Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20210915

Dossier : T-1554-20

Référence : 2021 CF 948

[TRADUCTION FRANÇAISE]

ENTRE :

SCOTT WILSON

demandeur

et

TELUS COMMUNICATIONS INC.

défenderesse

MOTIFS DE LA TAXATION

GARNET MORGAN, officier taxateur

I. Le contexte

[1] La présente taxation des dépens fait suite à l’ordonnance rendue le 22 mars 2021 par la Cour fédérale (la Cour), laquelle a adjugé les dépens à la Commission des plaintes relatives aux services de télécom-télévision inc. (CPRST), mise hors de cause en qualité de défenderesse. L’ordonnance énonçait ce qui suit :

[traduction]

1. L’avis de demande du demandeur est radié à l’égard de la CPRST, sans autorisation de le modifier;

2. La demande, à l’égard de la CPRST, est rejetée;

3. Le demandeur doit payer à la défenderesse, la CPRST, les dépens afférents à la présente requête.

[2] Conformément à l’ordonnance de la Cour, les dépens seront taxés en application de l’article 407 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 (les Règles), lequel dispose :

Tarif B. 407. Sauf ordonnance contraire de la Cour, les dépens partie-partie sont taxés en conformité avec la colonne III du tableau du tarif B.

[3] Le 30 avril 2021, la CPRST a déposé un mémoire de dépens, lequel est à l’origine de sa demande de taxation des dépens.

[4] Le 11 mai 2021, j’ai donné aux parties des directives au sujet du déroulement de la taxation des dépens et du dépôt des documents la concernant. D’après mon examen du dossier de la Cour, le greffe de la Cour n’a reçu de la part des parties aucun document supplémentaire concernant les dépens à la suite de cette directive, et aucune demande sollicitant la prorogation du délai pour le dépôt de documents supplémentaires concernant les dépens n’a été présentée. En outre selon le dossier de la Cour, la directive donnée le 11 mai 2021 a été envoyée par courriel aux parties le même jour, un courriel en confirmant la réception a été reçu de la part de la CPRST, et la directive a aussi été envoyée par courrier ordinaire au demandeur le 16 mai 2021. Par conséquent, le seul document produit par les parties spécifiquement pour la présente taxation des dépens est le mémoire de dépens de la CPRST déposé le 30 avril 2021.

II. La question préliminaire

A. Le mémoire de dépens de la CPRST ne se heurte essentiellement à aucune opposition

[5] Comme je l’ai mentionné précédemment dans les présents motifs, le demandeur n’a déposé aucun document en réponse à la demande de taxation des dépens de la CPRST. L’absence de tout document de réponse de la part du demandeur signifie que le mémoire de dépens de la CPRST ne se heurte essentiellement à aucune opposition. Dans la décision Dahl c Canada, 2007 CF 192, l’officier taxateur a fait les observations suivantes au paragraphe 2 :

2. Effectivement, l’absence d’observations utiles présentées au nom du demandeur, observations qui auraient pu m’aider à définir les points litigieux et à rendre une décision, fait que le mémoire de dépens ne se heurte à aucune opposition. Mon opinion, souvent exprimée dans des cas semblables, c’est que les Règles des Cours fédérales ne prévoient pas qu’un plaideur puisse compter sur le fait qu’un officier taxateur abandonne sa position de neutralité pour devenir le défenseur du plaideur dans la contestation de certains postes d’un mémoire de dépens. Cependant, l’officier taxateur ne peut certifier d’éléments illicites, c’est-à-dire des postes qui dépassent ce qu’autorisent le jugement et le tarif. J’ai examiné chaque élément réclamé dans le mémoire de dépens, ainsi que les pièces justificatives, en fonction de ces paramètres. Certains éléments requièrent mon intervention, compte tenu des paramètres évoqués ci-dessus et vu qu’il semble y avoir une opposition générale à ce mémoire de dépens.

