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Date : 20210928


Dossier : IMM-2588-20

Référence : 2021 CF 1012

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 28 septembre 2021

En présence de monsieur le juge Ahmed

ENTRE :

CHETAN MEHMI

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] Le demandeur, M. Chetan Mehmi, sollicite le contrôle judiciaire d’une décision datée du 6 mai 2020 (la décision de mai) par laquelle un agent des visas (l’agent) d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) a refusé la demande de permis de travail postdiplôme (le PTPD) et le rétablissement du statut de résident temporaire du demandeur. L’agent a refusé la demande de PTPD au motif que le demandeur n’était pas titulaire d’un permis d’études valide au moment où il l’avait présentée. Après avoir pris cette décision, l’agent a refusé la demande de rétablissement au motif que la demande de PTPD du demandeur avait été refusée.

[2] Le demandeur affirme que la décision de mai est déraisonnable, parce que l’agent s’est appuyé sur les conclusions d’une décision antérieure, datée du 27 janvier 2020 (la décision de janvier), par laquelle sa précédente demande de PTPD avait été refusée, une décision qu’il qualifie de viciée. En outre, le demandeur affirme que la décision de mai est déraisonnable, parce que l’agent n’a pas présenté d’analyse des motifs pour lesquels il n’était pas admissible au rétablissement. De plus, le demandeur affirme que ses droits en matière d’équité procédurale ont été violés, car l’agent des visas qui a rendu la décision de janvier (le précédent agent) ne lui avait pas demandé de fournir des renseignements supplémentaires.

[3] À mon avis, la décision de l’agent n’est pas fondée sur une analyse rationnelle et n’est pas justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles ce dernier était assujetti. L’agent semble avoir mal interprété les critères d’admissibilité du PTPD et, quoi qu’il en soit, il n’a pas expliqué de façon intelligible en quoi le demandeur n’y répondait pas. Par conséquent, j’accueille la présente demande de contrôle judiciaire.

II. Les faits

A. Le demandeur

[4] Le demandeur est un citoyen de l’Inde âgé de 28 ans. En novembre 2017, il s’est vu accorder un visa d’étudiant dont la date d’expiration était le 31 mars 2019. Il s’est ensuite vu accorder un permis d’études à son arrivée au Canada, en décembre 2017.

[5] En janvier 2018, le demandeur a commencé ses études au St Lawrence College, dans le programme d’administration des services de santé. En mai 2018, il s’est inscrit à un deuxième programme d’études du St Lawrence College, soit celui de gestion de la chaîne d’approvisionnement. Il a terminé le programme d’administration des services de santé en septembre 2018 et a aussitôt amorcé le programme de gestion de la chaîne d’approvisionnement.

[6] Le demandeur a reçu ses relevés de notes et son diplôme du programme d’administration des services de santé en octobre 2018, et a demandé à ce moment une prolongation de son permis d’études. Le 21 février 2019, le demandeur s’est vu délivrer un deuxième permis d’études, dont la date d’expiration était le 30 novembre 2019.

[7] Le 18 avril 2019, le demandeur a terminé son programme de gestion de la chaîne d’approvisionnement. Le 25 juin 2019, il a reçu ses relevés de notes attestant qu’il avait terminé ce programme ainsi que celui d’administration des services de santé.

[8] Le 2 juillet 2019, le demandeur a présenté une demande de PTPD. Par erreur, il a joint à sa demande deux copies de son diplôme et de son relevé de notes du programme d’administration des services de santé, plutôt qu’une copie du relevé de notes et du diplôme de chacun des deux programmes terminés.

[9] Le 26 novembre 2019, comme le demandeur n’avait encore reçu aucune information au sujet de sa demande de PTPD, il a communiqué avec IRCC. Le 30 novembre 2019, son permis d’études a expiré. Le 2 décembre 2019, il a reçu une réponse d’IRCC lui confirmant que sa demande avait été transmise à l’agent responsable. L’agent d’IRCC a mentionné au demandeur qu’on communiquerait avec lui si des renseignements supplémentaires étaient nécessaires ou si une décision était rendue.

