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Date : 20210826

Dossiers : T-1836-17

T-1837-17

Référence : 2021 CF 887

[TRADUCTION FRANÇAISE]

St. John’s (Terre-Neuve-et-Labrador), le 26 août 2021

En présence de madame la juge Heneghan

ACTION RÉELLE EN MATIÈRE D’AMIRAUTÉCONTRE LE NAVIRE NM INUKSUK I ET ACTION PERSONNELLE CONTRE LES PROPRIÉTAIRES, AFFRÉTEURS ET TOUTES AUTRES PERSONNES AYANT UN DROIT SUR LE NAVIRE NM INUKSUK I

Dossier : T-1836-17

ENTRE :

SEALAND MARINE ELECTRONICS

SALES AND SERVICES LTD.

demanderesse

et

LES PROPRIÉTAIRES, AFFRÉTEURS ET TOUTES AUTRES PERSONNES AYANT UN DROIT SUR LE NAVIRE NM INUKSUK I, ET INUKSUK FISHERIES

LTD. ET LA BAFFIN FISHERIES COALITION

défendeurs

ACTION RÉELLE EN MATIÈRE D’AMIRAUTÉ CONTRE LE NAVIRE NM SIVULLIQ ET ACTION PERSONNELLE CONTRE LES PROPRIÉTAIRES, AFFRÉTEURS ET TOUTES AUTRES PERSONNES AYANT UN DROIT SUR LE NAVIRE NM SIVULLIQ

Dossier : T-1837-17

SEALAND MARINE ELECTRONICS

SALES & SERVICES LTD.

demanderesse

et

LES PROPRIÉTAIRES, AFFRÉTEURS ET TOUTES

AUTRES PERSONNES AYANT UN DROIT SUR LE

NAVIRE NM SIVULLIQ, ET REMOY FISHERIES LTD.

ET LA BAFFIN FISHERIES COALITION

défendeurs

JUGEMENT ET MOTIFS

I. INTRODUCTION

[1] Par voie de déclaration datée du 30 novembre 2017, Sealand Marine Electronics Sales and Services Ltd. (la demanderesse) a intenté une action personnelle et réelle contre les propriétaires, affréteurs et tous ceux ayant un droit sur le navire à moteur NM Inuksuk I, contre Inuksuk Fisheries Ltd. et contre la Baffin Fisheries Coalition (collectivement, les défendeurs), dans le dossier no T-1836-17, en vue du recouvrement d’une somme de 13 368,06 $ pour la fourniture de biens et de services au NM Inuksuk I.

[2] Par voie de déclaration datée du 30 novembre 2017, la demanderesse a intenté une action personnelle et réelle contre les propriétaires, affréteurs et tous ceux ayant un droit sur le navire à moteur NM Sivulliq, contre Remoy Fisheries et contre la Baffin Fisheries Coalition (collectivement, les défendeurs), dans le dossier no T-1837-17, en vue du recouvrement d’une somme de 171 393,46 $ pour la fourniture de biens et de services au NM Sivulliq.

[3] En vertu d’un mandat de saisie décerné le 30 novembre 2017, le NM Inuksuk I a été saisi. Le NM Sivulliq a également été saisi.

[4] Le 29 décembre 2017, les défendeurs ont déposé une caution en argent de 14 704,86 $ en vue d’obtenir la mainlevée de la saisie du NM Inuksuk I et, le 3 janvier 2018, ils ont déposé une caution en argent de 14 704,86 $ en vue d’obtenir la mainlevée de la saisie du NM Sivulliq.

[5] Depuis l’introduction de ces deux actions, certaines réorganisations d’entreprises ont eu lieu. Toutefois, ces mesures de nature commerciale n’ont pas d’incidence sur les questions soulevées dans la présente instance.

II. LES PARTIES

[6] La demanderesse est une personne morale exploitant une entreprise à Mount Pearl, à Terre-Neuve-et-Labrador. Elle fournit et installe du matériel électronique maritime et d’autres équipements de bord destinés aux navires. Pendant plusieurs années, elle a fourni du matériel et des services aux sociétés défenderesses.

[7] Inuksuk Fisheries Ltd. est une personne morale qui, avec la Baffin Fisheries Coalition, était propriétaire du navire défendeur NM Inuksuk I lors de l’introduction de l’action dans le dossier T-1836-17.

[8] Remoy Fisheries Ltd. est une personne morale qui, avec la Baffin Fisheries Coalition, était propriétaire du navire défendeur NM Sivulliq lors de l’introduction de l’action dans le dossier T-1837-17.

III. L’HISTORIQUE DE LA PROCÉDURE

[9] Les deux actions ont été introduites le 30 novembre 2017. La demanderesse demande à recouvrer les sommes exigibles aux termes de trois factures : une première portant sur des biens et services fournis au NM Inuksuk I et deux autres sur des biens et services fournis au NM Sivulliq.

[10] Le 18 décembre 2017, les défendeurs ont déposé des défenses et des demandes reconventionnelles dans chacune des deux actions.

[11] Les défendeurs ont admis les allégations des paragraphes 1, 2 et 3 de la déclaration de la demanderesse, selon lesquelles la demanderesse est une personne morale constituée sous le régime des lois de Terre-Neuve-et-Labrador, les navires défendeurs sont immatriculés au port d’Iqaluit, dans le territoire du Nunavut, et les défenderesses Inuksuk Fisheries Ltd., Remoy Fisheries Ltd. sont les propriétaires, avec la Baffin Fisheries Coalition (Baffin), du NM Inuksuk et du NM Sivulliq respectivement.

[12] Dans leurs défenses, les défendeurs nient toute obligation envers la demanderesse concernant les factures impayées liées à la fourniture de matériel et de services aux deux navires défendeurs. Dans les demandes reconventionnelles jointes à leurs défenses, les défendeurs allèguent que le principal responsable de la demanderesse, M. Harold Young, a comploté avec deux employés de la défenderesse la Baffin Fisheries Coalition en vue de commettre une fraude consistant à facturer du matériel non maritime, notamment des motoneiges, des motos hors route et des véhicules tout terrain, opérant par le fait même un détournement, à leur usage et profit personnel, de biens appartenant à Baffin.

[13] Le 10 janvier 2018, la demanderesse a déposé sa défense reconventionnelle dans chacune des actions. Dans cet acte de procédure, elle nie les allégations de fraude, de complot et de détournement, invoquant à l’appui le principe de common law de la « règle de gestion interne ».

[14] Par voie d’ordonnance prononcée le 8 février 2018, les deux instances ont été réunies.

[15] Dans une ordonnance datée du 25 février 2019, les procédures visées aux présentes ont été désignées instance à gestion spéciale et la protonotaire Steele a été désignée juge responsable de la gestion de l’instance.

[16] Une conférence préparatoire a eu lieu le 21 juillet 2020. Dans une ordonnance datée du 4 septembre 2020, la protonotaire Steele a défini les questions en litige et fixé un échéancier pour l’exécution de certaines étapes préalables au procès, dont le dépôt d’un cahier conjoint de documents et d’un tableau d’instruction conjoint. Au neuvième paragraphe de l’ordonnance du 4 septembre 2020, la protonotaire reconnaît l’intention de la demanderesse de contester le pouvoir de la Cour de se saisir de la demande reconventionnelle des défendeurs et précise que des directives supplémentaires seront ultérieurement données par le juge du procès ou la juge responsable de la gestion de l’instance quant à l’instruction de toute requête préliminaire en radiation de leur demande reconventionnelle préalablement au procès.

[17] Le 21 septembre 2020, la juge responsable de la gestion de l’instance a donné une directive pour demander à la demanderesse de lui faire connaître, au plus tard le 24 septembre 2020, ses intentions quant à la contestation de la demande reconventionnelle des défendeurs.

[18] Le 24 septembre 2020, les défendeurs ont déposé un avis de désistement visant leur demande reconventionnelle.

[19] Le 30 octobre 2020, les défendeurs ont déposé une défense modifiée. Dans cet acte de procédure, ils mentionnaient la fusion des sociétés Inuksuk Fisheries Ltd., Remoy Fisheries Ltd. et d’autres sociétés, conformément aux dispositions de la Loi canadienne sur les sociétés par actions, LRC 1985, c C-44, afin de [TRADUCTION] « former la société fusionnée Niqitaq Fisheries Ltd. ».

[20] Dans leur défense modifiée, les défendeurs répondent aux prétentions de la demanderesse en invoquant le moyen de défense de la compensation. Ils plaident à nouveau les moyens fondés sur la commission d’une fraude et le détournement illicite et allèguent l’enrichissement injustifié de la demanderesse. Le moyen de défense de la compensation se rapporte aux factures présentées relativement aux navires défendeurs et à celles présentées à Arluk Fisheries Ltd., pour le compte du NM Arluk II.

[21] Ni Arluk Fisheries Ltd. ni le NM Arluk II n’est partie aux présentes actions réunies.

[22] Les défendeurs soutiennent que la demanderesse a facilité, en collusion avec certains employés de Baffin, la fourniture de véhicules récréatifs pour le compte de Baffin, véhicules qui ont été [TRADUCTION] « déguisés » sur les factures de façon à être présentés comme du matériel électronique maritime et du matériel connexe.

[23] Le 4 novembre 2020, la demanderesse a déposé sa réponse à la défense modifiée dans chacune des actions en cause. Elle réitère ses prétentions relativement à certaines sommes pour la fourniture de biens et services maritimes et nie l’existence d’un stratagème frauduleux ainsi que sa participation à toute manœuvre de cette nature.

IV. LE PROCÈS

[24] Dans les paragraphes qui suivent, je résume les dépositions des témoins des parties. Il s’agit bien d’un résumé de la preuve, et non d’un exposé des faits. Les conclusions de fait se trouvent plus loin dans les présents motifs, qui feront aussi référence à d’autres parties de la preuve, dont certaines pièces.

[25] À l’appui de ses prétentions, la demanderesse a fait témoigner trois personnes : M. Harold Young, M. Seamus Power et M. Derek Moss.

M. Harold Young

[26] Le premier témoin, M. Harold Young, est l’unique actionnaire de la société demanderesse. La demanderesse exploite une entreprise de vente et d’installation de matériel maritime destiné aux navires. Elle établit les factures pour ces fournitures.

[27] En témoignage, M. Young a déclaré qu’il travaillait avec Baffin depuis au moins 10 ans et qu’il n’y avait jamais eu de problèmes. D’ordinaire, il était contacté par le gestionnaire de la flotte maritime qui lui demandait de lui fournir du matériel ou d’effectuer des travaux. Il a décrit le processus suivi pour l’établissement des bons de travail et des factures en cause en l’espèce.

[28] Pour la rédaction du descriptif des bons de travail, M. Young a déclaré avoir suivi les instructions que lui avait données M. Dudley Fowler, alors gestionnaire de la flotte de Baffin. Les bons de travail décrivaient la nature des travaux ou du matériel et précisaient la date de l’exécution des travaux, les heures de travail associées à ces travaux, y compris le temps de déplacement, et le prix du matériel.

[29] Les bons de travail étaient signés par M. Young et M. Fowler. Ils étaient rédigés sur du papier « autocopiant ». M. Young affirme avoir passé en revue ces bons de travail et les factures avec M. Fowler, dans les bureaux de Baffin, où il avait l’habitude de signer les documents. La signature de M. Fowler servait à attester les travaux et le matériel fourni.

[30] M. Fowler faisait ensuite suivre la facture de la demanderesse au bureau des comptes créditeurs de Baffin. La preuve révèle que Baffin a présenté sept bons de travail à Sealand.

[31] M. Young a témoigné au sujet des trois factures litigieuses en l’espèce.

[32] Dans le dossier no T-1837-17, la demanderesse demande à recouvrer les sommes exigibles selon la facture no 103367, datée du 8 août 2017 et justifiée par les bons de travail no 8422 et no 8423, pour la fourniture de matériel maritime au NM Sivulliq, sommes qui s’élèvent à 155 502,31 $.

[33] Elle demande également à recouvrer la somme de 15 894,15 $, se rapportant à la facture no 103386, datée du 12 septembre 2017, et aux bons de travail afférents, les bons no 8432 et no 8433, pour du matériel maritime lié au NM Sivulliq.