[6] Outre ces observations faites dans la décision Dahl, un officier taxateur a dit au paragraphe 26 de la décision Carlile c Canada, [1997] ACF no 885 :

26. […] Les officiers taxateurs sont souvent saisis d’une preuve loin d’être complète et doivent, tout en évitant d’imposer aux parties perdantes des frais déraisonnables ou non nécessaires, s’abstenir de pénaliser les parties qui ont gain de cause en refusant de leur accorder une indemnité lorsqu’il est évident que des frais ont effectivement été engagés. Cela signifie que l’officier taxateur doit jouer un rôle subjectif au cours de la taxation. Dans les motifs que j’ai formulés le 2 novembre 1994 dans Youssef Hanna Dableh c. Ontario Hydro, no de greffe T-422-90, j’ai cité, à la page 4, une série de motifs de taxation indiquant le raisonnement à suivre en matière de taxation des frais. La décision que j’ai rendue dans l’affaire Dableh a été portée en appel, mais le juge en chef adjoint a rejeté cet appel dans un jugement motivé en date du 7 avril 1995. J’ai examiné les débours réclamés dans les présents mémoires de frais d’une façon compatible avec ces différentes décisions. De plus, à la page 78 de l’ouvrage intitulé Phipson On Evidence, quatorzième édition (Londres : Sweet & Maxwell, 1990), il est mentionné, au paragraphe 4-38, que [TRADUCTION] « la norme de preuve exigée en matière civile est généralement décrite comme le fardeau de la preuve selon la prépondérance des probabilités ». Par conséquent, le déclenchement de la procédure de taxation ne devrait pas se traduire par une hausse de ce fardeau vers un seuil absolu. Si la preuve n’est pas absolue pour le plein montant réclamé et que l’officier taxateur est saisi d’une preuve non contredite, bien qu’infime, indiquant qu’un montant a effectivement été engagé pour le déroulement du litige, il n’aura pas exercé une fonction quasi judiciaire en bonne et due forme en décidant de taxer l’élément à zéro comme seule solution de rechange à l’octroi du plein montant. Les litiges semblables à celui de la présente action ne se déroulent pas uniquement grâce à des dons de charité versés par des tierces parties désintéressées. Selon la prépondérance des probabilités, il serait absurde de n’accorder aucun montant à la taxation. […]

[7] Selon les décisions Dahl et Carlile, même si le demandeur ne produit aucun document en réponse concernant les services taxables réclamés par la CPRST dans le cadre de la présente taxation des dépens, j’ai en tant qu’officier taxateur l’obligation de m’assurer que les unités accordées ne sont pas « déraisonnables ou non nécessaires ». En plus du mémoire de dépens de la CPRST, je me fonderai sur le dossier du tribunal, les Règles et toute la jurisprudence pertinente pour taxer les dépens de la CPRST afin de m’assurer que les frais étaient nécessaires et raisonnables.

B. Les réclamations de la CPRST pour les services taxables faites conformément à la colonne IV du tableau du tarif B dans les Règles

[8] Dans son mémoire de dépens, la CPRST réclame des services taxables suivant la colonne IV figurant au tableau du tarif B des Règles. Mon examen de l’ordonnance de la Cour datée du 22 mars 2021 ne me permet pas de conclure que je peux taxer les dépens adjugés à la CPRST selon le barème de la colonne IV. Comme je l’ai dit plus haut dans les présents motifs, l’article 407 des Règles dispose : « Sauf ordonnance contraire de la Cour, les dépens partie-partie sont taxés en conformité avec la colonne III du tableau du tarif B ». Dans la décision Pelletier c Canada, 2006 CAF 418, la Cour observe ce qui suit au paragraphe 7 en ce qui concerne l’adjudication des dépens :

7. […] Il peut tenir compte, en vertu de la Règle 409, « des facteurs visés au paragraphe 400(3) lors de la taxation des dépens ». Bref, la fonction de l’officier taxateur en est une, non pas d’adjudication, mais d’évaluation des dépens. Il ne lui appartient pas d’aller outre, ou à l’encontre de, l’adjudication déjà prononcée par le juge.

[9] D’après la décision Pelletier, mon rôle en tant qu’officier taxateur consiste uniquement à taxer les dépens. Je n’ai pas le pouvoir d’adjuger les dépens suivant la colonne IV, car je ne suis pas un juge. Par conséquent, en l’absence d’une décision de la Cour prescrivant que la taxation des dépens adjugés à la CPRST soit faite selon la colonne IV, j’estime que je suis tenu d’adhérer aux paramètres énoncés à l’article 407 des Règles et de taxer les dépens de la CPRST sur la base partie-partie, suivant la colonne III du tableau du tarif B des Règles.