[10] Dans la décision de janvier, datée du 27 janvier 2020, l’agent précédent a refusé la demande de PTPD du demandeur au motif que ce dernier ne l’avait pas présentée dans les 180 jours après avoir reçu de la part de l’établissement d’enseignement la confirmation écrite qu’il avait rempli les exigences de son programme, comme il devait le faire.

[11] L’agent précédent a souligné que le demandeur avait terminé son programme d’administration des services de santé en août 2018, mais n’avait présenté sa demande de PTPD qu’en juillet 2019. Il a aussi fait remarquer que les relevés de notes transmis indiquaient que le demandeur s’était inscrit au programme de gestion de la chaîne d’approvisionnement à l’automne 2018, mais qu’il n’avait terminé aucun des cours de ce programme.

[12] Le 5 février 2020, le demandeur a présenté une deuxième demande de PTPD et une demande de rétablissement.

B. La décision contestée

[13] Dans la décision de mai, datée du 6 mai 2020, l’agent a refusé à la fois la demande de PTPD et la demande de rétablissement.

[14] La décision de mai comprend la lettre de refus et les notes de l’agent consignées dans le Système mondial de gestion des cas (le SMGC), qui font partie des motifs de la décision de l’agent (Torres c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 150 au para 19).

[15] Dans la lettre, l’agent refuse la deuxième demande de PTPD au motif que le demandeur n’était pas titulaire d’un permis d’études valide au moment où il l’a présentée. Il poursuit en affirmant qu’un étudiant qui perd son statut de résident temporaire parce qu’il ne s’est pas conformé aux conditions prévues à l’article 185 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (le RIPR) peut être admissible au rétablissement s’il satisfait aux exigences initiales de son séjour. Il conclut cependant que le demandeur n’est pas admissible au rétablissement, parce que sa demande de visa de résident temporaire a été refusée.

[16] Dans le SMGC, l’agent a noté en premier lieu le 6 mai 2020 que le demandeur avait perdu son statut de résident temporaire, mais qu’il était admissible au rétablissement. Le même jour, il a ensuite noté que le demandeur n’était pas titulaire d’un permis d’études valide et qu’il n’était donc pas admissible au PTPD. L’agent a poursuivi en notant que la demande de PTPD était refusée et qu’il n’était plus possible pour le demandeur d’obtenir le rétablissement.

III. La question préliminaire : la décision contestée

[17] Le demandeur présente des observations au sujet du caractère raisonnable de la décision de janvier, qui ne fait pas l’objet de la présente demande de contrôle judiciaire.

[18] Le défendeur affirme que la contestation, par le demandeur, de la décision de janvier n’est pas permise, car celle-ci ne fait pas l’objet de la demande de contrôle judiciaire sous-jacente. Le défendeur ajoute que l’article 302 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 [les Règles] exige que le demandeur présente une demande distincte pour chaque décision dont il sollicite le contrôle judiciaire.

[19] L’article 302 des Règles est ainsi libellé :

Limites

Limited to single order

302 Sauf ordonnance contraire de la Cour, la demande de contrôle judiciaire ne peut porter que sur une seule ordonnance pour laquelle une réparation est demandée.

302 Unless the Court orders otherwise, an application for judicial review shall be limited to a single order in respect of which relief is sought.

[20] Le demandeur contrevient à l’article 302 s’il conteste deux décisions dans le cadre d’une même demande, à moins que la Cour rende une ordonnance contraire ou que le demandeur arrive à démontrer que les deux décisions constituent une même série d’actes. Les décisions ne constituent pas une même série d’actes si elles portent sur deux situations de fait différentes, deux mesures de redressement recherchées ou deux organismes décideurs différents (Servier Canada inc. c Canada (Santé), 2007 CF 196 au para 17). La Cour n’a pas rendu d’ordonnance autorisant le demandeur à obtenir le contrôle judiciaire à la fois de la décision de janvier et de la décision de mai par l’intermédiaire de la présente demande de contrôle judiciaire.

