demandeur a présentées. Le FCIS a recommandé de refuser l’habilitation de sécurité au demandeur, et ce, pour les motifs suivants :

[traduction]
Les observations du demandeur et sa réponse à la dernière demande de renseignements supplémentaires n’ont pas suffi à expliquer son rôle à l’égard de Nova Budds, ni à fournir des éléments de preuve pour réfuter les renseignements de la police sur le rôle qu’il avait au sein de Nova Budds et des activités liées au cannabis entourant cette entreprise.

Le demandeur n’a pas présenté d’exemplaire du contrat d’achat du 65, chemin Mapleton, alors qu’il se l’était fait demander. Le FCIS n’est donc pas en mesure de conclure à quel moment le demandeur est devenu propriétaire de l’immeuble.

Selon l’information accessible, le FCIS n’était plus d’avis qu’il existait une association avec le crime organisé.

[39] Le 14 octobre 2020, la SFS a répondu aux questions que la DGI avait formulées après réception de la recommandation du FCIS. La DGI demandait notamment s’il existait un dispensaire distinct au 65, chemin Mapleton ou si le dispensaire qui y était exploité était celui de Nova Budds. La SFS a répondu que le dispensaire exploité était celui de Nova Budds et qu’il n’y avait aucune mention d’un autre dispensaire à l’adresse en question.

[40] Le 15 octobre 2020, le demandeur a reçu un courriel de la DGSCC, dans lequel cette dernière lui demandait si les documents joints à son courriel du 28 juillet 2020 étaient les documents qu’il avait l’intention de soumettre. Le demandeur a répondu le même jour en disant qu’il avait examiné les documents et n’avait aucune raison de croire qu’ils ne devraient pas être déposés ou qu’ils contenaient de faux renseignements. Il a également laissé entendre qu’il était disposé à envoyer d’autre matériel de référence à titre de suivi.

[41] Le 16 octobre 2020, le demandeur a envoyé un second courriel, dans lequel il écrit : [traduction] « selon nos services juridiques, nous devons nous opposer aux questions qui n’ont rien à voir avec la délivrance d’une habilitation de sécurité. » Il a ajouté que les questions au sujet de la date de transfert ou de la date d’achat du 65, chemin Mapleton ou des activités qui y ont eu lieu avant qu’il n’en soit propriétaire n’étaient pas pertinentes.

[42] Le 30 octobre 2020, la GRC a fourni à Santé Canada une version légèrement révisée de la VDEL effectuée au sujet du demandeur, en supprimant les références au pourcentage des [traduction] « inscriptions avec les bons documents pour l’achat de la marihuana » et la constatation que [traduction] « Nova Budds n’a pas suivi le Règlement pour 91,4 % de ses ventes ».

[43] Le 14 décembre 2020, la DGI a envoyé une lettre au demandeur pour lui annoncer qu’elle refusait de lui délivrer une habilitation de sécurité. Ce refus est la décision qui fait l’objet du présent contrôle judiciaire.

IV. La décision de la directrice générale par intérim

[44] Dans la décision, la DGI a accusé réception des observations faites par le demandeur et a ensuite exposé les faits énoncés dans les vérifications de sécurité effectuées.

[45] La DGI a conclu que le demandeur présentait un risque inacceptable pour la santé et la sécurité publiques, notamment le risque que le cannabis soit détourné vers une activité en lien avec un marché illicite.

[46] Voici les extraits pertinents de la décision :

[traduction]
Dans vos observations, au sujet de la déclaration que votre ancien partenaire d’affaires a faite à la police, selon laquelle vous aviez dit être amis avec les Hell’s Angels de la Nouvelle-Écosse, vous avez déclaré que vous n’avez que peu de connaissance à propos des Hell’s Angels, voire aucune. Je remarque que la GRC n’a pas pu confirmer ou nier l’existence d’un lien entre vous et les Hell’s Angels de la Nouvelle-Écosse, comme l’a déclaré le sujet B à la police. Je ne considère plus que vous vous trouvez dans une situation visée par la section 53(2)b)(vii)(B) du Règlement.