III. Les services taxables

[10] La CPRST réclame des services taxables s’élevant à 3 474,75 $.

A. Article 5 – Préparation et dépôt d’une requête contestée, y compris les documents et les réponses s’y rapportant.

[11] J’ai examiné le mémoire de dépens de la CPRST conjointement avec le dossier de la Cour, les Règles et la jurisprudence pertinente, et j’estime que les montants réclamés par la CPRST au titre des articles 5 et 26 étaient nécessaires. Comme je l’ai souligné plus haut dans les présents motifs, les unités pour les services taxables ont été réclamées par la CPRST suivant la colonne IV du tarif B, et j’estime que je n’ai pas le pouvoir de prescrire que la taxation des dépens soit faite selon cette colonne. Par conséquent, la question qu’il me reste à régler est celle du montant raisonnable des dépens devant être alloués au titre des articles 5 et 26.

[12] Pour arrêter le montant raisonnable des dépens à allouer au titre des articles 5 et 26, j’ai agi conformément au pouvoir que l’article 409 des Règles confère aux officiers taxateurs, et j’ai tenu compte des facteurs mentionnés au paragraphe 400(3) des Règles pour évaluer les montants réclamés par la CPRST. Compte tenu des facteurs énoncés au paragraphe 400(3) (par exemple : a) le résultat de l’instance, b) les sommes réclamées et les sommes recouvrées, g) la charge de travail, et i) la conduite d’une partie qui a eu pour effet d’abréger ou de prolonger inutilement la durée de l’instance), j’estime qu’il est raisonnable d’accorder 7 unités au titre de l’article 5 et 3 unités au titre de l’article 26, suivant la colonne III du tarif B des Règles.

B. Article 25 - Services rendus après le jugement et non mentionnés ailleurs.

[13] S’agissant de l’article 25, la CPRST réclame 4,5 unités pour les honoraires du second avocat pour la [traduction] « signification et le dépôt du dossier de requête de la CPRST et du cahier de la jurisprudence et de la doctrine, signifiés et déposés le 26 février 2021 ». Le montant réclamé au titre de l’article 25 est le même que celui qu’avait réclamé la CPRST au titre de l’article 5, sauf qu’il s’agit des honoraires du second avocat. Selon mon examen du tarif B des Règles, pour les contrôles judiciaires, seul l’article 14 prévoit spécifiquement des honoraires pour le second avocat, qui couvrent la présence de l’avocat aux audiences, comme les comparutions requises pour les contrôles judiciaires ou les requêtes. Les articles 5 et 25 ne mentionnent pas les honoraires pour le second avocat comme le fait l’article 14 : ces honoraires peuvent être accordés sur ordonnance de la Cour conformément à l’alinéa b) de l’article 14 du tarif B des Règles.

[14] En outre, mon examen du dossier de la Cour, et plus particulièrement de l’ordonnance de la Cour datée du 22 mars 2021, ne me permet pas de conclure que la Cour a donné une directive ou rendu une décision selon laquelle elle autorisait les honoraires du second avocat à la CPRST au titre d’un article du tarif B. La CPRST a réclamé des montants au titre des articles 5 et 25 relativement à une requête que la Cour a examinée uniquement sur dossier. Si les parties avaient été présentes à une audience relativement à cette requête, il aurait peut-être été possible de réclamer les honoraires du second avocat, pourvu que la Cour ait autorisé que ces dépens soient inclus dans le mémoire de dépens de la CPRST conformément à l’alinéa 14b) du tarif B. Ce n’est pas le cas en l’espèce.

