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Date : 20010525

Dossier : T-1231-99

Référence neutre : 2001 CFPI 529

ENTRE :

                LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                           demandeur

                                                        et

                                  DANNY LEONARDUZZI

                                                                                                défendeur

                                  MOTIFS DE JUGEMENT

LE JUGE LEMIEUX

A.        INTRODUCTION


[1]    Dans la présente demande de contrôle judiciaire, le procureur général du Canada, représentant Transports Canada (le demandeur), conteste, en vertu de l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale, une décision interlocutoire de la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la Commission), représentée par l'arbitre P. Chodos, son vice-président. Cette décision porte que l'employeur, Transports Canada, doit présenter une preuve démontrant que M. Leonarduzzi (le défendeur) a été licencié en cours de stage en vertu de l'article 28 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique (la LEFP).

[2]    Le contexte législatif de cette demande met en cause les liens entre deux lois fédérales sur l'emploi :

1)          L'article 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP), qui prévoit le renvoi à l'arbitrage par la Commission lorsqu'un fonctionnaire a porté un grief portant sur un licenciement en vertu des alinéas 11(2)f) ou g) de la Loi sur la gestion des finances publiques, ou sur une mesure disciplinaire entraînant le licenciement.

2)         L'article 28 de la LEFP, qui traite des périodes de stage des personnes nommées à un poste pourvu par nomination externe et du renvoi d'un fonctionnaire en cours de stage pour un motif déterminé.

3)          La mesure prévue au paragraphe 92(3) de la LRTFP, qui interdit le renvoi à l'arbitrage par la Commission d'un licenciement en vertu de la LEFP.


B. LE CONTEXTE

[3]                 Transports Canada a engagé le défendeur comme contrôleur de la circulation aérienne stagiaire au Centre de contrôle de la région de Toronto à l'aéroport international Lester B. Pearson. Dans une lettre datée du 9 février 1996, Transports Canada a offert un poste à durée indéterminée à M. Leonarduzzi, comme stagiaire IFR, à condition qu'il réussisse le programme de formation de base à l'Institut de formation de Transports Canada à Cornwall, en Ontario. Le troisième paragraphe de cette lettre se lit comme suit :

Étant donné que vous avez été recruté à l'extérieur de la fonction publique, vous êtes en période de stage jusqu'à la fin de votre formation. En tant que tel, vous devez satisfaire aux exigences du Programme de formation en vue d'une qualification (PFQ) pendant votre séjour à l'unité de formation régionale (UFR) et durant votre formation en cours d'emploi (FCE), à défaut de quoi vous serez renvoyé en cours de stage. [je souligne]

[4]                 Le défendeur a été licencié le 10 juillet 1996. Le directeur régional par intérim (Ontario) des Services de circulation aérienne de Transports Canada lui a écrit pour l'informer qu'il était renvoyé en cours de stage. Le premier paragraphe de cette lettre est rédigé comme suit :

Comme vous n'avez pas satisfait aux normes du Programme de formation des contrôleurs de la circulation aérienne, il a été recommandé de mettre fin à votre formation. J'ai examiné les documents pertinents et, en me fondant sur les renseignements qu'ils contiennent, je souscris à cette recommandation.

Je vous informe donc par la présente que vous êtes renvoyé en cours de stage... . [je souligne]


[5]                 Le 9 août 1996, le défendeur a déposé un grief contre la décision de Transports Canada datée 10 juillet 1996. Il décrit son grief comme suit :

[Traduction]

Mon renvoi et ma cessation d'emploi sont injustes. Il y a eu mauvaise foi et violation des politiques et pratiques de l'employeur. Je désire donc être réintégré dans un poste de stagiaire CCA, ou obtenir un autre emploi à l'intérieur du SCA, ou être transféré à NAV Canada. Je préférerais être réintégré à un endroit autre que celui où l'on a mis fin à mon emploi. Je désire être remboursé de toutes les pertes de salaire, avantages et autres droits, ou qu'on m'accorde une autre forme de réparation intégrale. [je souligne]

[6]                 Son grief a été entendu au premier et finalement au dernier palier de grief. Le 30 mai 1997, M. Leonarduzzi a présenté un renvoi à l'arbitrage à la Commission, en vertu de l'article 92 de la LRTFP. Le vice-président, Relations de travail, de l'Association canadienne des contrôleurs de la circulation aérienne a donné l'approbation de l'agent négociateur le 13 juin 1997.

[7]                 L'audience de la Commission a commencé le 31 mai 1999. Dès le début de l'audience, deux documents ont été admis en preuve, avec le consentement des parties. Le premier est la lettre du 9 février 1996, et le second est la lettre du 10 juillet 1996, adressée par Transports Canada au défendeur pour l'informer de son renvoi en cours de stage.

