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Date : 20210914


Dossier : T‑1871‑19

Référence : 2021 CF 944

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 14 septembre 2021

En présence de monsieur le juge Zinn

ENTRE :

MOHAMMED ZAFAR SALEEM

 

demandeur

et

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

défendeurs

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] Monsieur Saleem sollicite le contrôle judiciaire de la décision du 17 octobre 2019 rendue par la conseillère principale en matière de programmes, Direction des recours de l’Agence des services frontaliers du Canada [l’ASFC], au nom du ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, concernant des bijoux qu’il a apportés au Canada. La demande sera rejetée pour les motifs suivants.

[2] Le 5 janvier 2019, M. Saleem est arrivé à l’aéroport international Pearson à bord d’un vol en provenance de l’Inde. Il a présenté un formulaire de déclaration à un agent de l’ASFC affecté à la ligne d’inspection primaire, dans lequel il a déclaré que la valeur de ses marchandises, reçues à l’étranger, était de 250 $.

[3] Il a été emmené pour une inspection secondaire, où un autre agent de l’ASFC l’a interrogé au sujet des deux ensembles de bijoux non déclarés qu’il avait en sa possession. Chaque ensemble comprenait un collier en or et une paire de boucles d’oreilles en or.

[4] Le second agent de l’ASFC a demandé à M. Saleem où il avait acheté les bijoux, et M. Saleem a répondu qu’il les avait achetés à Dubaï en 2013. Il a toutefois modifié son récit au cours de l’inspection, affirmant qu’il les avait achetés en 2008. Il n’était pas non plus certain du montant qu’il avait payé pour les marchandises. À la question de savoir s’il avait payé des droits et des taxes sur les bijoux à l’importation, il n’a pas répondu, affirmant plutôt que ces bijoux avaient été exportés en Inde lors d’un voyage depuis le Canada.

[5] Les réponses présentées n’ont pas satisfait le second agent de l’ASFC. Les bijoux ont été saisis conformément au paragraphe 110(1) de la Loi sur les douanes, LRC 1985, c 1 (2supp), car M. Saleem avait omis de les déclarer aux fins douanières, ce qui constitue une violation de l’article 12 de la Loi.

[6] Les ensembles de bijoux saisis sont désignés dans le dossier comme étant les ensembles A et B. L’ensemble A a été évalué par l’ASFC à une valeur totale de 11 750 $ – le collier étant évalué à 7 650 $ et la paire de boucles d’oreilles à 4 100 $. L’ensemble B a été évalué par l’ASFC à une valeur totale de 11 250 $ – le collier étant évalué à 8 000 $ et la paire de boucles d’oreilles à 3 250 $.

[7] L’ASFC a évalué les droits à payer pour le dédouanement des deux ensembles à 3 036 $. Monsieur Saleem n’a pas payé cette somme.

[8] Le 20 mars 2019, M. Saleem a sollicité un examen ministériel de la saisie de ses marchandises. Il a demandé que les conditions de dédouanement soient levées, et que la condition selon laquelle il doit être soumis à des inspections secondaires de routine lors de tout voyage de retour au Canada soit retirée.

[9] Le 15 juillet 2019, la déléguée du ministre a répondu que toutes les marchandises importées doivent être déclarées à des fins douanières, et que les droits et taxes auraient dû être payés au moment de l’importation. Dans sa réponse, elle demandait ensuite à M. Saleem de fournir tout document en sa possession prouvant que les droits et les taxes avaient effectivement été payés. De plus, la déléguée a expliqué les motifs qui justifient les inspections secondaires, soulignant que l’ASFC a pour politique de conserver les dossiers d’infraction pendant six ans, et qu’il pouvait en découler des inspections secondaires de routine.

[10] Le 20 août 2019, M. Saleem a envoyé des éléments de preuve et des observations supplémentaires fournissant des informations sur l’endroit où il avait acheté l’ensemble A (Dubaï, en 2008) et l’ensemble B (Dubaï, en 2013), ainsi qu’un reçu pour l’ensemble B daté du 13 janvier 2013.

[11] Le 17 octobre 2019, la déléguée du ministre a rendu ses décisions à l’égard des ensembles de bijoux. Elle a conclu qu’aucune infraction à la Loi n’avait été commise en ce qui concerne l’ensemble A étant donné qu’il avait été acheté en 2008, et que le délai de prescription de six ans prévu à l’article 113 de la Loi était expiré. L’ensemble a donc été remis à M. Saleem, sans paiement des droits et des taxes.

[12] Toutefois, la déléguée a conclu au non‑respect de l’article 12 de la Loi en ce qui concerne l’ensemble B. Bien que M. Saleem ait fourni un reçu original, il n’a pas été en mesure de présenter des documents démontrant que l’ensemble B avait été importé légalement au Canada en 2013. L’examen de ses antécédents de voyage a confirmé qu’il était revenu au Canada deux jours après avoir acheté l’ensemble B, et qu’il n’avait pas été soumis à une inspection secondaire, où il aurait probablement été tenu de payer les droits et les taxes pour cet ensemble.

