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Date : 19990505


Dossier : T-246-98

OTTAWA (ONTARIO), LE MERCREDI 5 MAI 1999

DEVANT MONSIEUR LE JUGE LEMIEUX

ENTRE


TODD SHAW,


demandeur,


et


SA MAJESTÉ LA REINE,


défenderesse.


O R D O N N A N C E

     Pour les motifs énoncés, la requête en jugement sommaire de la défenderesse est rejetée.

                             François Lemieux
                                     J U G E

Traduction certifiée conforme

L. Parenteau, LL.L.



Date : 19990505


Dossier : T-246-98

ENTRE


TODD SHAW,


demandeur,


et


SA MAJESTÉ LA REINE,


défenderesse.


MOTIFS DE L"ORDONNANCE

LE JUGE LEMIEUX

A.      LA REQUÊTE EN JUGEMENT SOMMAIRE

[1]      Le 22 février 1999, la défenderesse a déposé un avis de requête devant la Cour en vertu de l"article 369 des Règles de la Cour fédérale (1998), DORS/98-106 (les Règles), en vue d"obtenir un jugement sommaire en vertu du paragraphe 213(2) des Règles, rejetant la déclaration du demandeur pour le motif qu"elle ne révèle pas de véritable question litigieuse. À ce moment-là, le demandeur était incarcéré dans un pénitencier fédéral et, dans cette instance, il agissait pour son propre compte.

[2]      À l"appui de la requête, la défenderesse a déposé l"affidavit de Jean-Marc Trudeau, directeur régional de la Commission nationale des libérations conditionnelles (la Commission) au Québec.

[3]      Dans son affidavit, qui était rédigé en français et qui a été fait sous serment le 19 février 1999, M. Trudeau a essentiellement déclaré ce qui suit :

     a)      le demandeur est admissible à la libération conditionnelle totale depuis le 9 septembre 1994;
     b)      la Commission a entendu le demandeur pour la première fois le 23 août 1996, après que ce dernier eut demandé à plusieurs reprises l"ajournement de l"audience;
     c)      auparavant, en mars 1996, le demandeur avait présenté une demande à la Commission en vue d"obtenir une libération conditionnelle totale et la semi-liberté;
     d)      le 23 août 1996, la Commission a accordé la semi-liberté au demandeur;
     e)      l"enregistrement sur cassette de l"audience que la Commission a tenue le 23 août 1996 est inaudible et il n"est donc pas possible de déterminer si, pendant l"audience, la Commission a examiné la demande que le demandeur avait présentée en vue d"obtenir la semi-liberté et une libération conditionnelle totale;
     f)      le demandeur n"a pas interjeté appel auprès de la Section d"appel de la Commission contre la décision de la Commission de ne pas statuer sur la demande de libération conditionnelle totale.

[4]      Dans son mémoire des faits et du droit, sous la rubrique : " Les faits ", la défenderesse, en se fondant sur l"affidavit de M. Trudeau, affirme ce qui suit :

     a)      en (4), que : [TRADUCTION] " [L]ors de l"audience du 23 août 1996, on a uniquement parlé de la question de savoir si la semi-liberté devait être accordée au demandeur, laquelle a été accordée ";
     b)      en (5), que : [TRADUCTION] " [L]e demandeur n"a pas interjeté appel auprès de la Section d"appel contre la décision de la CNLC. "
B.      MOTIFS SUR LESQUELS LA REQUÊTE EN JUGEMENT SOMMAIRE EST FONDÉE

[5]      La défenderesse invoque deux arguments à l"appui de la thèse selon laquelle la déclaration du demandeur ne soulève pas de véritable question litigieuse :

     a)      Selon la défenderesse, la déclaration du demandeur vise fondamentalement à l"obtention d"une réparation par suite de la décision ou de l"inaction de la Commission à l"égard de l"obligation légale qui incombe à celle-ci d"examiner la demande de libération conditionnelle totale du demandeur. Selon la défenderesse, pareille réparation peut uniquement être accordée au moyen d"un contrôle judiciaire avant que des dommages-intérêts soient demandés, sous réserve d"une autre condition, à savoir l"existence d"une procédure interne d"appel, qui existe selon la défenderesse, mais qui n"a pas été suivie.
     b)      En vertu de l"article 154 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition , L.C. 1992, ch. 20 (la Loi), la Commission bénéficie de l"immunité en matière civile pour les actes accomplis et des énonciations faites de bonne foi dans l"exercice effectif ou censé tel de ses pouvoirs et fonctions. La défenderesse dit que, dans sa déclaration, le demandeur n"allègue pas la négligence ou la mauvaise foi.
C.      LES ACTES DE PROCÉDURE
     (1)      La déclaration