[21] Le demandeur cite le paragraphe 31 de la décision Kaur c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 513 (Kaur) à l’appui de la thèse selon laquelle la Cour peut examiner des décisions rendues avant la décision contestée lorsque celles-ci sont pertinentes pour établir le caractère raisonnable de la décision contestée. Dans la décision Kaur, mon collègue le juge McHaffie s’est fondé sur le raisonnement décrit aux paragraphes 27 à 31 de la décision Zhang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2006 CF 1381, où le juge de Montigny avait conclu que, si le refus d’une demande de rétablissement s’appuie sur une décision antérieure, celle-ci peut être examinée.

[22] Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire de la décision de mai. Cependant, il affirme que l’agent s’est appuyé sur la décision de janvier pour rendre celle de mai. Les deux décisions ont été rendues par le même organisme décisionnel, soit IRCC, et portaient sur les mêmes faits. Par conséquent, à mon avis, les arguments du demandeur concernant la décision de janvier peuvent être pris en considération, car ils sont liés au caractère raisonnable de la décision de mai.

IV. Les questions en litige et la norme de contrôle

[23] La présente demande de contrôle judiciaire soulève les questions suivantes :

  1. La décision de l’agent précédent était-elle raisonnable et a-t-elle été rendue conformément aux principes de l’équité procédurale?

  2. Le refus par l’agent de faire droit à la demande de PTPD présentée par le demandeur était-il raisonnable?

  3. Le refus par l’agent de la demande de rétablissement présentée par le demandeur était-il raisonnable?

[24] Sauf en ce qui concerne la question de l’équité procédurale, je conclus que la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable (Lawrence c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 607 au para 19, citant Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 (Vavilov) au para 10; Singh c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 687 au para 9).

[25] La norme de la décision raisonnable est une norme de contrôle empreinte de déférence, mais rigoureuse (Vavilov aux paras 12, 13). La cour de révision doit établir si la décision faisant l’objet du contrôle, y compris son raisonnement et son résultat, est transparente, intelligible et justifiée (Vavilov au para 15). Une décision raisonnable est fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti (Vavilov au para 85). Le caractère raisonnable d’une décision dépend du contexte administratif pertinent, du dossier dont le décideur est saisi et de l’incidence de la décision sur les personnes touchées par ses conséquences (Vavilov aux para 88-90, 94, 133-135).

[26] Pour qu’une décision soit jugée déraisonnable, le demandeur doit établir que la décision comporte des lacunes suffisamment capitales ou importantes (Vavilov au para 100). La cour de révision doit s’abstenir d’apprécier à nouveau la preuve soumise au décideur et ne doit modifier les conclusions de fait qu’en présence de circonstances exceptionnelles (Vavilov au para 125).

[27] Les questions de manquement à l’équité procédurale sont assujetties à une norme de contrôle qui s’apparente le plus à celle de la décision correcte (Association canadienne des avocats en droit des réfugiés c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2020 CAF 196 au para 35). La question fondamentale à trancher est celle de savoir si la procédure était équitable eu égard à l’ensemble des circonstances, y compris à l’égard des facteurs énoncés aux paragraphes 21 à 28 de l’arrêt Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817 (voir aussi Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69 au para 54).

V. Analyse

[28] Les critères relatifs à la délivrance d’un PTPD sont énoncés dans les instructions sur l’exécution de programmes (les IEP) du PTPD d’IRCC. IRCC n’a pas le pouvoir discrétionnaire nécessaire de ne pas respecter ces critères obligatoires (Kaur au para 9).

[29] Les actuelles IEP s’appliquant à toutes les demandes de PTPD reçues depuis le 14 février 2019, elles s’appliquent donc à la décision de janvier et à la décision de mai.

[30] Selon la rubrique « Demande et validité d’un permis de travail postdiplôme » des IEP, un demandeur doit présenter une demande de PTPD dans les 180 jours qui suivent l’obtention d’une confirmation écrite qu’il a terminé avec succès son programme d’études, comme une lettre ou un relevé de notes officiels.