[8]                 À la page 2, le vice-président a décrit la procédure qui a mené à la décision contestée, dans les termes suivants :


Les avocats des parties ont été invités à présenter leurs arguments au sujet du fardeau de la preuve et du déroulement de l'audience. J'ai pris leurs arguments en délibéré et j'ai rendu ma décision le lendemain. En résumé, j'ai ordonné à l'employeur de fournir des preuves quant aux motifs du prétendu renvoi en cours de stage. L'employeur a contesté cette décision; il a demandé qu'elle soit mise par écrit et que l'audience soit ajournée en vue de lui permettre de présenter une demande de révision judiciaire à la Cour fédérale. L'avocate du fonctionnaire a indiqué qu'elle ne s'opposait pas à ce que j'ajourne l'audience et que je rende une décision préliminaire. Par conséquent, l'audience a été ajournée indéfiniment et j'ai rédigé la présente décision. [je souligne]

C. LES ARGUMENTS PRÉSENTÉS À LA COMMISSION ET LA DÉCISION DE LA COMMISSION

1) Les arguments présentés à la Commission

[9]                 L'avocate du fonctionnaire a soutenu devant la Commission qu'avant de conclure qu'elle n'a pas compétence, elle doit d'abord déterminer si le défendeur a été licencié en vertu de la LEFP. En d'autres termes, l'employeur devait démontrer que toutes les conditions de l'article 28 de la LEFP ont été satisfaites, savoir : 1) l'employé doit être en stage; 2) le licenciement doit survenir durant la période de stage; et 3) le licenciement doit être pour un motif déterminé.


[10]            L'avocate du fonctionnaire a soutenu devant la Commission que « motif déterminé » s'entend d'un « motif déterminé valable » , c'est-à-dire que l'employeur doit produire une preuve prima facie que le licenciement du fonctionnaire était justifié, la question de la bonne ou de la mauvaise foi n'étant pertinente qu'après que l'employeur a démontré l'existence d'un « motif déterminé » aux termes de cet article de la LEFP.

[11]            L'avocat du procureur général a soutenu que la Commission doit accepter à première vue qu'il s'agit en l'espèce d'un renvoi en cours de stage conformément à la LEFP, une question qui n'est pas du ressort d'un arbitre nommé en vertu de la LRTFP. Par conséquent, le fardeau de la preuve de démontrer la mauvaise foi incombe au fonctionnaire. L'avocat du demandeur a fait remarquer que la lettre de renvoi en cours de stage déclare ce qui suit : « comme vous n'avez pas satisfait aux normes établies » ; en soi, cette lettre suffit pour empêcher tout renvoi à l'arbitrage et pour établir la présomption que l'employeur a agi de bonne foi.

2) La décision de la Commission

[12]            Le coeur de la décision de la Commission se trouve aux extraits suivants, que l'on trouve aux pages 9 et 10 de ses motifs :


... lorsqu'un grief contestant un prétendu licenciement est renvoyé à l'arbitrage, il incombe à l'arbitre dont la compétence est contestée de déterminer si le licenciement est réellement le résultat de l'application de la LEFP et non pas un subterfuge ou un « camouflage » (le terme employé par la Cour suprême dans l'arrêt Jacmain). La preuve que requiert un arbitre pour trancher la question dépend de la nature du prétendu licenciement. Je suis d'accord avec l'avocate du fonctionnaire quand elle dit que l'arbitre doit déterminer, lorsque le licenciement prend la forme d'un renvoi en cours de stage motivé aux termes de l'article 28 de la LEFP, si ce renvoi était pour un « motif déterminé » au sens où cette expression est employée à l'article 28. Précisons que l'article 28 de la LEFP emploie l'expression « motif déterminé » et l'article 11 de la loi complémentaire, soit la Loi sur la gestion des finances publiques, le terme « motivée » . Il est manifeste, par conséquent, qu'ils ont une signification et une importance particulières dans le contexte des droits des fonctionnaires fédéraux.

D'après moi, pour démontrer que l'arbitre ne peut pas se saisir du grief du fonctionnaire s'estimant lésé, l'employeur doit produire quelque élément de preuve indiquant qu'il existe un véritable motif lié à l'emploi de licencier le fonctionnaire au cours de la période de stage. En l'espèce, l'employeur n'a absolument rien fait de la sorte, malgré l'invitation qui lui a été faite. Il maintient plutôt qu'il doit tout au plus démontrer l'existence d'une lettre renvoyant censément le fonctionnaire en cours de stage. J'ignore complètement qui a pris cette décision, de quels facteurs il a tenu compte, quelles sont les normes auxquelles il est fait allusion dans cette lettre et, en fait, si de telles normes existent véritablement... . Bien que je ne sois pas sûr que l'expression « motif déterminé » employée à l'article 28 signifie « motif déterminé valable » , comme l'affirme l'avocate du fonctionnaire, je crois que l'employeur doit produire un minimum d'éléments de preuve pour que l'arbitre puisse raisonnablement rendre une décision éclairée sur la question de savoir s'il a compétence pour trancher le grief sur le fond. Je suis convaincu que cela signifie que l'employeur doit démontrer, au moyen d'éléments de preuve convenables, qu'il avait effectivement une « raison » d'agir comme il l'a fait.

En souscrivant à la thèse de l'employeur, j'ouvrirais la porte à des décisions susceptibles d'être complètement arbitraires, fondées sur des facteurs non pertinents, et peut-être sans la moindre parcelle de légitimité. Il ne faut pas oublier que l'employeur est le seul à savoir pourquoi il a pris la décision que l'on sait; en ne fournissant pas d'éléments de preuve et de renseignements, il place le fonctionnaire dans la position peu enviable de spéculer sur les raisons de sa décision et, par conséquent, d'assumer un fardeau presque impossible, soit celui d'essayer de prouver la mauvaise foi. Ce n'est pas ce qu'exigent les dispositions législatives en cause, et cela est contraire à l'équité et au bon sens élémentaires...