[6]      Dans la déclaration qu"il a déposée le 13 février 1998, le demandeur allègue ce qui suit :

     a)      il a demandé la libération conditionnelle totale et la semi-liberté en mars 1996; il a été avisé que son cas serait entendu en septembre 1996, tant en ce qui concerne la libération conditionnelle totale que la semi-liberté; la Commission a ensuite décidé de tenir l"audience relative à la semi-liberté au mois d"août 1996;
     b)      la Commission n"a examiné la demande de libération conditionnelle totale que lorsque le demandeur a présenté une nouvelle demande ou s"est de nouveau informé, après que sa semi-liberté eut été révoquée en janvier 1997;
     c)      le demandeur a porté l"affaire à l"attention de l"agent de liberté conditionnelle en septembre 1996 [TRADUCTION] " lorsqu"il s"est rendu compte que son droit légal à une audience, en ce qui concerne la libération conditionnelle totale, lui avait été dénié ";
     d)      l"agent de liberté conditionnelle a communiqué avec la Commission au moment où le demandeur était sur le point de retenir les services d"un avocat pour s"occuper de l"affaire;
     e)      l"agent de liberté conditionnelle a dit au demandeur que la Commission avait fait savoir qu"il n"avait pas légalement droit à une audience, en ce qui concerne la libération conditionnelle totale, à la suite de quoi le demandeur a eu plusieurs discussions avec l"agent de liberté conditionnelle à ce sujet;
     f)      le demandeur a obtenu un emploi qui l"obligeait à se déplacer partout dans le nord de la Colombie-Britannique et une libération conditionnelle totale lui aurait permis de travailler et de devenir de nouveau un contribuable;
     g)      la Commission avait légalement le droit de ne pas accorder une libération conditionnelle totale, mais elle avait l"obligation légale d"accorder un examen;
     h)      le demandeur s"est vu dénier son droit légal à une audience, à l"égard de la libération conditionnelle totale, et l"agent de liberté conditionnelle a refusé de lui accorder le privilège de travailler;
     i)      le demandeur a été atteint de troubles émotifs et il a recommencé à utiliser des drogues; la semi-liberté a été suspendue et révoquée parce que le demandeur utilisait des drogues et parce qu"il avait des troubles émotifs;
     j)      la Commission a continué à dénier au demandeur son droit légal à une audience relativement à la libération conditionnelle totale;
     k)      la Commission n"a pas ajourné l"audience, et n"a pas accordé d"audience au demandeur, comme le prescrivait la loi; il ne s"agissait pas d"un oubli, même après que le demandeur eut porté l"affaire à l"attention du personnel du Service correctionnel du Canada et de la Commission, ceux-ci ayant continué à refuser de lui rendre justice;
     l)      en ce qui concerne la cause d"action, M. Shaw invoque les articles 7 et 24 de la Charte canadienne des droits et libertés , qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada 1982, ch. 11, (R.-U.) ainsi que l"article 123 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition et l"article 158 du Règlement sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition , DORS/92-620, qui a été pris en vertu de la Loi;
     m)      le demandeur réclame des dommages-intérêts généraux.
     (2)      La défense

[7]      Le 9 juin 1998, la défenderesse a déposé une défense dans laquelle elle alléguait ce qui suit :

     a)      en 1991, le demandeur purgeait une peine de huit ans, quatre mois et trente jours à l"établissement de Drummondville, au Québec, sous huit chefs de vol qualifié, d"utilisation d"une arme à feu et de port d"arme;
     b)      pendant la période pertinente, le demandeur a été incarcéré à l"établissement Mountain, en Colombie-Britannique, aux fins de l"action;
     c)      le demandeur est admissible à la libération conditionnelle depuis le 4 septembre 1994;
     d)      le demandeur a demandé que la date l"audience soit reportée et, le 23 août 1996, il a été entendu pour la première fois;
     e)      à l"audience du 23 août 1996, le demandeur s"est vu accorder la semi-liberté;
     f)      pendant la période pertinente, la défenderesse et ses employés ou agents ont agi conformément aux lois, règles, règlements, directives et lignes directrices applicables, et ont traité le demandeur conformément à ceux-ci;
     g)      l"action du demandeur est fondée sur des présomptions et hypothèses qui ne sont pas fondées en fait ou en droit;
     h)      la défenderesse et ses agents et employés n"ont pas commis de faute et, dans sa déclaration, le demandeur n"a pas allégué de faute;
     i)      la défenderesse réserve son droit de présenter une requête en vue de faire radier la déclaration du demandeur conformément à l"article 221 des Règles de la Cour fédérale (1998) ;
     j)      de toute façon, la réclamation que le demandeur a faite en vue d"obtenir des dommages-intérêts est exorbitante, excessive et trop éloignée.
     (3)      La réponse

[8]      Le demandeur a répondu le 20 juillet 1998 en disant essentiellement ce qui suit :

