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Date : 20001123


Dossier : T-6485-81


Toronto (Ontario), le jeudi 23 novembre 2000

EN PRÉSENCE DU juge John A. O'Keefe


ENTRE :


HARRY D. SHIELDS LIMITED,


demanderesse,


- et -


SA MAJESTÉ LA REINE,


défenderesse.





MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE



LE JUGE O'KEEFE


[1]      Il s'agit d'une requête présentée par la défenderesse en vue d'obtenir un jugement sommaire dans le cadre de l'action susmentionnée. La défenderesse fait valoir que l'instance introduite par la demanderesse ne soulève aucune véritable question litigieuse. La demanderesse poursuit Sa Majesté la Reine (la défenderesse) pour divers dommages découlant des présumés actes négligents, discriminatoires et malveillants qu'auraient commis des préposés de la Couronne employés par le ministère du Revenu national.

Les faits

[2]      La demanderesse, Harry D. Shields Limited (Shields ou la demanderesse), se livrait à l'importation et à la fabrication de bicyclettes depuis 1973. Entre 1973 et 1977, la demanderesse s'est mise à envisager de fabriquer des bicyclettes au Canada, celles-ci devant être faites presque entièrement de pièces importées de l'étranger. Shields a donc demandé des précisions au sujet du traitement réservé aux envois de pièces de bicyclettes selon le tarif des douanes.

[3]      Un grand nombre de lettres ont été échangées entre la demanderesse et les représentants du ministère du Revenu national. D'après le Ministère, pour être considéré comme un [TRADUCTION] « fabricant canadien » de bicyclettes admissible à une exonération de droits en matière de taxe d'accise, au moins 20 p. 100 du coût de fabrication des bicyclettes (y compris la main d'oeuvre et les frais généraux) doit être attribuable au contenu canadien. Le Ministère a fait savoir que des représentants auraient à se présenter aux usines pour vérifier comment l'installation était exploitée et qu'ils seraient alors en mesure d'accorder l'exonération.

[4]      En 1977, la demanderesse, conformément à ses projets, a commencé à importer les pièces en question. Le responsable de l'imposition des droits de douane a appliqué aux produits importés le tarif de la nation la plus favorisée, ce qui s'est traduit par une obligation fiscale envers le gouvernement de 320 000 $.

[5]      La demanderesse a interjeté appel de cette imposition devant la Commission du tarif en application des dispositions du Tarif des douanes et elle a obtenu gain de cause. En effet, le 3 janvier 1980, la Commission a conclu qu'aucune disposition du Tarif n'imposait aux fabricants de satisfaire à des [TRADUCTION] « exigences relatives au contenu canadien » . De plus, la Commission a estimé qu'il suffisait que la personne morale soit canadienne et qu'elle se livre à la fabrication de produits. Elle a en outre décidé que, comme la demanderesse constituait un maillon important de la chaîne de distribution et sous réserve de certains changements touchant la nature des marchandises (c.-à-d. des rouleaux de 500 pieds de chaîne ont été coupés sur mesure), elle était un fabricant canadien et donc fondée à obtenir une réduction des droits payés.

[6]      La demanderesse a déposé une action dans laquelle elle réclame 10 000 000 $ à titre de dommages-intérêts généraux et 730 000 $ à titre de dommages-intérêts particuliers, de dommages-intérêts exemplaires et de dépens.

[7]      Selon la demanderesse, la perte découlant de l'imposition du tarif est notamment attribuable à l'impossibilité d'établir un prix compétitif pour le produit final en raison des frais accrus et du manque d'utilisation de l'investissement lié à l'entrepôt. L'entreprise de la demanderesse exploitée à l'usine particulière où on fabriquait les pièces de bicyclettes importées a peu de temps après été mise sous séquestre.