Dans vos observations, vous reconnaissez qu’il y a eu plusieurs introductions par effraction. À une occasion où vous avez appelé la police après une introduction par effraction (l’incident du 5 janvier 2018), il semble que vous ayez dit que si la police ne faisait rien, vous prendriez les choses en main. Dans vos observations, vous avez reconnu avoir appelé en disant que vous étiez très frustré et mécontent. Vous avez dit à la police que si elle ne faisait rien pour remédier à la situation, vous prendriez des mesures et que vous appelleriez le ministre de la Justice le jour même. Je rappelle également que les événements du 8 mars et du 3 décembre 2017 font référence à des plaintes pour des menaces que vous avez proférées. Je prends acte de vos observations par lesquelles vous contestez les déclarations faites par le sujet B. Vous niez également avoir fait du chantage ou avoir menacé une personne de lésions corporelles relativement à l’incident du 3 décembre 2017. Je ne considère plus que vous vous trouvez dans une situation visée par l’alinéa 53(2)b)(iv) du Règlement.

J’ai examiné vos observations concernant l’introduction par effraction du 3 décembre 2017 à l’entrepôt de Regal Confections/Canadian Vape au 311, chemin Rocky Lake. Vous reconnaissez l’introduction par effraction et vous dites qu’environ 80 000 $ de produits pour fumer du cannabis ont été volés, mais pas de cannabis. Cependant, votre affirmation selon laquelle il n’y a pas eu de vol de cannabis contredit les renseignements de la police selon lesquels de la marihuana a été volée. Vous n’avez pas présenté une preuve suffisante pour attester que le rapport de police sur l’incident était erroné. J’estime que l’information contenue dans le rapport de police est fiable.

J’ai tenu compte de vos observations concernant votre rôle au sein de Nova Budds et des incidents en lien avec le cannabis au 65, chemin Mapleton. Vous reconnaissez avoir été propriétaire de Nova Budds. Vous affirmez avoir exploité une boutique de produits de vapotage et de tabac au 65, chemin Mapleton, de novembre 2016 à mai 2018. Vous confirmez qu’un dispensaire a été exploité à cet endroit pendant cette période. Or, vous niez toute participation aux activités en lien avec le cannabis qui ont eu lieu au 65, chemin Mapleton. Vous dites dans vos observations que le dispensaire du 65, chemin Mapleton était une entité distincte de Nova Budds. Vous soutenez que les accusations portées contre vous en ce qui a trait à l’incident du 14 février 2018 ont été retirées, parce que vous vous êtes présenté au palais de justice avec le propriétaire du dispensaire. Cependant, vous n’avez pas présenté d’élément de preuve à l’appui de ces déclarations et de votre dénégation.

J’ai également tenu compte de vos observations au sujet de la propriété située au 65, chemin Mapleton, et du fait que vous n’en étiez pas propriétaire au moment de l’incident du 14 février 2018, car vous l’avez acheté plus tard au cours de cette année-là. Vous avez présenté un document en réponse à ma demande de présenter le contrat d’achat. Il semblerait que le document que vous avez présenté n’est pas un contrat d’achat et ne fait pas référence au 65, chemin Mapleton, à une entreprise ou à vous. Il ne corrobore pas votre affirmation selon laquelle vous n’étiez pas le propriétaire de la propriété située au 65, chemin Mapleton, au 14 février 2018. Comme il a été mentionné précédemment, la police possédait des renseignements selon lesquels vous étiez le propriétaire de Nova Budds en date du 14 février 2018, date à laquelle un mandat de perquisition a été exécuté à l’égard de cette entreprise. J’ai obtenu la confirmation de la GRC que l’incident du 14 février 2018 s’est produit au 65, chemin Mapleton, comme vous l’avez indiqué dans vos observations. Il est vrai que les accusations portées contre vous en ce qui a trait à l’incident du 14 février 2018 ont été retirées. Cela dit, il reste que, selon les vérifications effectuées dans les dossiers d’application de la loi, l’exécution du mandat de perquisition à Nova Budds a révélé des activités non autorisées liées au cannabis. Vous affirmez que vous n’étiez pas propriétaire de la propriété située au 65, chemin Mapleton, au moment de l’incident. Or, cette allégation n’est pas fondée et, de toute façon, elle ne contredit pas les renseignements de la police selon lesquels vous étiez propriétaire de Nova Budds, ni les renseignements sur l’incident du 14 février 2018. Vous n’avez pas présenté une preuve suffisante pour attester que le rapport de police sur l’incident était erroné. Je suis d’avis que l’information contenue dans le rapport de police est fiable.