[31] Selon la rubrique « Critères d’admissibilité au permis de travail postdiplôme » des IEP, un demandeur doit également satisfaire à un des critères ci-dessous dans les 180 jours de la présentation d’une demande de PTPD :

  1. être titulaire d’un permis d’études valide;

  2. avoir été titulaire d’un permis d’études valide;

  3. avoir été autorisé à étudier au Canada sans avoir à obtenir de permis d’études en vertu des alinéas 188(1)a) et b) du RIPR.

A. La décision de l’agent précédent était-elle raisonnable et a-t-elle été rendue conformément aux principes de l’équité procédurale?

[32] Lorsque le demandeur a présenté sa première demande de PTPD, en juillet 2019, il avait terminé son programme d’administration des services de santé et son programme de gestion de la chaîne d’approvisionnement. Toutefois, il admet qu’il n’a pas joint à sa demande ses relevés de notes et la lettre officielle confirmant qu’il avait terminé son programme de gestion de la chaîne d’approvisionnement. En raison de cette omission, l’agent précédent a évalué la demande de PTPD en s’appuyant sur la date à laquelle le demandeur avait terminé son programme d’administration des services de santé : le 31 août 2018.

[33] Le demandeur affirme qu’il était déraisonnable de la part de l’agent précédent de conclure qu’il avait terminé son programme d’administration des services de santé en août 2018. Il ajoute qu’il a reçu la confirmation qu’il avait terminé son premier programme en octobre 2018. En outre, il soutient que l’agent précédent aurait plutôt dû faire le calcul des 180 jours à partir du 25 juin 2019, soit la date à laquelle il avait reçu les relevés de notes pour son programme de gestion de la chaîne d’approvisionnement.

[34] Je ne suis pas convaincu que l’agent précédent a commis une erreur en considérant que le 31 août 2018 était la date à laquelle le demandeur avait terminé son premier programme, soit celui d’administration des services de santé. Le relevé de notes du demandeur indique que la date à laquelle son diplôme lui a été décerné est le 31 août 2018. Il était donc raisonnable de la part de l’agent précédent de conclure qu’il s’agissait de la date à laquelle le demandeur avait terminé ses études. Le demandeur n’a fourni à l’agent précédent aucun élément de preuve établissant qu’il avait terminé son deuxième programme d’études, soit celui de gestion de la chaîne d’approvisionnement.

[35] À mon avis, la décision de janvier est raisonnable. L’agent a apprécié la preuve que le demandeur lui avait transmise et il a raisonnablement conclu, d’après le relevé de notes et le diplôme en administration des services de santé, que la date à laquelle le demandeur avait terminé ses études était le 31 août 2018. L’agent a donc refusé la première demande de PTPD du demandeur, parce que ce dernier ne l’avait pas été présentée dans les 180 jours suivant la date à laquelle il avait reçu la confirmation qu’il avait terminé ce programme, comme l’exigent les IEP.

[36] Le demandeur allègue en outre que l’agent précédent a violé ses droits en matière d’équité procédurale en ne lui demandant pas de renseignements supplémentaires concernant son deuxième programme d’études, soit celui de gestion de la chaîne d’approvisionnement.

[37] L’argument du demandeur ne me convainc pas. En matière d’équité procédurale, la décision Ntamag c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2020 CF 40 (Ntamag) est instructive.

[38] Dans cette décision, la juge en chef adjointe Gagné a conclu qu’un agent n’est pas tenu de remettre une lettre d’équité procédurale lorsque ses préoccupations ne découlent pas directement des exigences du RIPR (Ntamag au para 9). Dans l’affaire qui a fait l’objet de cette décision, l’agent a appliqué le RIPR aux faits qui lui avaient été présentés et a expliqué quelles exigences n’étaient pas respectées. La Cour a conclu que cette approche ne constituait pas un manquement à l’équité procédurale (Ntamag au para 12).