[8]      Dans sa déclaration, Shields invoque la faute des fonctionnaires employés par le ministère du Revenu national. La demanderesse soutient en effet que des fonctionnaires ont accordé un traitement tarifaire préférentiel à certains fabricants de bicyclettes, dont Canadian Cycle and Motor Co. Limited ( « CCM » ), société dans laquelle le gouvernement détenait un intérêt financier [TRADUCTION] « secret et substantiel » . Selon la demanderesse, le gouvernement jouissait d'une garantie de prêt d'environ 10 000 000 $ de CCM et il était représenté au sein du conseil d'administration de cette dernière.

[9]      Comme le tarif n'a pas été correctement appliqué, l'entreprise que la demanderesse exploitait à l'usine en question a été mise sous séquestre, ce qui a causé une perte d'investissement et une perte d'appréciation future au titre de la valeur de l'entreprise.

Thèse de la partie requérante

[10]      La défenderesse affirme que la présente affaire ne soulève aucune véritable question litigieuse puisqu'elle n'assumait pas de devoir de diligence envers la demanderesse. Comme il prévoit un processus d'appel, le Tarif des douanes a pour effet de créer un code législatif complet en matière de résolution des différends. La défenderesse fait en outre valoir à titre subsidiaire que, si elle assume un devoir de diligence envers la demanderesse, les questions en litige constituent alors des questions de droit susceptibles d'être tranchées à la lumière des éléments de preuve dont la Cour est déjà saisie.

[11]      La défenderesse prétend aussi que la demanderesse n'a pas invoqué d'acte connu de discrimination puisque le traitement préférentiel de parties prévu par la législation fiscale ne donne pas naissance à une cause d'action.

[12]      De plus, la défenderesse allègue que les éléments de preuve déposés devant la Cour ne révèlent pas l'existence d'une action fondée sur l'exercice abusif de fonctions et que la demanderesse a omis d'invoquer les éléments constitutifs nécessaires pour étayer une action de cette nature.

[13]      D'après la défenderesse, les traitements préférentiels visant les taux tarifaires n'ont été accordés qu'à des parties s'efforçant de remplir désormais les exigences relatives au contenu canadien. Il ne s'agissait que d'une mesure temporaire en faveur de parties qui n'avaient pas respecté leurs engagements. Le Ministère a depuis cessé d'accorder des exonérations à l'égard des exigences du tarif.

Thèse de la partie intimée

[14]      Quant à la demanderesse, elle soutient, d'une part, que les préposés de la défenderesse lui ont affirmé qu'elle serait admissible au taux tarifaire préférentiel et, de l'autre, qu'ils lui ont effectivement accordé ce taux à l'origine. Selon elle, le refus de lui accorder des avantages tarifaires tient au fait suivant : la défenderesse a irrégulièrement tenu compte de l'intérêt financier secret qu'elle détient dans l'entreprise d'un des principaux concurrents de la demanderesse.

[15]      En ce qui concerne la requête en jugement sommaire, la demanderesse prétend que, si l'affaire soulève une question de crédibilité, il faut alors procéder à une instruction et s'abstenir de rendre un jugement sommaire. La demanderesse allègue que la présente instance soulève des questions de crédibilité, dont les suivantes :

     [ · ]      La défenderesse a-t-elle déclaré à la demanderesse qu'elle obtiendrait des avantages tarifaires et serait traitée de la même façon que ses concurrents?
     [ · ]      La demanderesse s'est-elle, à son détriment, fondée sur ces assertions?
     [ · ]      La défenderesse détenait-elle un intérêt financier dans CCM, soit le principal concurrent de la demanderesse?
     [ · ]      Cet intérêt financier a-t-il influé sur la défenderesse en incitant celle-ci à agir de mauvaise foi et à exercer son autorité publique de manière abusive?

[1]      La demanderesse avance en outre qu'elle a, au paragraphe 30 de sa déclaration modifiée, invoqué l'exercice abusif de l'autorité publique à titre de cause d'action.

[2]      Enfin, suivant la demanderesse, la Cour ne dispose pas des faits nécessaires pour trancher les questions de fait et de droit énoncées en l'espèce.

