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Dossier : T-448-17

Référence : 2021 CF 848

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 18 août 2021

En présence de monsieur le juge McHaffie

ENTRE :

GUEST TEK INTERACTIVE

ENTERTAINMENT LTD

demanderesse
défenderesse reconventionnelle

et

NOMADIX, INC

défenderesse
demanderesse reconventionnelle

ORDONNANCE QUANT AUX DÉPENS ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] Après l’instruction, j’ai rejeté l’action en contrefaçon de brevet intentée par Guest Tek Interactive Entertainment Ltd ainsi que la demande reconventionnelle de Nomadix, Inc en vue d’obtenir un jugement déclarant l’invalidité des deux brevets en cause : Guest Tek Interactive Entertainment Ltd c Nomadix, Inc, 2021 CF 276 [la décision sur le fond]. Bien que les deux parties conviennent que Nomadix a droit à ses dépens, elles ne sont pas arrivées à s’entendre sur le montant de ces dépens. Elles ont présenté des observations écrites dans les délais prescrits dans la décision sur le fond, qui ont été prorogés.

[2] Après avoir examiné les observations de Guest Tek, Nomadix a déposé un mémoire de dépens révisé afin d’obtenir le remboursement d’honoraires et de débours s’élevant à 735 490 $ au total ou, subsidiairement, calculés à un taux moindre et totalisant 699 743 $. Guest Tek conteste la somme réclamée par Nomadix pour les honoraires et les débours et demande que des dépens entre 274 225 $ et 399 884 $ soient adjugés à Nomadix, en fonction du taux et de l’admissibilité de certains articles demandés.

[3] Voici les motifs pour lesquels j’ai décidé d’adjuger des dépens de 650 568 $ à Nomadix.

II. Analyse

A. Principes généraux

[4] Nul ne conteste que la Cour a le pouvoir discrétionnaire d’accorder des dépens afférents à une instance : Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, art 400(1); Betser-Zilevitch c Petrochina Canada Ltd, 2021 CF 151 au para 9. Le paragraphe 400(3) des Règles énonce les facteurs dont la Cour peut tenir compte dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire. Les facteurs énumérés, qui s’ajoutent à « toute autre question qu’elle juge pertinente », sont notamment les sommes en cause, la complexité des questions en litige, les offres de règlement ou de contribution, la charge de travail et la conduite des parties au cours de l’instance : art 400(3)b), c), e), f), g), i), j), k) des Règles. L’adjudication des dépens vise trois objectifs : indemniser la partie ayant gain de cause, inciter les parties au litige à adopter un comportement rationnel et faciliter l’accès à la justice : Whalen c Première Nation no 468 de Fort McMurray, 2019 CF 1119 aux para 2-5, citant Colombie-Britannique (Ministre des Forêts) c Bande indienne Okanagan, 2003 CSC 71; Air Canada c Thibodeau, 2007 CAF 115 au para 24.

[5] La Cour peut adjuger des dépens en se reportant au tarif B des Règles ou adjuger une somme globale, qui peut refléter des « dépens supplémentaires » : art 400(4) des Règles; Consorzio del Prosciutto di Parma c Maple Leaf Meats Inc, 2002 CAF 417 aux para 6‑9, 12. Comme nous le verrons en détail plus loin, Nomadix a calculé les dépens qu’elle réclame en tenant compte du tarif. Elle ne demande pas l’octroi d’une somme globale, bien qu’elle renvoie, à titre comparatif, aux sommes globales adjugées dans d’autres instances et fait valoir que les dépens qu’elle réclame se situeraient à l’échelon inférieur de la fourchette de somme globale, calculés selon un pourcentage des honoraires payés.

[6] Nomadix demande à juste titre des dépens entre parties plutôt que des dépens sur une base avocat-client. Sa demande de dépens englobe certaines étapes de l’instance qui sont déjà visées par des ordonnances d’adjudication de dépens de la Cour, bien qu’une portion beaucoup plus importante de la demande concerne le reste de l’instance. J’examinerai successivement chacun de ces points.

B. Ordonnances d’adjudication de dépens antérieures relatives à des requêtes interlocutoires

[7] La juge Tabib, responsable de la gestion de l’instance, a déjà adjugé les dépens indiqués ci-dessous relativement à des étapes interlocutoires de l’instance.

[8] Les parties ne contestent pas que les dépens « suivant l’issue de la cause » sont payables à Nomadix.

