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Date : 20010417

Dossier : IMM-3145-99

Ottawa (Ontario), le mardi 17 avril 2001

EN PRÉSENCE DE :             M. LE JUGE MacKAY

ENTRE :

KHALED KHATTAB

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

VU la demande de contrôle judiciaire d'une décision d'un agent des visas au Caire, en Égypte, datée du 17 mai 1999, par laquelle la demande de résidence permanente au Canada du demandeur a été rejetée, ainsi que la demande de délivrance d'une ordonnance annulant cette décision;

VU les arguments présentés par les avocats des parties le 21 août 2000 à Toronto, date à laquelle j'ai réservé ma décision, et vu mon examen des arguments alors présentés;


ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE QUE :

1.          La demande est accueillie.

2.          La décision de l'agent des visas datée du 17 mai 1999 est annulée.

3.          La demande de résidence permanente du demandeur est renvoyée au défendeur pour nouvel examen par un agent des visas différent, au vu des documents déposés par le demandeur et d'une entrevue, si l'agent des visas juge approprié d'en tenir une.

4.          Les parties paieront leurs propres dépens.

                                                                                                          (Signé) W. Andrew MacKay

                                                                                                                                       JUGE

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.


Date : 20010417

Dossier : IMM-3145-99

Référence neutre : 2001 CFPI 332

ENTRE :

KHALED KHATTAB

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

                          MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE MacKAY

[1]    Cette demande de contrôle judiciaire, présentée en vertu de l'article 82.1 de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, tel que modifié (la Loi), a été entendue à Toronto le 21 août 2000. Présentée par le demandeur, M. Khaled Khattab, elle porte sur la décision de l'agent des visas datée du 17 mai 1999, rendue à l'ambassade du Canada au Caire, en Égypte, qui rejetait la demande de résidence permanente du demandeur.


[2]    Le demandeur sollicite une ordonnance annulant la décision du 17 mai 1999 de l'agent des visas et portant directive que la demande soit réexaminée par un agent des visas différent. Le demandeur réclame aussi les dépens sur la base avocat-client.

Les faits

[3]    La demande en l'instance avait d'abord été rejetée par un agent des visas le 22 mai 1996, au Caire, en Égypte. Lors du contrôle judiciaire de la Section de première instance de la Cour fédérale, celle-ci a conclu que l'agent des visas avait commis une erreur susceptible de révision en évaluant le demandeur sous une profession qui n'était pas celle sur laquelle il appuyait sa demande, et qu'il n'avait pas informé le demandeur de ce nouveau fondement d'évaluation. La demande de résidence permanente a alors été renvoyée pour nouvel examen par un agent des visas différent à l'ambassade du Canada au Caire, en Égypte. La présente demande porte sur le rejet par ce deuxième agent des visas, en date du 17 mai 1999, de la demande de résidence permanente.

[4]    Le 2 août 1998, le demandeur a été reçu en entrevue dans le cadre du deuxième examen de sa demande.

[5]    Dans sa prise de décision, l'agent des visas a utilisé le Système de traitement informatisé des dossiers d'immigration (STIDI) pour prendre des notes portant sur son entrevue avec le demandeur. Le demandeur soutient que ces notes ne reflètent pas correctement ce qui s'est produit à l'entrevue.


[6]                Le motif principal du rejet de la demande de résidence permanente est que le demandeur fait état de fonctions qui ne sont pas considérées cadrer avec la description que l'on trouve dans la Classification canadienne descriptive des professions (CCDP). À l'époque, cette classification était progressivement remplacée par la Classification nationale des professions et le demandeur a aussi été évalué au vu des professions que l'agent des visas jugeait appropriées. Le demandeur a fait sa demande de résidence permanente dans la catégorie des immigrants indépendants, se fondant sur la profession d'agent commercial qui se trouve dans la CCDP. L'agent des visas a conclu que les fonctions du demandeur ne cadrent pas avec la définition de la CCDP, étant donné qu'il ne travaillait pas uniquement à commission.