. . .Je crois, comme je l'ai indiqué plus haut, que l'employeur est obligé de démontrer devant l'arbitre que l'article 28 de la LEFP s'applique, ce qui empêche l'arbitre de se saisir de l'affaire conformément au paragraphe 92(3) de la LRTFP. Toutefois, cela ne signifie pas que l'employeur doit démontrer l'existence d'un « motif déterminé valable » au sens normalement donné à cette expression dans le contexte des relations du travail. Autrement dit, je ne crois pas que l'employeur a la charge de justifier sa décision de licencier le fonctionnaire une fois qu'il a fourni un motif véritable lié à l'emploi. Il doit uniquement démontrer qu'il agit conformément aux dispositions de la LEFP. Conclure autrement serait contraire aux dispositions du paragraphe 92(3) de la LRTFP.[je souligne]


D. LES QUESTIONS EN LITIGE

1) Dans les circonstances de la présente affaire, le contrôle judiciaire de la décision interlocutoire de la Commission est-il admissible?

2) L'arbitre a-t-il commis une erreur de droit en concluant que l'employeur avait le fardeau initial de présenter une preuve que le licenciement était conforme à l'article 28 de la LEFP?

E. LA LÉGISLATION

[13]            Les dispositions pertinentes de la LEFP sont rédigées comme suit :



28. (1) À partir de la date de sa nomination à un poste pourvu par nomination externe, le fonctionnaire est considéré comme stagiaire durant la période fixée par règlement par la Commission pour lui ou la catégorie de fonctionnaires dont il fait partie.

28(1.1) Idem

(1.1) Une nouvelle nomination ou une mutation n'interrompt pas le stage.

28(2) Renvoi

(2) À tout moment au cours du stage, l'administrateur général peut aviser le fonctionnaire de son intention de le renvoyer, pour un motif déterminé, au terme du délai de préavis fixé par la Commission pour lui ou la catégorie de fonctionnaires dont il fait partie. Le fonctionnaire perd sa qualité de fonctionnaire au terme de cette période.

28. (1) An employee who was appointed from outside the Public Service shall be considered to be on probation from the date of the appointment until the end of such period as the Commission shall establish by regulation for that employee or any class of employees of which that employee is a member.

28(1.1) Idem

(1.1) A probationary period established pursuant to subsection (1) is not terminated by any appointment or deployment of the employee made during the period.

28(2) Rejection

(2) The deputy head may, at any time during the probationary period of an employee, give notice to the employee that the deputy head intends to reject the employee for cause at the end of such notice period as the Commission may establish for that employee or any class of employees of which that employee is a member, and the employee ceases to be an employee at the end of that period.


[14]            Les dispositions pertinentes de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP) sont rédigées comme suit :



92. (1) Après l'avoir porté jusqu'au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, un fonctionnaire peut renvoyer à l'arbitrage tout grief portant sur :

a) l'interprétation ou l'application, à son endroit, d'une disposition d'une convention collective ou d'une décision arbitrale;

b) dans le cas d'un fonctionnaire d'un ministère ou secteur de l'administration publique fédérale spécifié à la partie I de l'annexe I ou désigné par décret pris au titre du paragraphe (4), soit une mesure disciplinaire entraînant la suspension ou une sanction pécuniaire, soit un licenciement ou une rétrogradation visé aux alinéas 11(2)f) ou g) de la Loi sur la gestion des finances publiques;

c) dans les autres cas, une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la suspension ou une sanction pécuniaire.

92(2) Approbation de l'agent négociateur

(2) Pour pouvoir renvoyer à l'arbitrage un grief du type visé à l'alinéa (1)a), le fonctionnaire doit obtenir, dans les formes réglementaires, l'approbation de son agent négociateur et son acceptation de le représenter dans la procédure d'arbitrage.

92(3) Exclusion

(3) Le paragraphe (1) n'a pas pour effet de permettre le renvoi à l'arbitrage d'un grief portant sur le licenciement prévu sous le régime de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique.92(4) Décret

(4) Le gouverneur en conseil peut, par décret, désigner, pour l'application de l'alinéa (1)b), tout secteur de l'administration publique fédérale spécifié à la partie II de l'annexe I.

92. (1) Where an employee has presented a grievance, up to and including the final level in the grievance process, with respect to

(a) the interpretation or application in respect of the employee of a provision of a collective agreement or an arbitral award,

(b) in the case of an employee in a department or other portion of the public service of Canada specified in Part I of Schedule I or designated pursuant to subsection (4),

(i) disciplinary action resulting in suspension or a financial penalty, or

(ii) termination of employment or demotion pursuant to paragraph 11(2)(f) or (g) of the Financial Administration Act, or

(c) in the case of an employee not described in paragraph (b), disciplinary action resulting in termination of employment, suspension or a financial penalty,

and the grievance has not been dealt with to the satisfaction of the employee, the employee may, subject to subsection (2), refer the grievance to adjudication.

