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Date : 20020709

Dossier : T-629-01

Référence neutre : 2002 CFPI 759

Ottawa (Ontario), le 9e jour de juillet 2002

En présence de : L'HONORABLE JUGE MICHEL BEAUDRY

ENTRE :

                                                             J. J. MARC PAQUETTE

                                                                                                                                                    Demandeur

                                                                                   et

                                              PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                   

                                                                                                                                               Défenderesse

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                 Étant donné que le requérant et le procureur du défendeur se sont exprimés en français, la décision sera rendue en français.

[2]                 Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire par laquelle le demandeur demande d'annuler les conditions rattachées à son exemption datée du 12 mars 2001 en vertu de l'article 56 de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances (ci-après "LRCDAS").

  

QUESTIONS EN LITIGE

[3]                 Est-ce que les conditions rattachées à l'exemption datée du 12 mars 2001 sont déraisonnables à un tel point que cette cour doit intervenir?

[4]                 Je suis d'opinion de ne pas intervenir.

FAITS

[5]                 Le demandeur souffre depuis plusieurs années d'une maladie grave à un tel point qu'il a obtenu une exemption en vertu de l'article 56 de la LRCDAS, le 24 mars 2000 afin d'avoir accès légal à la marihuana à des fins médicales. Cette exemption est assortie de conditions et d'avis prenant fin le 11 septembre 2000.

[6]                 Le 12 septembre 2000, le demandeur se voyait renouveler son exemption jusqu'au 11 mars 2001 avec les mêmes conditions et avis.

[7]                 Le 12 mars 2001, l'exemption est encore renouvelée avec les mêmes conditions et avis. Cette exemption se terminait le 11 septembre 2001 mais à cause de la nouvelle réglementation entrée en vigueur le 31 juillet 2001, l'exemption a été continuée jusqu'au 11 mars 2002 et c'est ce document qui est contesté.

[8]                 Par la suite, une extension de renouvellement a été accordée du mois de mars 2002 au         8 avril 2002, puis une autre exemption a été accordée jusqu'au 8 octobre 2002.

[9]                 Entre-temps, le 12 juin 2001, le défendeur augmentait la quantité de plants de marihuana que pouvait cultiver le demandeur passant de sept à onze plants. Dans sa dernière exemption, le document indique 25 plants.

PRÉTENTIONS DU DEMANDEUR

[10]            Tant dans sa documentation écrite que sa plaidoirie verbale, le demandeur, qui se représente lui-même, invoque l'arrêt R. c. Parker, [2000] O.J. No. 2787, 49 O.R. (3d) 481, (ci-après "Parker") pour demander l'annulation des conditions de son exemption du mois de mars 2001 à mars 2002.

[11]            Le matin de l'audition, le demandeur dépose un avis d'une question constitutionnelle et veut attaquer la réglementation du mois de juillet 2001 comme étant contraire à l'arrêt Parker.

PRÉTENTIONS DU DÉFENDEUR

[12]            Le défendeur soutient que l'état de la preuve ainsi que la demande de contrôle judiciaire ne donne pas lieu à une question constitutionnelle car la demande actuelle ne s'attaque qu'aux conditions et restrictions imposées dans l'exemption datée du 12 mars 2001.


[13]            L'arrêt Parker n'a pas d'incidence ici car les faits ne sont pas les mêmes.

[14]            À tout événement, étant donné que l'exemption attaquée est maintenant périmée, la Cour ne devrait même pas intervenir et ce, en vertu de la jurisprudence de la Cour suprême.

[15]            De plus, les faits du dossier démontrent que le demandeur s'est toujours satisfait des conditions et restrictions imposées aux exemptions qu'il avait obtenues dans le passé et ceci sans se plaindre.

ANALYSE

[16]            Au début de l'audition, j'ai fait remarqué aux parties qu'il me semblait à première vue que le fond du débat était devenu théorique étant donné l'expiration de l'exemption contestée, soit la lettre du 12 mars 2001 qui était en vigueur jusqu'au 11 mars 2002.

[17]            À la lecture de l'arrêt Borowski c. Canada (Procureur général du Canada), [1989] 1 S.C.R. 342, je suis maintenant persuadé que le débat est maintenant devenu théorique étant donné justement l'expiration de l'exemption accordée au demandeur en date du 12 mars 2001. Il n'est donc pas nécessaire de s'attarder à la question constitutionnelle soumise par le demandeur lors de l'audition.

[18]            Même si l'analyse est théorique, j'ai l'intention de discuter des conditions imposées dans cette exemption du 12 mars 2001 en faveur du demandeur.

L'ARRÊT PARKER

[19]            Les faits de cette affaire sont complètement différents de notre cause étant donné que

M. Parker avait été accusé en cour criminelle alors qu'il n'avait pas obtenu d'exemption. La Cour d'appel de l'Ontario a en effet donné raison à cet individu parce qu'on a jugé que la prohibition de la culture et de la possession de la marihuana était inconstitutionnelle face à M. Parker à cause de ses besoins pour contrôler son épilepsie. Dans notre cause, le demandeur a obtenu une première exemption qui a été renouvelée par la suite à plusieurs reprises. On ne peut donc pas inférer les mêmes principes de droit ici.

INTÉRÊTS DIVERGENTS

[20]            Dans sa décision administrative et discrétionnaire, le défendeur a décidé d'imposer des restrictions et des conditions à l'exemption accordée au demandeur lorsqu'il lui a écrit le 12 mars 2001.