[34] Bien que le bon de travail no 8433 fasse état de deux véhicules tout terrain Can Am Outlander correspondant à un montant de 54 567,50 $, la demanderesse ne cherche pas à recouvrer les sommes se rapportant à ces deux articles dans le cadre de la présente action. Une action visant ces sommes est en instance devant la Section générale de la Cour suprême de Terre-Neuve-et-Labrador.

[35] Les sommes réclamées par la demanderesse relativement au NM Sivulliq s’élèvent à 171 396,46 $, total qui comprend la TVH et la majoration de prix de la demanderesse.

[36] Dans le dossier no T-1836-17, la demanderesse cherche à obtenir un jugement lui octroyant un montant de 13 368,06 $ en paiement de sa facture no 103366, datée du 7 août 2017 et justifiée par le bon de travail no 8421, pour la fourniture de matériel maritime au NM Inuksuk I.

[37] Le bon de travail en question fait état de l’achat de quatre (4) motos hors route, pour un montant de 66 189,17 $. Le recouvrement de ces sommes ne fait pas partie de la réclamation de la demanderesse dans le cadre de la présente action, mais fait l’objet d’une instance devant la Section générale de la Cour suprême de Terre-Neuve-et-Labrador.

[38] M. Young a expliqué qu’il consignait le matériel non maritime sur les bons de travail et les factures comme étant de l’équipement de bord, suivant les instructions que lui avait données M. Dudley Fowler, gestionnaire de la flotte de Baffin à l’époque.

[39] M. Young a été questionné relativement à six (6) autres factures en lien avec le moyen de défense de la compensation que plaident les défendeurs :

Facture no 10339 présentée à Inuksuk Fisheries Ltd., en date du 1er avril 2017, et bon de travail afférent portant le no 8358;

Facture no 103365 présentée à Inuksuk Fisheries Ltd., en date du 17 juillet 2017, et bon de travail afférent portant le no 8407;

Facture no 103330 présentée à Remoy Fisheries Ltd., en date du 1er avril 2017, et bon de travail afférent portant le no 8365;

Facture no 103336 présentée à Inuksuk Fisheries Ltd., en date du 30 avril 2017, et bon de travail afférent portant le no 8382;

Facture no 103345 présentée à Arluk Fisheries Ltd., en date du 8 mai 2017, et bons de travail afférents portant le no 8359, le no 8388 et le no 8392;

Facture no 103318 présentée à Arluk Fisheries Ltd., en date du 6 mars 2017, et bon de travail afférent portant le no 8357.

[40] Les défendeurs contestent les factures no 103329 et no 103365 au motif qu’elles comportent des frais pour des travaux d’électricité que la Newfoundland Electrical Ltd. a réalisés sur une propriété située à Winterton, à Terre-Neuve-et-Labrador. Ces travaux figurent sur les factures no 1793 et no 1785 de la Newfoundland Electrical Ltd., lesquelles font état de travaux d’électricité réalisés pour le compte du NM Inuksuk I.

[41] Les factures ont été envoyées à M. Young, qui les a intégrées aux factures que Sealand a présentées à Baffin sans savoir à l’époque qu’il s’agissait de travaux réalisés sur une résidence de Winterton. Lorsqu’il l’a su, les factures de Sealand avaient déjà été acquittées. Les factures de Sealand portent les numéros 103329 et 103365.

[42] Les défendeurs contestent la facture no 103330 de Sealand au motif qu’elle comporte des frais pour une motoneige qui aurait été acquise par des moyens frauduleux pour le profit personnel de M. Garth Reid, de M. Dudley Fowler ou d’autres personnes.

[43] Les défendeurs contestent la facture no 103336 de Sealand au motif qu’elle comporte des frais pour un véhicule tout terrain Can Am Outlander, équipé de chenilles, qui aurait été acquis par des moyens frauduleux pour le profit personnel de M. Reid, de M. Fowler ou d’autres personnes.

[44] Les défendeurs contestent la facture no 103345 de Sealand au motif qu’elle comporte des frais pour deux véhicules tout terrain Can Am Outlander qui auraient été acquis par des moyens frauduleux pour le profit personnel de M. Reid, de M. Fowler ou d’autres personnes. Cette facture de Sealand est adressée à Arluk Fisheries Ltd., qui n’est pas partie à l’instance.

[45] Enfin, les défendeurs contestent la facture no 103318 de Sealand au motif qu’elle comporte des frais pour trois motoneiges qui auraient été acquises par des moyens frauduleux pour le profit personnel de M. Reid, de M. Fowler ou d’autres personnes. Cette facture est elle aussi adressée à Arluk Fisheries Ltd.

[46] L’une des motoneiges figurant sur la facture no 103318 de Sealand, de modèle Skandic, a été acquise pour le compte de l’ancien président du conseil d’administration de Baffin, M. Jacobie Maniapik. Elle a été achetée et livrée au magasin Northern d’Iqaluit, au Nunavut.

[47] M. Young a affirmé qu’il recevait des instructions de M. Dudley Fowler, gestionnaire de la flotte de Baffin, pour la rédaction du descriptif des bons de travail et factures de Sealand. M. Fowler lui aurait dit de ne pas mentionner les motoneiges, véhicules tout terrain et autres articles analogues et lui aurait fourni le descriptif à utiliser. M. Young a suivi ces instructions, mais il ajoutait les numéros de série ou numéros d’identification de véhicule pour les besoins de sa comptabilité interne. M. Young ajoutait également les numéros de facture de tous les sous-traitants ayant participé à la fourniture des biens en question.

[48] Lors de son témoignage, M. Young a également déclaré qu’après lui avoir fait une première demande de motoneige pour M. Maniapik, M. Reid lui avait demandé de lui fournir d’autres motoneiges et véhicules tout terrain. M. Young s’est alors adressé à son fournisseur et sous-traitant, CMK Enterprises Ltd. Cette société établie à Paradise, à Terre-Neuve-et-Labrador, vend notamment des véhicules récréatifs.

[49] M. Young a déclaré qu’il avait invité M. Reid à s’adresser directement à M. Cecil Hodder, propriétaire et exploitant de CMK, en disant à ce dernier de fournir à Baffin ce qu’elle voulait. CMK Enterprises Ltd. a ensuite présenté les factures à Sealand.

[50] M. Young a déclaré qu’il ne s’était pas interrogé quant au fait que M. Reid lui avait demandé de fournir ces articles à Baffin. Il a expliqué que, comme M. Reid était à l’époque le premier dirigeant de Baffin, il se fiait à lui pour donner suite à ses demandes.

[51] Les comptes de Sealand n’ont pas été payés en septembre 2017. M. Young a déclaré avoir appris que Baffin était en proie à des [traduction] « troubles » internes ». À l’automne 2017, il a rencontré un représentant de Baffin, M. Chris Flanagan, qui exerçait alors par intérim la fonction de dirigeant principal des finances de l’organisation. Il a expliqué à M. Flanagan comment les divers articles étaient consignés sur les bons de travail et les factures de Sealand. Il lui a remis les factures de CMK et les coordonnées de M. Hodder. Il a aussi participé à l’audit juricomptable réalisé par Deloitte pour le compte de Baffin.

[52] Le 2 novembre 2017, M. Young a rencontré M. Flanagan et enregistré leur conversation. La transcription de cette conversation a été versée comme pièce au dossier sous la cote P-12. Au cours de cette conversation, M. Flanagan a déclaré que le contenu de la facture no 103367 de Sealand, dont le total s’élevait à 155 502,31 $, ne lui causait aucun souci.

[53] Il a aussi ajouté que cette importante somme serait acquittée. Or, ni cette facture ni les deux autres n’ont été payées, ce qui a abouti à l’introduction des présentes procédures.

[54] Lors de son témoignage, M. Young a nié la thèse de sa participation à un stratagème frauduleux avec M. Reid ou M. Fowler ainsi que de l’existence d’un complot et de tout détournement à son usage personnel de biens appartenant à Baffin.

M. Seamus Power

[55] M. Seamus Power est un directeur de succursale d’Atlantic Electronics Ltd., une entreprise qui fournit du matériel électronique maritime pour les navires de haute mer. M. Power a témoigné au sujet de la livraison de capteurs Scanmar et de matériel connexe au NM Sivulliq, selon la description figurant sur la facture no 103367 de Sealand.

[56] En date du 23 octobre 2017, M. Power a fait parvenir un courriel à M. Young pour confirmer la livraison du matériel à bord du navire en question. Une copie de ce courriel a été ajoutée à la pièce 11, qui réunit les courriels échangés entre M. Young, M. Flanagan et d’autres employés de Baffin.

M. Darren Moss

[57] M. Darren Moss, le troisième témoin appelé par la demanderesse, occupe un poste de direction à la Newfoundland Electrical Limited. Il a déclaré que c’était son ancien associé, M. Derrick Williamson, aujourd’hui décédé, qui s’était occupé avec M. Reid du dossier des travaux d’électricité décrits dans les factures no 1793 et no 1795 de son entreprise. Ces factures font état de travaux d’électricité réalisés sur le NM Inuksuk I; nous savons désormais que ces travaux ont été effectués dans une résidence située à Winterton.

[58] M. Moss a expliqué qu’il n’était pas inhabituel qu’un client attribue les travaux décrits dans une facture à un autre immeuble que celui où les travaux ont effectivement été réalisés. Il a ajouté qu’il ne s’en [TRADUCTION] « mêlait » pas, sauf en cas de problème de paiement de la facture, ce qui n’avait pas été le cas, puisque Sealand l’avait payée.

[59] Lorsqu’il a été mis au courant de la controverse entourant la construction de la maison à Winterton, il a demandé à ses employés d’abandonner le chantier.

V. LES TÉMOINS DES DÉFENDEURS

[60] Les défendeurs ont appelé cinq témoins : M. Cecil Hodder, M. Garth Reid, M. Dudley Fowler, M. Brad Reardon et M. Chris Flanagan.

M Cecil Hodder

[61] M. Hodder est propriétaire et exploitant de CMK Enterprises Ltd., une entreprise qui vend des véhicules récréatifs. Il a déclaré en témoignage que la plupart des clients qui se présentent à son commerce y ont été aiguillés par quelqu’un d’autre et qu’il a pour mandat de leur procurer l’article qu’ils recherchent. Ainsi, dans sa relation commerciale avec Sealand, Sealand avait [traduction] « aiguillé » Baffin, qui était la cliente « finale ».

[62] M. Hodder a expliqué qu’on lui avait demandé d’obtenir des motoneiges et des véhicules tout terrain adaptés aux fortes accumulations de neige ou capables de tirer de lourdes charges, ou encore équipés pour la chasse ou la pêche.

[63] M. Hodder a déclaré que M. Reid l’avait prié de lui indiquer le coût estimatif d’expédition d’une motoneige au Nunavut. Comme ce coût s’était révélé prohibitif, la motoneige a été obtenue localement, au Nunavut.

[64] M. Hodder a affirmé qu’on lui avait également demandé d’obtenir et de fournir un démarreur pour une camionnette Ford F150. Il a obtenu cet article et l’a livré à M. Leo Muktar, qui était alors membre du conseil d’administration de Baffin, aux bureaux de Baffin à St. John’s.

[65] M. Hodder a expliqué que c’était principalement avec M. Reid qu’il traitait pour obtenir le matériel pour Baffin, comme les motoneiges, véhicules tout terrain et motos hors route, et non avec M. Young de Sealand. Il a déclaré que le rôle de M. Young consistait pour l’essentiel à confirmer que CMK pouvait passer les commandes et facturer Sealand.

[66] M. Hodder a aussi déclaré que M. Young ne s’est jamais occupé du ramassage ou de la livraison d’articles, pas même des deux tronçonneuses Stihl et que M. Reid était presque toujours accompagné de M. Fowler lorsqu’une commande était passée ou que des articles étaient ramassés ou livrés.

[67] Au dire de M. Hodder, M. Reid n’a jamais parlé de qui devait payer la note pour les articles obtenus et facturés par l’intermédiaire de CMK.