Question en litige

[3]      Est-il opportun d'accorder un jugement sommaire à la défenderesse?

[4]      Par sa requête, la défenderesse souhaite obtenir une ordonnance accordant les mesures suivantes :

     1.      Un jugement sommaire rejetant la réclamation de la demanderesse;
     2.      Les dépens à la défenderesse tant en ce qui concerne la réclamation que la présente requête;
     3.      Les autres redressements que la Cour estime justes.

Le droit

Règles applicables

[20]      Voici le texte des règles 213 à 218 des Règles de la Cour fédérale (1998) :

213. (1) Where available to plaintiff -- A plaintiff may, after the defendant has filed a defence, or earlier with leave of the Court, and at any time before the time and place for trial are fixed, bring a motion for summary judgment on all or part of the claim set out in the statement of claim.



(2) Where available to defendant -- A defendant may, after serving and filing a defence and at any time before the time and place for trial are fixed, bring a motion for summary judgment dismissing all or part of the claim set out in the statement of claim.

213. (1) Requête du demandeur -- Le demandeur peut, après le dépôt de la défense du défendeur -- ou avant si la Cour l'autorise -- et avant que l'heure, la date et le lieu de l'instruction soient fixés, présenter une requête pour obtenir un jugement sommaire sur tout ou partie de la réclamation contenue dans la déclaration.

(2) Requête du défendeur -- Le défendeur peut, après avoir signifié et déposé sa défense et avant que l'heure, la date et le lieu de l'instruction soient fixés, présenter une requête pour obtenir un jugement sommaire rejetant tout ou partie de la réclamation contenue dans la déclaration.

214. (1) Obligations of moving party -- A party may bring a motion for summary judgment in an action by serving and filing a notice of motion and motion record at least 20 days before the day set out in the notice for the hearing of the motion.



(2) Obligations of responding party -- A party served with a motion for summary judgment shall serve and file a respondent's motion record not later than 10 days before the day set out in the notice of motion for the hearing of the motion.

214. (1) Obligations du requérant -- Toute partie peut présenter une requête pour obtenir un jugement sommaire dans une action en signifiant et en déposant un avis de requête et un dossier de requête au moins 20 jours avant la date de l'audition de la requête indiquée dans l'avis.

(2) Obligations de l'autre partie -- La partie qui reçoit signification d'une requête en jugement sommaire signifie et dépose un dossier de réponse au moins 10 jours avant la date de l'audition de la requête indiquée dans l'avis de requête.

215. Mere denial -- A response to a motion for summary judgment shall not rest merely on allegations or denials of the pleadings of the moving party, but must set out specific facts showing that there is a genuine issue for trial.

215. Réponse suffisante -- La réponse à une requête en jugement sommaire ne peut être fondée uniquement sur les allégations ou les dénégations contenues dans les actes de procédure déposés par le requérant. Elle doit plutôt énoncer les faits précis démontrant l'existence d'une véritable question litigieuse.

216. (1) Where no genuine issue for trial -- Where on a motion for summary judgment the Court is satisfied that there is no genuine issue for trial with respect to a claim or defence, the Court shall grant summary judgment accordingly.



(2) Where no genuine issue for trial -- Where on a motion for summary judgment the Court is satisfied that the only genuine issue is


(a) the amount to which the moving party is entitled, the Court may order a trial of that issue or grant summary judgment with a reference under rule 153 to determine the amount; or


(b) a question of law, the Court may determine the question and grant summary judgment accordingly.

(3) Summary judgment -- Where on a motion for summary judgment the Court decides that there is a genuine issue with respect to a claim or defence, the Court may nevertheless grant summary judgment in favour of any party, either on an issue or generally, if the Court is able on the whole of the evidence to find the facts necessary to decide the questions of fact and law.




(4) Where motion dismissed -- Where a motion for summary judgment is dismissed in whole or in part, the Court may order the action, or the issues in the action not disposed of by summary judgment, to proceed to trial in the usual way or order that the action be conducted as a specially managed proceeding.