[21]            Les paragraphes 21 à 24 de l'affidavit de Jody Gomber, celle qui a rédigé la lettre du 12 mars 2001 au demandeur, sont impressionnants et sont très pertinents pour la discussion des intérêts divergents du ministre et du demandeur.


21.      In exercising his discretion, the Minister must consider several divergent factors. On one hand, Canada considers marihuana to be a drug whose use may be harmful to public health and to society at large. Canada prohibits the possession of, production of, trafficking in, importing of and exporting of marihuana. This prohibition imposes potentially severe penalties on those infringing the law and it is consistent with Canada's international commitments. On the other hand, the government acknowledges that it is necessary to accommodate, within this general prohibition, the exceptional circumstances of individuals like Mr. Paquette.

22.      Reconciliation of these divergent factors poses many problems. Most importantly, the possibility of the diversion of cannabis legitimately produced and possessed by an exemption holder, whether this diversion is voluntary or not, is problematic.

23.      There is a well-established illicit trade in marihuana. Our police sources indicate that, assuming a conservative yield of 45g of dried marihuana per plant, the street value for 1 plant would be estimated at $500. As the number of plants or the actual yield per plant increases, so does the value of legitimate marihuana that could be diverted to illicit uses.

24.      The conditions imposed on exemptions reconcile these divergent factors and thereby ensure compliance with the underlying principales of the Act, while allowing Mr. Paquette to have access to the product he alleges he needs. [c'est moi qui souligne]

[22]            Je n'ai pas ici de preuve pouvant soutenir une cassation des restrictions et impositions à l'exemption accordée au demandeur le 12 mars 2001.

[23]            À chaque demande de renouvellement de l'exemption, le médecin du demandeur, le docteur François Urfer a mentionné qu'il n'y avait pas de changements à fournir depuis la demande initiale.


[24]            Pour la première fois, le demandeur conteste les conditions et restrictions de l'exemption qu'il a obtenue en 2001. Quant à la décision administrative et discrétionnaire rendue par le défendeur, je crois que l'arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, aux pages 853 et 854 est pertinent ici. Le juge L'Heureux-Dubé énonce:

[...] À mon avis, ces principes englobent deux idées centrales - qu'une décision discrétionnaire, comme toute autre décision administrative, doit respecter les limites de la compétence conférée par la loi, mais que les tribunaux devront exercer une grande retenue à l'égard des décideurs lorsqu'ils contrôlent ce pouvoir discrétionnaire et déterminent l'étendue de la compétence du décideur. Ces principes reconnaissent que lorsque le législateur confère par voie législative des choix étendus aux organismes administratifs, son intention est d'indiquer que les tribunaux ne devraient pas intervenir à la légère dans de telles décisions, et devraient accorder une marge considérable de respect aux décideurs lorsqu'ils révisent la façon dont les décideurs ont exercé leur discrétion. Toutefois, l'exercice du pouvoir discrétionnaire doit quand même rester dans les limites d'une interprétation raisonnable de la marge de manoeuvre envisagée par le législateur, conformément aux principes de la primauté du droit (Roncarelli c. Duplessis, [1959] R.C.S. 121), suivant les principes généraux de droit administratif régissant l'exercice du pouvoir discrétionnaire, et de façon conciliable avec la Charte canadienne des droits et libertés (Slaight Communications Inc. c. Davidson, [1989] 1 R.C.S. 1038). [c'est moi qui souligne]

[25]            Dans la cause sous étude, je suis satisfait que les restrictions et conditions imposées par Jody Gomber à l'exemption accordée au demandeur le 12 mars 2001 étaient raisonnables dans les circonstances.

DEMANDE POUR DÉPOSER DES DOCUMENTS SUPPLÉMENTAIRES

[26]            Le 20 juin 2002, alors que la présente cause est en délibéré, le demandeur propose une conférence téléphonique afin de présenter une requête pour déposer des documents supplémentaires.

[27]            Après avoir demandé et obtenu des soumissions écrites de la part du défendeur et reçu la réponse du demandeur au sujet de ces soumissions, j'ai décidé de traiter de cette question dans le présent jugement.

[28]            Le demandeur s'est déjà vu refuser une telle demande par le protonotaire Richard Morneau. L'appel de cette décision a aussi été rejetée par le juge Tremblay-Lamer.

[29]            Après analyse, je constate que le demandeur veut faire réviser ce jugement.

[30]            Je n'ai pas juridiction. Cette demande pour déposer de la documentation additionnelle est donc rejetée.

[31]            Quant à la demande de contrôle judiciaire, elle est rejetée, sans frais.

                                           ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que:

1.                    La demande pour déposer de la documentation additionnelle soit rejetée.

2.                    La demande de contrôle judiciaire soit rejetée, sans frais.

(signé) Michel Beaudry

Juge


                          COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

                                                         

  

DOSSIER :                 T-629-01

INTITULÉ :             

                                   J. J. MARC PAQUETTE

                                                                                                Demandeur

                                                         et

                    PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                           Défenderesse

  

LIEU DE L'AUDIENCE :                                Ottawa (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                              13 mai 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE L'HONORABLE JUGE BEAUDRY

EN DATE DU :         9 juillet 2002

  

COMPARUTIONS :

J. J. Marc Paquette (se représente lui-même)     POUR LE DEMANDEUR

Me Alain Préfontaine et

Me Catherine Lawrence                                                   POUR LE DÉFENDEUR

  

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

J. J. Marc Paquette (se représente lui-même)     POUR LE DEMANDEUR

Hawkesbury (Ontario)


Morris Rosenberg                                                 POUR LE DÉFENDEUR

Procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

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