[7]                Au moment de l'entrevue, le demandeur a déclaré avoir été à l'emploi de l'Olympic Group comme agent commercial depuis 1992, recevant à la fois un salaire et des commissions. Il n'était pas inscrit auprès de l'agence nationale pour l'emploi égyptienne avant 1998. Le demandeur a admis que la documentation qu'il avait fournie contenait des renseignements trompeurs, en ce qu'ils ne reflétaient pas exactement ses revenus assurables. Le demandeur a expliqué ce fait, ainsi que le fait qu'il ne s'était pas inscrit avant, en déclarant que son employeur faisait des économies en ne contribuant pas au programme. Le demandeur s'est toutefois inscrit en 1998 pour faciliter sa demande d'immigration.


[8]                Avant de travailler pour l'Olympic Group, le demandeur était un travailleur autonome de 1989 à 1992. Il a déclaré qu'à cette époque, il représentait un certain nombre de compagnies dans la promotion et la vente de leurs produits. La controverse porte essentiellement sur cette période.

[9]                Parmi les documents qu'il a apportés à l'entrevue, le demandeur a présenté une liste de toutes les compagnies (et de leurs adresses), ainsi que des produits particuliers, dont il faisait la promotion alors qu'il était un travailleur autonome agissant comme agent commercial. L'agent des visas a cherché à confirmer les emplois du demandeur ainsi que la description qu'il faisait des ses fonctions. Afin de faciliter ce processus, le demandeur a présenté bon nombre de lettres de recommandation, mais aucun contrat d'emploi au bordereau de paye. Il y a un désaccord sur la question de savoir si le demandeur a cherché à déposer un contrat d'emploi pour son poste actuel, document que l'agent des visas aurait refusé.


[10]            Afin de vérifier la véracité des prétentions du demandeur, l'agent des visas a fait plusieurs appels téléphoniques et est allé rencontrer certaines personnes. Suite à son enquête, l'agent des visas a formé la conviction qu'un certain nombre des documents que le demandeur lui avait fourni après l'entrevue étaient des fabulations, notamment en ce qu'il prétendait avoir travaillé pour les sociétés Love Lofe et Johnson Wax. La question se posait aussi de savoir s'il avait jamais travaillé pour Electronica Stores, comme il l'avait déclaré à l'origine, étant donné que les premiers renseignements obtenus par l'agent des visas venaient contredire les déclarations du demandeur.

[11]            L'agent des visas a informé le demandeur des doutes qu'il avait quant à la véracité des documents et des renseignements fournis. Le demandeur a alors présenté d'autres documents et explications en réponse.

[12]            Après une période approximative de huit mois, au cours de laquelle il y a eu des échanges de lettres et d'une documentation additionnelle, le demandeur, par l'entremise d'une lettre de son avocat datée du 5 mai 1999, exprime son inquiétude qu'une [traduction] « tendance à retarder et à procéder à des enquêtes peu appropriées » venait le priver de son droit à un examen équitable de sa demande. Il a alors demandé qu'on transmette sa demande à un autre poste. Cette transmission a été refusée le 16 mai 1999, au motif que l'agent des visas avait terminé son enquête et était en mesure de prendre une décision. Dans une lettre en date du 17 mai 1999, l'agent des visas a informé le demandeur qu'il rejetait sa demande de résidence permanente.


[13]            La décision se fondait sur le motif que les descriptions de tâches présentées par le demandeur ne cadraient pas avec la catégorie de la CCDP sur laquelle il fondait sa demande et donc qu'on ne pouvait rien lui accorder dans son évaluation au titre de l'expérience. En conséquence, le demandeur n'a pas reçu les points d'appréciation nécessaires pour se qualifier comme immigrant au Canada en vertu de l'alinéa 19(2)d) de la Loi. De plus, l'agent des visas a déclaré que comme le demandeur lui avait présenté ce qu'il croyait être des documents falsifiés, il tombait sous l'empire de la définition d'une personne non admissible en vertu de l'alinéa 19(2)d), placé dans le contexte du paragraphe 9(3) de la Loi. À l'audition de cette demande, personne n'a traité de cette question et je ferai de même dans mes motifs.

Les arguments du demandeur

[14]            Le demandeur soutient qu'il a toujours eu un emploi d'agent commercial, soit à titre d'employé, soit à titre de travailleur autonome. Il déclare qu'il n'était pas rémunéré seulement à commission ou selon un pourcentage donné des prix de gros, mais qu'il était rémunéré à la fois sur la base d'un salaire et de commissions.