[15] Dans la décision Novopharm Ltd. c AstraZeneca AB, 2006 CF 678, l’officier taxateur a fait au paragraphe 30 les observations suivantes au sujet de l’article 5 et des directives de la Cour :

[traduction]

30. La demanderesse Novopharm a sollicité les dépens pour les deux procédures ainsi que les honoraires du second avocat au titre des articles 5 (Préparation et dépôt d’une requête contestée, y compris les documents et les réponses s’y rapportant) et 6 (Comparution lors d’une requête, pour chaque heure). Pour les motifs que j’ai exposés ci-dessus aux paragraphes [20] et [25] concernant la question des dépens pour les deux procédures et les honoraires du second avocat, je suis d’avis que ces deux éléments constituaient des services particuliers taxables qui étaient communs aux deux procédures. En outre, je souligne que la Cour fédérale n’a rendu aucune ordonnance autorisant les honoraires du second avocat au titre des articles 5 et 6. Il est entendu que je ne souhaite pas autoriser des honoraires en double ou trop d’honoraires, ce qui n’est clairement pas approprié dans le cadre de la taxation des dépens. Pour ces motifs, je n’alloue que la valeur unitaire pour 7 unités et pour 7,5 unités, respectivement, au titre des articles 5 et 6, soit un total de 14,5 unités (1 595,00 $), pour les deux procédures.

[16] En outre, dans la décision 4059573 Canada Inc. c Pelletier, 2007 CF 1125, l’officier taxateur a fait au paragraphe 8 les observations suivantes au sujet des honoraires du second avocat :

8. […] De plus, tous les items 9 en rapport avec la présence d’un 2e avocat ne peuvent être accordés puisque selon le tarif B, il n’y a aucune mention d’un 2e avocat à cet item. Si on examine le tarif B, par analogie, à l’item 14 b où il est fait mention d’un 2avocat, cela doit être obtenu par la Cour. Vu que l’ordonnance du 2 octobre 2006 est silencieuse à cet égard, je ne peux donc pas allouer cette demande.

[sic, pour l’ensemble de la citation]

[17] Suivant les décisions Pelletier (précitée), Novopharm et 4059573 Canada Inc., dont je me suis servi comme lignes directrices, j’estime qu’il est difficile de saisir ce que la CPRST entendait réclamer au titre de l’article 25. Par ailleurs, la Cour n’a donné aucune directive ou rendu aucune décision accordant expressément à la CPRST les honoraires du second avocat. Par conséquent, la CPRST était tenue de justifier clairement cette réclamation particulière, ce qu’elle n’a pas fait. La CPRST n’a présenté aucune observation ni aucun élément de preuve étayant sa réclamation au titre de l’article 25. J’ai examiné le mémoire de dépens de la CPRST, conjointement avec le dossier de la cour, les Règles et la jurisprudence susmentionnée, et j’estime que les faits du présent dossier ne me permettent pas d’accorder le montant réclamé par la CPRST au titre de l’article 25.

C. Le montant total alloué pour les services taxables

[18] Un total de 10 unités a été alloué pour les services taxables, pour un montant total de 1 695 $.

IV. Les débours

[19] La CPRST n’a fait aucune réclamation concernant les débours.

V. Conclusion

[20] Pour les motifs exposés plus haut, le mémoire de dépens de la Commission des plaintes relatives aux services de télécom-télévision inc. est taxé et accordé au montant total de 1 695 $, payable par le demandeur à la Commission des plaintes relatives aux services de télécom-télévision inc.

« Garnet Morgan »

Officier taxateur

Toronto (Ontario)

Le 15 septembre 2021

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1554-20

 

INTITULÉ :

SCOTT WILSON c TELUS COMMUNICATIONS INC.

 

TAXATION FAITE SUR DOSSIER À TORONTO (ONTARIO) SANS COMPARUTION EN PERSONNE DES PARTIES

 

MOTIFS DE LA TAXATION :

GARNET MORGAN, officier taxateur

 

DATE DES MOTIFS :

LE 15 SEPTEMBRE 2021

OBSERVATIONS ÉCRITES :

Scott Wilson

 

POUR LE DEMANDEUR

(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

Wendy J. Wagner

Hunter Fox

 

POUR LA COMMISSION DES PLAINTES RELATIVES AUX SERVICES DE TÉLÉCOM-TÉLÉVISION INC.

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Gowling WLG (Canada) S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Ottawa (Ontario)

POUR LA COMMISSION DES PLAINTES RELATIVES AUX SERVICES DE TÉLÉCOM-TÉLÉVISION INC.

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.