[68] Après le 9 septembre 2021, M. Hodder a reçu un appel de M. Reid concernant certains véhicules tout terrain qui se trouvaient alors chez M. Fowler. M. Reid a demandé à M. Hodder de prendre ces véhicules et de les entreposer. Les véhicules ont été chargés dans la remorque que Baffin avait achetée en mars 2017, d’après la facture versée au dossier sous la cote P-1, qui porte la date du 16 mars 2017.

[69] M. Hodder a déclaré qu’il avait conduit la remorque contenant les véhicules jusqu’à son établissement commercial, à Paradise, qu’il l’avait déchargée et qu’il en avait dressé l’inventaire. La liste des articles entreposés dans la remorque a été versée au dossier sous la cote D-9.

[70] M. Hodder a expliqué qu’il avait livré les articles aux locaux de Baffin le 20 novembre 2017. Par la suite, il a présenté une facture à Baffin pour les frais d’entreposage. La motoneige de modèle Expedition, qui figurait sur la facture no 1052 adressée par CMK à Sealand et versée au dossier sous la cote D-2, ne faisait pas partie des articles entreposés.

[71] Selon M. Hodder, la facture établie par CMK pour les frais d’entreposage est l’unique facture liée à Baffin qui n’a pas été payée. Cette facture a été versée au dossier sous la cote D-9.

[72] M. Hodder a aussi témoigné au sujet de sa participation à une excursion de motoneige en mars 2017. M. Young, M. Fowler, M. Reid et M. Flanagan comptaient parmi les participants à cette excursion qui les a menés sur la côte ouest de Terre-Neuve. M. Mike McGann, un expert-conseil d’Ottawa engagé par Baffin, était également présent.

[73] M. Hodder a déclaré que peu après l’excursion, M. McGann lui avait téléphoné pour lui demander de lui expédier une motoneige à Ottawa. M. Hodder n’a pas accédé à la demande et il a raccroché.

[74] M. Hodder a par ailleurs mentionné que, 15 ou 16 mois environ après avoir retourné les motoneiges, les motos hors route, les véhicules tout terrain et un générateur à Baffin, il a tout racheté. Puis, il a revendu les articles et a [traduction] « fait de l’argent », mais il n’a présenté aucune preuve concernant le prix qu’il a payé à Baffin ou le profit qu’il a réalisé.

M. Garth Reid

[75] M. Garth Reid était le premier dirigeant de Baffin au moment des faits pertinents quant aux présentes actions. En septembre 2017, à l’issue d’une réunion du conseil d’administration de Baffin, il a fait l’objet d’une suspension. Puis, en octobre 2017, il a été démis de ses fonctions.

[76] En témoignage, M. Reid a parlé de sa rencontre avec M. Hodder, de CMK, qui lui avait été présenté par M. Young. Il a déclaré que les fournisseurs de Baffin s’adressaient normalement à M. Michael Feehan, du service des achats, ou à M. Fowler, le gestionnaire de la flotte. M. Reid était informé de tout sujet de préoccupation par M. David Taylor, qui était alors l’ancien dirigeant principal des finances.

[77] M. Reid a déclaré qu’il était au courant de l’achat des motoneiges, y compris celle destinée à M. Maniapik. Il était disposé à acquérir tout ce que voulaient les membres du conseil d’administration, puisqu’il les considérait comme les propriétaires de la société.

[78] M. Reid a témoigné qu’il était présent lorsque M. Taylor a demandé à M. Fowler de consigner les véhicules récréatifs et le moteur hors-bord sous la description [traduction] « mécanique ». Il a affirmé que l’une des motoneiges était destinée à M. Reid pour son usage à Pangnirtung et qu’il s’agissait d’une prime à la signature.

[79] M. Reid a aussi déclaré qu’une des motoneiges était destinée à M. McGann à titre de paiement des factures reçues pour la prestation de conseils.

[80] M. Reid a expliqué que les motos hors route ne devaient pas être facturées à Baffin, mais bien à lui, à titre personnel : il avait traité directement avec CMK pour ces articles et il n’avait pas discuté avec M. Young de questions de facturation. Ces articles ne font pas partie de la réclamation de la demanderesse dans les présentes actions ni de la demande de compensation en equity présentée par Baffin.

[81] M. Reid a parlé de l’acquisition d’un nettoyeur haute pression, affirmant qu’il était destiné à l’usage de Baffin. La situation est analogue à celle des deux tronçonneuses Stihl. Ces articles ne sont pas visés par les réclamations formulées en l’espèce.

[82] Au dire de M. Reid, exception faite des motos hors route, les motoneiges et les véhicules tout terrain ont été acquis pour les besoins des membres du conseil d’administration ou des membres des organisations de chasseurs et de trappeurs (OCT) qui composent Baffin, ou pour les besoins des employés de Baffin lorsqu’ils travaillent au Nunavut, ou encore, en ce qui concerne M. Fowler, M. McGann et M. Reid, à titre de prime, de rémunération ou de mesure d’incitation.

[83] M. Reid a déclaré qu’il n’y avait à l’époque aucune limite à son pouvoir de dépenser pour des achats pour Baffin, et il rendait des comptes au seul conseil d’administration. Il a affirmé que les demandes de moteurs hors-bord, de motoneiges ou de véhicules tout terrain des membres du conseil d’administration cadraient avec les objectifs de Baffin, qui était la propriété des OCT.

[84] M. Reid a déclaré qu’il n’avait pas pris part à l’audit juricomptable réalisé par Deloitte à la demande de Baffin. Il a admis que la Cour suprême de Terre-Neuve-et-Labrador avait rendu contre lui un jugement d’un montant de 544 049,17 $, le tout avec intérêts et dépens, parce qu’il n’avait pas présenté de défense à l’encontre d’une demande de jugement sommaire.

[85] M. Reid a nié l’existence d’un stratagème frauduleux ou d’un complot impliquant M. Young et M. Fowler, ou encore d’un projet visant le détournement de biens appartenant à Baffin.

M. Dudley Fowler

[86] M. Dudley Fowler, qui avait été capitaine du NM Arluk II, était le gestionnaire de flotte de Baffin au moment des événements à l’origine des présentes actions.

[87] M. Fowler a déclaré qu’à l’occasion d’un séjour effectué en Norvège en compagnie de M. Reid et M. Maniapik pour l’achat de navires, ces derniers lui avaient offert le poste de gestionnaire de flotte. Ils lui avaient dit qu’il toucherait pour ce poste un salaire inférieur à celui qui lui était versé à titre de capitaine du NM Arluk II, mais que la société, c’est-à-dire Baffin, le [traduction] « compenserait ».

[88] Lorsqu’on lui a demandé s’il dictait à M. Young le libellé des bons de travail de Sealand, M. Fowler a nié avoir donné de telles instructions. Il a ajouté que même s’il avait signé les bons de travail produits en preuve, il l’avait fait sans les examiner un à un et sans en vérifier le contenu. Il a convenu que la présence de sa signature et de celle de M. Young sur un bon de travail attestait que les travaux y décrits avaient été menés à bien.

[89] M. Fowler a déclaré qu’il faisait confiance aux personnes qui lui présentaient des bons de travail et des factures. Il a expliqué qu’il devait traiter des centaines de bons de travail et de factures et qu’il était constamment pressé de signer ces documents et de les présenter pour paiement par le service de la comptabilité et M. David Taylor, l’ancien dirigeant principal des finances de Baffin.

[90] M. Fowler a déclaré qu’il ne savait pas que les véhicules récréatifs étaient consignés sur les bons de travail et les factures de Sealand comme fournitures mécaniques pour les navires défendeurs ou pour le NM Arluk II. Il a déclaré que, à une occasion, un moteur hors-bord a été acheté pour M. Maniapik, mais que M. Taylor, l’ancien dirigeant principal des finances, lui a dit de consigner l’article sous la description [traduction] « mécanique » et de ne pas le mentionner parce que d’autres personnes, comme les membres du conseil d’administration, voudraient s’en procurer un.

[91] M. Fowler a dit avoir été chercher le moteur hors-bord à Clarenville et avoir payé par carte de crédit. Il a ajouté qu’ une drague à pétoncle a été achetée à une autre occasion et qu’elle devait être consignée sous la description [traduction] « mécanique ». Il a déclaré qu’elle était destinée à M. Methuselah Kunuk, un autre membre du conseil d’administration.

[92] M. Fowler a affirmé que M. Taylor lui a dit de ne pas remettre en question la description du moteur hors-bord, que cela faisait partie de la gestion des affaires de l’entreprise.

[93] M. Fowler a déclaré que M. Taylor lui a dit, devant M. Reid, de consigner certains articles sous la description [traduction] « mécanique ».

[94] S’agissant des bons de travail portant sa signature, M. Fowler a affirmé qu’il était possible qu’il les ait signés en l’absence de M. Young. Toutefois, en contre-interrogatoire, on a fait remarquer à M. Fowler que les bons de travail et les factures étaient imprimés sur du papier « autocopiant », et qu’à moins d’en séparer les feuilles et de les faire signer isolément par M. Fowler et M. Young, ils devaient nécessairement être signés au même moment. M. Fowler n’a pu répondre à cette remarque en fournissant une explication.

[95] M. Fowler a déclaré que six bons de commande produits par Baffin, pour lesquels des sommes ont été portées au crédit de Sealand en paiement de factures de Sealand, comportaient quelques détails relatifs au matériel et aux services fournis.

[96] M. Fowler a déclaré qu’après sa suspension, en septembre 2017, une remorque appartenant à Baffin se trouvait à son domicile. Il a expliqué que la remorque contenait deux véhicules tout terrain. Il y avait également deux motoneiges et un véhicule tout terrain dans son garage.

[97] M. Fowler a affirmé avoir reçu et conservé un véhicule tout terrain Can Am Outlander 850 et une motoneige Summit 850, expliquant que ces véhicules lui avaient été offerts à titre d’avantages sociaux, afin de compenser la réduction de salaire qu’il avait subie en acceptant le poste de gestionnaire de flotte.

[98] Lorsqu’on l’a interrogé sur l’obtention d’une motoneige Renegade, M. Fowler a répondu qu’il n’avait jamais reçu un tel véhicule.

[99] M. Fowler a témoigné au sujet de divers achats effectués pour le compte des membres du conseil d’administration de Baffin, notamment l’achat de vêtements pour permettre à ces membres d’assister à l’édition de 2017 d’une exposition organisée à Boston sur le thème des fruits de mer. Il a témoigné sur ce qu’il savait personnellement de l’achat d’un moteur hors-bord pour M. Maniapik et d’une motoneige et d’une drague à pétoncle pour M. Kunuk. Il a également évoqué les [traduction] « rumeurs » voulant que Baffin ait procuré des avantages personnels à d’autres employés.

[100] M. Fowler a été interrogé au sujet d’une conversation qu’il a eue avec M. Young le 10 novembre 2017. M. Young a enregistré la conversation à l’insu de M. Fowler, et une transcription des échanges a été déposée en preuve sous la cote P-13.

[101] Lors de cette conversation, M. Fowler a parlé des avantages personnels mentionnés ci‐dessus.

M. Brad Reardon

[102] M. Brad Reardon est chef mécanicien à bord du NM Arluk II. Il a déclaré en témoignage qu’il n’avait jamais vu à bord du NM Arluk II le matériel décrit dans les factures no 103345 et no 103318 de Sealand et dans les bons de travail y afférents. Ces bons de travail et factures indiquaient qu’il s’agissait de matériel acoustique ou de sonars.

[103] Selon M. Reardon, le gestionnaire de flotte ou le capitaine du NM Arluk II savait forcément que ce type de matériel ne serait d’aucune utilité à bord de ce navire.

M. Chris Flanagan

[104] M. Chris Flanagan est actuellement le premier dirigeant de Baffin.

[105] En témoignage, M. Flanagan a déclaré qu’il avait commencé par travailler pour Baffin en décembre 2015 comme conseiller en médias. Au printemps ou au début de l’été 2016, il a été engagé à temps plein. Il a d’abord conservé ses fonctions de conseiller en médias, pour ensuite accéder à un poste au service du développement économique et des communications. Il est titulaire de diplômes de premier cycle en géographie et en journalisme ainsi que d’une maîtrise en administration des affaires. Il n’a pas produit de preuve de ses antécédents professionnels antérieurs à son emploi auprès de Baffin.