[15]            Au nom du demandeur, on soutient que l'agent des visas a commis une erreur susceptible de révision en n'ajoutant pas foi à la preuve documentaire du demandeur, présentée en réponse aux allégations que ses documents étaient falsifiés. Ceci est particulièrement le cas lorsque les conclusions de l'agent des visas viennent directement contredire les souvenirs du demandeur et la documentation qu'il a fournie. Par conséquent, les conclusions de l'agent des visas ne correspondent pas à la preuve dont il disposait.


[16]            De plus, on a soutenu que le demandeur est le dernier membre de la famille se trouvant encore en Égypte et que, par conséquent, sa demande doit être examinée pour raisons d'ordre humanitaire. Durant les plaidoiries, on a soutenu que l'agent des visas a appliqué le mauvais critère et s'est appuyé sur des considérations non pertinentes en arrivant à la conclusion que le demandeur ne pouvait être considéré en vertu de cette politique.

[17]            De plus, le demandeur soutient que l'agent des visas avait l'obligation de procéder à la transmission de sa demande avant de rendre sa décision. Le demandeur soutient que cette obligation est claire, au vu des inquiétudes qu'il avait exprimées au sujet des retards et du préjudice subi.

[18]            Le demandeur sollicite une ordonnance annulant la décision de rejeter sa demande de résidence permanente et renvoyant cette demande pour nouvel examen par un agent des visas différent.

Les arguments du défendeur

[19]            En se fondant sur l'affidavit de l'agent des visas, le défendeur soutient que la raison principale du rejet de la demande de résidence permanente du demandeur est le fait qu'il ne satisfait pas à toutes les exigences prévues à la CCDP dans la catégorie d'agent commercial.

[20]            L'agent des visas soutient qu'il a exercé son pouvoir discrétionnaire de bonne foi et conformément aux principes de la justice naturelle. Par conséquent, l'argument présenté veut que la retenue judiciaire s'impose dans le cas du contrôle judiciaire de la décision de rejeter la demande.


[21]            Quant à la question des documents falsifiés, le défendeur soutient que la vérification exhaustive des lettres de recommandation par l'agent des visas, ainsi que les contradictions qui en ressortent, viennent appuyer sa conclusion que ces documents n'étaient pas fiables. Il n'y aurait pas non plus eu d'erreur de commise en arrivant à la conclusion que le demandeur n'avait pu expliquer ou justifier ces contradictions. De plus, il n'y a pas eu d'erreur de commise dans la décision qui veut que l'emploi du demandeur ne satisfait pas aux critères de la CCDP.

[22]            Le défendeur soutient qu'un examen en tant que dernier membre de la famille se trouvant encore à l'étranger ne s'applique qu'aux membres à la charge de la famille qui ne sont pas à proprement parler des membres de la catégorie de la famille selon la définition qu'en donne le Règlement. Le défendeur soutient que même si le demandeur se qualifiait pour ce motif, l'agent des visas avait correctement évalué le fondement principal de cette politique, savoir : le demandeur avait-il des problèmes importants d'ordre financier ou émotif sans le soutien et l'aide de la cellule familiale qui avait migré au Canada.

[23]            Le défendeur sollicite une ordonnance rejetant la demande.

Analyse


[24]            Au vu de la jurisprudence qui fait foi en la matière, savoir l'arrêt Maple Lodge Farms c. Gouvernement du Canada, [1982] 2 R.C.S. 2 et Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, il est admis que les décisions prises par les fonctionnaires de l'immigration dans l'exercice de leurs pouvoirs discrétionnaires doivent faire l'objet d'une grande retenue judiciaire dans le cadre d'un contrôle judiciaire.