     a)      le demandeur a obtenu sa semi-liberté à Prince George (Colombie-Britannique) le 4 septembre 1996 et l"audience relative à la libération conditionnelle totale devait avoir lieu à la fin du mois de septembre;
     b)      le demandeur a porté la chose à l"attention de l"agent de liberté conditionnelle, Tracy Davidson;
     c)      Tracy Davidson a appelé au bureau de la région du Pacifique de la Commission et a parlé à Sharon Boyce, qui lui a dit que le demandeur n"avait pas demandé la libération conditionnelle totale et qu"il n"y était admissible qu"à l"expiration d"un délai de six mois à compter de la date d"obtention de la semi-liberté;
     d)      cette déclaration de Sharon Boyce était fausse parce que le demandeur avait demandé la libération conditionnelle totale et que la Commission l"avait informé par écrit qu"une audience serait tenue en septembre 1996, tant en ce qui concerne la question de la libération conditionnelle totale que celle de la semi-liberté;
     e)      à la demande du Service correctionnel du Canada, la Commission a rapproché d"un mois la date de l"audience relative à la semi-liberté et l"audience relative à la libération conditionnelle totale n"a jamais été tenue;
     f)      les actions de la défenderesse étaient illégales et contraires à la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition et à son règlement d"application, qui définissent clairement la semi-liberté et la libération conditionnelle totale comme étant deux genres distincts de libération, donnant lieu à deux genres d"audiences. Le demandeur dit que ces lois sont fort claires, que sa réclamation n"est pas fondée sur des présomptions ou hypothèses et qu"elle n"est pas exorbitante, excessive ou trop éloignée;
     g)      la défenderesse a violé le droit légal que le demandeur avait d"obtenir une audience à la suite de laquelle la libération conditionnelle totale lui aurait peut-être été accordée.
     C.      ANALYSE

[9]      La requête de la défenderesse est fondée sur le paragraphe 213(2) des Règles, qui prévoit que le défendeur peut, avant que la date de l"instruction soit fixée, présenter une requête pour obtenir un jugement sommaire rejetant tout ou partie de la réclamation contenue dans une déclaration. Les articles 213 à 219 des Règles régissent les jugements sommaires. En particulier, l"article 216 se lit comme suit :


216. (1) Where on a motion for summary judgment the Court is satisfied that there is no genuine issue for trial with respect to a claim or defence, the Court shall grant summary judgment accordingly.

(2) Where on a motion for summary judgment the Court is satisfied that the only genuine issue is

a) the amount to which the moving party is entitled, the Court may order a trial of that issue or grant summary judgment with a reference under rule 153 to determine the amount; or

b) a question of law, the Court may determine the question and grant summary judgment accordingly.

216.(1) Lorsque, par suite d"une requête en jugement sommaire, la Cour est convaincue qu"il n"existe pas de véritable question litigieuse quant à une déclaration ou à une défense, elle rend un jugement sommaire en conséquence.

(2) Lorsque, par suite d"une requête en jugement sommaire, la Cour est convaincue que la seule véritable question litigieuse est :

a) le montant auquel le requérant a droit, elle peut ordonner l"instruction de la question ou rendre un jugement sommaire assorti d"un renvoi pour détermination du montant conformément à la règle 153;

(3) Where on a motion for summary judgment the Court decides that there is a genuine issue with respect to a claim or defence, the Court may nevertheless grant summary judgment in favour of any party, either on an issue or generally, if the Court is able on the whole of the evidence to find the facts necessary to decide the questions of fact and law. [emphasis mine]

(4) Where a motion for summary judgment is dismissed in whole or in part, the Court may order the action, or the issues in the action not disposed of by summary judgment, to proceed to trial in the usual way or order that the action be conducted as a specially managed proceeding.

b) un point de droit, elle peut statuer sur celui-ci et rendre un jugement sommaire en conséquence.

(3) Lorsque, par suite d"une requête en jugement sommaire, la Cour conclut qu"il existe une véritable question litigieuse à l"égard d"une déclaration ou d"une défense, elle peut néanmoins rendre un jugement sommaire en faveur d"une partie, soit sur une question particulière, soit de façon générale, si elle parvient à partir de l"ensemble de la preuve à dégager les faits nécessaires pour trancher les questions de fait et de droit. [Je souligne.]

(4) Lorsque la requête en jugement sommaire est rejetée en tout ou en partie, la Cour peut ordonner que l"action ou les questions litigieuses qui ne sont pas tranchées par le jugement sommaire soient instruites de la manière habituelle ou elle peut ordonner la tenue d"une instance à gestion spéciale.

[10]      La défenderesse cite les décisions rendues par cette cour dans les affaires Granville Shipping Co. c. Pegasus Lines Ltd., [1996] 2 C.F. 853 (1re inst.) et Old Fish Market Restaurants Ltd. c. 1000357 Ontario Inc. et al. (1994), 58 C.P.R. (3d) 221 (C.F. 1re inst.) à l"appui de la thèse selon laquelle les règles se rapportant aux jugements sommaires ont pour but d"autoriser la Cour à se prononcer sur les affaires qu"elle n"estime pas nécessaire d"instruire parce qu"il n"existe pas de véritable question litigieuse. La défenderesse dit que la Cour doit fonder sa décision sur les circonstances particulières de l"affaire ainsi que sur le droit et les faits soumis à l"appui de la réclamation ou de la défense.

[11]      Dans la décision Granville, qui se rapportait aux articles 432.1 à 432.7 des anciennes règles de cette cour, Madame le juge Tremblay-Lamer a examiné d"une façon exhaustive la jurisprudence se rapportant aux jugements sommaires et a résumé les principes généraux, aux pages 859 et 860 du recueil.