[9] Dans son mémoire de dépens révisé, Guest Tek semble proposer des dépens pour les ordonnances d), e) et f) ci‑dessus dont les montants diffèrent de ceux adjugés (articles 5.5, 5.6 et 5.7). Il s’agit peut‑être d’une erreur d’inattention. Quoi qu’il en soit, le pouvoir discrétionnaire de la Cour prévu à l’article 400 des Règles ne me donne pas le pouvoir de réexaminer ou de modifier les dépens qui ont été adjugés : Ciba-Geigy Canada Ltd c Novopharm Ltd, 1999 CanLII 9253 (CF) au para 32. Le montant net des ordonnances a), d), e) et f), payable à Nomadix, s’élève à 2 750 $. Il reste donc les ordonnances b) et c).

[10] L’ordonnance b) adjuge à Guest Tek les dépens associés à deux requêtes, qui doivent être taxés selon le milieu de la colonne III. Les parties conviennent que les dépens pour la préparation et le dépôt (articles 5.2 et 5.3 dans leurs mémoires de dépens) devraient être fixés à cinq unités et que les honoraires du second avocat devraient être fixés à 2,5 unités, pour un total de 1 125 $ par requête. Bien que je me demande s’il est possible d’adjuger des dépens pour les honoraires d’un second avocat au titre de l’article 5 lorsqu’aucune ordonnance à cet effet n’a été rendue dans l’adjudication des dépens, je n’interviendrai pas dans l’entente entre les parties. Guest Tek soutient qu’il convient d’attribuer six heures pour la première requête, mais le dossier de la Cour confirme l’observation de Nomadix, à savoir que les six heures d’audience portaient sur les deux requêtes. Il convient d’attribuer trois heures à chaque requête (articles 6.1 et 6.2), à raison de deux unités par heure, là encore en tenant compte des honoraires d’un second avocat, pour un total de 2 700 $.

[11] Dans l’ordonnance c), la requête écrite de Nomadix a été rejetée avec dépens. Comme l’ordonnance ne précise pas le niveau des dépens, la colonne III s’applique : art 407 des Règles; Consorzio, au para 9. Je ne peux pas modifier l’ordonnance dans le but d’appliquer un niveau de dépens différent : Ciba-Geigy, au para 32. Conformément à l’entente des parties concernant l’ordonnance b), j’adjugerai le même montant de 1 125 $ pour la préparation et le dépôt de cette ordonnance (article 5.4). En tout, j’adjugerai des dépens de 6 075 $ à Guest Tek relativement aux ordonnances b) et c). Selon mes calculs, le montant net de ces ordonnances antérieures, y compris les articles 5 et 6, s’élève à 3 325 $, payable à Guest Tek. Ce montant sera déduit des dépens adjugés à Nomadix après l’examen des honoraires pour les étapes restantes.

C. Demande de dépens de Nomadix

[12] Comme je l’ai déjà mentionné, Nomadix demande des dépens calculés selon le tarif B, et non une somme globale. Si je fais abstraction des articles qui ont fait l’objet des ordonnances d’adjudication mentionnées précédemment, Nomadix réclame 275 280 $ en honoraires, selon le « milieu supérieur » de la colonne V du tarif B, ou 239 915 $ selon l’échelon supérieur de la colonne IV (ces chiffres ont été corrigés, car il semblait y avoir une erreur typographique à l’article 11.8; les unités étaient en double). Guest Tek fait valoir que les dépens pour ces articles restants devraient être calculés selon le milieu de la colonne III et fixés à 76 391 $ après la suppression de certains articles.

[13] Je conclus que pour les honoraires se rapportant aux étapes de l’instance autres que celles visées par les ordonnances antérieures, il convient d’adjuger des dépens de 202 805 $ pour les motifs qui suivent.

(1) L’échelon supérieur de la colonne IV convient en l’espèce

[14] Nomadix fait valoir que dans des affaires de brevet, la Cour utilise l’échelon supérieur de la colonne IV du tarif B « par défaut », citant les décisions récentes Apotex Inc v Shire LLC, 2021 FCA 54 au para 11, et dTechs epm Ltd c British Columbia Hydro and Power Authority, 2021 CF 357 aux para 3, 36‑37. Elle soutient que rien en l’espèce ne justifie de [traduction] « revenir » à la colonne III et demande que les dépens soient calculés selon le milieu de la colonne V ou, subsidiairement, selon l’échelon supérieur de la colonne IV. Elle mentionne également la complexité de l’affaire, le fait que deux brevets de logiciels non liés étaient en cause, l’absence de jurisprudence canadienne sur des brevets de logiciels à des fins de comparaison et le souci d’éviter un écart trop important entre les frais effectivement engagés et les montants à payer conformément au tarif.

