Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 

 

 

Date : 20040225

 

Dossier : IMM-2706-03

 

Référence : 2004 CF 330

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CALGARY (Alberta), le mercredi 25 février 2004

 

En présence de MONSIEUR LE JUGE CAMPBELL

 

ENTRE :

 

 

  KARIM NAZARALI JAMAL VIRANI

  NIMET KARIM VIRANI

  NAHEED KARIM VIRANI

  SHAYZMEEN KARIM VIRANI

 

  demandeurs

 

 

 

 

  et

 

 

 

 

 

 

 

 

  LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

  défendeur

 

 

 

 

 

 

 


  MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

 

 

  • [1] Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire à l’encontre d’une décision rendue le 26 septembre 2003 par la Section de la protection des réfugiés (la SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission), dans laquelle la SPR a conclu que les demandeurs n’avaient ni la qualité de réfugiés au sens de la Convention ni celle de personnes à protéger.Les principales questions soulevées sont liées et visent à savoir si les conclusions de la Commission sur la crédibilité sont manifestement déraisonnables.

  • [2] Les demandeurs sont des citoyens de la Tanzanie et leurs demandes ont été entendues ensemble.Le demandeur principal, Karim Nazarali Virani, affirme qu’il craint avec raison d’être persécuté en Tanzanie par des bandes autochtones africaines parce qu’il est un homme d’affaires et qu’il est originaire des Indes orientales.Il prétend également qu’il risque d’être tué par les mêmes gangsters.

  • [3] Nimet Karim Virani, l’épouse du demandeur principal, et les deux enfants, Sheyzmeen Karim Virani et Naheed Karin Na Varani, allèguent une crainte bien fondée d’être persécutés en Tanzanie par les mêmes gangsters comme le demandeur principal, pour les mêmes raisons, à cause de leur appartenance à un groupe social particulier, sa famille.Ils prétendent également qu’ils risquent d’être tués par les mêmes gangsters pour les mêmes raisons que le demandeur principal.

  • [4] Les demandeurs ont déclaré dans leurs témoignages que, depuis 1995, les gangsters autochtones africains leur avaient demandé de l’argent à plusieurs, avaient menacé de s’en prendre aux membres de la famille s’ils ne payaient pas ou ne quittaient pas leur commerce et leur résidence, avaient mis le feu à l’entreprise familiale en janvier 1996, avaient essayé de mettre le feu à leur maison en juin 1998, avaient endommagé les fenêtres de leur maison et leur voiture en juin 2001, avaient poursuivi les demandeurs et avaient poursuivi et giflé le demandeur mineur Naheed Karim Virani.Le demandeur Karim Virani a déclaré qu’il s’était présenté à la police pour porter plainte, mais que la police a refusé, en déclarant qu’elle devrait d’abord enquêter sur l’affaire (voir le FRP et le mémoire des faits et des droits des demandeurs, page 40).

  • [5] Les demandeurs sont arrivés au Canada le 6 juin 2002 avec des passeports tanzaniens et des visas canadiens de visiteurs pour rendre visite aux membres de leur famille au Canada. Les requérants ont affirmé qu’ils avaient prévu de rentrer en Tanzanie en août 2002, mais avaient décidé de présenter une demande de protection lorsqu’ils ont reçu un appel téléphonique d’un ami leur disant que leur entreprise familiale et leur maison avaient été prises par des gangsters autochtones africains en Tanzanie.Les demandeurs ont présenté une demande d’asile en octobre 2002.

  • [6] La Commission a rejeté la demande du demandeur principal au motif qu’il n’y avait aucune preuve crédible ou digne de foi indiquant qu’il serait persécuté pour un motif énoncé dans la Convention s’il retournait en Tanzanie.Elle a également conclu qu’il ne serait pas exposé à une menace pour sa vie ni à un risque de traitements ou peines cruels et inusités et qu’il n’y avait pas de motifs sérieux de croire que son renvoi en Tanzanie l’exposerait au risque de torture.La Commission a tiré les mêmes conclusions au sujet de l’épouse et des enfants du demandeur principal pour les mêmes raisons.

  • [7] Je conclus qu’il y a deux éléments de la décision de la Commission qui exposent des erreurs susceptibles de révision.

  • [8] Je suis d’accord avec l’argument des demandeurs selon lequel la Commission ne semble indiquer nulle part dans les motifs écrits que le but de la persécution alléguée par les demandeurs n’était pas d’obtenir de l’argent, mais plutôt de forcer les demandeurs à quitter le pays, parce qu’ils sont des Asiatiques et non des Africains.Le FRP des demandeurs énonce clairement cet objectif (Dossier du tribunal, p. 31).De plus, l’APR plaidant l’affaire devant la Commission l’a précisé en produisant un article intitulé « Saboteurs? or Saviours? » : « The position of Tanzanian Asians » (Dossier du tribunal, p. 172).

  • [9] Il convient également de noter que l’avocat agissant au nom des demandeurs devant la Commission a soutenu que la persécution était due à l’origine ethnique indo-orientale des demandeurs (Dossier du tribunal, page 460).

  • [10] Je conclus que l’omission de la Commission de traiter des motifs précis de la demande d’asile constitue une erreur susceptible de révision.