[12]      La défenderesse ne cite que deux des propositions que le juge Tremblay-Lamer a énoncées dans son résumé. Or, les autres propositions énoncées dans la décision Granville sont pertinentes aux fins du règlement de la requête dont je suis saisi. Il s"agit des propositions suivantes :

     a)      le critère absolu permettant de déterminer s"il existe une véritable question litigieuse consiste à déterminer si le succès de la demande est tellement douteux que celle-ci ne mérite pas d"être examinée par le juge des faits dans le cadre d"un éventuel procès et non si une partie a des chances d"obtenir gain de cause au procès;
     b)      le principe selon lequel, saisie d"une requête en jugement sommaire, la Cour peut trancher des questions de fait et des questions de droit, si les éléments portés à sa connaissance lui permettent de le faire, est lié à la proposition susmentionnée;
     c)      le tribunal ne peut pas rendre le jugement sommaire si l"ensemble de la preuve ne comporte pas les faits nécessaires pour lui permettre de trancher les questions de fait ou s"il estime injuste de trancher ces questions dans le cadre de la requête en jugement sommaire;
     d)      l"existence d"une apparente contradiction de preuves n"empêche pas en soi le tribunal de prononcer un jugement sommaire; le tribunal doit si possible se pencher de près sur le fond de l"affaire.

[13]      Les principes que le juge Tremblay-Lamer a énoncés dans la décision Granville s"appliquent à l"interprétation des articles 215 et 216 des nouvelles règles. (Voir White c. Canada , inédit, T-1152-97, 25 juin 1998, juge Richard (tel était alors son titre)).

[14]      Dans son mémoire des faits et du droit, la défenderesse définit les questions comme suit :

         [TRADUCTION]         
         14. La défenderesse soutient que toutes les questions soulevées dans la présente instance sont des questions de droit. Il s"agit de savoir si la CNLC a outrepassé sa compétence en décidant d"entendre le demandeur à l"égard de la question de la semi-liberté seulement et compte tenu du fait que ce dernier n"avait pas contesté la décision au moyen d"un appel ou d"une demande de contrôle judiciaire, il s"agit également de savoir si en l"absence de mauvaise foi de sa part, la CNLC est tenue de payer des dommages-intérêts dans une action civile en dommages-intérêts;         

PREMIÈRE QUESTION -- Le contrôle judiciaire a priorité sur une action

[15]      Sur ce point, la défenderesse fait le raisonnement suivant :

     a)      La défenderesse admet que le paragraphe 123(1) confère au demandeur le droit à une audience à l"égard de la question de la libération conditionnelle totale, audience que le demandeur a décidé de faire reporter au 23 août 1996;
     b)      La défenderesse admet que, le 23 août 1996, seule l"audience relative à la semi-liberté a été tenue;
     c)      Compte tenu de la déclaration du demandeur, la défenderesse affirme que celui-ci croit que la Commission a outrepassé sa compétence en décidant de ne pas tenir d"audience à l"égard de la question de la libération conditionnelle totale, le 23 août 1996;
     d)      L"alinéa 147(1)e ) de la Loi prévoit que le délinquant peut interjeter appel auprès de la Section d"appel de la Commission pour le motif que la Commission a omis d"exercer sa compétence;
     e)      Le demandeur n"a pas interjeté appel auprès de la Section d"appel contre la décision rendue par la Commission le 23 août 1996;
     f)      Le demandeur aurait dû interjeter appel auprès de la Section d"appel contre la décision du 23 août 1996 en invoquant l"excès de compétence parce que, en vertu du paragraphe 147(4), la Section d"appel aurait pu [TRADUCTION] " renvoyer l"affaire pour nouvelle audition ou simplement rendre une nouvelle décision ";
     g)      La procédure interne d"appel vise à éviter que la Cour soit saisie d"une multitude d"instances. Cela étant, lorsque pareille procédure d"appel existe, il faut la suivre avant de demander le contrôle judiciaire;
     h)      La défenderesse énonce enfin la proposition suivante :
         [TRADUCTION]         
         24.      Lorsque le demandeur cherche fondamentalement à obtenir, en plus de dommages-intérêts, une réparation par suite d"une décision rendue par un office fédéral, il devrait présenter une demande de contrôle judiciaire en vertu des articles 18 et 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale , L.R.C. (1985), ch. F-7, puis s"il a gain de cause, demander des dommages-intérêts. Le demandeur n"a pas interjeté appel contre la décision et n"a pas demandé le contrôle judiciaire, et il tente donc indirectement de faire ce qu"il avait décidé de ne pas faire directement, soit obtenir une audience à l"égard de la libération conditionnelle totale;         
                  Sager c. Canada (1977) 140 F.T.R. 204 (onglet C)         
                  Zubi c. Canada (1993) 71 F.T.R. 168 (onglet D)         

[16]      Le demandeur a répondu à la requête de la défenderesse le 26 février 1999. En particulier, il a contesté comme suit les faits énoncés par la défenderesse, en se fondant sur la preuve documentaire qu"il a produite :