[106] En septembre 2017, M. Flanagan est devenu dirigeant principal des finances par intérim de Baffin. En juillet ou août 2018, il est devenu premier dirigeant par intérim. Au début 2019, il est devenu premier dirigeant à temps plein, et c’est en cette qualité qu’il a témoigné au procès.

[107] Alors qu’il travaillait toujours comme conseiller en médias, M. Flanagan s’est rendu à une réception de Noël donnée à la brasserie Quidi Vidi, située à St. John’s(Terre-Neuve-et-Labrador). Il a déclaré que parmi les personnes présentes se trouvaient six ou sept ouvriers en bâtiment du Québec qui ne parlaient que le français. Sa femme lui a servi d’interprète. Il a également déclaré qu’il connaissait suffisamment le français pour comprendre ce que disaient ces ouvriers.

[108] M. Flanagan a affirmé avoir compris que ces convives francophones [traduction] « adoraient » travailler pour Baffin. Il a ajouté qu’il avait trouvé [traduction] « très étrange » que Baffin embauche des ouvriers venant du Québec. Selon lui, les rumeurs qui circulaient depuis un moment au sein de la société faisaient état d’une résidence que M. Reid faisait construire à Winterton avec l’argent de l’organisation.

[109] M. Flanagan a parlé de la structure organisationnelle de Baffin. Il a expliqué que « Baffin Fisheries Coalition » était le nom officiel d’une organisation à but non lucratif constituée sous le régime de la Loi canadienne sur les organisations à but non lucratif, LC 2009, c 23. Elle est la propriété de cinq OCT, chacune associée à une collectivité du Nunavut. Ces cinq collectivités sont Pond River (sic), Pangnirtung, Clyde River, Kimmirut et Iqaluit. Baffin est propriétaire de la Niqitaq Fisheries Limited, la branche d’exploitation de Baffin.

[110] M. Flanagan a déclaré qu’il a remarqué en 2016, dans le cadre de son emploi, que la société était très occupée : elle gérait trois navires et divers projets dans le Nord, dont la construction d’immeubles de bureaux à Pangnirtung et Pond Inlet. Il a aussi remarqué que la société paraissait [traduction] « dépenser des sommes invraisemblables en services d’experts-conseils et en déplacements, de même que pour des activités non essentielles ». Sa participation à la réception de Noël lui avait [traduction] « ouvert les yeux ».

[111] M. Flanagan a raconté qu’en 2017, alors qu’il travaillait à la rédaction d’un rapport annuel, il a découvert, dans un onglet d’un tableur Excel, un document montrant que des frais engagés à la quincaillerie Hindy’s Home Hardware à Winterton (Terre-Neuve-et-Labrador) avaient été imputés au compte de dépenses relatif à Pond Inlet. Il a fait part au conseil d’administration de Baffin des soupçons qu’avait éveillés chez lui le fait que des dépenses engagées à Winterton avaient été présentées comme des dépenses liées aux activités de Pond Inlet. Il a demandé au conseil d’obtenir plus de données financières. Il n’a pas précisé à quel moment il avait fait ce rapport et cette demande au conseil.

[112] M. Flanagan a déclaré que l’affaire avait été soulevée avant la réunion du conseil d’administration, en septembre 2017. Il a alors expliqué ses soupçons au conseil, ajoutant que [traduction] « si les faits étaient bien réels », il fallait suspendre les cadres supérieurs, procéder à un audit juricomptable et obtenir les conseils d’un avocat. Il a déclaré que M. Leo Muktar et lui étaient résolus à présenter leur démission si aucune fraude ou appropriation illicite n’étaient constatées.

[113] M. Flanagan a expliqué qu’à la suite de cette réunion du conseil d’administration, des résolutions ont été adoptées. Il semblerait que l’une des résolutions consistait à suspendre le premier dirigeant, le dirigeant principal des finances et le gestionnaire de flotte, avec rémunération, jusqu’à l’issue de l’enquête. Une autre visait à autoriser la tenue d’un audit juricomptable.

[114] M. Flanagan a déclaré que les suspensions avaient été imposées un vendredi, peu de temps après la réunion du conseil d’administration et qu’il avait été nommé par intérim au poste de dirigeant principal des finances pendant que durerait la période de suspension.

[115] M. Flanagan a déclaré que la conduite de l’audit juricomptable avait été confiée au cabinet Deloitte d’Halifax et que M. Paul Bradbury était à la tête de l’équipe de vérification.

[116] M. Flanagan a déclaré qu’au moment en question, le dirigeant principal des finances était M. Nick Cline, que M. David Taylor avait présenté sa démission en mars 2017 et qu’il n’était pas disposé à signer les états financiers et à assurer l’intérim au poste de dirigeant principal des finances tant que [traduction] « cette situation durait ».

[117] M. Flanagan a déclaré qu’en septembre 2017, l’organisation se trouvait dans une situation financière [traduction] « assez difficile », qu’elle avait environ 30 000 $ en banque et qu’elle retardait le paiement de ses comptes clients.

[118] M. Flanagan a déclaré qu’il n’a entendu parler de Sealand et de ses comptes en souffrance qu’en septembre 2017, lorsqu’il a reçu un appel de M. Young. Ce dernier lui aurait dit qu’il était en mesure de reconnaître les motoneiges.

[119] M. Flanagan a déclaré avoir été étonné du nombre de motoneiges qui avait été acheté; il a expliqué avoir rencontré M. Young, qui lui avait offert de lui montrer comment avait été établie la facture des motoneiges et véhicules tout terrain et lui avait demandé si Baffin en acquitterait le solde en souffrance, soit environ 155 000 $.

[120] M. Flanagan a déclaré que sa rencontre avec M. Young avait eu lieu dans les bureaux de Baffin et qu’il y avait examiné les factures de Sealand. Il a été étonné par le nombre de véhicules. Il est allé consulter M. Bradbury et, selon ses termes, [TRADUCTION] « Paul était fébrile ».

[121] M. Flanagan a retenu les services d’un certain M. Paul Loder, analyste commercial, à qui il a demandé de constituer une feuille de calcul.

[122] M. Flanagan a déclaré qu’après sa rencontre avec M. Young, il avait conservé une feuille de calcul sur le bureau de son ordinateur et avait calculé que le prix majoré pour l’ensemble des motoneiges, véhicules tout terrain et motos hors route était d’environ 160 000 $. Il a affirmé avoir dit à M. Young que Baffin le paierait lorsqu’ils auraient découvert [traduction] « l’emplacement de tous ces biens et la façon d’en reprendre possession ».

[123] M. Flanagan a déclaré que CMK avait retourné certains véhicules récréatifs à Baffin. Ces véhicules ont finalement été vendus à CMK pour une somme qui n’a pas été révélée, mais qui pourrait s’élever à un prix unitaire de 7000 $ ou 8000 $.

[124] M. Flanagan a aussi témoigné au sujet de sa présence à une excursion de pêche au saumon à l’été 2016. Il a déclaré que le coût de l’expédition avait été assumé par Niqitaq et qu’à son avis, c’était là un autre signe que Baffin ne faisait pas les choses comme il se devait. Durant l’été 2016, M. Flanagan était chargé de questions de développement économique et il n’occupait pas un poste de cadre.

[125] M. Flanagan a déclaré que pendant le mandat de M. Reid comme premier dirigeant, Baffin n’était dotée d’aucune politique sur les dépenses et avantages personnels ou les conflits d’intérêts. Il a précisé qu’avant la tenue de l’audit juricomptable, en 2017, Baffin avait toujours fait vérifier annuellement ses comptes.

[126] M. Flanagan a parlé d’une conversation qu’il avait eue avec M. Young le 2 novembre 2017. Cette conversation a été enregistrée à l’insu de M. Flanagan et sa transcription a été produite en preuve.

[127] M. Flanagan a reconnu que d’après la transcription, il avait accepté d’acquitter le compte de Sealand, qui s’élevait environ à 155 000 $. Toutefois, il a ajouté qu’il en avait plus tard contesté le paiement.

[128] M. Flanagan a déclaré avoir eu un doute quant aux factures et aux majorations de prix exigées par Sealand. Avec M. Bradbury et M. Loder, il a conclu qu’il s’agissait [traduction] « d’un cas de factures trompeuses et qu’on avait fait payer à l’organisation des choses dont elle ignorait la nature, et les factures ne correspondaient pas à ce [qu’elle] pens[ait] acquérir, alors [elle a] demandé un avis juridique pour savoir quelles mesures [elle] dev[ait] prendre ».

VI. LES QUESTIONS EN LITIGE

[129] Suivant l’ordonnance prononcée par la protonotaire Steele le 4 septembre 2020, les parties ont convenu que le procès porterait sur les questions suivantes :

[traduction]

a) Existe-t-il entre la demanderesse et les défendeurs un contrat valide et exécutoire visant la fourniture de matériel et de services pour le compte du navire NM INUKSUK I (T-1836-17) et du navire NM SIVULLIQ (T-1837-17)?

b) La demanderesse a-t-elle fourni aux défendeurs le matériel et les services visés par le contrat pour le navire NM INUKSUK I (T‐1836-17) et le navire NM SIVULLIQ (T-1837-17)?

c) Quel est le montant à payer à la demanderesse, le cas échéant, pour les travaux exécutés sur le navire NM INUKSUK I (T‐1836‐17) et le navire NM SIVULLIQ (T-1837-17)?

d) La demanderesse a-t-elle pris part à une fraude ou détourné des biens appartenant aux sociétés défenderesses?

e) Les défendeurs ont-ils droit à une compensation en equity dans les dossiers T-1836-17 et T-1837-17 et, le cas échéant, à quel montant ont-ils droit?

[130] Lors de la conférence de gestion de l’instruction qui s’est tenue le 9 novembre 2020, les parties ont convenu que les questions n’avaient pas changé.

[131] Les deux parties ont traité de la requête présentée par la demanderesse pour contester la compétence de la Cour de connaître d’allégations de fraude, de complot et de détournement de fonds au moment de la présentation de leurs observations finales.

VII. LES OBSERVATIONS

A. Les observations de la demanderesse

[132] La demanderesse soutient qu’elle s’est acquittée de son fardeau de prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle a fourni les biens et services aux navires défendeurs, le NM Inuksuk I et le NM Sivulliq. Elle fait valoir qu’elle a suivi les instructions de représentants autorisés de la défenderesse Baffin et qu’elle a le droit d’invoquer la « règle de la gestion interne », codifiée à l’alinéa 18(1)d) de la Loi canadienne sur les sociétés par actions, LRC 1985, c C -44, ainsi qu’à l’alinéa 19(1)d) de la Loi canadienne sur les organisations à but non lucratif, précitée.

[133] La demanderesse prétend que l’article 186 des Règles des Cours fédérales, DORS 98/106 (les Règles) ne confère à la Cour fédérale aucune compétence sur les questions de fraude, de complot et de détournement.

B. Les observations des défendeurs

[134] Les défendeurs prétendent que la demanderesse n’a pas démontré qu’elle a fourni aux navires défendeurs des biens et services d’une valeur correspondant aux sommes réclamées.

[135] De plus, les défendeurs soutiennent que la demanderesse n’a pas droit à l’obtention d’un jugement, parce que son principal responsable, M. Harold Young, s’est livré en compagnie de deux cadres de Baffin, M. Reid et M. Fowler, à un stratagème visant à frauder Baffin pour obtenir un avantage personnel. Les défendeurs allèguent que l’avantage, pour M. Young, prenait la forme d’un profit et pour M. Reid et M. Fowler, de biens, c’est-à-dire de véhicules récréatifs.

[136] L’allégation concernant l’existence d’un complot impliquant M. Young, M. Reid et M. Fowler est inhérente à l’allégation et l’argumentaire relatifs au stratagème frauduleux.

[137] Par ailleurs, les défendeurs soutiennent que ces trois personnes ont [traduction] « détourné illicitement » les biens de Baffin.