[39] La présente affaire est analogue à celle qui a fait l’objet de la décision Ntamag. Bien que ce soit par erreur, le demandeur n’a pas fourni à l’agent précédent la preuve qu’il présentait sa demande dans les 180 jours après avoir terminé ses études, comme il était exigé. L’agent précédent s’est raisonnablement appuyé sur la preuve dont il était saisi, et il n’était pas tenu de demander des éléments de preuve supplémentaires pour s’acquitter de l’obligation d’équité.

B. Le refus par l’agent de faire droit à la demande de PTPD présentée par le demandeur était-il raisonnable?

[40] Le demandeur était titulaire d’un permis d’études valide dans les 180 jours de la date de la présentation de sa deuxième demande de PTPD. Il a présenté cette deuxième demande le 5 février 2020. Son permis d’études avait expiré le 27 janvier 2020, date de la décision de janvier, en application de l’alinéa 183(5)a) du RIPR.

[41] Cependant, le demandeur n’a pas présenté sa deuxième demande de PTPD dans les 180 jours suivant la réception de son relevé de notes final pour son deuxième programme d’études, soit celui de gestion de la chaîne d’approvisionnement, le 25 juin 2019, comme l’exigent les IEP à la rubrique « Demande et validité d’un permis de travail postdiplôme ».

[42] Dans la décision de mai, l’agent a refusé la demande de PTPD du demandeur au motif que ce dernier [traduction] « [n’était plus titulaire] d’un permis d’études valide au moment où il a présenté [sa] demande ». Il cite le critère selon lequel un demandeur doit être titulaire d’un permis d’études dans les 180 jours de la présentation d’une demande de PTPD, comme l’exigent les IEP à la rubrique « Critères d’admissibilité au permis de travail postdiplôme ». Cependant, l’agent ne mentionne pas l’exigence de présenter une demande dans les 180 jours suivant la réception du relevé de notes final, comme l’exigent les IEP à la rubrique « Demande et validité d’un permis de travail postdiplôme ».

[43] À mon avis, la décision de l’agent n’est pas fondée sur une analyse rationnelle et n’est pas justifiée au regard des IEP (Vavilov au para 85). L’agent conclut à tort que le demandeur devait être titulaire d’un permis d’études valide lorsqu’il a présenté sa demande de PTPD, alors qu’il est clairement énoncé dans les IEP que le demandeur doit simplement être titulaire de ce permis dans les 180 jours de la présentation de sa demande. L’agent cite à juste titre les IEP, mais sa conclusion est nettement contraire à ces lignes directrices.

[44] L’agent omet de mentionner que le demandeur n’a pas présenté sa deuxième demande de PTPD dans les 180 jours suivant la réception de son relevé de notes final, comme l’exigent les IEP. Bien que la conclusion défavorable de l’agent concernant la demande de PTPD du demandeur puisse être raisonnable, car le demandeur n’a pas satisfait à cette exigence, il ne suffit pas qu’une conclusion soit raisonnable pour résister au contrôle judiciaire. Un contrôle selon la norme de la décision raisonnable porte à la fois sur le raisonnement et le résultat (Vavilov au para 15). En l’espèce, le raisonnement de l’agent comporte des contradictions internes et n’est pas justifié au regard des lignes directrices citées dans sa décision, ce qui rend celle-ci déraisonnable.

[45] Je souligne que la Cour a conclu dans plusieurs affaires que, pour être admissible au PTPD, un demandeur doit posséder un permis d’études valide lorsqu’il présentait sa demande, conformément aux exigences des IEP (Ofori c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 212 aux para 14, 20). Toutefois, lorsque ces affaires ont été jugées, une version précédente des IEP était en vigueur. Depuis février 2019, les IEP prévoient un délai de 180 jours pour la présentation d’une demande (Kaur au para 27).