J’ai également tenu compte de vos observations concernant les événements liés au sujet B, et, d’après celles-ci, le sujet B serait M. Patrick Jeannot. Vous avez parlé d’un jugement prononcé contre la personne qui selon vous, est le sujet B, en affirmant qu’un tel jugement n’aurait pas été rendu si l’indemnisation demandée avait été pour du cannabis illégal et des activités criminelles. Je vous ai demandé de présenter un exemplaire de ce jugement et de préciser si vos observations portaient sur l’incident du 8 mars 2017 plutôt que sur celui du 17 mai 2017. Dans votre réponse, vous n’avez pas précisé à quel incident vous faisiez référence et avez joint un exemplaire d’un jugement par défaut qui ne fait aucune mention des faits en cause. Je conclus que votre réponse n’atteste pas votre affirmation selon laquelle vous n’avez pas eu un différend relatif au cannabis avec le sujet B. Cependant, pour prendre ma décision, je ne me base pas sur les renseignements selon lesquels votre différend avec cette personne était lié au cannabis.

À mon avis, compte tenu de l’information révélée par le mandat de perquisition exécuté le 14 février 2018 à l’égard de Nova Budds concernant des activités non autorisées liées au cannabis, et de l’information selon laquelle vous étiez propriétaire de Nova Budds, ainsi que du fait que des produits du cannabis ont été volés dans un entrepôt dont vous êtes propriétaire, il existe des motifs raisonnables de soupçonner que vous participez ou contribuez, ou avez participé ou contribué, à des activités visées au sous-alinéa 53(2)b)(i) du Règlement. La vente et la possession non autorisées de cannabis en vue de sa vente sont illégales au titre de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances. De plus, comme le rapport de police vous identifie comme étant le propriétaire de Nova Budds, un dispensaire qui a mené des activités non autorisées liées au cannabis, je suis d’avis que vous êtes dans une situation visée par l’alinéa 53(2)d) du Règlement. Il est vrai que les accusations portées contre vous quant à l’incident du 14 février 2018 ont été retirées. Cela dit, je constate que vos observations concernant la raison du retrait ne sont pas fondées et ne concordent pas avec les renseignements contenus dans le rapport de police au sujet de la propriété du dispensaire Nova Budds.

Comme il est expliqué ci-dessus, les renseignements révélés par les vérifications donnent des motifs raisonnables de soupçonner que vous avez participé ou contribué à des activités non autorisées liées au cannabis. Il s’agit d’événements pertinents récents. De plus, ils étaient graves. En effet, ils comportaient notamment la participation ou la contribution aux activités d’un dispensaire de cannabis, ce qui pose un risque pour l’intégrité du cadre législatif régissant la distribution de cannabis. Je crains que, si vous obtenez une habilitation de sécurité, votre conduite ne ressemble à celle révélée par les vérifications ou à d’autres comportements qui pourraient présenter un risque pour la santé ou la sécurité publiques. Vos observations n’ont pas dissipé mes préoccupations. Ainsi, je crois que vous présentez un risque inacceptable pour la santé ou la sécurité publiques, notamment le risque que le cannabis soit détourné vers un marché ou pour une activité illicites. Je vous refuse donc une habilitation de sécurité.

V. Les questions en litige

[47] Les arguments soulevés par le demandeur peuvent être clairement divisés en deux questions :

  1. La décision de la DGI était-elle équitable sur le plan procédural?

  2. La décision de la DGI était-elle raisonnable?

VI. La norme de contrôle

[48] Il n’est pas contesté que la norme de contrôle applicable aux questions relatives à l’équité procédurale est celle de la décision correcte. Quant au fond de la décision, l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov], prévoit que, a priori, il faut appliquer la norme de la décision raisonnable. Rien dans cette affaire, ni dans la loi, ne réfute la présomption d’application de cette norme. La décision doit être justifiée au regard des faits et du droit.

[49] En l’espèce, il faut garder à l’esprit qu’en vertu du paragraphe 67(1) de la Loi sur le cannabis, le ministre dispose d’un pouvoir discrétionnaire important lorsqu’il s’agit de décider d’accorder ou de refuser une habilitation de sécurité. Compte tenu de la nature discrétionnaire de la décision, de l’objet de l’affaire et de l’expertise du décideur dans le domaine en question, la Cour ne devrait pas s’ingérer indûment dans les fonctions de celui-ci : Wojcik c Canada (Procureur général), 2020 CF 958 [Wojcik] au para 30.