  • [11] Le deuxième élément de la décision de la Commission qui expose une erreur susceptible de révision est contenu dans le paragraphe suivant :

 

 

 

 

 


 

 

 

 

 

La famille n’a pas versé d’argent aux prétendus gangsters et ces derniers n’ont pris aucune mesure pour nuire à la famille.  Les demandeurs ont fourni de nombreux documents à l’appui de leurs demandes de visas canadiens de visiteurs, y compris des documents prouvant qu’ils exploitaient une entreprise.  Ils n’ont fourni aucun document à l’appui de leurs allégations selon lesquelles leur entreprise avait été incendiée ou qu’ils avaient signalé l’incident à la police.  Je ne crois pas que les prétendus gangsters aient mis le feu à l’entreprise familiale ou tenté de mettre le feu à la maison familiale.  Je ne crois pas que les prétendus gangsters ou d’autres personnes aient giflé le mineur Virani ou menacé de lui faire du mal.  Je trouve invraisemblable que les gangsters continuent à menacer de faire du mal à la famille pour non-paiement d’argent ou pour défaut de quitter la résidence et les locaux commerciaux et à les suivre de 1996 à 2001, une période de cinq ans, sans nuire aux demandeurs, malgré le fait que ces derniers ne s’étaient pas conformés aux demandes des prétendus gangsters.  Je ne crois pas que des gangsters ou d’autres personnes aient menacé de faire du mal aux demandeurs.  Je conclus que la famille a fabriqué les allégations pour embellir sa demande.

 

 

 

 

  • [12] En ce qui concerne cet élément de la décision de la Commission, les demandeurs avancent l’argument suivant :

17.  Il est respectueusement soutenu que la conclusion de la Commission à l’encontre des demandeurs est, dans tous les cas, manifestement déraisonnable.  Bien que la Commission ait tiré un certain nombre de conclusions à l’encontre des demandeurs, elles semblent être contraires aux éléments de preuve qui lui étaient présentés.  Plus précisément,

 

 


a)   La conclusion de la Commission que l’allégation des demandeurs selon laquelle leur entreprise avait été incendiée en 1998 n’était pas crédible puisqu’ils n’ont pas fourni de documents à l’appui de cette allégation est manifestement déraisonnable pour un certain nombre de raisons.  Premièrement, elle semble tenter de juxtaposer la présentation par les demandeurs des documents démontrant leur exploitation d’une entreprise à l’agent des visas à l’étranger en 2002 à la fourniture des documents prouvant l’incendie de l’entreprise familiale en 1996 et la tentative d’incendie en 1998.  On ne sait pas très bien de quels documents parle la Commission ni comment ils peuvent être obtenus.  Certes, il est respectueusement soumis que la fourniture de documents pour démontrer l’exploitation continue d’une entreprise à un agent des visas est facile à obtenir, alors qu’on ne sait pas exactement quels sont les documents auxquels la Commission fait référence ni comment ils pourraient être obtenus.  Deuxièmement, bien que le témoignage des demandeurs indique que la police a refusé d’enregistrer sa plainte, le tribunal semble s’attendre à ce que les demandeurs soient en mesure de fournir des dossiers de la police montrant que la plainte a été portée.  Il est respectueusement soutenu que les motifs invoqués sont manifestement déraisonnables.

 

 

b)   Malgré la preuve fournie par les demandeurs quant à la persécution et à la discrimination contre la minorité asiatique, la Commission semble avoir rejeté d’emblée les allégations du demandeur mineur selon lesquelles il avait été giflé et menacé par des gangsters.  La Commission ne fournit aucune raison pour cela et ne parvient pas à concilier cela avec la preuve fournie concernant le statut des Asiatiques en Tanzanie.

 

 

c)   La conclusion selon laquelle aucun préjudice n’a été causé aux demandeurs est également contraire à la preuve présentée à la Commission.  En fait, il semble y avoir suffisamment de preuve établissant que les demandeurs ont subi des préjudices, y compris l’incendie de leur entreprise en 1996, la tentative d’incendie de leur maison en 1998, le harcèlement continu des demandeurs et la prise de contrôle du domicile et de l’entreprise des demandeurs pendant qu’ils étaient en vacances au Canada.  Il est respectueusement soumis qu’il s’agit précisément du tort dont ils ont été menacés et ceci est conforme au but de ceux qui persécutent les demandeurs.  Il est soutenu que cette conclusion est également manifestement déraisonnable.

 

 

 

  • [13] Je suis totalement d’accord avec l’argument des demandeurs que je viens de citer.

 

 

 

  ORDONNANCE

Par conséquent, j’annule la décision de la Commission, et je renvoie l’affaire à un tribunal différemment constitué pour nouvel examen.

 

 

    « Douglas R. Campbell » 

   Juge de la Cour fédérale 


  COUR FÉDÉRALE

 

  AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

 

DOSSIER :  IMM-2706-03

 

INTITULÉ :  Karim Nazarali Jamal Virani et al. c. Le Ministre de la

   Citoyenneté et de l’Immigration

 

LIEU DE L’AUDIENCE :  Calgary (Alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE :  Le 24 février 2004

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE : LE JUGE CAMPBELL

 

DATE DES MOTIFS :  Le 25 février 2004

 

 

 


COMPARUTIONS :

 

Stephen G. Jenuth    POUR LES DEMANDEURS

 

Rick Garvin  POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Ho MacNeil Jenuth

Calgary (Alberta)  POUR LES DEMANDEURS

 

Morris A. Rosenberg

Sous-procureur général du Canada   POUR LE DÉFENDEUR

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.