     a)      Il a demandé la liberté conditionnelle totale et la semi-liberté le 15 mars 1996, de sorte que la Commission disposait d"un délai de six mois pour examiner sa demande. La Commission a accusé réception de la demande le 27 mars 1996; selon une inscription effectuée à la main, la demande aurait été reçue et devait être entendue par le comité aux fins de la semi-liberté et de la liberté conditionnelle totale en septembre 1996;
     b)      La Commission avait jusqu"au mois de septembre 1996 pour examiner la demande de libération conditionnelle totale. En outre, aucune disposition législative ne prévoit que les audiences relatives à la semi-liberté et à la libération conditionnelle totale doivent avoir lieu ensemble;
     c)      L"audience du 23 août se rapportait uniquement à la question de la semi-liberté, et non à la libération conditionnelle totale, et l"octroi de la semi-liberté n"a pas eu pour effet de rendre sans intérêt pratique le droit du demandeur à une audience relative à la libération conditionnelle totale, en septembre 1996;
     d)      La Commission n"a jamais rendu de décision refusant au demandeur une audience à l"égard de la libération conditionnelle totale et il n"existait donc aucune décision susceptible de faire l"objet d"un appel ou d"un contrôle judiciaire;
     e)      Le demandeur joint un extrait de ce qui semble être le rapport de l"agent de liberté conditionnelle, dans lequel il est souligné ce qui suit :
         [TRADUCTION]         
         Le 07-10-1996, M. Shaw s"est présenté au bureau pour une rencontre de supervision. Il voulait parler de sa libération conditionnelle totale. Il a affirmé que lors de la dernière audience, la question de la libération conditionnelle totale aurait dû être traitée. M. Shaw a fait savoir à l"auteur du rapport que la police, dans l"Est, voulait qu"il obtienne une libération conditionnelle totale, étant donné qu"il serait plus facile de le déplacer si sa vie était en danger. M. Shaw a également affirmé que le fait qu"il est en semi-liberté lui coûte son travail puisqu"il ne peut pas quitter la ville. Il a déclaré à l"auteur du rapport qu"il aurait recours à un avocat " au besoin ". Il a également dit à l"auteur du rapport qu"elle devrait être contente de l"avoir comme client puisque tous les autres cas dont elle est responsable aboutissent à un échec. L"auteur du rapport a fait savoir à M. Shaw que son cas serait examiné en ce qui concerne la question de la libération conditionnelle totale.         
         Le 07-10-1996, l"auteur du rapport a téléphoné à Sharon Boyce, à la CNLC, pour lui parler du cas de M. Shaw. L"auteur du rapport a demandé pourquoi la question de la libération conditionnelle totale n"avait pas été soulevée lors de la dernière audience. Sharon a répondu à l"auteur du rapport que M. Shaw n"avait pas demandé que cette question soit examinée lors de la dernière audience. Elle a dit à l"auteur du rapport que si M. Shaw voulait demander la libération conditionnelle totale, l"audience ne serait pas tenue immédiatement étant donné que le bureau disposait d"un délai de cinq mois pour se préparer.         

[17]      Il ressort clairement des documents du demandeur et de la défenderesse que ceux-ci ne s"entendent absolument pas sur les faits cruciaux, en particulier en ce qui concerne ce qui est arrivé à l"audience du 23 août 1996 de la Commission, ce qui a donné lieu à l"organisation de cette rencontre et ce qui s"est produit depuis lors.

[18]      Toutefois, il ressort clairement des documents de la défenderesse dans lesquels il est fait mention de la feuille de décision pré-libératoire de la Commission qui est jointe à l"appendice A de l"affidavit de M. Trudeau qu"il a été décidé d"accorder la semi-liberté au demandeur. Les documents de la défenderesse ne montrent pas que la Commission ait décidé de refuser d"accorder au demandeur une audience à l"égard de la question de la libération conditionnelle totale, comme l"exige la loi.

[19]      Même M. Trudeau ne peut pas attester la réalité de certains faits importants puisque l"enregistrement de l"audience est inaudible.

[20]      Cette divergence cruciale, en ce qui concerne ce qui s"est en fait passé, me permet de conclure qu"il existe de véritables questions de fait qui ne peuvent pas être tranchées au moyen d"un jugement sommaire, compte tenu de l"ensemble de la preuve dont je dispose.

[21]      J"aimerais faire une remarque additionnelle. Je ne souscris pas à la façon dont la défenderesse caractérise la déclaration du demandeur et dont j"ai fait mention à l"alinéa 15h) de ces motifs. À mon avis, le demandeur ne sollicite pas une réparation à l"égard d"une décision rendue par la Commission en ce sens qu"il demande un contrôle, contestant la validité de la décision de la Commission ou attaquant cette décision ou qu"il demande en fait une ordonnance, au moyen d"une déclaration, infirmant cette décision, ou peut-être d"une façon plus appropriée en l"espèce, une ordonnance contraignant la Commission à lui accorder une audience à l"égard de la question de la libération conditionnelle totale.

[22]      Cette cour a statué à maintes reprises que toute réparation se rapportant à une décision (ou à l"absence de décision) d"un office fédéral doit faire l"objet d"une demande de contrôle judiciaire (voir entre autres Bande indienne de Lake Babine et al. c. Williams et al. , 194 N.R. 44 (C.A.F.) et Machado c. Canada, 124 F.T.R. 296). La réparation ne peut pas être demandée au moyen d"une action.

[23]      Dans sa déclaration, le demandeur sollicite des dommages-intérêts fondés sur une présumée décision ou omission illégale. Le demandeur dit que la loi obligeait la Commission à lui accorder une audience à l"égard de la question de la libération conditionnelle totale. La Commission a sciemment violé cette obligation et le demandeur a subi un préjudice. Voir par exemple Oag c. Canada , [1987] 2 C.F. 511 (C.A.F.).