[25]            Dans l'arrêt To c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration, (22 mai 1996), A-172-93, la Cour d'appel fédérale a conclu que la norme de contrôle appropriée des décisions par les agents des visas dans les demandes d'immigration est celle énoncée par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Maple Lodge Farms, précité. Le juge McIntyre déclare ceci, aux pages 7 et 8 de l'arrêt Maple Lodge Farms, précité :

C'est aussi une règle bien établie que les cours ne doivent pas s'ingérer dans l'exercice qu'un organisme désigné par la loi fait d'un pouvoir discrétionnaire simplement parce que la cour aurait exercé ce pouvoir différemment si la responsabilité lui en avait incombé. Lorsque le pouvoir discrétionnaire accordé par la loi a été exercé de bonne foi et, si nécessaire, conformément aux principes de justice naturelle, si on ne s'est pas fondé sur des considérations inappropriées ou étrangères à l'objet de la loi, les cours ne devraient pas modifier la décision.

[26]            Je partage l'avis exprimé par Mme le juge Reed dans Liu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2000), 182 F.T.R. 251 (1re inst.), lorsqu'elle déclare ceci : « À mon avis, l'arrêt Baker n'apporte pas de modification fondamentale pour ce qui est de la norme de contrôle applicable » , du moins en ce qui concerne l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire de nature administrative. Madame le juge Reed ajoute le commentaire suivant au paragraphe 21 :

L'arrêt Baker mentionne plusieurs fois que la décision de l'agent d'immigration doit être raisonnable et que ce dernier doit exercer son pouvoir discrétionnaire de façon raisonnable, en tenant compte des circonstances particulières de l'affaire.


[27]            Dans l'arrêt Baker,précité, Mme le juge L'Heureux-Dubé, parlant au nom de la Cour suprême du Canada, a analysé la norme de contrôle appropriée en matière de décisions discrétionnaires. Voici une partie de ce qu'elle écrit à la page 855 :

La démarche pragmatique et fonctionnelle tient compte de considérations comme l'expertise du tribunal, la nature de la décision qui est prise, et le libellé de la disposition et des lois qui s'y rapportent. Elle comprend des facteurs comme le caractère « polycentrique » d'une décision et l'intention exprimée par le langage employé par la loi. La latitude que laisse le Parlement au décideur administratif et la nature de la décision qui est prise sont également d'importantes considérations dans l'analyse. La gamme de normes de contrôle peut comprendre le principe que ... la législature a fait part de son intention de laisser des choix plus grands aux décideurs que dans d'autres, mais qu'il faut qu'un tribunal intervienne quand une telle décision dépasse l'étendue du pouvoir conféré par le Parlement.

... La démarche pragmatique et fonctionnelle peut tenir compte du fait que plus le pouvoir discrétionnaire accordé à un décideur est grand, plus les tribunaux devraient hésiter à intervenir dans la manière dont les décideurs ont choisi entre diverses options. Toutefois, même si, en général, il sera accordé un grand respect aux décisions discrétionnaires, il faut que le pouvoir discrétionnaire soit exercé conformément aux limites imposées dans la loi, aux principes de la primauté du droit, aux principes du droit administratif, aux valeurs fondamentales de la société canadienne, et aux principes de la Charte.

[28]            Au sujet de l'application de la CCDP, je suis d'avis que l'interprétation rigoureuse de la définition d'agent commercial utilisée par l'agent des visas, qui est la raison principale pour laquelle la demande a été rejetée, constitue une erreur de droit. L'agent des visas a soutenu que la nature des fonctions assumées par le demandeur dans son emploi, jointes au fait qu'il n'était pas rémunéré strictement à commission, font qu'il ne répondait pas aux exigences de la CCDP pour la profession visée. On a toutefois établi qu'une application stricte d'exigences qui ont un impact négatif sur l'évaluation d'un demandeur fait que l'agent des visas peut limiter l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, alors que celui-ci doit être exercé de façon raisonnable dans le cadre de l'interprétation de la CCDP.


[29]            Comme le déclare M. le juge Cullen dans Muntean c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), (1995), 103 F.T.R. 12, au par. 18 (1re inst.) :

Je conviens avec le requérant qu'il faut interpréter largement les descriptions CCDP et qu'il n'est pas nécessaire d'être en mesure de s'acquitter des tâches énumérées dans telle ou telle description pour réunir les conditions requises pour une profession donnée. Si l'agent des visas a appliqué de façon mécanique les descriptions CCDP et exige que le requérant ait fait chacune des tâches énumérées, on pourrait dire qu'il a limité de son propre chef l'exercice de son pouvoir discrétionnaire en la matière.

