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Date : 20020509

Dossier : IMM-3727-00

Référence neutre : 2002 CFPI 533

OTTAWA (ONTARIO), le jeudi 9 mai 2002

EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE DAWSON

ENTRE :

                                                          LOREDANA RITA NOVAC

                                                                                                                                                  demanderesse

                                                                              - et -

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                        défendeur

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE DAWSON

[1]                 La seule question en litige dans cette demande de contrôle judiciaire est celle de savoir si l'agent des visas a agi de façon inéquitable ou déraisonnable lorsqu'il a rejeté la demande de résidence permanente présentée par Mme Novac sans informer cette dernière du fait que le bureau des visas n'avait pas réussi à communiquer avec son employeur pour vérifier ses antécédents professionnels.

[2]                 Mme Novac et son époux ont été interrogés le 16 novembre 1999 en rapport avec leur demande de résidence permanente. Mme Novac a été évaluée dans la catégorie de cuisinière, dans la Classification canadienne descriptive des professions (CCDP) no 6121126. Les notes du Système de traitement informatisé des dossiers d'immigration contiennent les mentions suivantes :

[Traduction] 16-nov.-1999

Épouse - École technique - Transformation du bois. N'a jamais travaillé dans ce domaine. A suivi un cours d'apprentie-cuisinière de six mois. A en sa possession un certificat qui semble vraiment avoir été fait par elle mais je l'ai bien regardé et elle dit que c'est ce qu'elle a reçu et, d'une certaine façon, je suis porté à la croire. [...] Elle déclare travailler dans un restaurant. Je lui ai demandé le nom du restaurant. Elle a hésité et m'a ensuite montré la lettre de référence qu'elle a amenée avec elle. Je lui ai demandé si le restaurant était grand - pas grand. Combien de tables - hésitation. Je repose la question et elle répond maintenant 18. Combien de gens servez-vous le samedi midi - pas de réponse. Qu'est-ce que vous cuisinez? Des oeufs, des pizzas, des sandwiches. Quel genre de cuisine avez-vous apprise? ... Française, roumaine? Roumaine, affirma-t-elle. Quels sont les plats roumains typiques? Pas de réponse. Incapable de décrire un plat typique.

[...]

OK acceptée comme cuisinière - à cause des points. Ses parents et son frère l'aideront à son arrivée. Les fonds sont en transit et je veux vérifier sa référence avant de me prononcer sur sa demande

[...]

23-déc.-1999

J'ai appelé le numéro mentionné dans la lettre de référence provenant de S.C. Banatean-Com de Deva. Ce n'était pas l'entreprise Banatean, un homme a répondu. J'ai refait deux fois le numéro et il m'a affirmé qu'il était exact mais que c'était un numéro privé. Il habite à Suceava, une localité très éloignée de Deva.

J'ai également remarqué que la lettre de référence mentionne qu'elle a travaillé (passé composé) pour cette compagnie. Elle ne mentionne pas si elle y travaille encore.


Préparé G11 en demandant l'adresse exacte, le numéro de téléphone, le nom du superviseur à son lieu de travail actuel et une copie du carnet de munca (toutes les pages).

15-fév.-2000

Signé

16-fév.-2000

Et envoyé

16-fév.-2000

Reçu D7 signé, lettre de référence, copie du livret de travail.

29-mar.-2000

Cela fait maintenant plus de deux semaines que je compose le numéro du « Banatean Com Srl » , à des heures différentes, mais personne ne répond au téléphone.

15-mai-2000

J'ai encore essayé d'appeler : personne ne répond au téléphone.

22-mai-2000

Encore une fois, personne n'a répondu.

25-mai-2000

Encore pas de réponse. Il est étrange que la demanderesse nous ait donné un numéro auquel personne ne répond.

Nous fournir directives sur la suite à donner à ce dossier. Merci.

[...]

05-juin-2000

Je crois pouvoir dire que la référence n'a rien donné. À l'agent qui a effectué l'entrevue de prendre la décision.


16-juin-2000

Demande rejetée parce que la demanderesse n'a pas démontré qu'elle possédait au moins un an d'expérience à temps plein dans le poste de cuisinière. Nous avons vérifié les renseignements qu'elle nous avait fournis à deux reprises et cela ne concorde pas. Ai examiné mes notes d'entrevue et cela est conforme au comportement qu'elle a eu lorsque je l'ai interrogée. Je ne suis pas convaincu qu'elle possède l'expérience qu'elle affirme posséder = refus

[3]                 Dans la lettre de refus, l'agent des visas écrit :

[Traduction] En outre, le paragraphe 11(1) du Règlement sur l'immigration énonce qu'un agent des visas ne peut délivrer un visa à un immigrant si celui-ci n'a pas gagné au moins un point pour le facteur « expérience » . Vous n'avez pas établi que vous possédiez au moins un an d'expérience à temps plein, ou l'équivalent, dans le poste de cuisinière. Il m'est par conséquent impossible de vous attribuer des points d'appréciation pour le facteur « expérience » .