VIII. ANALYSE ET DÉCISION

[138] J’ai exposé ci‐dessus la teneur des témoignages des parties. Avant d’énoncer mes conclusions de fait, je traiterai des arguments avancés par la demanderesse sur la question de la compétence et préciserai le contexte juridique entourant les présentes actions.

[139] En règle générale, la Cour fédérale n’a pas compétence sur les délits civils de common law. Sur ce point, je renvoie à l’arrêt de la Cour d’appel fédérale Bande de Stoney c Canada (Ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien) 2005 CAF 220.

[140] Les objections de la demanderesse à cet égard sont bien fondées. Cela dit, les défendeurs n’invoquent pas la fraude, le complot et le détournement en tant que causes d’action, puisqu’ils ont retiré leur demande reconventionnelle. Ils soulèvent plutôt ces questions dans le cadre de leur demande de compensation relativement à toute somme éventuellement accordée à la demanderesse par jugement, en invoquant l’existence d’un stratagème frauduleux pour établir leur droit à une compensation en equity.

[141] Bien que le texte des défenses modifiées déposées le 30 octobre 2020 reprenne la formulation des demandes reconventionnelles déposées le 18 décembre 2017, il existe une différence de taille entre ces actes de procédure.

[142] La demande reconventionnelle est une demande, en ce sens qu’elle énonce une cause d’action.

[143] La demande de compensation fondée sur l’equity est un moyen de défense, et non une cause d’action. Je renvoie à cet égard aux arrêts Pierce c Canada Trustco Mortgage Co. (2005), 254 DLR (4th) 79 et Grand Financial Management Inc. c Solemio Transportation Inc. (2016), 395 DLR (4th) 529.

[144] La demanderesse sollicite le recouvrement des sommes dues pour la fourniture de biens et de services aux navires défendeurs. Cette demande relève bel et bien de la compétence conférée à la Cour en matière maritime aux alinéas 22(2)m) et n) de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F-7, ainsi libellés :

Compétence maritime

Maritime jurisdiction

(2) Il demeure entendu que, sans préjudice de la portée générale du paragraphe (1), elle a compétence dans les cas suivants :

(2) Without limiting the generality of subsection (1), for greater certainty, the Federal Court has jurisdiction with respect to all of the following:

[...]

...

m) une demande relative à des marchandises, matériels ou services fournis à un navire pour son fonctionnement ou son entretien, notamment en ce qui concerne l’acconage et le gabarage;

(m) any claim in respect of goods, materials or services wherever supplied to a ship for the operation or maintenance of the ship, including, without restricting the generality of the foregoing, claims in respect of stevedoring and lighterage;

n) une demande fondée sur un contrat de construction, de réparation ou d’équipement d’un navire;

(n) any claim arising out of a contract relating to the construction, repair or equipping of a ship;

[...]

...

[145] La demande est une action civile, ce qui suppose que le fardeau de preuve incombe à la partie demanderesse. En matière civile, la preuve est établie selon la prépondérance des probabilités, une norme au sujet de laquelle la Cour suprême du Canada a récemment fait les observations suivantes dans l’arrêt C. (R.) c McDougall, [2008] 3 RCS 41 :

46 De même, la preuve doit toujours être claire et convaincante pour satisfaire au critère de la prépondérance des probabilités. Mais, je le répète, aucune norme objective ne permet de déterminer qu’elle l’est suffisamment. Dans le cas d’une allégation grave comme celle considérée en l’espèce, le juge peut être appelé à apprécier la preuve de faits qui se seraient produits de nombreuses années auparavant, une preuve constituée essentiellement des témoignages du demandeur et du défendeur. Aussi difficile que puisse être sa tâche, le juge doit trancher. Lorsqu’un juge consciencieux ajoute foi à la thèse du demandeur, il faut tenir pour acquis que la preuve était à ses yeux suffisamment claire et convaincante pour conclure au respect du critère de la prépondérance des probabilités.

[. . .]

49 En conséquence, je suis d’avis de confirmer que dans une instance civile, une seule norme de preuve s’applique, celle de la prépondérance des probabilités. Dans toute affaire civile, le juge du procès doit examiner la preuve pertinente attentivement pour déterminer si, selon toute vraisemblance, le fait allégué a eu lieu.

[146] La première question qu’il s’agit de trancher est de savoir si un contrat est intervenu entre la demanderesse et Baffin pour la fourniture des biens et services maritimes décrits dans les trois factures en litige en l’espèce, à savoir la facture no 103366 pour le NM Inuksuk I et les factures no 103367 et no 103386 pour le NM Sivulliq.

[147] M. Young, M. Fowler et M. Reid ont témoigné au sujet des trois factures visées par les présentes actions. Bien que leurs témoignages divergent à certains égards, je suis convaincue que la demanderesse et Baffin étaient liées par un contrat portant sur la fourniture de services et de matériel aux navires défendeurs. L’existence d’un contrat est établie par les factures et bons de travail signés par M. Fowler et présentés par la demanderesse à Baffin.

[148] Trois factures sont pertinentes en ce qui a trait à la demande de paiement de la demanderesse : la facture no 103366 et les bons de travail y afférents, adressés à Inuksuk Fisheries Ltd. et produits sous la cote P-3; la facture no 103367 et les bons de travail y afférents, adressés à Remoy Fisheries Ltd. et produits sous la cote P-5; enfin, la facture no 103386 et les bons de travail y afférents, adressés à Remoy Fisheries Ltd. et produits sous la cote P-6.

[149] Il est établi que la facture no 103367 (pièce P-5) ne contient que du matériel maritime. La facture contient les détails suivants au sujet des travaux effectués :

  • - Réparations au Système mondial de détresse et de sécurité en mer (ASN)

  • - Réparations au système radar en bande S

  • - Réparations au système de surveillance de chalut

[150] Les bons de travail y afférents, le no 8422 et le no 8423, décrivent le matériel maritime suivant sous [traduction] « Équipement fourni » :

  • - 2 radiotéléphones ASN-VHF Sailor 6222

  • - 1 support encastré pour radiotéléphone ASN-VHF

  • - 1 radio VHF portative Standard Horizon

  • - 1 radiotéléphone ASN-VHF Sailor 6222

  • - 1 pièce de Mercer’s Marine

  • - 1 capteur (maître) de panneaux Scanmar SS à double distance

  • - 2 supports (PL) de capteur de panneaux SS4

  • - 1 capteur (clump) Scanmar SS4 à double/triple distance

  • - 1 capteur (esclave) de panneaux Scanmar SS4 à distance

  • - 1 support de capteur (clump) SS4

  • - 1 chargeur/unité de programme pour lecteur

  • - 1 magnétron de 30 kW MS52 23G

  • - 1 capteur de grille Scanmar SS4

  • - Grille 28 SEA

  • - 1 entretien de capteur de grille SS4

  • - Pile, joint torique, catalyseur

[151] Lors de la conversation qu’il a avec M. Young le 2 novembre 2017, conversation qui a été enregistrée secrètement et dont la transcription a été déposée en preuve sous la cote P-12, M. Flanagan convient que les articles énumérés dans la facture no 103367 de Sealand, laquelle constitue la pièce P-5, sont [traduction] « confirmés ». Je renvoie à la page 3 de la pièce P-12, aux lignes 5 à 7.

[152] Au vu de cette déclaration de M. Flanagan et des témoignages de M. Young et M. Power, je suis convaincue que le matériel décrit dans la facture no 103367 a été fourni au navire défendeur NM Sivulliq.

[153] Malgré l’apparente divergence entre la référence alphanumérique indiquée à la page 9 de la pièce P-4, à savoir la facture qu’Atlantic Electrical Ltd. a adressée à Sealand, et celle indiquée sur le bon de travail no 8422 de Sealand, qui constitue la pièce P-5, je retiens le témoignage de M. Power, qui affirme qu’il s’agit d’une faute de frappe, le « G » et le « F » ayant été confondus.

[154] En témoignage, M. Power a déclaré que « Johan », le capitaine du NM Sivulliq, avait signé le bon de travail daté du 2 septembre 2017, qui figure sous la cote P-4. Cette signature signalait à M. Power que le matériel avait été fourni et les travaux réalisés.

[155] M. Power a fait état d’un courriel qu’il a fait parvenir à M. Young le 23 octobre 2017 pour confirmer l’achèvement des travaux énoncés sur la facture no 6221921 de Sealand. Il a expliqué avoir envoyé le courriel pour répondre à la demande de M. Young, qui affirmait que Baffin voulait la [traduction] « preuve » que les travaux avaient été réalisés.

[156] Je me réfère à la pièce P-12, qui est la transcription d’une conversation intervenue entre M. Young et M. Flanagan le 2 novembre 2017, lors de laquelle M. Flanagan a reconnu que le compte était exact pour tous les articles figurant sur cette facture.

[157] Cela dit, au procès, M. Flanagan a déclaré avoir eu un doute quant aux sommes exigées, ajoutant que sur le total de la facture, il aurait été disposé à accepter la somme de 80 000 $.

[158] En témoignage, M. Flanagan a fait part de ses réserves quant aux majorations de prix facturées par Sealand.

[159] Or, la preuve révèle que Sealand traitait avec Baffin depuis environ 10 ans et qu’il n’y avait jamais eu de problème. Aucune preuve n’indique que les majorations de prix de Sealand auraient suscité des réserves avant 2017. Il ne tenait qu’à Baffin, en tant que cliente, d’exposer ces réserves.

[160] Je passe maintenant à la facture no 103366 de Sealand, produite sous la cote P-3. D’après les témoignages de M. Young et M. Fowler, cette facture porte sur des motos hors route. Sealand ne réclame pas le prix de ces véhicules contre le NM Inuksuk I dans le cadre des présentes actions.

[161] La facture no 103366 fait référence à des [traduction] « réparations au système de surveillance de chalut ».

[162] Le bon de travail connexe no 8421 décrit le matériel maritime suivant :

  • - 1 pile pour capteur Trawl eye de Scanmar

  • - 2 câbles ICOM OPC-599

  • - 1 entretien et mise à l’essai de capteur (maître) de panneaux

  • - Main-d’œuvre diverse, pièces

  • - Trousse d’entretien Scanmar, joints toriques, batteries, etc.

[163] Je suis convaincue, compte tenu des témoignages de M. Young et M. Fowler, que les articles maritimes décrits dans le bon de travail connexe no 8421 et la facture no 103366 ont été livrés au navire défendeur.

[164] Les défendeurs n’ont pas démontré que Sealand n’avait pas fourni les biens et services maritimes décrits dans la pièce P-3, c’est-à-dire les factures et les bons de travail justificatifs. Je réitère les observations que j’ai formulées au sujet des majorations de prix facturées par Sealand. Aucune preuve ne révèle que, par le passé, Sealand avait facturé de telles majorations ou que Baffin s’y était opposée.

[165] Compte tenu des témoignages de M. Young et M. Fowler, je suis convaincue que la demanderesse a établi son droit à l’obtention d’un jugement à l’égard de sa facture no 103366 pour le matériel non maritime.

[166] Finalement, il reste la facture no 103386 de Sealand, envoyée à Remoy Fisheries Ltd. pour le NM Sivulliq. Cette facture porte également sur du matériel non maritime, notamment une motoneige.

[167] La facture no 103386 contient les détails suivants :

  • - Fourniture du nouvel équipement

  • - Réparations au système de surveillance du chalut, au radar et aux systèmes de cartes

[168] Les bons de travails connexes, le no 8432 et le no 8433, décrivent le matériel maritime suivant :

  • - 2 câbles d’interface de données DB9 NIMA

  • - 1 capteur de cap Marport

  • - 1 lumière DEL Rhino RLAD-120

  • - 1 capteur de grille et étui Scanmar

  • - 2 appareils multifonctions Furuno NavNet avec dôme

  • - 2 chargeurs c.a. pour Iridium

[169] La facture no 103386 comprend une note de crédit de Sealand à Baffin pour le capteur de grille et l’étui Scanmar, ainsi que les deux appareils Furuno NavNet avec dômes.