C. Le refus par l’agent de la demande de rétablissement présentée par le demandeur était-il raisonnable?

[46] Lorsque le demandeur a présenté sa deuxième demande de PTPD, il a aussi présenté une demande de rétablissement de son statut de résident temporaire, qui avait expiré le 27 janvier 2020.

[47] Selon le paragraphe 182(1) du RIPR, un visiteur, un travailleur ou un étudiant qui présente une demande dans les 90 jours suivant la perte de son statut de résident temporaire en obtiendra le rétablissement s’il « satisfait aux exigences initiales de sa période de séjour », s’il s’est conformé à toute autre condition imposée et s’il satisfait aux exigences de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la Loi) :

Rétablissement

Restoration

182 (1) Sur demande faite par le visiteur, le travailleur ou l’étudiant dans les quatre-vingt-dix jours suivant la perte de son statut de résident temporaire parce qu’il ne s’est pas conformé à l’une des conditions prévues à l’alinéa 185a), aux sous-alinéas 185b)(i) à (iii) ou à l’alinéa 185c), l’agent rétablit ce statut si, à l’issue d’un contrôle, il est établi que l’intéressé satisfait aux exigences initiales de sa période de séjour, qu’il s’est conformé à toute autre condition imposée à cette occasion et qu’il ne fait pas l’objet d’une déclaration visée au paragraphe 22.1(1) de la Loi.

182 (1) On application made by a visitor, worker or student within 90 days after losing temporary resident status as a result of failing to comply with a condition imposed under paragraph 185(a), any of subparagraphs 185(b)(i) to (iii) or paragraph 185(c), an officer shall restore that status if, following an examination, it is established that the visitor, worker or student meets the initial requirements for their stay, has not failed to comply with any other conditions imposed and is not the subject of a declaration made under subsection 22.1(1) of the Act.

[48] En soulignant les exigences prévues au paragraphe 182(1) du RIPR, l’agent conclut que le demandeur n’est pas admissible au rétablissement, parce que sa demande de visa de résident temporaire a été refusée :

[traduction]

Dans votre cas, votre demande de statut de résident temporaire a été refusée, alors vous n’êtes pas admissible au rétablissement de votre statut de résident temporaire.

[49] Étant donné que l’agent a conclu que le demandeur n’était pas admissible au PTPD, je juge qu’il était raisonnable de sa part de conclure également que le demandeur n’était pas admissible au rétablissement de son statut de résident temporaire, car le demandeur devait satisfaire aux critères d’admissibilité au PTPD pour avoir droit au rétablissement (Abubacker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2016 CF 1112 au para 13). Cette exigence est énoncée à la rubrique « Rétablissement du statut de résident temporaire » des IEP, selon laquelle, pour être admissible au rétablissement, un demandeur doit « continuer de répondre aux exigences d’un résident temporaire et aux exigences du permis de travail ou d’études, selon le cas ».

VI. Conclusion

[50] Je conclus que la décision de mai rendue par l’agent est déraisonnable, car elle n’est pas fondée sur une analyse rationnelle et n’est pas justifiée au regard des IEP, qui autorisent un demandeur à présenter une demande de PTPD s’il a été titulaire d’un permis d’études dans les 180 jours de la présentation de sa demande (Vavilov au para 85). Par conséquent, j’accueille la présente demande de contrôle judiciaire.

[51] Aucune des parties n’a proposé de question aux fins de la certification, et je conviens que l’affaire n’en soulève aucune.


JUGEMENT dans le dossier IMM-2588-20

LA COUR STATUE que :

  1. La présente demande de contrôle judiciaire est accueillie.

  2. Aucune question n’est certifiée.

« Shirzad A. »

Juge

Traduction certifiée conforme

M. Deslippes


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-2588-20

 

INTITULÉ :

CHETAN MEHMI c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 9 août 2021

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE AHMED

 

DATE DES MOTIFS :

Le 28 septembre 2021

 

COMPARUTIONS :

Deepak Chodah

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Helen Park

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

CGM Lawyers

Avocats

Surrey (C.-B.)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Procureur général du Canada

Vancouver (C.-B.)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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