[15] Pour sa part, Guest Tek soutient que le milieu de la colonne III du tarif B demeure la valeur utilisée « par défaut », renvoyant à l’article 407 des Règles et à la décision Merck & Co c Apotex Inc, 2006 CF 631 (voir para 11). Elle affirme que Nomadix n’a pas démontré pourquoi il convient en l’espèce de [traduction] « s’écarter » de la valeur utilisée par défaut, soit le milieu de la colonne III. Elle fait valoir que les deux brevets concernaient des domaines technologiques connexes et se rapportaient au même contexte factuel. Elle accuse également Nomadix de différentes manœuvres dilatoires, dont le fait d’avoir refusé de produire le code source, d’avoir refusé d’autoriser la nouvelle comparution d’un témoin, d’avoir initialement contesté la communication des essais à l’avocat aux États‑Unis et d’avoir cherché à retarder et à compliquer le procès.

[16] Bien que, selon moi, il n’existe aucune valeur « par défaut » pour des affaires de propriété intellectuelle, qu’il s’agisse de l’échelon supérieur de la colonne IV ou même le milieu de la colonne III, je conclus que le niveau des dépens qu’il convient d’appliquer en l’espèce est l’échelon supérieur de la colonne IV.

[17] Comme la Cour d’appel l’a affirmé, le milieu de la colonne III s’applique « par défaut », en ce sens où, sauf ordonnance contraire de la Cour, les dépens seront taxés conformément à la colonne III : art 407 des Règles; Consorzio, au para 9. Toutefois, si j’ai bien compris, cela n’a pas pour effet de créer une présomption ou une valeur par défaut intervenant d’une quelconque façon dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire de la Cour de déterminer la colonne ou le niveau de dépens qu’il convient d’utiliser dans les circonstances. Ni Nomadix ni Guest Tek n’ont demandé à la Cour de simplement ordonner des dépens sans en préciser le niveau, de sorte que l’article 407 des Règles s’appliquerait.

[18] Par contre, je conviens avec Guest Tek que, dans les décisions récentes de la Cour, cette dernière n’a pas établi que l’échelon supérieur de la colonne IV est la valeur « par défaut » dans des affaires de brevet, de sorte que revenir à la colonne III nécessiterait une justification. En fait, comme l’a indiqué le Juge en chef dans la décision Allergan, la Cour a simplement reconnu que les différents facteurs énoncés au paragraphe 400(1) des Règles, y compris « une complexité supérieure à la moyenne, des parties averties, des notes d’honoraires d’avocat qui dépassent largement ce qui est prévu par la colonne III du tarif B, “incit[ent] les parties à prendre des décisions efficientes dans la conduite de l’instance judiciaire” » et tendent souvent à indiquer que l’échelon supérieur de la colonne IV est approprié dans les instances de propriété intellectuelle : Allergan Inc c Sandoz Canada Inc, 2021 CF 186 aux para 25‑26, citant Seedlings Life Science Ventures, LLC c Pfizer Canada SRI, 2020 CF 505 au para 4.

[19] Cela dit, bien que les décisions comme Apotex v Shire, dTechs, Allergan et Seedlings n’indiquent pas que la valeur « par défaut » est l’échelon supérieur de la colonne IV, elles sont néanmoins utiles et convaincantes pour déterminer comment les facteurs énoncés au paragraphe 400(1) des Règles peuvent être pris en compte et appliqués dans une affaire de propriété intellectuelle, et en particulier dans une affaire de brevet.