216. (1) Absence de véritable question litigieuse -- Lorsque, par suite d'une requête en jugement sommaire, la Cour est convaincue qu'il n'existe pas de véritable question litigieuse quant à une déclaration ou à une défense, elle rend un jugement sommaire en conséquence.

(2) Somme d'argent ou point de droit -- Lorsque, par suite d'une requête en jugement sommaire, la Cour est convaincue que la seule véritable question litigieuse est:

a) le montant auquel le requérant a droit, elle peut ordonner l'instruction de la question ou rendre un jugement sommaire assorti d'un renvoi pour détermination du montant conformément à la règle 153;

b) un point de droit, elle peut statuer sur celui-ci et rendre un jugement sommaire en conséquence.

(3) Jugement de la Cour -- Lorsque, par suite d'une requête en jugement sommaire, la Cour conclut qu'il existe une véritable question litigieuse à l'égard d'une déclaration ou d'une défense, elle peut néanmoins rendre un jugement sommaire en faveur d'une partie, soit sur une question particulière, soit de façon générale, si elle parvient à partir de l'ensemble de la preuve à dégager les faits nécessaires pour trancher les questions de fait et de droit.

(4) Rejet de la requête -- Lorsque la requête en jugement sommaire est rejetée en tout ou en partie, la Cour peut ordonner que l'action ou les questions litigieuses qui ne sont pas tranchées par le jugement sommaire soient instruites de la manière habituelle ou elle peut ordonner la tenue d'une instance à gestion spéciale.

217. Effect of summary judgment -- A plaintiff who obtains summary judgment under these Rules may proceed against the same defendant for any other relief and against any other defendant for the same or any other relief.

217. Effet du jugement sommaire -- Le demandeur qui obtient un jugement sommaire aux termes des présentes règles peut poursuivre le même défendeur pour une autre réparation ou poursuivre tout autre défendeur pour la même ou une autre réparation.

218. Powers of Court -- Where summary judgment is refused or is granted only in part, the Court may make an order specifying which material facts are not in dispute and defining the issues to be tried, including an order


(a) for payment into court of all or part of the claim;



(b) for security for costs; or


(c) limiting the nature and scope of the examination for discovery to matters not covered by the affidavits filed on the motion for summary judgment or by any cross-examination on them and providing for their use at trial in the same manner as an examination for discovery.

218. Pouvoirs de la Cour -- Lorsqu'un jugement sommaire est refusé ou n'est accordé qu'en partie, la Cour peut, par ordonnance, préciser les faits substantiels qui ne sont pas en litige et déterminer les questions qui doivent être instruites, ainsi que:

a) ordonner la consignation à la Cour d'une somme d'argent représentant la totalité ou une partie de la réclamation;

b) ordonner la remise d'un cautionnement pour dépens;

c) limiter la nature et l'étendue de l'interrogatoire préalable aux questions non visées par les affidavits déposés à l'appui de la requête en jugement sommaire, ou limiter la nature et l'étendue de tout contre-interrogatoire s'y rapportant, et permettre l'utilisation de ces affidavits lors de l'interrogatoire à l'instruction de la même manière qu'à l'interrogatoire préalable.

[21]      Dans l'affaire Granville Shipping Co. c. Pegasus Lines Ltd. S.A. et al. (1996), 111 F.T.R. 189 (C.F. 1re inst.), le juge Tremblay-Lamer de la présente Cour a résumé ainsi les principes généraux qui s'appliquent aux demandes visant le prononcé d'un jugement sommaire :

J'ai examiné toute la jurisprudence se rapportant aux jugements sommaires et je résume les principes généraux en conséquence :

1.      ces dispositions ont pour but d'autoriser la Cour à se prononcer par voie sommaire sur les affaires qu'elle n'estime pas nécessaire d'instruire parce qu'elles ne soulèvent aucune question sérieuse à instruire (Old Fish Market Restaurants Ltd. c. 1000357 Ontario Inc. et al.), à la page 222;