VII. Analyse

A. Équité procédurale

(1) Nature de l’obligation d’équité

[50] Le demandeur soutient que la DGI avait une obligation de diligence envers lui, puisque la décision de lui refuser une habilitation de sécurité a eu une incidence directe sur les droits de vente de cannabis de Nova Budds et, par conséquent, sur ses droits, privilèges et intérêts individuels. Je souscris à sa prétention. Dans l’affaire Lum c Canada (Procureur général) 2020 CF 797 [Lum], la juge Cecily Strickland a conclu que le directeur général avait une obligation d’équité procédurale envers les demandeurs d’habilitation de sécurité au titre de la législation et de la règlementation. Une conclusion semblable a été tirée par le juge Michael Phelan dans l’affaire Wojcik. Je ne vois aucune raison de m’écarter de ces conclusions antérieures.

[51] La prochaine étape de l’analyse relative à l’équité procédurale consiste à déterminer la nature de l’obligation d’équité envers le demandeur. À cet égard, le demandeur invoque les facteurs énoncés dans l’arrêt Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) [Baker], [1999] ACS nº 39, en ce qui a trait à l’évaluation du niveau d’obligation qui s’impose dans les circonstances. Parmi les facteurs dont il y a lieu de tenir compte, mentionnons : a) la nature de la décision recherchée et le processus suivi pour y parvenir, b) la nature du régime législatif et les termes de la loi régissant l’organisme, c) l’importance de la décision pour les personnes visées, d) les attentes légitimes de la personne qui conteste la décision, et e) les attentes légitimes de la personne qui conteste la décision.

[52] Le demandeur concède que les conclusions dans les décisions Lum et Wojcik donnent à penser qu’il existe un faible droit à l’équité procédurale en ce qui concerne les décisions du directeur général portant sur l’habilitation de sécurité. Néanmoins, il soutient que, en l’espèce, le contexte exige que le droit à l’équité procédurale soit de moyen à élevé en raison de l’importance de la décision pour lui et des choix de procédure faits par la DGI.

[53] Le demandeur fait valoir que son épouse et lui ont investi plus de 2 millions de dollars dans Nova Grow pendant tout ce processus sur une période d’environ cinq (5) ans. Par conséquent, la décision a eu une forte incidence sur tous les aspects de leur vie. Le demandeur cherche à faire une distinction entre sa situation et les faits de l’affaire Henri c Canada (Procureur général), 2014 CF 114 [Henri]. Il fait valoir que l’importance de la décision pour lui va bien au-delà de la simple perte d’emploi. D’une part, compte tenu des investissements importants effectués dans l’entreprise, la décision causerait des années de perte en capitaux pour le demandeur. D’autre part, après une perte d’emploi, comme c’était le cas dans l’affaire Henri, la personne en question peut toujours aller travailler ailleurs.

[54] De plus, le demandeur soutient que, comme la Loi sur le cannabis et son Règlement ne permettent pas d’instruire un appel ou des requêtes, un degré important d’équité procédurale doit être offert, au vu de l’importance de la décision. Je ne souscris pas à cet argument.

[55] Tout d’abord, la DGI ne disposait d’aucune preuve à l’appui de la position du demandeur. Enfin, le demandeur n’a cité aucun précédent à l’appui d’une telle position. En fait, la jurisprudence de notre Cour laisse entendre le contraire.

[56] Dans l’affaire Lum, l’entreprise du demandeur avait acheté, pour 2,9 millions de dollars, une propriété en vue d’y produire du cannabis. L’entreprise a ensuite investi 1,1 million de dollars de plus dans le projet. La juge Strickland a néanmoins conclu, en souscrivant à la décision Henri, que l’obligation d’équité se situait au bas de l’échelle et que les garanties procédurales liées au processus pouvant mener à l’annulation d’une habilitation de sécurité se limitent au droit de connaître les faits avancés et le droit de présenter des observations sur ces faits.

[57] Je prends acte des graves répercussions de la décision sur le demandeur, mais il n’en demeure pas moins que, comme l’a expliqué le juge Michael Phelan aux paragraphes 35 et 36 de la décision Wojcik : « l’habilitation de sécurité est un privilège, et non pas un droit[...] [et] la nécessité d’assurer la sécurité nationale l’emporte sur les répercussions du refus d’une habilitation de sécurité sur l’emploi ou la vie personnelle d’une personne ».