[24]      Dans le cadre de cette requête, il ne serait pas approprié de déterminer les problèmes auxquels le demandeur fera face sur le plan juridique dans une demande telle que celle-ci (voir par exemple Canada c. Saskatchewan Wheat Pool, [1993] 1 R.C.S. 205).

[25]      La nature de l"action du demandeur et la réparation sollicitée -- des dommages-intérêts -- ont pour effet de distinguer la présente espèce des affaires sur lesquelles la défenderesse se fonde, à savoir les affaires Zubi c. Canada (1993), 71 F.T.R. 168, et Sager c. Canada (1997), 140 F.T.R. 204.

[26]      Dans le jugement Zubi, la Cour examinait une requête en radiation d"une déclaration présentée en vertu de l"alinéa 419(1)a ) des anciennes règles par un individu incarcéré dans un pénitencier fédéral qui sollicitait un jugement déclaratoire à la suite de la décision que le Service correctionnel du Canada avait prise de le transférer dans un établissement à sécurité moyenne, et qui demandait à la Cour de déclarer qu"il était un détenu à sécurité minimale et de lui accorder des dommages-intérêts s"élevant à 5 000 $.

[27]      Voici ce que le juge Cullen a dit au sujet de la déclaration :

         Dans sa déclaration, le demandeur recherche un jugement déclaratoire contre la décision de le transférer dans un établissement à sécurité moyenne, il veut être déclaré un détenu à sécurité minimale et aussi, obtenir des dommages-intérêts s'élevant à 5 000,00 $. Il ressort clairement de la déclaration que la réparation recherchée est de celles qui sont prévues à l'article 18, et non simplement des dommages-intérêts de la part de la Couronne, comme le prétend l'avocate du demandeur. Ainsi donc, le demandeur devrait déposer une demande de contrôle judiciaire conformément aux articles 18 et 18.1 et ensuite, s'il obtient gain de cause, intenter une action en dommages-intérêts. Dans son avis de requête, la défenderesse dit qu'elle ne s'oppose pas à accorder au demandeur le temps nécessaire au dépôt d'un action de ce genre.         

[28]      Comme il en a ci-dessus été fait mention, le demandeur en l"espèce ne cherche pas à faire infirmer la décision de la Commission ou l"omission de rendre une décision. Il sollicite des dommages-intérêts fondés sur un acte censément illégal, soit en l"espèce la décision de la Commission ou une omission se rapportant à la demande qu"il avait présentée en vue d"obtenir une libération conditionnelle totale. Cette situation pose le problème qui a été défini dans l"arrêt Comeau Sea Foods c. Canada , [1995] 2 C.F. 467 (C.A.).

[29]      Dans le jugement Sager, la Cour examinait une requête visant à l"obtention d"un jugement sommaire que la défenderesse avait présentée en vertu de l"article 432.3 des Règles en vue de faire rejeter l"action d"un détenu pour le motif qu"il n"existait pas de véritable question litigieuse. Monsieur le juge Dubé a accueilli la requête.

[30]      Dans cette affaire-là, la Commission avait révoqué, le 17 juin 1996, la libération d"office du demandeur après qu"il eut été accusé de possession de biens volés. Le demandeur avait été mis en liberté le 18 mars 1996, mais le 30 avril, un mandat avait été délivré en vue de la suspension de la libération d"office et de l"arrestation du demandeur, compte tenu d"une dénonciation que la PPO avait reçue, de sorte que le demandeur avait été réincarcéré le 17 mai 1996.

[31]      Le demandeur avait déposé une déclaration que le juge Dubé a décrite comme suit :

         Il s'agit d'une action en dommages-intérêts présentée par le demandeur pour une période de détention illégale du 30 mai au 17 novembre 1996, dans laquelle il allègue que la Commission nationale des libérations conditionnelles (la Commission) n'avait pas compétence pour révoquer sa libération d'office le 17 juin 1996. Il est établi que le 18 mars 1996 le demandeur a obtenu sa libération d'office de l'unité d'évaluation de Millhaven aux termes de l'article 127 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous conditions (la Loi). Le 30 avril 1996, un mandat a été émis en vue de la suspension de sa libération d'office et de son arrestation aux termes du paragraphe 135(1) de la Loi par suite d'une dénonciation reçue du détachement de Brantford de la police provinciale de l'Ontario. Il a donc été réincarcéré et transféré à l'unité d'évaluation de Millhaven le 17 mai 1996. [Je souligne]         

Le demandeur n"a pas interjeté appel contre la décision que la Commission avait rendue le 17 juin 1996 et il n"a pas présenté de demande de contrôle judiciaire.

[32]      Le juge Dubé a décidé que la Commission avait compétence pour révoquer la libération d"office du demandeur selon le sens ordinaire du sous-alinéa 137(7)b )(ii) de la Loi, même si la procédure postsuspension prévue par la Loi n"avait pas été suivie comme l"alléguait le demandeur. Le juge Dubé a statué que le sous-alinéa 137(7)b )(ii) conférait à la Commission un pouvoir indépendant lui permettant de révoquer la libération d"office d"un détenu si elle était convaincue qu"en continuant à être en liberté, celui-ci présenterait un risque inacceptable pour la société.