2.      Il n'existe pas de critère absolu (Feoso Oil Limited c. Sarla (Le) (1995), 184 N.R. 307 (C.A.F.)), mais le juge Stone, J.C.A., semble avoir fait siens les motifs prononcés par le juge Henry dans le jugement Pizza Pizza Ltd. c. Gillespie (Pizza Pizza) (1990), 75 O.R. (2d) 225 (Div. gén.). Il ne s'agit pas de savoir si une partie a des chances d'obtenir gain de cause au procès, mais plutôt de déterminer si le succès de la demande est tellement douteux que celle-ci ne mérite pas d'être examinée par le juge des faits dans le cadre d'un éventuel procès;


3.      chaque affaire devrait être interprétée dans le contexte qui est le sien (Blyth, précitée, et Feoso, précitée);


4.      les règles de pratique provinciales (spécialement la Règle 20 des Règles de procédure civile de l'Ontario) peuvent faciliter l'interprétation (Feoso, précitée, et Collie, précitée);


5.      saisie d'une requête en jugement sommaire, notre Cour peut trancher des questions de fait et des questions de droit si les éléments portés à sa connaissance lui permettent de le faire (ce principe est plus large que celui qui est posé à la Règle 20 des Règles de procédure civile de l'Ontario) (Patrick);


6.      le tribunal ne peut pas rendre le jugement sommaire demandé si l'ensemble de la preuve ne comporte pas les faits nécessaires pour lui permettre de trancher les questions de fait ou s'il estime injuste de trancher ces questions dans le cadre de la requête en jugement sommaire (Pallman, précitée, et Sears, précitée);


7.      lorsqu'une question sérieuse est soulevée au sujet de la crédibilité, le tribunal devrait instruire l'affaire parce que les parties devraient être contre-interrogées devant le juge du procès (Forde, précitée, et Sears, précitée). L'existence d'une apparente contradiction de preuves n'empêche pas en soi le tribunal de prononcer un jugement sommaire; le tribunal doit « se pencher de près » sur le fond de l'affaire et décider s'il y a des questions de crédibilité à trancher (Stokes, précitée).


[22]      J'ai lu les actes de procédure et les affidavits déposés dans le cadre de la présente requête. L'examen de ces documents permet d'établir que les actes de procédure soulèvent les questions litigieuses suivantes :


  1. .      La défenderesse a-t-elle :
     [TRADUCTION] . . . sciemment et de mauvaise foi exercé son autorité publique de manière abusive en ce que, (i) par son refus d'autoriser la demanderesse à importer lesdits éléments en franchise de droits et sa décision d'imposer puis d'exiger le versement de droits, comme il est précisé aux paragraphes 12, 14, 16 et 19, d'une part, et (ii) par sa façon de traiter la demanderesse différemment de ses concurrents susmentionnés, comme il est précisé aux paragraphes 16 et 19, d'autre part, elle a laissé son désir de protéger les intérêts qu'elle détient dans CCM et de réduire la capacité de la demanderesse à concurrencer cette dernière influer sur sa décision?
     2.      La défenderesse détenait-elle un intérêt financier secret et important dans le principal concurrent de la demanderesse et cet intérêt a-t-il incité la défenderesse à refuser des avantages tarifaires à cette dernière?
     3.      La défenderesse a-t-elle fait valoir à la demanderesse qu'elle lui accorderait des avantages tarifaires et ne la traiterait pas différemment de ses concurrents?
     4.      La demanderesse s'est-elle, à son détriment, fondée sur les assertions de la défenderesse?

[23]      À mon avis, toutes ces questions sont sérieuses et doivent être instruites. Il peut arriver que la défenderesse exerce son autorité publique de manière abusive (voir l'arrêt Roncarelli c. Duplessis, [1959] R.C.S. 121).