[13] Le 18 novembre 2019, M. Saleem a déposé la présente demande de contrôle judiciaire de la décision rendue par le ministre à l’égard de l’ensemble B conformément à l’article 133 de la Loi. Selon l’article 133 de la Loi, le ministre fixe les conditions de dédouanement des marchandises saisies en raison d’une infraction à la Loi. Cependant, M. Saleem n’a intenté aucune procédure en vue de contester la décision rendue en vertu de l’article 131 de la Loi, selon laquelle il avait omis de déclarer des marchandises importées, en violation de l’article 12 de la Loi. Par conséquent, la question de savoir si M. Saleem a contrevenu à la Loi n’est pas en cause en l’espèce; seules les conditions du dédouanement qui découlent de l’infraction le sont.

[14] Les décisions par lesquelles les délégués du ministre confirment les mesures en vertu de l’article 133 de la Loi sont susceptibles de contrôle selon la norme de la décision raisonnable (Sandwidi c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2020 CF 995; Dutton c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2018 CF 1170; Gagliano c Goodale, 2018 CF 820).

[15] Monsieur Saleem demande à la Cour de lever la pénalité infligée pour l’ensemble B, et de lever l’exigence d’inspections secondaires. La Cour comprend que l’exigence d’inspections secondaires nuit à son travail de camionneur dans le domaine du transport transfrontalier; toutefois, elle n’est pas appelée à se prononcer sur cet aspect de la décision, puisqu’aucune demande de contrôle de la décision rendue au titre de l’article 131 de la Loi n’a été présentée.

[16] L’ASFC a pour politique de conserver les dossiers d’infraction pendant six ans. Les voyageurs ayant des antécédents peuvent être soumis à des inspections secondaires de routine. Il s’agit d’une conséquence administrative automatique lorsqu’il est déterminé que le voyageur a enfreint la Loi. Le renvoi à une inspection secondaire à la suite d’infractions antérieures ne constitue pas une sanction, une pénalité supplémentaire ou une conséquence juridique (Dhillon c Canada (Procureur général), 2016 CF 456 aux para 30 et 37).

[17] L’exigence d’une inspection secondaire, en tant que conséquence automatique d’une infraction à la Loi, ne peut être annulée qu’en cas de non‑infraction. Monsieur Saleem n’a pas demandé le contrôle judiciaire de la décision rendue au sujet de l’infraction sous‑jacente. Par conséquent, la Cour doit examiner la pénalité infligée en tenant pour acquis que M. Saleem a contrevenu à la Loi et qu’il n’a jamais payé de droits relativement à l’ensemble B. Compte tenu des faits ainsi visés, la décision est raisonnable.

[18] Monsieur Saleem fait valoir qu’il n’avait pas l’intention d’induire les agents des douanes en erreur, qu’il ne connaissait pas les règles applicables à la déclaration des marchandises et qu’il n’a pas d’antécédents d’infractions douanières. Malheureusement, ces arguments ne sont pas pertinents pour la seule question que doit trancher la Cour, à savoir si la décision concernant les conditions de dédouanement de l’ensemble B est raisonnable.

[19] Je tiens à faire remarquer que le montant de la pénalité infligée pour l’infraction relative à l’ensemble B et la conduite de M. Saleem a été calculé au taux le plus bas, soit le premier niveau. En outre, le montant de la pénalité à payer pour le dédouanement des articles saisis n’a pas été augmenté après l’obtention du reçu démontrant que la valeur des marchandises était supérieure à la valeur estimée par l’ASFC.

[20] La décision faisant l’objet du contrôle est raisonnable et la demande sera rejetée. Conformément au pouvoir discrétionnaire conféré aux juges concernant les dépens, j’exerce mon pouvoir discrétionnaire de n’accorder aucuns dépens en l’espèce.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER T‑1871‑19

LA COUR STATUE :

La demande est rejetée, sans dépens.

« Russel W. Zinn »

Juge

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‑1871‑19

 

INTITULÉ :

MOHAMMED ZAFAR SALEEM c SA MAJESTÉ LA REINE ET AUTRE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

PAR vidÉoconfÉrence

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 19 JUILLET 2021

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE zinn

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

LE 14 SEPTEMBRE 2021

 

COMPARUTIONS :

Mohammed Zafar Saleem

POUR SON PROPRE COMPTE

 

Diya Bouchedid

POUR LES défeNDEURS

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

‑s.o.‑

 

POUR SON PROPRE COMPTE

Procureur général du Canada

Ministère de la Justice du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LES DÉFENDEURS

 

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