[33]      Le juge Dubé s"est fondé sur la décision Zubi (supra) en ce qui concerne la nécessité d"agir par voie de contrôle judiciaire, et sur la décision Fehr c. Commission nationale des libérations conditionnelles et al. (1995), 93 F.T.R. 161 en ce qui concerne l"exigence selon laquelle la procédure interne d"appel doit être épuisée.

[34]      Le fait que le juge Dubé s"est fondé sur ces deux décisions montre qu"il considérait l"action dont il était saisi comme constituant essentiellement une attaque ou une contestation de la décision que la Commission avait rendue le 17 juin 1996 et non comme une action en dommages-intérêts.

[35]      Dans la décision Creed c. Solliciteur général du Canada, T-237-96, 16 février 1998, Madame le juge Reed a récemment examiné les effets de la décision Zubi dans une affaire d"isolement d"un détenu où une demande de contrôle judiciaire avait été présentée et une déclaration déposée. Voici les brefs motifs qu"elle a prononcés :

              Le requérant n'est plus placé en isolement; il ne se trouve plus à l'Établissement d'Edmonton; il ne se trouve plus dans la province. Les demandes de contrôle judiciaire perdent tout intérêt pratique. La décision Zubi c. Sa Majesté la Reine (1993), 71 F.T.R. 168, à la page 170, ne représente plus l'idée qu'il est nécessaire de poursuivre une action en dommages-intérêts en adoptant en premier lieu une procédure de contrôle judiciaire. La décision Zubi a jugé que lorsqu'une partie de la réparation demandée était un jugement déclaratoire portant que la décision d'un tribunal ou d'une commission n'était pas valable, ce jugement déclaratoire devait être demandé par voie de contrôle judiciaire. Antérieurement aux modifications de 1990 apportées à la Loi sur la Cour fédérale, un jugement déclaratoire devait être demandé par voie d'action (une déclaration). Un jugement déclarant que la décision d'un tribunal ou d'une commission n'est pas valable ressemble à une ordonnance portant annulation de cette décision. Ainsi donc, il était quelque peu inconsistant d'exiger qu'une requête en ordonnance déclarant une décision non valable fût introduite par voie d'action, alors qu'une ordonnance annulant la même décision pouvait seulement être rendue dans le contexte d'une procédure de contrôle judiciaire. En conséquence, les deux étaient sujets au même processus procédural - une demande de contrôle judiciaire.         
              La décision Zubi portait sur une affaire où un détenu avait été transféré d'un établissement à sécurité minimale à un établissement à sécurité moyenne. Le détenu a déposé une déclaration demandant un jugement déclaratoire portant que la décision de transfèrement n'était pas valable, ainsi que des dommages-intérêts. Le juge Cullen s'est exprimé en ces termes : "...le demandeur devrait déposer une demande de contrôle judiciaire conformément aux articles 18 et 18.1 et ensuite, s'il obtient gain de cause, intenter une action en dommages-intérêts." Toutefois, il ne s'agit pas là d'une déclaration selon laquelle, pour obtenir des dommages-intérêts, on doit déposer une demande de contrôle judiciaire. Une action en dommages-intérêts a toujours été et demeure un plan d'action indépendant. Les remarques du juge Cullen se rapportent seulement à la situation où il y a une décision de transfèrement en cours (ou de mise en isolement) dont on demande l'annulation, ce qui fait que, si l'annulation était accordée, l'individu reviendrait à la position où il se trouvait avant la prise de la décision. Cette mesure de redressement doit être demandée par voie de contrôle judiciaire. En l'espèce, le requérant, ainsi qu'il a été noté, n'est plus placé en isolement, il ne se trouve plus à l'Établissement d'Edmonton, il ne se trouve plus dans la province d'Alberta même. Ainsi donc, toute conclusion de nullité ou toute annulation des décisions de mise en isolement ou de transfèrement serait futile. L'écoulement du temps a fait que cette mesure de redressement était sans raison d'être.         
              Le requérant a déposé une déclaration visant à obtenir des dommages-intérêts pour emprisonnement illégal. C'est le plan d'action approprié que le requérant doit adopter.         
              Dans les circonstances, les demandes ont été rejetées.         

[36]      Je souscris à l"approche adoptée par le juge Reed dans la décision Creed . Cette approche est également adoptée dans la décision Shaw c. Canada (1997), 134 F.T.R. 128, où le protonotaire Hargrave a dit ceci :

              De cette interprétation de la déclaration dont les faits articulés sont tenus pour avérés aux fins de la requête, il s'ensuit que le demandeur a pu subir un préjudice du fait de la privation de ses droits au moment de la mise en isolement et de l'isolement non conforme, autant d'atteintes au Règlement sur le système correctionnel. Il est fort possible que ce soit là une cause d'action à laquelle la Cour pourrait faire droit. Certains faits articulés n'ont peut-être aucun rapport avec cette cause d'action. Ils en forment cependant le contexte et pourraient servir à la fixation du quantum de dommages-intérêts. Ils ne sont pas excessivement longs. Ils ne sont donc pas radiés.         

[37]      En conclusion, la prétention de la défenderesse, en ce qui concerne la première question, est rejetée. Eu égard aux circonstances de l"espèce, la loi n"a pas pour effet d"annuler la déclaration du demandeur.