[24]      La loi m'autorise à tirer des conclusions de fait et de droit à l'égard de la requête dont je suis saisi uniquement si ces conclusions peuvent être déduites des éléments de preuve produits devant la Cour. Or, la preuve par affidavit et les documents déposés en l'espèce ne me permettent pas de tirer la conclusion de fait nécessaire pour trancher les questions litigieuses énumérées au paragraphe 22 des présents motifs.

[25]      Selon le sixième facteur énoncé dans l'affaire Granville Shipping Co. c. Pegasus Lines Ltd. S.A. et al., précitée, il m'est impossible de rendre un jugement sommaire si l'ensemble de la preuve ne comporte pas les faits nécessaires ou s'il est injuste de trancher ces questions dans le cadre de la requête en jugement sommaire.

[26]      La défenderesse laisse entendre qu'elle n'a aucunement l'obligation de ne pas traiter la demanderesse différemment de ses concurrents. Or, il semble que ce ne soit pas un énoncé exact du droit [voir l'arrêt Harris c. Canada, 2 juin 2000, dossier A-25-99 (C.A.F.), à l'égard duquel l'autorisation d'interjeter appel à la Cour suprême du Canada a été refusée le 26 octobre 2000].

[27]      Enfin, même si ce point n'est pas essentiel au règlement de la présente requête, j'ai du mal à croire qu'aucune question ne sera soulevée au sujet de la crédibilité au moment de décider si des assertions ont ou non été faites auprès de la demanderesse par les préposés de la défenderesse. Par exemple, qu'a dit le Ministre à la demanderesse quant au fait d'être [TRADUCTION] « traitée équitablement » ? Ces questions relatives à la crédibilité devraient être tranchées par le juge présidant l'instruction.

[28]      Suivant le deuxième facteur énuméré dans l'affaire Granville Shipping Co., précitée, il faut « déterminer si le succès de la demande est tellement douteux que celle-ci ne mérite pas d'être examinée par le juge des faits dans le cadre d'un éventuel procès » . À mon sens, la présente affaire ne mérite pas d'être examinée par le juge des faits lors d'un éventuel procès.

[29]      En outre, je suis d'avis que l'ensemble de la preuve ne me permet pas de dégager les faits nécessaires pour accorder un jugement sommaire.

[30]      J'estime donc que la requête présentée en vue d'obtenir un jugement sommaire doit être rejetée.

[31]      Comme on a demandé l'autorisation de formuler des arguments quant aux dépens, j'ordonnerai que, s'il y a lieu, ces arguments me soient présentés au plus tard le 20 décembre 2000.


ORDONNANCE

[32]      LA COUR ORDONNE que la requête en jugement sommaire soit rejetée.
[33]      LA COUR ORDONNE ÉGALEMENT que les parties, s'il y a lieu, présentent leurs arguments relatifs aux dépens au plus tard le 20 décembre 2000.

                                 « John A. O'Keefe »         

     Juge

Toronto (Ontario)

Le 23 novembre 2000



Traduction certifiée conforme


Martine Guay, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :      T-6485-81

INTITULÉ DE LA CAUSE :      HARRY D. SHIELDS LIMITED

- et -

    

     SA MAJESTÉ LA REINE

    

LIEU DE L'AUDIENCE :      TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :      LE MERCREDI 21 JUIN 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE JUGE O'KEEFE LE 23 NOVEMBRE 2000.

ONT COMPARU :

     Donald Zaldin

         POUR LA DEMANDERESSE

     Elizabeth Richards

         POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

     Donald Zaldin

     Harry D. Shields Limited

     5863, rue Leslie, bureau 305

     North York (Ontario)

     M2H 1J8

         POUR LA DEMANDERESSE

     Ministère de la Justice

     Deuxième étage, Édifice commémoratif de l'Est

     284, rue Wellington

     Ottawa (Ontario)

     K1A 0H8

         POUR LA DÉFENDERESSE

    

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE



Date : 20001123


Dossier : T-6485-81



ENTRE :


HARRY D. SHIELDS LIMITED,

demanderesse,


- et -



SA MAJESTÉ LA REINE,


défenderesse.

    



     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE


    



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