92(2) Approval of bargaining agent

(2) Where a grievance that may be presented by an employee to adjudication is a grievance described in paragraph (1)(a), the employee is not entitled to refer the grievance to adjudication unless the bargaining agent for the bargaining unit, to which the collective agreement or arbitral award referred to in that paragraph applies, signifies in the prescribed manner its approval of the reference of the grievance to adjudication and its willingness to represent the employee in the adjudication proceedings.

92(3) Termination under P.S.E.A. not grievable

(3) Nothing in subsection (1) shall be construed or applied as permitting the referral to adjudication of a grievance with respect to any termination of employment under the Public Service Employment Act.

92(4) Order

(4) The Governor in Council may, by order, designate for the purposes of paragraph (1)(b) any portion of the public service of Canada specified in Part II of Schedule I.


F. ANALYSE

1) Le contrôle judiciaire de la décision interlocutoire de la Commission est-t-il admissible?

[15]            Le demandeur soutient qu'il est tout à fait approprié de solliciter le contrôle judiciaire d'une décision interlocutoire d'un office fédéral qui porte sur une question de compétence. Le demandeur soutient qu'en l'instance, la compétence est en cause.

[16]            La jurisprudence établit clairement qu'en l'absence des circonstances particulières, il ne peut y avoir de contrôle judiciaire des décisions interlocutoires des tribunaux administratifs. Dans l'arrêt Szczecka c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1993), 116 D.L.R. (4th) 333 (C.A.F.), le juge Létourneau, J.C.A., conclut ceci, à la page 335 :

Voilà pourquoi il ne doit pas, sauf circonstances spéciales, y avoir d'appel ou de révision judiciaire immédiate d'un jugement interlocutoire. De même, il ne doit pas y avoir ouverture au contrôle judiciaire, particulièrement un contrôle immédiat, lorsqu'il existe, au terme des procédures, un autre recours approprié. Plusieurs décisions de justice sanctionnent ces deux principes, précisément pour éviter une fragmentation des procédures ainsi que les retards et les frais inutiles qui en résultent, qui portent atteinte à une administration efficace de la justice et qui finissent par la discréditer.


[17]            Le juge Evans, alors juge puîné, conclut ceci dans Air Canada c. Lorenz, [2000] 1 C.F. 494 (1re inst.), à la page 502 :

De la même manière, les cours hésitent à modifier une décision provisoire ou interlocutoire avant la fin de l'instance dont est saisi un tribunal administratif.

Il ajoute aussi, au paragraphe 37 des mêmes motifs :

Il a ainsi été dit qu'une cour ne devait intervenir avant que le tribunal n'ait rendu sa décision finale que dans des [Traduction] « circonstances exceptionnelles » (University of Toronto v. Canadian Union of Education Workers, Local 2 (1988), 28 O.A.C. 295 (C. div. Ont.), à la page 306), dans des [Traduction] « circonstances exceptionnelles ou extraordinaires » (Ontario College of Art v. Ontario (Human Rights Commission) , précité, à la page 799), ou lorsque la question est dirigée à l'encontre de « l'existence même du tribunal » (Pfeiffer c. Canada (Surintendant des faillites) , [1996] 3 C.F. 584 (1re inst.), à la page 596).

[18]            Un examen de la jurisprudence établit qu'il y a des circonstances particulières ou exceptionnelles lorsqu'on conteste la compétence d'un tribunal ou lorsqu'il n'y aurait pas de réparation possible au terme des procédures. Dans Pfeiffer c. Canada (Surintendant des faillites), [1996] 3 C.F. 584 (1re inst.), le juge Tremblay-Lamer conclut comme suit, à la page 596 :

...puisqu'il s'agit d'une question qui est dirigée à l'encontre de l'existence même du tribunal, il existe une raison spéciale qui permet la révision judiciaire à cette étape des procédures. Tel que déclaré dans Mahabir c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1992] 1 C.F. 133 (C.A.), à la p. 140, il s'agit d'une décision définitive qui tranche une question fondamentale soumise au tribunal.

[19]            Tout récemment, le juge Sexton, J.C.A., a conclu comme suit dans l'arrêt Zündel c. Canada (Commission des droits de la personne), [2000] 4 C.F. 255 (C.A.F.), paragraphe 10 :

En règle générale, si aucune question de compétence ne se pose, les décisions qui sont rendues dans le cours d'une instance devant un tribunal ne devraient pas être contestées tant que l'instance engagée devant le tribunal n'a pas été menée à terme. Cette règle est fondée sur le fait que pareilles demandes de contrôle judiciaire peuvent en fin de compte être tout à fait inutiles : un plaignant peut en fin de compte avoir gain de cause, de sorte que la demande de contrôle judiciaire n'a plus aucune valeur. De plus, les retards et frais inutiles associés à pareils appels peuvent avoir pour effet de jeter le discrédit sur l'administration de la justice. Ainsi, dans l'instance en cause, le Tribunal a rendu environ 53 décisions. Si chacune des décisions était contestée au moyen d'un contrôle judiciaire, l'audience serait retardée pour une période déraisonnablement longue.

[20]            En l'instance, le demandeur peut obtenir une réparation appropriée au terme des procédures. Par conséquent, je dois déterminer s'il y a ou non une question de compétence, afin de décider si le contrôle judiciaire de la décision interlocutoire de l'arbitre est admissible.