Ce point de vue a reçu l'approbation de M. le juge McKeown dans Nunes c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, (9 avril 1997), IMM-2749-96, lorsqu'il déclare qu'il n'est pas nécessaire qu'un agent des visas applique à la lettre la définition qui figure dans la CCDP, ainsi que celle de M. le juge Muldoon dans Braganza c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), (1998), 146 F.T.R. 239 (1re inst.).

[30]            Il y a lieu de noter que la description que l'on trouve à la CCDP porte qu'un agent commercial travaille « à la commission » . Rien toutefois ne vient indique que ce soit là la seule forme de rémunération acceptable. La description de la CCDP est rédigée comme suit :

Vend, à la commission, un produit particulier, des produits apparentés ou variés à des magasins de gros, de détail ou à d'autres établissements, pour un ou plusieurs fabricants étrangers ou nationaux :

Exécute des tâches analogues à celles qui sont énoncées dans la définition du groupe de base 5133, VOYAGEURS DE COMMERCE. Se spécialise dans la vente de produits en tant que représentant de compagnies manufacturières. Visite des fabricants afin de les convaincre de faire appel à ses services. Organise un programme de vente pour les produits dont il a la représentation.

Peut rédiger des brochures publicitaires et d'autres documents. Peut être désigné d'après le type de produits vendus, par exemple : Courtier en denrées alimentaires.


[31]            Dans la lettre de rejet du 17 mai 1999, l'agent des visas déclare que [traduction] « la définition [d'agent commercial] porte qu'il s'agit d'une personne à son compte qui n'est pas un employé, mais qui représente un ou plusieurs fabricants et est rémunéré uniquement à la commission » . Selon moi, une interprétation aussi restrictive de la description que l'on trouve à la CCDP, ainsi que le fait d'exiger que le demandeur soit rémunéré exclusivement à la commission pour se qualifier comme agent commercial, constitue une limite que l'agent des visas a imposée à l'exercice de son pouvoir discrétionnaire et donc une erreur susceptible de révision.

[32]            Le demandeur a présenté plusieurs documents à l'appui de son assertion qu'il travaillait souvent sur la base d'une rémunération comprenant à la fois un salaire et des commissions. L'agent des visas n'a pas accordé beaucoup de poids aux documents présentés pour réfuter l'opinion négative qu'il avait tirée de son enquête.


[33]            Quant à l'allégation qui porte sur les documents falsifiés, je conclus que l'exercice du pouvoir discrétionnaire de l'agent des visas ne respecte pas le principe énoncé par M. le juge Campbell dans Lun c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1998), 41 Imm. L.R. (2d) 300 (1re inst.). Dans cette décision, le juge Campbell a conclu que l'agent des visas doit tenir compte de tous les documents disponibles dans le cadre de sa prise de décision. Il ressort d'un examen du dossier du tribunal que l'agent des visas ne s'est pas limité à n'accorder aucune crédibilité aux explications présentées pour justifier les contradictions qu'il avait tirées du dossier d'emploi du demandeur et des documents à l'appui présentés sur papier en-tête des sociétés en cause, mais qu'il a aussi négligé de faire la moindre mention du fait que le demandeur avait une offre d'emploi au Canada en tant qu'agent commercial. Cette offre n'est pas mentionnée dans l'évaluation du demandeur en vertu de la CCDP, bien qu'il avait présenté cette offre d'emploi pour faire état de ses perspectives d'emploi au Canada.

[34]            Rien non plus dans la lettre de rejet de l'agent des visas, ou dans son affidavit, ne permet de dire que l'offre d'emploi ou les lettres de recommandation ont été prises en compte dans la décision finale. Ceci ressort surtout de la lettre de l'agent des visas au demandeur, où l'on trouve ceci :

[traduction]

Je suis d'avis que les documents de [Love Lofe et Johnson Wax] sont des faux, puisque vous n'avez jamais été à l'emploi de ces sociétés. Je vous ai informé de ce fait dans une lettre datée du 25 mars 1999, dans laquelle je vous accordais une période de six semaines pour me présenter une preuve additionnelle à l'appui de vos prétentions. À ce jour, vous ne m'avez rien présenté qui m'amènerait à changer mon avis que ces documents n'ont rien à voir avec votre emploi.