[58] Le demandeur n’a pas démontré qu’il existe des raisons de s’écarter des conclusions énoncées dans les décisions Lum et Wojcik ou de les réexaminer, conclusions selon lesquelles l’obligation d’équité procédurale envers un demandeur d’habilitation de sécurité est faible.

(2) La question de savoir si l’obligation d’équité a été respectée

[59] Le demandeur soutient que l’un des deux motifs pour lesquels le DGI a pris la décision de ne pas lui délivrer une habilitation de sécurité était qu’il possédait illégalement du cannabis volé de l’entrepôt. Selon le demandeur, une telle allégation à son endroit n’était pas claire ni dans la VDEL ni dans l’avis.

[60] Le demandeur rappelle que, dans toutes ses réponses à la DGI, il a affirmé que ses entreprises se concentraient uniquement sur les produits [traduction] « pour fumer et pour vapoter » et non pas sur le cannabis en soi. Tout en réaffirmant avoir précisé qu’il ne possédait pas du cannabis illégalement à l’entrepôt, il fait valoir qu’il aurait pu présenter d’autres éléments de preuve ou observations à ce sujet s’il avait été précisé qu’il s’agissait d’un des motifs du refus.

[61] De plus, le demandeur soutient que la DGI n’a jamais mentionné que l’un des motifs du refus était la possession illégale de cannabis – autre que ce qu’il qualifie de [traduction] « fausses allégations d’exploitation d’un dispensaire illégal de cannabis ». Le demandeur affirme qu’il n’était pas du tout clair qu’il devait présenter des éléments de preuve pour réfuter l’allégation de possession illégale de cannabis pour l’incident du 3 décembre 2017.

[62] De plus, selon le demandeur, ce point n’a pas été traité dans la lettre visant à obtenir des renseignements supplémentaires de sa part. Le demandeur soutient que la DGI ne l’a pas averti de ce motif précis qui était pris en compte dans le refus d’accorder l’habilitation de sécurité.

[63] Il s’agit d’arguments sans fondement.

[64] L’avis donné au demandeur comporte une longue liste détaillée des incidents qui étaient à l’origine de l’intention du refus. De plus, les facteurs les plus pertinents pour ce qui est de l’opinion de la DGI ont été expliqués, soit le fait que le demandeur présentait un risque inacceptable pour la santé ou la sécurité publiques, notamment le risque de détournement du cannabis vers un marché ou pour une activité illicites.

[65] Le demandeur était clairement au courant de la preuve contre lui quant à l’incident survenu à l’entrepôt le 3 décembre 2017 et de l’importance de l’allégation relative aux [traduction] « produits du cannabis volés ». Tout d’abord, l’incident a été suffisamment décrit dans l’avis. Ensuite, le demandeur a donné la réponse suivante : [traduction] « oui, ils ont volé des produits d’une valeur d’environ 80 000 $, comme des pipes à eau, des pipes, du liquide et des dispositifs de vapotage, des produits du chanvre […] mais pas de cannabis, seulement des produits pour fumer du cannabis ». Il ressort clairement de la réponse du demandeur qu’il savait que le vol de cannabis à l’entrepôt était l’une des raisons pour lesquelles la DGI avait l’intention de refuser l’habilitation.

[66] De plus, parmi les conclusions préliminaires de la DGI qui sont énoncées dans l’avis, on retrouve celle selon laquelle, compte tenu de sa : [traduction] « participation récente et directe à l’exploitation d’un dispensaire de cannabis illégal, [le demandeur se trouve] dans une situation visée au sous-alinéa 53(2)b)(i) et à l’alinéa 53(2)d) du Règlement ».

[67] Le demandeur laisse maintenant entendre qu’il aurait pu présenter plus d’éléments de preuve ou d’observations pour réfuter ces allégations. Or, rien dans le dossier dont je dispose ne démontre que le demandeur avait quelque chose d’autre à ajouter. Quoi qu’il en soit, il devait faire de son mieux lors de la présentation de sa demande. Au vu de son déni total, la DGI n’était pas obligée de réunir ou chercher d’autres éléments de preuve ni de demander d’autres renseignements.

[68] Le demandeur soutient également que la décision est fondée sur des faits importants qu’il n’a pas eu l’occasion de réfuter. Il se réfère notamment aux réponses données par la SFS aux demandes de renseignements de la DGI qui ne lui ont pas été communiquées avant la prise de la décision.