2) La décision portait-elle sur la compétence?

[21]            Le demandeur soutient que le paragraphe 92(3) de la LRTFP interdit expressément le renvoi à l'arbitrage par la Commission d'un grief portant sur un licenciement en vertu de la LEFP.


[22]            Le demandeur soutient que le raisonnement du juge Noël (alors juge puîné) dans Canada (Conseil du Trésor) c. Rinaldi, [1997] J.C.F. no 225 (1re inst.), doit être adopté, ce qui fait que la seule façon de démontrer que le défendeur n'a pas été licencié en vertu de la LEFP serait de démontrer que les conditions requises par la Loi n'existaient pas à l'époque pertinente. En d'autres mots, le fonctionnaire en cours de stage 1) doit démontrer qu'il n'était pas en cours de stage; et 2) que le licenciement n'est pas survenu durant la période de stage. Le demandeur soutient aussi que ces deux conditions sont les seules requises.

[23]            Je ne suis pas d'accord avec cette prétention étant donné que, selon moi, le demandeur interprète les commentaires du juge Noël de façon trop étroite et hors de leur contexte.

[24]            Le procureur général s'appuie sur ce que le juge Noël a déclaré à la note de bas de page no 15 de ses motifs, savoir :

J'insiste ici sur le fait que dans la mesure ou un licenciement a lieu en vertu de l'article 29, une simple démonstration de mauvaise foi ou d'intention malveillante de la part de l'employeur (tel par exemple la preuve d'un désir manifeste de se débarrasser de l'employé à la première occasion) n'aurait pas pour effet d'attribuer juridiction à l'arbitre puisque, mauvaise foi ou non, il s'agirait là toujours d'un grief portant sur un licenciement prenant place sous le régime de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique lequel est exclu de la juridiction de l'arbitre par l'article 92(3) de la Loi sur les conditions de travail dans la fonction publique. La seule façon de démontrer que le licenciement n'a pas eu lieu en vertu de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique face à son invocation par l'employeur serait de démontrer que de fait les conditions requises pour sa mise en oeuvre n'existaient pas au moment pertinent et que donc le licenciement ne peut avoir eu lieu sous le régime prévu par cette Loi.[je souligne]


[25]            Rinaldi, précité, était une affaire dans laquelle le procureur général voulait voir interdire à un arbitre de procéder à l'audition de la CRTFP portant sur le licenciement d'un employé en cours de stage qui prétendait ne pas avoir été mis en disponibilité en vertu de l'article 29 de la LEFP, mais bien avoir été congédié pour des motifs disciplinaires, ce qui accordait compétence à la Commission pour procéder à l'arbitrage en vertu de l'article 92 de la LRTFP.

[26]            Dans Rinaldi, précité, l'arbitre a décidé de procéder à l'audition, déclarant, au paragraphe 9 :

Si vous établissez que le licenciement n'était pas une mise en disponibilité authentique, mais plutôt une décision de mauvaise foi, une ruse, un congédiement disciplinaire camouflé, alors je suis prête à dire que l'article 92(3) de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique n'est pas un empêchement à ce que j'aie compétence.

[27]            Le juge Noël a rejeté la demande d'un bref de prohibition présentée par le procureur général.

[28]            Il s'est appuyé sur la déclaration suivante faite par le juge Marceau dans l'arrêt Penner, infra, savoir que « l'on ne peut tolérer que, par l'effet d'un camouflage, une personne soit privée de la protection que lui accorde une loi » .

[29]            Le juge Noël a déclaré que le fonctionnaire se fondait sur l'existence d'un scénario où l'employeur camouflait un congédiement illégal sous couvert de l'abolition d'un poste dans le cadre d'une réorganisation, situation qui tombe dans le champ de compétence dévolu aux arbitres par l'alinéa 92(1)b) de la LRTFP.


[30]            Le juge Noël a ajouté que le défendeur en stage probatoire pouvait établir l'existence d'une relation de travail tourmentée, mais qu'il « faudrait qu'il démontre au-delà de ceci que l'invocation par l'employeur de l'article 29 [la disposition de la LEFP qui porte sur les mises à pied] est factice » . C'est tout de suite après cette phrase que le juge Noël a rédigé, comme note de bas de page no 15, la citation que je reproduis au paragraphe 24 de mes motifs. Sa déclaration qu'il faut « démontrer que de fait les conditions requises pour sa mise en oeuvre n'existaient pas » fait clairement ressortir qu'il renvoie à l'existence d'un trompe-l'oeil, d'un subterfuge, ou d'un camouflage.