Des documents additionnels ont été présentés par des représentants de Love Lofe et de Johnson Wax, dans des lettres datées respectivement du 28 avril 1999 et du 4 mai 1999. Ces lettres ont été reçues au bureau des visas, mais l'agent des visas n'en fait pas mention. Dans ces circonstances, je suis convaincu que la décision de l'agent des visas a été prise sans qu'il tienne compte de tous les éléments de preuve pertinents à sa disposition.


[35]            La politique sur le dernier membre de la famille porte sur des raisons d'ordre humanitaire et le demandeur soutient qu'on aurait dû en tenir compte. Dans son mémoire des faits et du droit, le défendeur soutient que [traduction] « les problèmes d'ordre financier ou émotif que l'immigrant pourrait avoir sans le soutien et l'aide de la cellule familiale qui immigre au Canada ou qui y est déjà installée demeurent les principaux facteurs dont il faut tenir compte » . Cette politique vise les membres à la charge de la famille; elle n'est pas limitée aux enfants mineurs à charge. En l'instance, l'agent des visas a conclu que le demandeur n'était par privé du soutien des membres de sa famille étendue en Égypte, bien que les membres de sa famille immédiate étaient tous installés au Canada.

[36]            Quant au défaut de transmettre le dossier du demandeur à sa demande, au motif d'un retard indu à rendre une décision, je note que la jurisprudence sur laquelle le défendeur s'appuie, savoir Krachenko c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (9 février 1999), IMM-642-98, n'est pas pertinente. La décision de M. le juge Blais dans Krachenko porte sur la compétence de la Section de première instance de la Cour fédérale d'ordonner qu'un dossier clos soit transmis et rouvert, avec une directive de réexaminer le cas. La Cour a conclu qu'elle n'avait pas compétence à cet égard. Selon moi, les circonstances de cette affaire diffèrent de ce qui nous est présenté ici.

[37]            Bien que le demandeur soulève la question du défaut de le traiter comme le dernier membre de la famille en Égypte, ainsi que du défaut de transmettre son dossier à sa demande, il n'est pas nécessaire que je traite des divergences entre les parties sur ces questions étant donné que je règle la demande pour d'autres motifs.

Conclusion


[38]            Au vu de la norme de contrôle énoncée dans l'arrêt Maple Lodge Farms, précité, et de mon examen des arguments du demandeur et du défendeur, je conclus que l'agent des visas a commis une erreur susceptible de révision. L'agent des visas a commis une erreur de droit en n'examinant pas toute la preuve pertinente, notamment les documents qui lui avaient été présentés pour répondre à ses préoccupations. En appliquant la CCDP d'une façon qui venait limiter son pouvoir discrétionnaire, savoir en exigeant qu'un agent commercial ne soit rémunéré qu'à commission, l'agent des visas a rendu une décision qui n'est pas raisonnable.

Ordonnance

[39]            La demande est accueillie. La décision de l'agent des visas datée du 17 mai 1999, rejetant la demande de résidence permanente du demandeur, est annulée et l'affaire est renvoyée au défendeur pour nouvel examen par un agent des visas différent, au vu des documents déposés par le demandeur et d'une entrevue, si l'agent des visas juge approprié d'en tenir une.

[40]            En vertu de l'article 22 des Règles de 1993 de la Cour fédérale en matière d'immigration, les affaires d'immigration ne donnent pas lieu à des dépens, sauf raison spéciale. Comme il n'y a rien de tel en l'instance, il n'y a pas lieu d'octroyer de dépens.

                                                                     (Signé) W. Andrew MacKay

                                                                                                   JUGE

OTTAWA (Ontario)

Le 17 avril 2001

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.


COUR FÉDÉRALE

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                        AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                                IMM-3145-00

INTITULÉ DE LA CAUSE :                KHALED KHATTAB c. MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :                     TORONTO

DATE DE L'AUDIENCE :                   LE 21 AOÛT 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE M. LE JUGE MACKAY

EN DATE DU :                                    

ONT COMPARU

M. Peter Johnson                                                          POUR LE DEMANDEUR

M. David Tyndale                                                          POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Rekai & Johnson                                                           POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg                                                          POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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