[69] Je ne vois pas en quoi les questions et réponses de suivi étaient injustes pour le demandeur. Il semble plutôt que la DGI, en posant des questions supplémentaires, a simplement agi avec diligence raisonnable et a vérifié les faits. Il est en quelque sorte ironique que le demandeur s’en plaigne, étant donné qu’il insiste sur le fait que la DGI avait le devoir d’examiner et de remettre en question l’information.

[70] Je conviens avec le défendeur qu’il n’y avait rien de nouveau dans les renseignements transmis par la SFS. L’avis avait informé le demandeur de plusieurs incidents relevés par des vérifications de dossiers ayant trait à Nova Budds : [traduction] « un magasin vous appartenant, situé au 65, chemin Mapleton, à Moncton ». Le demandeur a déjà nié être propriétaire du magasin. Il n’a jamais affirmé qu’il y avait un autre dispensaire au 65, chemin Mapleton et il a nié en être propriétaire. La DGI ne faisait que mettre les points sur les i et les barres sur les t.

[71] Les allégations du demandeur au sujet de l’équité procédurale sont également difficiles à concilier avec l’approche détournée qu’il a adoptée : il a refusé d’envoyer un exemplaire du contrat d’achat de l’immeuble du 65, chemin Mapleton, qui avait été demandé et, plus tard, a envoyé un courriel pour dire que les renseignements supplémentaires demandés n’étaient pas pertinents.

(3) L’obligation d’enquêter

[72] Enfin, je conviens avec le défendeur qu’il n’existait pas d’obligation d’enquêter sur la théorie du demandeur quant à la raison pour laquelle les accusations portées contre lui ont été abandonnées, ni d’effectuer diverses tâches d’enquête qui, selon le demandeur, étaient de la responsabilité de la directrice générale.

[73] Selon le demandeur, la DGI aurait dû prendre des mesures supplémentaires pour obtenir de l’information et de la documentation sur les incohérences relevées dans les rapports de la VDEL, comme communiquer avec le procureur de la Couronne, ou examiner les décisions ou les transcriptions des procédures judiciaires pour étayer ou réfuter l’allégation selon laquelle le demandeur exploitait le dispensaire concerné par la possession illégale de cannabis.

[74] Un argument semblable a été soulevé et rejeté dans l’affaire Lum. La juge Strickland a conclu que le directeur général avait le droit de s’appuyer sur le rapport de la VDEL, qu’il n’était pas obligé de mener des recherches indépendantes pour en vérifier le contenu, et que l’obligation d’équité procédurale ne l’obligeait pas à vérifier le rapport de la VDEL. Cette conclusion, que j’adopte, reflète le raisonnement de la Cour fédérale dans la décision Del Vecchio c Canada (Procureur général), 2017 CF 696, au para 21 :

[21] Dans le cadre de ce processus, le ministre doit s’appuyer sur des renseignements fournis par des organismes d’exécution de la loi comme la GRC (Sidhu c Canada (Procureur général), 2016 CF 891, au paragraphe 19; Henri c Canada (Procureur général), 2014 CF 1141, au paragraphe 40 [Henri CF], confirmé par 2016 CAF 38). Le ministre peut se fier aux renseignements fournis par la GRC sans enquêter sur le contenu de ces rapports ni les vérifier. Les renseignements peuvent être utilisés même s’ils constituent du ouï‑dire et qu’ils n’ont pas été contre-vérifiés (Mangat, au paragraphe 54; Henri CF, au paragraphe 40). Il incombe à celui qui veut obtenir une habilitation de sécurité de dissiper les préoccupations du ministre.

[75] Par ailleurs, cette décision a également été confirmée par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Del Vecchio c Canada (Procureur général), 2018 CAF 168.

[76] Pour les motifs qui précèdent, je conclus que la DGI s’est non seulement acquittée de son obligation d’équité procédurale à l’égard du demandeur, mais qu’elle l’a aussi excédée.

B. Le caractère raisonnable

[77] Le demandeur soutient que la décision est déraisonnable, parce qu’elle n’était pas justifiable eu égard à la preuve et que les conclusions étaient irrationnelles. Il affirme qu’aucun élément de preuve ne prouve qu’il pose un risque pour la sécurité aux termes du sous-alinéa 53(2)b)(i) et de l’alinéa 53(2)d) du Règlement. Or, ces arguments passent complètement à côté de la question.