[31]            Je partage l'avis du procureur général que l'objectif du législateur en adoptant le paragraphe 92(3) de la LRTFP était d'interdire l'arbitrage par la Commission des renvois en cours de stage. Toutefois, le législateur n'a pas interdit à un arbitre d'examiner la question de savoir si un renvoi en cours de stage a été réellement fait en vertu de la LEFP. Dans Rinaldi, le juge Noël déclare, au paragraphe 17 :

Contrairement à ce que prétend la requérante, aucune modification législative n'est venue atténuer ce principe. L'ajout du paragraphe 92(3) à la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique qui exclut le renvoi à l'arbitrage d'un grief portant sur le licenciement prévu sous le régime de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique n'a pas pour effet d'anéantir la compétence de l'arbitre au seul motif qu'un tel licenciement est invoqué par l'employeur. De toute évidence, cette disposition exclut le renvoi à l'arbitrage que lorsqu'un licenciement a effectivement lieu en vertu de cette Loi. Or l'hypothèse sur laquelle l'arbitre a fondé sa décision rejoint carrément la situation où l'employeur camoufle un congédiement illégal sous l'égide de l'abolition d'un poste en invoquant de façon factice cette Loi. Il va de soi qu'il s'agirait là d'une situation qui tombe dans le champ de compétence dévolu à l'arbitre en vertu de l'article 92(1)b) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique.[je souligne]


[32]            Au vu du grief du défendeur, qui prétend qu'il y a eu mauvaise foi dans son renvoi en cours de stage, l'arbitre saisi de l'affaire a demandé à l'employeur de présenter une preuve qui lui permettrait de déterminer si le licenciement avait été effectué en vertu de la LEFP, ce qui fait qu'il n'aurait pas compétence, ou s'il était motivé par des facteurs qui n'ont rien à voir avec la LEFP, ce qui lui accorderait compétence en vertu de l'article 92 de la LRTFP. L'autorité de l'arbitre de se saisir du grief dépend entièrement de cette conclusion de fait. Une erreur portant sur les faits justifierait l'intervention de notre Cour, comme le juge MacKay l'a conclu dans Canada (Procureur général) c. Horn, [1994] 1 C.F. 453 (1re inst.), aux pages 467 et 468 :

À mon avis, compte tenu de la décision que le juge Cory a rendue au nom de la majorité dans l'affaire de l'AFPC de 1993, l'arbitre, en décidant si le grief que Mme Horn avait présenté en vertu du paragraphe 92(1) de la LRTFP se rapportait à une « mesure disciplinaire entraînant le congédiement » , examinait une question de compétence, de sorte qu'une simple erreur justifie l'intervention de la Cour pour voie de contrôle judiciaire. . . . Si tel est le cas, une simple erreur dans l'application de la Loi, c.-à-d. du paragraphe 92(1) de la LRTFP, suffit pour qu'on puisse conclure que l'arbitre a excédé la compétence que la loi lui conférait; ou encore, comme on le dit parfois, l'arbitre doit « avoir raison » dans son interprétation.

En tranchant la question de savoir si le grief de l'intimée était visé par le paragraphe 92(1) parce qu'il concernait une « mesure disciplinaire entraînant le congédiement » , l'arbitre était tenu d'évaluer la mesure prise par l'employeur, qui était réputé agir en vertu de l'article 27 de la LEFP. La décision de l'arbitre, à savoir que la mesure avait été prise pour des raisons disciplinaires et que cela constituait donc un congédiement relevant de sa compétence en vertu de l'alinéa 92(1)b) de la LRTFP, était une décision de fait, laquelle est parfois décrite comme se rapportant à un fait juridictionnel étant donné que le pouvoir de l'arbitre d'examiner le grief au fond dépendait de la détermination de ce fait. [je souligne]


[33]            En l'instance, l'arbitre n'a pas tiré de conclusion quant à sa compétence. Le vice-président a tout simplement fixé la procédure à suivre pour décider si la disposition d'exclusion du paragraphe 92(3) de la LRTFP s'appliquait. Ceci n'est pas une erreur quant à la compétence, la Commission n'ayant pas encore décidé si elle avait compétence ou non.

3) Le fait de demander à l'employeur de présenter d'abord sa preuve constitue-t-il une erreur de droit?

(i)         le fardeau de la preuve

[34]            Le demandeur soutient qu'en matière civile, le fardeau de la preuve ne peut être déplacé. Le demandeur soutient que la Commission a commis une erreur en demandant à l'employeur de présenter d'abord une preuve démontrant que l'article 28 de la LEFP s'appliquait, étant donné sa position qui veut que le fardeau de la preuve n'incombe pas à l'employeur en l'instance.

[35]            Le défendeur soutient que c'est l'employeur qui invoque l'article 28 de la LEFP et que, par conséquent, c'est à lui de faire état des éléments prévus dans la législation qu'il invoque.

[36]            Le défendeur soutient aussi que l'arbitre a le droit de déterminer la procédure qu'il va suivre, aussi longtemps que cette procédure respecte les règles de la justice naturelle et de l'équité.


[37]            Je partage le point de vue du défendeur en partie, savoir comme l'a exprimé le vice-président dans les motifs de la Commission en l'instance. Plus spécifiquement, l'employeur n'a pas à produire une preuve prima facie d'un motif déterminé valable, mais seulement à produire un minimum de preuve que le renvoi est lié à l'emploi et non à un autre motif.