J'en suis arrivé à cette conclusion en me basant sur les renseignements que vous avez fournis dans votre demande et au cours de l'entrevue. Plus précisément, j'ai tenu compte de votre lettre de référence concernant votre travail au restaurant « Banatean com srl » . J'ai vérifié les renseignements contenus dans cette lettre et les résultats indiquent qu'il n'existe pas de restaurant au numéro de téléphone indiqué. Nous vous avons demandé de nous fournir l'adresse exacte, le numéro de téléphone et le nom de votre superviseur chez votre employeur actuel ainsi qu'une copie de votre carnet de munca (toutes les pages) dans notre lettre du 15 février 2000. Vous avez fourni les renseignements demandés dans une lettre que nous avons reçue le 29 mars 2000. Nous avons vérifié à plusieurs reprises et à des heures différentes de la journée les renseignements que vous avez fournis, pendant plus de deux semaines, et personne n'a répondu au téléphone.

Manifestement, vous avez fourni des documents faux ou trompeurs à l'appui de votre demande, et je ne peux me fonder sur les documents que vous avez présentés. Ces faux renseignements portent sur un fait pertinent et important (votre expérience en qualité d'ingénieur en aéronautique) et je vous ai par conséquent attribué zéro point pour le facteur « expérience » .

[4]                 La référence à la profession d'ingénieur en aéronautique est tout simplement une erreur et je suis convaincue qu'elle n'a pas eu de conséquence.

[5]                 D'après les preuves présentées, Mme Novac affirme que, si elle avait su que l'agent des visas entretenait des doutes au sujet de la lettre de référence de son employeur, elle aurait pu fournir des renseignements supplémentaires de façon à répondre aux questions que se posait l'agent des visas.

[6]                 Il est bien établi que l'agent des visas n'est aucunement tenu de faire savoir à mesure au demandeur les questions que soulève chaque réponse fournie par le demandeur mais il est bien établi que lorsqu'un agent des visas pose des questions pertinentes, mais il est néanmoins tenu de donner au demandeur l'occasion de corriger ou de contredire tout renseignement pertinent défavorable qui est communiqué à l'agent des visas. Voir, par exemple, Muliadi c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1986] 2 C.F. 205 (C.A.F.).

[7]                 Je retiens l'argument de l'avocat du ministre selon lequel Mme Novac aurait dû déduire du fait qu'on lui demandait de fournir le nom et le numéro de téléphone de son superviseur que l'on vérifierait l'exactitude des éléments mentionnés dans sa lettre de référence mais l'équité exigeait qu'avant de se prononcer sur la demande, l'agent des visas informe Mme Novac qu'il n'avait pas réussi à rejoindre son employeur de façon à lui donner l'occasion de fournir des explications et de nouveaux renseignements.


[8]                 J'en suis arrivée à cette conclusion en tenant compte du fait que la cour doit éviter d'imposer des formalités qui, compte tenu du nombre des demandes de visas, auraient pour effet d'entraver le fonctionnement de l'administration. Néanmoins, l'agent des visas aurait dû informer Mme Novac que le bureau des visas n'avait pas réussi à communiquer avec son employeur comme c'est la pratique dans certains bureaux de visas, ainsi que le montrent certains arrêts comme Liu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 1663 (1re inst.).

[9]                 En outre, étant donné que le bureau des visas n'a pu communiquer avec l'employeur par téléphone (dans le sens que personne n'a répondu au téléphone et non pas parce que le numéro n'existait pas ou n'était plus attribué à un abonné), l'agent des visas a rejeté d'autres preuves documentaires, notamment le carnet de munca délivré par le gouvernement qui contenait des détails sur l'expérience de Mme Novac en qualité de cuisinière. Je trouve qu'il est déraisonnable d'avoir écarté un document officiel pour ce motif, sans avoir vérifié davantage la situation et alors qu'aucun doute n'a été émis au sujet de l'authenticité du document.

[10]            Il a été soutenu, pour le compte du ministre, que Mme Novac avait le fardeau de fournir suffisamment de preuves pour convaincre l'agent des visas qu'elle possédait l'expérience en question, qu'elle ne s'est pas acquittée de ce fardeau et n'a pas pris les mesures qui s'imposaient pour faciliter la communication entre l'agent des visas et son employeur.

[11]            Il est vrai que le fardeau d'établir son expérience incombait à Mme Novac. Néanmoins, ce fardeau ne relevait pas l'agent des visas de son obligation d'agir de façon équitable.

[12]            Ces erreurs justifient l'intervention de la cour et la demande de contrôle judiciaire sera accueillie selon les conditions énumérées ci-dessous.

[13]            La cour n'a pas été invitée à certifier une question.

                                           ORDONNANCE

[14]            LA COUR ORDONNE :

1.      Il est fait droit àla demande de contrôle judiciaire et la décision de l'agent des visas de l'ambassade du Canada à Vienne (Autriche), datée du 16 juin 2000, est par les présentes annulée.

2.     La demande est renvoyée à un autre agent des visas pour nouvel examen à la lumière des critères en vigueur au moment de la réception de la demande de résidence permanente, et plus particulièrement, à la lumière de la CCDP.

  

                                                                            « Eleanor R. Dawson »           

                                                                                                             Juge                         

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                          COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

    

DOSSIER :                                                     IMM-3727-00

INTITULÉ :                                                    Loredana Rita Novac et le Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration

LIEU DE L'AUDIENCE :                           Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                          Le 29 avril 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                   MADAME LE JUGE DAWSON

DATE DES MOTIFS :                                  Le 9 mai 2002

  

COMPARUTIONS :

Mme Chantal Desloges                                                               POUR LA DEMANDERESSE

Mme Carol Chandran                                                                 POUR LE DÉFENDEUR

  

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Green and Spiegel                                                                  POUR LA DEMANDERESSE

Avocats

  

M. Morris Rosenberg                                                              POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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