[78] Il n’incombait pas à la DGI de prouver quoi que ce soit au moment de traiter la demande du demandeur. Au contraire, il incombait au demandeur qui veut obtenir une habilitation de sécurité de dissiper les préoccupations du ministre.

[79] Pour refuser une habilitation de sécurité, le Règlement exige seulement la conclusion qu’il y a des « motifs raisonnables » de « soupçonner » ou de « croire » que le demandeur a participé ou contribué aux facteurs énoncés au paragraphe 53(2). Cette norme est bien inférieure à celle qui est exigée pour prononcer un verdict de culpabilité dans le cas d’une infraction criminelle. Elle est même inférieure à la norme des motifs raisonnables pour porter des accusations relativement à une infraction. Au paragraphe 27 de l’arrêt R c Chehil, 2013 CSC 49, la Cour suprême du Canada a expliqué que les motifs raisonnables de soupçonner évoquent « la possibilité — plutôt que la probabilité — raisonnable d’un crime » et a prévenu que, lorsqu’il applique la norme des soupçons raisonnables, le juge siégeant en révision doit éviter de la confondre avec la norme plus exigeante des motifs raisonnables et probables.

[80] En ce qui concerne l’introduction par effraction dans l’entrepôt et le vol du 3 décembre 2017, la décision explique que le demandeur n’a pas présenté suffisamment d’éléments de preuve pour appuyer son affirmation selon laquelle il n’y a pas eu de vol de cannabis. Le demandeur laisse entendre que la mention [traduction] « des produits de vapotage et du cannabis » dans la VDEL pouvait être interprétée de deux façons différentes. Elle pourrait désigner la [traduction] « marihuana » et les [traduction] « produits de vapotage » comme étant des éléments distincts, ou bien, [traduction] « marihuana et vapotage » pourraient être des qualificatifs de [traduction] « produits ». Le demandeur soutient que cette dernière interprétation est conforme à l’explication qu’il a donnée dans son courriel du 17 mai 2020, où il a affirmé qu’il n’y avait pas de cannabis dans cet entrepôt, ainsi qu’à son affirmation cohérente selon laquelle il avait seulement entreposé et vendu des produits en lien avec le cannabis et non pas du cannabis lui-même.

[81] Il n’en demeure pas moins qu’il était raisonnablement loisible à la DGI de lire le rapport et de conclure que du cannabis, et non pas seulement des accessoires pour la consommation de drogues, avait été volé à l’entrepôt. L’incident à l’entrepôt ne pouvait pas être dissocié des autres rapports de vols, des activités non autorisées liées au cannabis et des saisies de cannabis préemballé pour la vente à l’autre immeuble appartenant au demandeur, où il a été désigné comme étant la personne responsable des acquisitions, des achats et de la vente de produits.

[82] La décision explique que le demandeur a reconnu être le propriétaire de Nova Budds au 65, chemin Mapleton et qu’il a déclaré avoir exploité une boutique de produits de vapotage et de tabac à cette adresse de novembre 2016 à mai 2018, et qu’un dispensaire était exploité à cet endroit pendant la même période. Le demandeur n’avait pas présenté d’éléments de preuve pour démontrer que le dispensaire était un commerce distinct de Nova Budds. Il s’est limité à simplement le nier.

[83] La décision a également souligné que la vente et la possession non autorisées de cannabis pour la vente sont illégales en vertu de la Loi sur le cannabis, et qu’elles étaient illégales sous le régime de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, LC 1996, c 19. La décision a expliqué que les événements étaient récents et graves, étant donné qu’ils emportaient notamment la participation ou la contribution aux activités d’un dispensaire de cannabis, ce qui pose un risque pour l’intégrité du cadre législatif régissant la distribution de cannabis.

[84] La DGI avait parfaitement le droit de tenir compte de l’ensemble des circonstances et de préférer les éléments de preuve recueillis auprès de la police aux dénégations et aux explications du demandeur : Lorenzen c Canada (Procureur général), 2014 CF 273 au para 34. Il n’était certainement pas déraisonnable de la part de la DGI de soupçonner ou de croire que le demandeur avait participé ou contribué à une infraction liée au cannabis à titre de propriétaire de Nova Budds, compte tenu du nombre d’incidents graves signalés dans la VDEL et des explications défensives et douteuses du demandeur.