[20] Compte tenu de la nature de l’instance, je conclus qu’il convient d’appliquer l’échelon supérieur de la colonne IV pour calculer les dépens en fonction du tarif. J’en viens à cette conclusion en m’appuyant sur des exemples de décisions, comme Apotex v Shire, dTechs, Allergan et Seedlings, ainsi que sur les facteurs suivants :

[21] Je conviens avec Nomadix que les accusations de manœuvres dilatoires et tactiques formulées par Guest Tek n’ont aucune incidence importante sur la question du niveau des dépens approprié. Les questions contestées de la communication de la preuve et de l’établissement du calendrier ont été tranchées au moyen des différentes ordonnances interlocutoires dans lesquelles des dépens ont été adjugés, notamment celles énumérées au paragraphe  [7] ci‑dessus et dans ma décision Guest Tek Interactive Entertainment Ltd c Nomadix, Inc, 2020 CF 860 [Guest Tek (2020)]. Il en va de même pour les références de Guest Tek à une requête que celle-ci a présentée au sujet de la communication des résultats d’essais à l’avocat aux États‑Unis. Outre le fait que les parties se sont entendues sur cette question, je conviens avec Nomadix qu’elle n’a aucune incidence sur les dépens demandés par Nomadix et se rapporte davantage aux intérêts de Guest Tek à poursuivre l’instance aux États‑Unis qu’à la présente instance. Je conviens également avec Nomadix que certaines accusations portées par Guest Tek, comme l’allégation selon laquelle Nomadix a menacé d’intenter une poursuite contre les propriétaires d’appareils de passerelle de Nomadix s’ils fournissaient un appareil à Guest Tek, ne sont pas suffisamment étayées par la preuve. De telles allégations, formulées sans preuve à l’appui apparemment dans l’objectif de donner une impression généralisée d’inconduite et sans être reliées à la demande de dépens, sont au mieux inutiles.

[22] Guest Tek souligne que Nomadix a indiqué peu avant l’instance que la dernière version de son logiciel NSE comprenait des modifications prouvant qu’elle n’avait pas contrefait l’un des brevets selon la théorie avancée par l’expert de Guest Tek : voir la décision sur le fond, aux para 412‑416. Guest Tek fait valoir que cela a eu pour effet d’accroître la durée et la complexité de la conférence de gestion de l’instruction et de l’instance. Cependant, la mise à jour du logiciel n’était qu’une des nombreuses questions traitées au cours de la conférence de gestion de l’instruction du 24 septembre 2020, et la preuve à ce sujet était limitée compte tenu des décisions que j’ai rendues avant l’instruction et pendant celle-ci. Je ne vois pas en quoi cette question a une incidence importante sur le niveau des dépens approprié ni sur un article en particulier.

[23] Je ne puis accepter l’argument de Guest Tek selon lequel les dépens adjugés dans la décision Guest Tek Interactive Entertainment Ltd v Nomadix, Inc, 2018 FC 818 (correspondant à l’ordonnance b) ci-dessus), soit les dépens relatifs à deux requêtes interlocutoires que la juge Tabib, responsable de la gestion de l’instance, a adjugés selon le milieu de la colonne III, justifient l’utilisation de cette même colonne pour les dépens en l’espèce. Outre le fait que les facteurs pris en compte dans une requête interlocutoire diffèrent de ceux pris en compte pour trancher une question à la suite du procès, la juge Tabib a expressément indiqué au paragraphe 56 de cette décision qu’elle avait ordonné des dépens calculés selon le milieu de la colonne III afin de refléter le fait que Guest Tek avait obtenu gain de cause [traduction] « uniquement en partie ».

[24] La seule exception à l’utilisation de l’échelon supérieur de la colonne IV concerne la conférence de gestion de l’instruction du 25 août 2020 (article 11.10). Cette conférence a donné lieu à ma décision Guest Tek (2020), dans laquelle j’ai ordonné que les dépens suivent l’issue de la cause. Là encore, cette ordonnance demeure en vigueur et constitue une ordonnance d’adjudication des dépens taxés en conformité avec la colonne III, comme le prévoit l’article 407 des Règles.

(2) Montant des honoraires

[25] Comme je l’ai déjà dit, les honoraires que Nomadix réclame en se reportant à l’échelon supérieur de la colonne IV s’élèvent à 239 915 $. Guest Tek soutient que même si les honoraires sont calculés selon l’échelon supérieur de la colonne IV, ils devraient s’élever à 145 011 $. J’ai calculé ce montant à partir du mémoire de dépens révisé de Guest Tek, en supprimant les articles soulignés par celle-ci et en tenant compte de son observation écrite complémentaire selon laquelle les articles 8.3 à 8.5 et 9.3 à 9.5 devraient aussi être refusés.