[170] Compte tenu des éléments de preuve présentés par M. Young et M. Fowler, je suis convaincue que les articles maritimes, y compris le système Scanmar, ont été livrés et installés. Mes commentaires précédents sur la majoration s’appliquent tout autant en l’espèce.

[171] Le cœur de la question est de savoir si Baffin a droit à une compensation sur les sommes dues à Sealand pour des motifs relevant de l’equity. Cette défense est présentée concernant d’autres factures que Sealand a envoyées à Baffin et que cette dernière lui a payées pour des travaux facturés relativement aux deux navires défendeurs et au NM Arluk II. Les pièces P-7 et P-8 sont des exemples d’occasions où Sealand a facturé des motoneiges, des motos hors route et des véhicules tout terrain en les présentant comme des détecteurs de poissons et des modules acoustiques. Les défendeurs font valoir que Sealand, M. Young, M. Fowler et M. Reid avaient pour projet de frauder Baffin dans l’intention de détourner la propriété de Baffin, c’est-à-dire de l’argent, à leur propre avantage.

[172] Comme je le précise plus haut, les réclamations de la demanderesse relèvent des alinéas 22 (2)m) et n) de la Loi sur les Cours fédérales, précitée. À mon sens, ces dispositions sont libellées en termes suffisamment généraux pour que la Cour soit autorisée à accepter le moyen de défense de la compensation en equity, pour autant que les défendeurs soient en mesure d’établir l’existence d’une fraude ou d’un autre moyen reconnu en equity propre à justifier le rejet de la réclamation de la demanderesse.

[173] Je me réfère à un passage de l’arrêt Federal Commerce and Navigation Ltd. c Molena Alpha Inc., [1978] 3 All E R 1066, où il est dit, la page 974 :

[traduction]

La question que nous devons nous poser est plutôt celle de savoir ce qu’il convient de faire maintenant pour assurer aux parties un traitement équitable [...] Cette question doit se poser dans chaque affaire qui parvient devant les tribunaux; ainsi, nous établirons, cas par cas, une série de précédents pour la gouverne de ceux qui suivront. Il reste cependant que ce ne sont pas toutes les demandes de compensation qui peuvent donner lieu à déduction. Ce sont seulement les demandes de compensation qui découlent de la même opération ou qui lui sont étroitement reliées. Et ce sont seulement les demandes de compensation qui attaquent directement les réclamations du demandeur, c’est‐à‐dire si étroitement reliées à ces réclamations qu’il serait manifestement injuste de lui permettre d’exiger le paiement sans qu’il ne soit tenu compte de la demande de compensation.

[174] Je me réfère également à l’arrêt Atlantic Lines & Navigation Co. c Didymi (Le), [1988] 1 CF 3, dans lequel la Cour d’appel fédérale reconnaît la compensation comme moyen de défense fondé sur l’equity au paragraphe 20 de ses motifs :

Il ressort des arrêts que nous avons déjà mentionnés que l’existence d’un droit à une compensation selon l’equity requiert beaucoup plus que la simple présence d’une demande reconventionnelle. Ainsi que l’a énoncé lord Denning dans un passage déjà cité de l’arrêt The Nanfri, seules peuvent faire l’objet de la compensation fondée sur l’equity « les demandes reconventionnelles fondées sur la même transaction que la demande principale ou étroitement liées à cette transaction » et « attaquant directement les prétentions du demandeur », de sorte qu’il serait « manifestement injuste de lui permettre d’obtenir le paiement demandé sans tenir compte de la demande reconventionnelle ».

[175] Les défendeurs soutiennent que la preuve démontre que la demanderesse a mal décrit les articles figurant sur ses factures pour cacher l’achat de véhicules récréatifs, de tronçonneuses et d’un nettoyeur haute pression, en tentant délibérément de masquer la nature des biens et services fournis. Ils allèguent qu’il s’agit d’une preuve de fraude à l’endroit de Baffin.

[176] Je reconnais que certains éléments de preuve indiquent que des motoneiges, motos hors route et véhicules tout terrain ont été présentés sur les factures et bons de travail comme des articles d’une autre nature. Selon M. Young, les factures et bons de travail ont été établis ainsi sur les instructions de M. Fowler. Bien que M. Fowler démente sa participation à la rédaction des descriptifs figurant sur les bons de travail, la preuve révèle qu’il a signé les bons de travail en cause. D’après ce qu’il a affirmé en témoignage, en signant les bons de travail au nom de Baffin, il accusait réception des biens et services qui y étaient décrits.

[177] Dans l’arrêt Bruno Appliance and Furniture Inc. c Hryniak, [2014] 1 RCS 126, la Cour suprême du Canada a dégagé les quatre éléments constituant le délit de fraude civile : (1) le défendeur a fait une fausse déclaration; (2) le défendeur savait, jusqu’à un certain point, que sa déclaration était fausse (sciemment ou par insouciance); (3) la fausse déclaration a incité le demandeur à agir; (4) les actes du demandeur ont entraîné une perte.

[178] Le fait que j’examine le critère applicable à la fraude civile ne signifie pas que je me déclare compétente quant à ce délit. Si je renvoie au critère de la fraude civile, c’est dans le but d’évaluer si les défendeurs sont parvenus à établir l’existence d’une fraude comme base de leur moyen de défense de la compensation en equity.

[179] À mon avis, ils n’y sont pas parvenus.

[180] M. Young a répondu à l’allégation de fraude en invoquant la « règle de la gestion interne ».

[181] En témoignage, M. Young a déclaré qu’il s’en était remis à l’autorité apparente de M. Reid, alors premier dirigeant des sociétés défenderesses, lorsqu’il recevait et traitait les commandes.

[182] M. Young a également expliqué en témoignage qu’il s’en était remis au fait que M. Fowler, alors gestionnaire de flotte, avait l’autorité apparente nécessaire pour signer et approuver les factures et les bons de travail.

[183] La « règle de la gestion interne » est codifiée dans deux lois fédérales. La Loi canadienne sur les sociétés par actions, précitée, prévoit, à son alinéa 18 (1)d) :

Prétentions interdites

Authority of directors, officers and agents

(1) La société, ou ses cautions, ne peuvent opposer aux personnes qui ont traité avec elle ou à ses ayants droit ou ayants cause les prétentions suivantes :

(1) No corporation and no guarantor of an obligation of a corporation may assert against a person dealing with the corporation or against a person who acquired rights from the corporation that

[...]

...

d) la personne qu’elle a présentée comme l’un de ses administrateurs, dirigeants ou mandataires n’a pas été régulièrement nommée ou n’a pas l’autorité nécessaire pour exercer les attributions découlant normalement soit du poste, soit de l’activité commerciale de la société;

(d) a person held out by a corporation as a director, officer, agent or mandatary of the corporation has not been duly appointed or has no authority to exercise the powers and perform the duties that are customary in the business of the corporation or usual for a director, officer, agent or mandatary;

[184] Cette règle est également codifiée à l’alinéa 19(1)d) de la Loi canadienne sur les organisations à but non lucratif, précitée :

Prétentions interdites

Authority of directors, officers and agents

(1) Les prétentions ci-après sont inopposables, de la part de l’organisation et de ses cautions ou, ailleurs qu’au Québec, ses garants, aux personnes qui ont traité avec elle ou en ont acquis des droits :

(1) No corporation, no guarantor of an obligation of a corporation and, in Quebec, no surety may assert against a person dealing with the corporation or against a person who acquired rights from the corporation that

[...]

...

d) la personne que l’organisation a présentée comme l’un de ses administrateurs, dirigeants ou mandataires n’a pas été régulièrement nommée ou n’a pas l’autorité nécessaire pour exercer les attributions découlant normalement soit du poste, soit des activités de l’organisation;

d) a person held out by a corporation as a director, an officer, an agent or a mandatary of the corporation has not been duly appointed or has no authority to exercise the powers and perform the duties that are customary in the activities of the corporation or usual for a director, an officer, an agent or a mandatary;

[185] Du point de vue de sa signification et de sa portée, cette règle suppose que lorsqu’elle traite avec une société, la partie qui agit de bonne foi et ignore l’existence d’un vice touchant la délégation de l’autorité a le droit de présumer que les politiques internes de la société ont été observées et appliquées. La demanderesse cite l’arrêt McKnight Construction Co. c Vansickler, [1931] 2 DLR 743.

[186] La « règle de la gestion interne » a été récemment analysée dans l’arrêt Halischuk c Color Ad Packaging Ltd., [2015] 6 WWR 368. Dans cette affaire, la Cour d’appel du Manitoba, après avoir rappelé l’alinéa 18(1)d) de la Loi canadienne sur les sociétés par actions, a tranché en faveur de la demanderesse et conclu que le chef de la direction de la société défenderesse avait agi dans les limites de son autorité apparente lors de la conclusion de contrats avec la demanderesse. La Cour a également statué que la bonne foi du chef de la direction de la société n’était pas un critère pertinent pour décider si la société défenderesse était liée par le contrat.

[187] En l’espèce, la demanderesse s’est fiée à l’autorité apparente de M. Fowler, qui a signé les factures et les bons de travail en sa qualité de gestionnaire de flotte. De même, elle s’est fiée à l’autorité apparente de M. Reid.

[188] D’après ce qu’il a déclaré en témoignage, M. Young a suivi les instructions de M. Fowler et celui-ci était au courant de la façon de consigner le matériel non maritime sur les factures et bons de travail.

[189] M. Fowler, de son côté, a déclaré qu’en règle générale, il ne dictait pas à M. Young le contenu du bon de travail. Il a expliqué qu’il [traduction] « se fiait » à ses fournisseurs pour décrire correctement les biens et services facturés.

[190] M. Fowler n’a pas pu dire s’il passait en revue le contenu de tous les bons de travail ou factures à l’appui; il devait traiter l’équivalent de quinze ou vingt millions de dollars de matériel pour les trois navires que Baffin exploitait et il ne vérifiait pas chaque numéro de série.

[191] M. Fowler a affirmé n’avoir jamais commandé de motoneiges, ajoutant que ce n’était qu’après son congédiement qu’il avait été informé du nombre de motoneiges et de véhicules tout terrain qui avaient été acquis. Il a déclaré qu’à sa connaissance, il n’avait jamais approuvé l’achat de matériel non maritime.

[192] M. Fowler a déclaré qu’à une occasion, M. Taylor, alors dirigeant principal des finances, lui avait dit de consigner l’achat d’un moteur hors-bord sous la description [traduction] « mécanique ». Il a expliqué qu’il avait émis un doute, mais que M. Taylor lui avait répondu : [traduction] « Ça n’est pas de vos affaires, ça regarde l’entreprise ».

[193] M. Fowler a expliqué qu’il ne voyait pas les factures liées à certaines des choses expédiées dans le Nord; c’était notamment le cas de la drague à pétoncle destinée au vice‐président, pour laquelle on lui avait donné l’instruction de la consigner sous la description [traduction] « mécanique ».

[194] M. Fowler a également déclaré qu’on ne lui avait pas donné d’instructions particulières quant à la façon d’établir les factures de certains articles.

[195] M. Fowler a mentionné qu’il avait effectué le ramassage de deux tronçonneuses, mais qu’il ne savait pas qu’elles avaient été ajoutées à un bon de travail. Le bon de travail no 8432 de Sealand comprend une tronçonneuse.

[196] Quand on l’a questionné au sujet du grand nombre de bons de travail et de factures, M. Fowler a continué de maintenir qu’il n’avait pas donné d’instructions à M. Young sur la façon de les établir. Malgré le fait qu’il ait fait mention d’instructions venant de M. Taylor à deux occasions au moins, il a déclaré avoir autorisé les motoneiges et les véhicules tout terrain sans que M. Reid ou M. Taylor soient impliqués.

[197] Le témoignage de M. Reid étaye en partie l’argument de la demanderesse selon lequel Baffin savait, par l’entremise de son ancien employé, M. Taylor, que les véhicules récréatifs ont été commandés et consignés en tant qu’équipement [traduction] « mécanique ».

[198] M. Reid a déclaré que le fait de fournir des motoneiges et des véhicules tout terrain aux membres du conseil d’administration de Baffin ne lui posait aucun problème, puisque ces articles pouvaient être utilisés dans le Nord pour le transport et la poursuite des objectifs de Baffin. Il a aussi déclaré qu’il ne voyait pas en quoi le fait de procurer aux propriétaires de la société ce qu’ils demandaient posait problème.