[85] La décision explique que, étant donné que le rapport de la police relevait que le demandeur était le propriétaire de Nova Budds, un dispensaire qui a mené des activités non autorisées liées au cannabis, la DGI était d’avis qu’il se trouvait dans une situation visée par l’alinéa 53(2)d) du Règlement. À la lumière des éléments de preuve, il était donc raisonnable que la DGI croie que [traduction] « les activités du demandeur, notamment ses activités financières, présentent un risque pour l’intégrité du contrôle de la production et de la distribution du cannabis sous le régime de la Loi ».

[86] Je conviens avec le défendeur que le fait que le demandeur n’ait pas été déclaré coupable des accusations de trafic n’était pas déterminant. La DGI s’est appuyée sur des renseignements de la police, qui contenaient des renseignements généraux portant que le demandeur et celui qui est maintenant son ancien partenaire d’affaires n’avaient pas d’habilitation au titre du Règlement sur l’accès à la marihuana à des fins médicales ou du RACFM; que le demandeur était le propriétaire et la personne responsable de l’acquisition, des achats et de la vente de produits chez Nova Budds, et que la saisie comprenait des produits comestibles, des accessoires, de la marihuana séchée et de l’huile qui étaient préemballés pour la vente et avaient une valeur de 45 424 $. Ces renseignements faisaient aussi état d’un examen des registres, selon lequel dans les deux jours précédents, le dispensaire avait vendu des produits de la marihuana d’une valeur de 20 427,08 $. La DGI a expliqué qu’elle jugeait le rapport de police fiable et que le demandeur n’avait pas présenté suffisamment d’éléments de preuve pour démontrer que les renseignements étaient erronés.

[87] De plus, le fait que la GRC ne connaissait pas la raison de l’abandon des chefs d’accusation n’est pas pertinent en l’espèce. La décision explique la préoccupation de la DGI selon laquelle, en obtenant une habilitation de sécurité, le demandeur pourrait adopter une conduite semblable à celle décrite par les vérifications ou toute autre conduite qui présenterait un risque pour la santé ou la sécurité publiques. D’après les explications contenues dans la décision, les observations du demandeur n’ont pas dissipé les préoccupations de la DGI. Celle-ci était d’avis que le demandeur présentait un risque inacceptable pour la santé ou la sécurité publiques, notamment le risque que le cannabis soit détourné vers un marché ou pour une activité illicites.

VIII. Conclusion

[88] La décision donne une justification claire et intelligible. Elle explique l’examen des faits au vu des facteurs prévus par la loi et ce qui a amené la DGI à conclure que, en vertu au paragraphe 53(1) du Règlement, le demandeur ne pouvait pas obtenir une habilitation de sécurité. Il appert d’un examen holistique et contextuel des motifs que ceux-ci présentent les caractéristiques du caractère raisonnable : Vavilov aux para 97 et 99.

[89] Pour les motifs précédents, je conclus que le demandeur n’a pas démontré que la décision était déraisonnable.

[90] À la fin de l’audience, les parties ont convenu que chaque partie devrait assumer ses propres frais. Eu égard aux circonstances, la demande est rejetée, et aucuns dépens ne sont adjugés.

 


JUGEMENT dans le dossier T-147-21

LA COUR ORDONNE :

  1. L’intitulé de la cause est modifié immédiatement, en retirant [traduction] « Todd Cain, à titre de directeur général de la Direction générale des substances contrôlées et du cannabis de Santé Canada » des défendeurs.

  2. Les paragraphes 6, 8, 9, 10, 12, 13, 17 et 26 à 31 de l’affidavit du demandeur sont radiés.

  3. La demande de contrôle judiciaire est rejetée et aucuns dépens ne sont adjugés.

vide

« Roger R. Lafreniѐre »

vide

Juge

Traduction certifiée conforme

M. Deslippes


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-147-21

 

INTITULÉ :

EVERETT RODGER STUCKLESS c LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 23 AOÛT 2021

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE LAFRENIÈRE

 

DATE DES MOTIFS ET DU JUGEMENT :

LE 12 OCTOBRE 2021

 

COMPARUTIONS :

Derek B. Brett

 

Pour le demandeur

 

Jan Jensen

 

Pour les défendeurs

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Burnside Law Group

Dartmouth (Nouvelle-Écosse)

 

Pour le demandeur

 

Procureur général du Canada

Halifax (Nouvelle-Écosse)

 

Pour les défendeurs

 

 

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