SECONDE QUESTION -- L"immunité de la Commission

[38]      L"article 154 de la Loi se lit comme suit :

154. No criminal or civil proceedings lie against a member of the Board for anything done or said in good faith in the exercise or purported exercise of the functions of a member of the Board under this or any other Act of Parliament.

154. Les membres bénéficient de l"immunité en matière civile ou pénale pour les actes accomplis et des énonciations faites de bonne foi dans l"exercice effectif ou censé tel des pouvoirs et fonctions qui leur sont conférés en vertu d"une loi fédérale, notamment de la présente.

[39]      La défenderesse soutient que dans sa déclaration, le demandeur n"expose pas de véritable question litigieuse puisqu"il ne fait aucune allégation de mauvaise foi de la part de la Commission; elle soutient également qu"étant donné que tous les membres de la Commission bénéficient d"une immunité légale pour les actes accomplis de bonne foi dans l"exercice de leurs fonctions en tant que membres de la Commission, la réclamation devrait être rejetée et établit à cet égard un lien entre cette immunité et l"article 10 de la Loi sur la responsabilité civile de l"État et le contentieux administratif, L.R.C. (1985), ch. C-50.

[40]      La défenderesse dit que le demandeur n"allègue rien qui tende à montrer que la Commission a fait preuve de négligence ou de mauvaise foi en décidant, le 23 août 1996, de limiter son audience à la question de la semi-liberté .

[41]      La défenderesse soutient enfin qu"[TRADUCTION] " une présumée violation de la Loi ne suffit pas pour engager sa responsabilité ", en citant à cet égard Joli-Coeur c. Canada, [1998] A.C.F. no 380 et Allibhai c. Canada, [1996] A.C.F. no 1467.

[42]      Le demandeur a répondu en citant Oag c. La Reine, [1986] 1 C.F. 472 (1re inst.) et en fondant son recours sur le paragraphe 24(1) de la Charte.

[43]      Le noeud du litige en l"espèce se rapporte à la question de savoir si la défenderesse a établi la bonne foi ou si le demandeur a allégué la mauvaise foi ou une faute de la part de la Commission. J"aborde cette question en me fondant sur les éléments suivants :

     a)      Je souscris aux remarques que le protonotaire Hargrave a faites dans la décision Shaw (supra) où un plaideur non juriste était en cause, comme c"est ici le cas, et selon laquelle il faut interpréter la déclaration d"une façon libérale de façon à tenir compte des déficiences qui résultent simplement d"une mauvaise rédaction. De plus, il faut avoir à l"esprit le principe fondamental voulant que justice soit faite et qu"on ne doive pas priver le demandeur à la légère de son droit de se faire entendre en justice;
     b)      Dans sa défense, la Commission ne s"est pas fondée sur l"article 154 de la Loi et l"affidavit que M. Trudeau a présenté à l"appui de la requête ne renferme pas de faits établissant que les membres de la Commission ont agi en toute bonne foi.

[44]      À mon avis, il incombe à la défense d"établir que les membres de la Commission étaient de bonne foi. La défenderesse ne l"a pas fait et cette omission a pour effet de distinguer la présente affaire d"une affaire telle que White c. Canada (supra) .

[45]      En outre, j"estime que dans ses allégations, que j"ai énoncées aux alinéas 6c ), e), g), j) et k) de ces motifs à l"égard de la déclaration, et aux alinéas 8b ), c), d) et e) de ces motifs en ce qui concerne la réponse, le demandeur a plaidé d"une façon suffisante la mauvaise foi, la négligence ou la faute conformément aux exigences des jugements Joli-Coeur , Allibhai et Saskatchewan Wheat Pool (supra).

[46]      Enfin, la défenderesse mentionne que dans sa déclaration, le demandeur n"expose pas de véritable question litigieuse puisqu"il ne donne pas de détails au sujet du préjudice allégué. J"estime que cet argument n"est pas fondé dans le contexte d"une requête en jugement sommaire. La défenderesse a plaidé l"allégation du demandeur sur ce point et il convient d"examiner la question de l"étendue du préjudice dans le cadre d"un interrogatoire préalable. Quoi qu"il en soit, dans sa réponse, le demandeur a énuméré les éléments du préjudice qu"il aurait subi.

[47]      En conclusion, les prétentions de la défenderesse doivent être rejetées en ce qui concerne la seconde question.

[48]      Pour ces motifs, la requête en jugement sommaire de la défenderesse est rejetée.

                             François Lemieux
                                     J U G E

OTTAWA (ONTARIO)

LE 5 MAI 1999

Traduction certifiée conforme

L. Parenteau, LL.L.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :              T-246-98
INTITULÉ DE LA CAUSE :      TODD SHAW c. SA MAJESTÉ LA REINE

REQUÊTE JUGÉE SUR DOSSIER

MOTIFS DE L"ORDONNANCE DU JUGE LEMIEUX EN DATE DU 5 MAI 1999.

ARGUMENTATION ÉCRITE :

Todd Shaw                  pour son propre compte
Louis Sébastien              pour la défenderesse

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Todd Shaw                  pour son propre compte

Oshawa (Ontario)

Morris Rosenberg              pour la défenderesse

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

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