[199] Selon ce qu’ils ont affirmé en témoignage, M. Fowler et M. Reid jouissaient l’un et l’autre d’un pouvoir de dépenser qui n’était soumis à aucune limite. M. Flanagan l’a lui aussi confirmé lorsqu’il a déclaré en témoignage qu’à l’époque en question, c’est‐à‐dire de février à septembre 2017, Baffin n’était dotée d’aucune politique sur le plafonnement des dépenses.

[200] M. Fowler a nié toute participation à la rédaction des bons de travail et ne se souvenait pas de diverses interactions qu’il avait eues avec M. Young.

[201] En l’espèce, la preuve indique que les bons de travail ont été produits sur du papier « autocopiant ». Cela signifie que les bons de travail et les factures ont bien été signés, à un moment ou un autre, par M. Young et par M. Fowler : que ce dernier en ait ou non conservé le souvenir importe peu.

[202] M. Young n’a pas modifié son témoignage selon lequel il suivait la même routine avec M. Fowler pour l’établissement des bons de travail et que M. Fowler lui dictait le descriptif à partir duquel il rédigeait les bons de travail.

[203] Comment la Cour peut-elle concilier ces éléments de preuve contradictoires?

[204] Je me réfère à la pièce P-13, qui est la transcription de l’enregistrement secret de la conversation intervenue entre M. Young et M. Fowler le 17 novembre 2017.

[205] Je suis consciente que la transcription ne constitue pas un témoignage sous serment, mais elle présente néanmoins une certaine valeur probante dans la mesure où elle contredit le témoignage rendu par M. Fowler au procès.

[206] Lors de cette conversation, M. Fowler a à plusieurs reprises dit que le premier dirigeant de l’époque, M. Reid, lui avait demandé de signer [traduction] « ce que le premier dirigeant [lui] disait de signer ». M. Fowler a déclaré qu’il avait signé les bons de travail, mais il ignorait qu’ils visaient des véhicules récréatifs. Il a expliqué qu’il signait [traduction] « exactement comme on [lui] disait de faire. Rien d’autre que ce que David Taylor [lui] disait de faire ».

[207] Au cours de cette conversation, M. Fowler a fait allusion au fait qu’il avait trois supérieurs qui [traduction] « décidaient de tout ». Il a déclaré qu’il n’avait commandé aucun de ces articles. Son travail consistait à signer les bons de travail qui étaient présentés à la société.

[208] Les témoignages donnés par M. Fowler et M. Young au procès divergent sur la question de l’établissement des bons de travail et la signature de ces bons et des factures. Le contenu de la transcription de la conversation contredit le témoignage donné par M. Fowler au procès.

[209] Je me réfère aussi à un certain nombre de bons de commande que Baffin a présentés à Sealand en lien avec d’autres factures de Sealand.

[210] Il ne fait aucun doute que Sealand n’a joué aucun rôle dans la production des bons de commande, laquelle relevait uniquement de Baffin et de son service de la comptabilité.

[211] Je me reporte au témoignage de M. Flanagan, dont les soupçons ont été éveillés par des remarques fortuites entendues à la réception de Noël donnée par Baffin en décembre 2016. Certes, à l’époque, il ne faisait pas partie de la direction, mais il travaillait au service du développement économique et des communications, poste dont il n’a pas précisé la nature des fonctions, mais la question des dépenses au sein de Baffin a piqué sa curiosité.

[212] Pourtant, d’après ce qu’il a dit en témoignage, M. Flanagan n’a rien fait avant la réunion du conseil d’administration de Baffin, en septembre 2017, ou alors très peu, pour faire connaître ses préoccupations.

[213] Selon son témoignage, M. Flanagan a pris part à une excursion de motoneige en mars 2017 ainsi qu’à une ou plusieurs excursions de pêche à l’été 2017, en compagnie d’autres employés, consultants et fournisseurs de Baffin, dont M. Young et M. Hodder.

[214] Lorsque M. Flanagan a alerté le conseil d’administration de Baffin sur le problème des dépenses, on a confié au cabinet Deloitte le mandat de procéder à un audit juricomptable. M. Flanagan conservait une feuille de calcul Excel dans son ordinateur. M. Loder a lui aussi créé une feuille de calcul.

[215] Le rapport d’audit n’a pas été produit en preuve et personne n’a témoigné au sujet de la nature du mandat confié à l’équipe de vérification ou de la formation, des titres de compétence ou de l’expérience de son responsable, M. Bradbury.

[216] Ni la feuille de calcul tenue à jour par M. Flanagan ni celle constituée par M. Loder n’ont été déposées en preuve.

[217] M. Fowler et M. Reid ont été contraints à témoigner pour le compte des défendeurs par voie de subpoena. Bien que l’avocat des défendeurs ait fait savoir, à la conférence de gestion de l’instruction puis dans son exposé initial, qu’il songeait à présenter une requête pour que ces témoins soient déclarés hostiles ou opposés, aucune demande n’a été faite en ce sens.

[218] Il s’ensuit, selon moi, que les témoignages obtenus de M. Fowler et de M. Reid lors de l’interrogatoire principal font partie de la preuve des défendeurs, puisque ces témoins ont été appelés à témoigner pour le compte de ces derniers.

[219] L’avocat des défendeurs n’a pas présenté de requête en vue de faire déclarer hostiles ou opposés ces deux témoins ou l’un d’eux. Leurs témoignages font partie de la preuve des défendeurs, même s’ils comportent des aspects qui ne servent pas leur cause.

[220] M. Fowler et M. Reid ont donné des témoignages concordants quant au fait que M. Taylor a dit à M. Fowler de consigner le moteur hors-bord sous la description [traduction] « mécanique ». M. Reid était présent lorsque M. Taylor a dit cela.

[221] M. Reid a déclaré que M. Jacobie Maniapik lui avait demandé de lui procurer une motoneige et qu’il avait téléphoné à M. Young à ce sujet. M. Young a pris contact avec CMK, mais la motoneige a finalement été achetée au magasin Northern, au Nunavut. M. Reid a déclaré avoir donné comme consigne d’adresser la facture à Baffin, conformément aux instructions de M. Taylor.

[222] En témoignage, M. Reid a déclaré à plusieurs reprises que M. Taylor avait dit que les [traduction] « motoneiges », les moteurs hors-bord et [traduction] « à peu près tout le reste » devaient passer par un entrepreneur et être consignés comme étant de l’équipement [traduction] « mécanique sur le navire ». Ce témoignage a été donné en réponse aux questions au sujet de la pièce P-16, soit le reçu pour la première motoneige achetée dans le Nord. M. Reid a également déclaré qu’il croyait que M. Young était au courant, car M. Fowler [traduction] « était assurément tenu de le lui dire ».

[223] En interrogatoire principal, on a demandé à M. Reid pourquoi il s’était adressé à Sealand pour l’achat de motoneiges. Il a répondu qu’il avait suivi les instructions de M. Taylor. Il a expliqué que M. Taylor avait présenté sa démission en mars 2017 parce que certaines opérations financières de la société le gênaient.

[224] M. Taylor n’a pas été appelé à témoigner.

[225] Si les témoignages de M. Young et de M. Reid tendent à montrer que les contacts entre les deux hommes étaient peu nombreux, M. Young a aussi déclaré en témoignage qu’il avait présenté M. Hodder, de CMK, à Baffin, aux bureaux de Baffin, en précisant qu’il s’agissait d’un sous-traitant de la demanderesse. Selon les témoignages de M. Young et M. Hodder, lorsque ce dernier recevait une demande d’achat de matériel pour Baffin, il téléphonait à M. Young, qui lui donnait le [traduction] « feu vert » et lui disait d’envoyer la facture à Baffin.

[226] M. Hodder a déclaré que M. Young l’avait appelé parce qu’il avait une cliente qui cherchait une motoneige dans le Nord. Il a affirmé avoir reçu d’autres appels de M. Young parce que la cliente, Baffin, avait besoin de deux autres motoneiges convenant à une épaisse couche de neige. Il a également déclaré avoir reçu des appels de M. Reid.

[227] M. Hodder a également soutenu que M. Young l’avait appelé au sujet de véhicules tout terrain convenant aux sols boueux et enneigés et capables de tirer des charges lourdes. M. Hodder faisait ses recommandations, puis il recevait un appel de M. Reid. La plupart des appareils ont été ramassés à l’adresse de CMK par M. Reid, qui était parfois accompagné de M. Fowler.

[228] M. Hodder a déclaré qu’une fois que M. Reid avait choisi les articles qu’il voulait, il téléphonait à M. Young, qui lui disait de passer commande et de faire parvenir la facture à Sealand. M. Hodder a expliqué qu’on ne lui interdisait pas d’envoyer la facture directement à Baffin, mais qu’il s’abstenait de marcher sur les pieds de l’intermédiaire, c’est-à-dire Sealand.

[229] En contre-interrogatoire, on a présenté à M. Young certains extraits de l’interrogatoire préalable qu’il a subi dans le but d’attaquer sa crédibilité, ainsi que le permet l’article 291 des Règles. Les extraits en question ont été versés au dossier sous la cote P-27.

[230] Dans la mesure où ces extraits concernent en grande partie les interactions entre M. Young et M. Hodder, de CMK, interactions qui ont été examinées au procès, je ne trouve pas que les divergences dans les propos discréditent le témoignage de M. Young.

[231] Je suis convaincue qu’en dépit des divergences qui existent dans les dépositions de certains témoins, il m’est permis de conclure que certains véhicules récréatifs ont été acquis de CMK, sur la recommandation de M. Young. Après avoir obtenu les recommandations de M. Hodder, M. Reid passait la commande de véhicules en qualité de premier dirigeant de Baffin. M. Fowler a effectué le ramassage des tronçonneuses à Clarenville pour le compte de Baffin. M. Reid a déclaré que suivant les instructions de M. Taylor, les articles de cette nature devaient figurer sur la facture sous la description [traduction] « mécanique ».

[232] En témoignage, M. Young a déclaré que le fait de présenter les véhicules récréatifs comme des articles d’une autre nature ne lui posait aucun problème, car le client avait toujours raison.

[233] M. Reid a déclaré que les appareils en question étaient destinés soit aux activités de Baffin dans le Nord, soit à offrir des avantages sociaux, dans le cas de M. Fowler, pour compenser une réduction de salaire.

[234] M. Reid a aussi dit qu’une partie du matériel lui était destiné, à titre de prime à la signature.

[235] M. Reid a expliqué que l’Agence du revenu du Canada lui avait fait parvenir un avis de cotisation de plusieurs milliers de dollars relativement à ces avantages sociaux. Il a fait mention de documents à cet égard, mais n’a produit en preuve aucun avis de cotisation.

[236] À mon sens, tout cela révèle qu’à l’époque, les opérations financières de Baffin étaient caractérisées par le manque de rigueur, l’imprécision et l’application de méthodes peu orthodoxes. Il n’y avait aucune politique en matière de dépenses. Il n’y avait pas de limite au pouvoir de dépenser du premier dirigeant, M. Reid. Il n’y avait pas de limite au pouvoir de dépenser du gestionnaire de flotte, M. Fowler.

[237] Cela étant, laxisme et manque de précisions ne suffisent pas pour établir la fraude.

[238] Le premier dirigeant, M. Reid, savait que les motoneiges, motos hors route et véhicules tout terrain étaient commandés et décrits autrement dans les bons de travail et les factures. Je retiens le témoignage de M. Reid selon lequel il a suivi les instructions de M. Taylor à cet égard.

[239] C’est aussi ce qu’a fait M. Fowler, d’après la transcription de l’enregistrement de sa conversation avec M. Young.

[240] Étant donné que deux cadres supérieurs de la société défenderesse savaient sur quoi portaient les bons de travail et les factures, il n’y a pas eu de supercherie.

[241] Les défendeurs font valoir que M. Young, M. Fowler et M. Reid ont tramé un complot visant à falsifier la description de marchandises dans les bons de travail et les factures.