[38]            Mon point de vue s'appuie sur les motifs du juge Sopinka dans l'arrêt Prassad c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1989] 1 R.C.S. 560, où il déclare qu'en l'absence de règles précises établies par lois ou règlements, la CRTFP peut adopter les procédures qu'elle juge convenir, à la condition de respecter les règles de l'équité et de justice naturelle. Il déclare ceci, à la page 568 :

Afin d'interpréter correctement des dispositions législatives susceptibles de sens différents, il faut les examiner en contexte. Nous traitons ici des pouvoirs d'un tribunal administratif à l'égard de sa procédure. En règle générale, ces tribunaux sont considérés maîtres chez eux. En l'absence de règles précises établies par loi ou règlement, ils fixent leur propre procédure à la condition de respecter les règles de l'équité et, dans l'exercice de fonctions judiciaires ou quasi judiciaires, de respecter les règles de justice naturelle.

[39]            Le demandeur soutient que l'arbitre donne la possibilité aux employés renvoyés en période de stage, ou licenciés en vertu de la LEFP, d'obliger les employeurs d'expliquer le bien-fondé de leurs décisions devant un arbitre.


[40]            Je ne suis pas du tout d'accord avec ce point de vue. La question en litige porte sur un renvoi, que le fonctionnaire allègue avoir été fait de mauvaise foi, pour lequel l'employeur n'a pas présenté de motif lié à l'emploi, sauf à dire que le défendeur n'avait pas satisfait aux normes. Toutefois, l'employeur ne dit pas au défendeur en quoi il ne satisfaisait pas aux normes. L'employeur ne peut s'appuyer sur le paragraphe 28(2) pour licencier des employés sans leur fournir un motif réel. Ce motif peut avoir été énoncé lors du processus de grief qui a mené à la demande d'arbitrage, mais aucune preuve ne m'a été présentée à ce sujet.

[41]            Dans les circonstances, je veux citer l'arbitre à nouveau, lorsqu'il dit que ce faisant il...

... ouvrirai[t] la porte à des décisions susceptibles d'être complètement arbitraires, fondées sur des facteurs non pertinents, et peut-être sans la moindre parcelle de légitimité. Il ne faut pas oublier que l'employeur est le seul à savoir pourquoi il a pris la décision que l'on sait; en ne fournissant pas d'éléments de preuve et de renseignements, il place le fonctionnaire dans la position peu enviable de spéculer sur les raisons de sa décision et, par conséquent, d'assumer un fardeau presque impossible, soit celui d'essayer de prouver la mauvaise foi. Ce n'est pas ce qu'exigent les dispositions législatives en cause, et cela est contraire à l'équité et au bon sens élémentaires.


[42]            Le défendeur soutient que l'employeur doit produire une preuve prima facie que le fonctionnaire a été licencié pour un motif déterminé valable. Ce n'est pas le cas. Il y a lieu de distinguer entre un motif lié à l'emploi et un « motif déterminé valable » . Dans Canada (Procureur général) c. Penner, [1989] 3 C.F. 429 (C.A.F.), une affaire qui portait sur la compétence de la Commission de se saisir d'un grief d'un employé en stage qui avait été licencié pour un motif déterminé en vertu de l'article 28 de la LEFP, le juge Marceau, J.C.A., déclare ceci, à la page 438 :

D'autres arbitres ont adopté une attitude assez différente de celle qui précède : ils ont accepté la thèse selon laquelle, dès le moment où ils sont convaincus que la décision contestée était effectivement fondée sur un motif réel de renvoi, c'est-à-dire procédait d'une insatisfaction éprouvée de bonne foi à l'égard de l'aptitude de l'employé, les arbitres n'ont pas compétence pour examiner la question de savoir si la décision de renvoyer l'employé était appropriée ou était bien fondée. Dans l'affaire Smith (dossier No. 166-2-3017 de la Commission), l'arbitre Norman exprime sans détours sa pensée à ce sujet :

En effet, une fois que l'employeur a présenté à l'arbitre une preuve concluante indiquant un motif de renvoi valable à première vue, l'audition sur le fond dans l'affaire de congédiement ne peut alors aboutir qu'à une impasse soudaine. L'arbitre perd ainsi tout pouvoir pour ordonner que l'employé s'estimant lésé soit réintégré dans ses fonctions en faisant valoir à cet égard que l'employeur n'a pas donné de motif valable pour le congédiement. [je souligne]

[43]            Le juge Marceau a conclu que l'interprétation de l'arbitre Norman, précitée, est la seule qui est fondée à la fois sur l'arrêt de la Cour suprême du Canada dans Jacmain c. Procureur général (Canada) et autre, [1978] 2 R.C.S. 15, et sur la législation.

[44]            Si l'arbitre avait demandé à l'employeur de démontrer l'existence d'un motif déterminé valable pour justifier le licenciement, j'aurais conclu à l'erreur de compétence puisqu'une telle exigence serait contraire au texte clair de la législation pertinente, selon l'interprétation qu'en donne l'arrêt Penner, précité.


[45]            Toutefois, selon moi l'arbitre a tout simplement demandé que l'employeur démontre que le licenciement avait été décidé pour un motif lié à l'emploi, savoir une insatisfaction à l'égard de l'aptitude du fonctionnaire et, comme tel, qu'il agissait en vertu des dispositions de la LEFP. Il déclare ceci, à la page 11 :

Pour résumer, j'estime qu'il incombe à l'employeur de démontrer que l'article 28 de la LEFP s'applique à un renvoi en cours de stage pour un motif déterminé. Cela fait, il revient ensuite au fonctionnaire de démontrer que les actions de l'employeur sont effectivement un trompe-l'oeil ou du camouflage et qu'elles sont par conséquent contraires à l'article 28 de la LEFP. Ce n'est que si le fonctionnaire réussit à se décharger de ce fardeau que l'arbitre peut se déclarer compétent pour se saisir de l'affaire en vertu de l'article 92 de la LRTFP, et examiner le grief sur le fond.

[46]            Le vice-président a déclaré que le défendeur avait, en tant que fonctionnaire en période de stage, le fardeau de la preuve d'établir un trompe-l'oeil, mais que l'employeur devait d'abord démontrer que le renvoi en période de stage était lié à l'emploi.


[47]            Bien que l'arrêt Penner, précité, soit antérieur à l'adoption du paragraphe 92(3), je suis d'avis que ses principes sont toujours valables. Selon moi, l'objectif du paragraphe 92(3) de la LRTFP, qui a été ajouté par le législateur en 1993, était de rendre très clair ce que les arrêts Jacmain et Penner avaient énoncé au sujet de la souplesse qui doit être octroyée à l'employeur lorsqu'il s'agit de renvoyer un employé en période de stage en vertu de la LEFP, sans qu'il y ait un recours à l'arbitrage en vertu de la LRTFP. Toutefois, comme l'a déclaré le juge Noël dans Rinaldi, précité, son ajout ne vient pas priver l'arbitre de toute compétence au seul motif qu'un tel licenciement est invoqué par l'employeur. Il a déclaré ceci parce que le paragraphe 93(2) ne s'applique que lorsqu'il y a en fait un licenciement en vertu de la LEFP.

[48]            De plus, le juge Mackay a déclaré, dans Horn, précité, à la page 469 :

Ces fonctions spéciales, ainsi que l'expertise des personnes chargées, en vertu de la LRTFP, de régler les différends survenant en matière de relations du travail dans le secteur public sont maintenant établies... .

                                                         

À mon avis, l'intention du législateur était que la détermination de ce qui constitue une « mesure disciplinaire » , dans un cas donné, relève des personnes désignées à titre d'arbitres par la Commission des relations de travail dans la fonction publique, conformément à l'article 93 de la LRTFP. Il s'agit pour l'arbitre de savoir si la mesure prise par l'employeur constitue une « mesure disciplinaire entraînant le congédiement » au sens du paragraphe 92(1). C'est le genre de question qui constitue le coeur des préoccupations de la Commission en matière de relations du travail dans la fonction publique, question qui relève de l'expertise et de l'expérience reconnues des personnes désignées à titre d'arbitres par la Commission... .

                                                         

Compte tenu de ces considérations générales concernant la retenue dont il convient de faire preuve à l'égard des décisions des arbitres, je conclus qu'en l'espèce, il incombe en fin de compte au requérant de convaincre la Cour que l'arbitre a commis une erreur en concluant que l'intimée avait été congédiée pour des raisons disciplinaires.


[49]            Je suis aussi d'avis que la procédure adoptée par l'arbitre est tout à fait acceptable. Dans Rinaldi, précité, l'employeur a présenté ses objections, le fonctionnaire a répondu et l'employeur est intervenu à nouveau. Un examen de la décision dans Michel Perreault (fonctionnaire) et Conseil du Trésor (Transports Canada), dossier no 166-2-26094, démontre aussi que l'employeur a d'abord présenté ses objections et que le fonctionnaire a répondu ensuite. Ceci semble être aussi le cas dans la décision de la Commission Thomas Earle (fonctionnaire) et Conseil du Trésor (Transports Canada), dossier no 166-2-27346.

[50]            Cette procédure semble recevoir un appui implicite dans les termes que le juge Marceau a utilisé dans l'arrêt Penner, à la page 441, en parlant de l'arrêt Jacmain :

La conclusion fondamentale de l'arrêt Jacmain est, à mon avis, qu'un arbitre nommé sous le régime de la L.R.T.F.P. est sans compétence à l'égard d'un renvoi en cours de stage lorsque la preuve présentée le convainc que les représentants de l'employeur ont agi de bonne foi au motif qu'ils ne considéraient pas que l'employé possédait les aptitudes requises pour occuper le poste visé. Et cette conclusion, selon moi, découle inexorablement des dispositions législatives actuellement en vigueur. [je souligne]

G. DISPOSITIF

[51]            La demande de contrôle judiciaire est rejetée, avec dépens.

François Lemieux        

                                                      

J U G E           

OTTAWA (ONTARIO)

LE 25 MAI 2001

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                         AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                                  T-1231-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :    LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA c. DANNY LEONARDUZZI

LIEU DE L'AUDIENCE :                      MONTRÉAL (QUÉBEC)

DATE DE L'AUDIENCE :                    LE 30 OCTOBRE 2000

MOTIFS DE JUGEMENT DE M. LE JUGE LEMIEUX

EN DATE DU :                                       VENDREDI 25 MAI 2001

ONT COMPARU

M. André Garneau, c.r.                                                                 POUR LE DEMANDEUR

Mme Vonnie Rochester                                                     POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

M. Morris Rosenberg                                                                     POUR LE DEMANDEUR

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

Me Vonnie E. Rochester                                                                POUR LE DÉFENDEUR

Montréal (Québec)

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