[242] Les défendeurs invoquent l’arrêt Pro-Sys Consultants Ltd. c Microsoft Corp., 2013 CSC 57, [2013] 3 RCS 477, comme source du critère à appliquer au délit civil du complot, critère énoncé comme suit aux paragraphes 72 et 73 :

1. l’existence d’un accord entre au moins deux personnes,

2. prévoyant le recours à des moyens illégaux,

3. visant principalement à causer un préjudice à la partie demanderesse

4. et causant réellement préjudice à la partie demanderesse.

[243] Compte tenu de la preuve orale entendue au procès, je ne suis pas convaincue que ces personnes se sont concertées en vue de frauder Baffin.

[244] M. Young, M. Fowler et M. Reid ont tous trois nié avoir pris part à un complot, ce qui n’est certes pas étonnant, mais l’examen ne doit pas s’arrêter aux démentis des intéressés.

[245] M. Young travaillait avec Baffin depuis environ 10 ans lorsque sont survenus les événements de l’hiver et du printemps 2017. Il est propriétaire d’une entreprise bien établie qui vend du matériel électronique maritime à diverses entreprises maritimes dans la province de Terre-Neuve-et-Labrador. Il paraît invraisemblable qu’il ait pu agir d’une manière qui compromette son entreprise et sa réputation, comme le laissent entendre les défendeurs.

[246] M. Fowler avait travaillé pour Baffin pendant plusieurs années comme capitaine du NM Arluk II. En 2016, au cours d’un séjour en Norvège, M. Reid et M. Maniapik, alors président du conseil d’administration, lui avaient demandé d’accepter le poste de gestionnaire de flotte. Ils lui avaient dit qu’il toucherait un salaire inférieur à celui de capitaine, mais que la société le lui revaudrait.

[247] M. Fowler a estimé que la motoneige Summit et le véhicule tout terrain représentaient cette « compensation ». Il était aussi d’avis que les membres du conseil d’administration avaient le droit d’obtenir ce qu’ils demandaient, car il considérait qu’ils étaient les « propriétaires » de la société.

[248] M. Fowler avait peut-être une vision naïve de ce qui était « dû » aux membres du conseil d’administration, mais cela ne prouve pas l’existence d’un complot avec M. Young et M. Reid ou d’une fraude à l’endroit de Baffin.

[249] Après examen de la preuve, je ne suis pas convaincue que les éléments de preuve circonstanciels sur lesquels se fondent les défendeurs établissent, selon la norme de preuve applicable en matière civile, qu’il y avait entre au moins deux personnes – parmi M. Young, M. Fowler et M. Reid – un accord « visant principalement » à porter préjudice à Baffin. Je n’ai pas à pousser plus loin cette analyse.

[250] Dans leur défense modifiée, les défendeurs plaident le [traduction] « détournement illicite » de biens appartenant à Baffin. Ce moyen de défense ne saurait être retenu.

[251] D’abord, il n’existe pas de délit de « détournement illicite ». Du point de vue juridique, le « détournement » est l’utilisation illicite de biens appartenant à autrui. Je cite le passage de l’arrêt McLean c Bradley (1878), 2 RCS 535, dans lequel la Cour suprême du Canada définit comme suit le détournement :

[traduction] Le détournement est défini comme la prise de possession de chatels dans l’intention de priver le demandeur de ses droits à leur égard, de les détruire ou d’en changer la nature.

[252] L’allégation de détournement est rattachée aux allégations de fraude et de complot, lesquelles ne sont pas, selon mes conclusions, fondées.

[253] La preuve montre que la demanderesse exerce ses activités depuis plus de 20 ans. Elle montre aussi que M. Young, à titre personnel, travaille dans le domaine de matériel électronique maritime depuis plus de 30 ans.

[254] Les parties aux actions en justice courent le risque de voir leur réputation entachée. Pourquoi M. Young intenterait-il une poursuite en justice, avec les risques que cela comporte, sachant qu’il devra faire face à de graves allégations de fraude, de complot et de détournement?

[255] Les défendeurs ont avancé une thèse, mais celle-ci n’est pas étayée par la preuve, appréciée en fonction du fardeau de preuve applicable.

IX. CONCLUSION

[256] En l’espèce, les deux actions ont été introduites en vue d’obtenir le recouvrement de sommes pour la fourniture de biens et de services aux navires défendeurs. Les défendeurs ont nié devoir ces sommes à la demanderesse.

[257] Les défendeurs ont plaidé le moyen de défense de la compensation en equity au motif qu’il existait des éléments de preuve montrant que du matériel non maritime, notamment certains véhicules récréatifs, avait été « dissimulé » dans d’autres factures présentées par la demanderesse et payées par Baffin et que l’achat de ce matériel faisait partie d’un stratagème frauduleux employé par M. Young, M. Reid et M. Fowler pour leur avantage personnel.

[258] La preuve est constituée des témoignages de vive voix de huit personnes et de plusieurs pièces documentaires.

[259] Les témoignages de M. Power, M. Moss et M. Hodder étaient empreints de franchise. Ceux de M. Young, M. Reid, M. Fowler et M. Flanagan l’étaient moins.

[260] Néanmoins, je suis d’avis que la demanderesse a démontré qu’elle avait fourni les biens et les services énumérés dans les factures no 103366 (pièce P-3), no 103367 (pièce P-5) et no 103386 (pièce P-6).

[261] Les défendeurs contestent les majorations de prix de la demanderesse, mais il n’appartient pas à la Cour de se prononcer sur cette question.

[262] Je suis convaincue qu’il y a lieu de rendre un jugement en faveur de la demanderesse pour les sommes réclamées.

[263] Je suis d’avis que les défendeurs n’ont pas établi le bien-fondé de leur moyen de défense de la compensation en equity. Ce moyen de défense repose sur des allégations de délits civils, à savoir la fraude, le complot et le détournement.

[264] La demanderesse a le droit d’invoquer la « règle de la gestion interne » à l’égard des interactions de M. Young avec M. Fowler comme avec M. Reid pour réfuter les allégations de fraude.

[265] Je suis convaincue que les défendeurs n’ont pas établi, selon la prépondérance des probabilités, l’existence d’un complot.

[266] Je suis également convaincue que les défendeurs n’ont pas réussi à établir que la demanderesse avait détourné quelque bien que ce soit leur appartenant.

[267] Les défendeurs ont fondé leur moyen de défense, à savoir la compensation en equity, sur une fraude que M. Young, M. Reid et M. Fowler auraient commise de manière concertée, c’est‐à‐dire en complotant. Selon les défendeurs, ces actes correspondaient à un détournement de biens leur appartenant.

[268] À mon avis, comme les défendeurs ne sont pas parvenus à établir l’existence d’une fraude, le moyen de défense de la compensation en equity ne peut être retenu.

[269] Pour trancher les questions soulevées en l’espèce, il importe peu, à mon sens, que Baffin ait obtenu gain de cause contre M. Reid dans le cadre d’une requête en jugement sommaire qui n’a pas été contestée. Les défendeurs ont produit, sous la cote D-11, une copie du jugement rendu par la Cour suprême de Terre-Neuve-et-Labrador le 17 décembre 2019, sans joindre des motifs à l’appui.

[270] La preuve qu’un jugement a été rendu contre M. Reid dans le cadre d’une procédure judiciaire distincte intentée par Baffin ne contribue en rien au règlement des questions que soulève la demanderesse dans ses déclarations en l’espèce, ni de la défense de la compensation en equity présentée par les défendeurs.

[271] La preuve montre que M. Young connaissait M. Fowler parce qu’ils œuvraient l’un et l’autre dans l’industrie de la pêche, en tant que fournisseur de matériel électronique maritime destiné aux navires de pêche et qu’ancien capitaine de navires de pêche, dont le NM Arluk II.

[272] La preuve indique que M. Young a vendu une maison à M. Fowler et que pour l’acquérir, ce dernier a reçu de Baffin des fonds garantis par un billet à ordre. Cette opération d’achat et de vente ne prouve rien qui soit de l’ordre d’une fraude ou d’un complot.

[273] Le fait que M. Fowler ait été en défaut de remboursement du prêt consenti par Baffin est sans rapport avec les questions en litige dans les présentes actions. Le même constat vaut pour le statut actuel de failli non libéré de M. Fowler, à mon sens.

[274] La preuve montre que M. Young, M. Fowler et M. Reid ont participé à des activités en plein air, à savoir une excursion en motoneige en mars 2017 et une excursion de pêche au saumon à l’été 2017.

[275] À mon avis, ces activités ne prouvent pas l’existence d’une fraude, d’un complot ou d’un détournement.

[276] La preuve révèle que du matériel de pêche a été acheté pour d’autres participants à l’excursion de pêche. Ce fait est sans rapport avec les questions en litige.

[277] La preuve indique que deux des trois factures de Sealand en cause en l’espèce comportent des frais liés à des véhicules récréatifs qui y sont présentés comme du matériel électronique maritime. Il est évident que les réclamations formulées par la demanderesse dans les présentes actions ne visent pas ces articles et que la Cour n’a pas à en tenir compte.

[278] À l’époque pertinente, le pouvoir de dépenser du premier dirigeant, M. Reid, et celui du gestionnaire de flotte, M. Fowler, n’étaient assujettis à aucune limite. L’un et l’autre ont fait référence aux instructions données par l’ancien dirigeant principal des finances, M. Taylor. Or, aucune des parties n’a fait témoigner M. Taylor.

[279] La demanderesse a prouvé ses prétentions selon la norme de preuve applicable en matière civile. Les défendeurs ne sont pas parvenus à s’acquitter de ce fardeau pour établir leur défense.

[280] En règle générale, les dépens suivent l’issue de la cause.

[281] Les parties ont demandé qu’on leur donne la possibilité de présenter des observations sur la question des dépens. Une directive sera rendue à cet égard.


JUGEMENT dans les dossiers T-1836-17 et T-1837-17

LA COUR STATUE, dans le dossier T-1836-17, que l’action de la demanderesse est accueillie et les défendeurs sont condamnés à payer à la demanderesse la somme de 13 368,06 $, TVH comprise, le tout avec intérêts et dépens; le montant des dépens sera établi à la suite de la présentation d’observations par les parties, conformément à la directive qui sera donnée.

LA COUR STATUE, dans le dossier T-1837-17, que l’action de la demanderesse est accueillie et les défendeurs sont condamnés à payer à la demanderesse la somme de 171 396,46 $, TVH comprise, le tout avec intérêts et dépens; le montant des dépens sera établi à la suite de la présentation d’observations par les parties, conformément à la directive qui sera donnée.

« E. Heneghan »

Juge

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIERS :

T-1836-17

T-1837-17

 

INTITULÉ :

SEALAND MARINE ELECTRONICS SALES AND SERVICES LTD. c LES PROPRIÉTAIRES, AFFRÉTEURS ET TOUTES AUTRES PERSONNES AYANT UN DROIT SUR LE NAVIRE NM « INUKSUK I », ET INUKSUK FISHERIES LTD. ET LA BAFFIN FISHERIES COALITION, ET SEALAND MARINE ELECTRONICS SALES AND SERVICES LTD. c LES PROPRIÉTAIRES, AFFRÉTEURS ET TOUTES AUTRES PERSONNES AYANT UN DROIT SUR LE NAVIRE NM « SIVULLIQ » ET REMOY FISHERIES LTD. ET LA BAFFIN FISHERIES COALITION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

ST. JOHN’S (TERRE-NEUVE-ET-LABRADOR) (EN PERSONNE)

 

DATES DE L’AUDIENCE :

LES 18-22, 25-27 JANVIER 2021

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

DATES DE L’AUDIENCE :

LES 25-26 FÉVRIER 2021

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE HENEGHAN

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

LE 26 AOÛT 2021

COMPARUTIONS :

Brad Leyte

POUR LA DEMANDERESSE

Philip J. Buckingham

POUR LES DÉFENDEURS

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

CBS Legal Services

Avocats

Conception Bay South (Terre-Neuve-et-Labrador)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Goodland Buckingham

Avocats

St. John’s (Terre-Neuve-et-Labrador)

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

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