[26] La différence de 94 904 $ entre le montant réclamé par Nomadix et celui calculé par Guest Tek est attribuable aux questions suivantes (là encore, j’ai rajusté les montants de la ligne c) ci-dessous en raison de l’erreur à l’article 11.8, où les unités étaient en double) :

[27] Je vais examiner brièvement chacune de ces questions.

a) Affidavits de documents : articles 7.1 à 7.7

[28] Nomadix réclame des dépens pour la préparation de son affidavit de documents et de quatre affidavits de documents complémentaires. Elle demande aussi des dépens pour l’examen de deux affidavits de documents de Guest Tek. Pour chacun de ces affidavits, elle réclame neuf unités au titre des honoraires du premier avocat (1 350 $) et 4,5 unités au titre des honoraires du second avocat (675 $). Sa demande totale au titre de l’article 7 est de 94,5 unités, soit 14 175 $.

[29] L’article 7 du tarif B est formulé en ces termes : « Communication de documents, y compris l’établissement de la liste, l’affidavit et leur examen. » Dans la décision Dewji, l’officier taxateur Smith a conclu que l’article 7 prévoit le versement d’honoraires « pour la totalité de la communication de la preuve, et non pour chacune de ses étapes », mais lorsque le nombre d’heures de travail consacré à la communication de la preuve est inhabituel, d’autres montants peuvent être acceptés au titre de l’article 27, qui prévoit d’« [a]utres services acceptés aux fins de la taxation par l’officier taxateur ou ordonnés par la Cour » : Dewji & Gheciu Consultants Inc c A&A Consultants & Felicia Bilc, [1999] ACF no 1263 aux para 3‑4; Janssen Inc c Teva Canada Limited, 2012 CF 48 au para 19. Parallèlement, dans d’autres affaires, la Cour et le Tribunal de la concurrence ont reconnu qu’il est possible de présenter de multiples réclamations au titre de l’article 7 lorsqu’il est justifié de le faire dans les circonstances et que ces réclamations peuvent faire l’objet de rajustements, y compris des réclamations pour l’examen de l’affidavit d’une autre partie : Early Recovered Resources Inc c Gulf Log Salvage Co-Operative Association, 2001 CFPI 1212 aux para 4, 9, 14; Cameco Corp c « MCP Altona » (le navire), 2013 CF 1263 aux para 7‑9; Nadeau Ferme Avicole Limitée c Groupe Westco Inc et al, 2010 Trib conc 1 au para 41.

[30] Guest Tek soutient que tous les affidavits supplémentaires découlent du [traduction] « choix tactique [de Nomadix] de refuser de communiquer des documents manifestement pertinents ». Nomadix répond que la nécessité de produire de multiples affidavits de documents découle du fait que Guest Tek cherchait à obtenir des affidavits à jour au fil de l’évolution du logiciel. Je dispose de peu d’éléments de preuve pour évaluer ces observations, outre les ordonnances interlocutoires de la juge Tabib, responsable de la gestion de l’instance.

[31] Dans son ordonnance du 7 août 2018 (2018 CF 818), la juge Tabib a exigé que Nomadix fournisse un affidavit de documents plus complet, car les affidavits communiqués jusque‑là étaient lacunaires. Les dépens afférents à la requête de Guest Tek ont été adjugés. À mon avis, Nomadix ne peut faire une réclamation au titre de l’article 7 pour cet affidavit. En revanche, dans son ordonnance du 19 octobre 2018, la juge Tabib a souligné qu’il avait été nécessaire de déterminer si Nomadix était en possession d’autres dossiers, car Guest Tek avait indiqué précisément quels dossiers elle voulait obtenir.

[32] Je conclus que Nomadix devrait se voir accorder neuf unités pour son premier affidavit de documents, et six unités pour trois de ses quatre affidavits complémentaires. Elle devrait aussi se voir accorder neuf autres unités pour l’examen des affidavits de documents de Guest Tek. L’article 7 ne prévoit pas d’honoraires pour un second avocat, mais de tels honoraires peuvent être accordés compte tenu du vaste pouvoir discrétionnaire prévu aux paragraphes 400(1) et 400(4) des Règles : Nature’s Path Foods Inc c Country Fresh Enterprises Inc, 2007 CF 116 au para 21. Aucune des parties n’a présenté d’observation relativement à la nécessité de faire appel à un second avocat pour préparer les affidavits de documents, mais il y avait manifestement de nombreux documents et des questions importantes à régler en ce qui concerne les cotes de confidentialité. Je vais accorder des honoraires pour un second avocat à 50 % de ce qui précède pour la préparation des affidavits de Nomadix (13,5 unités en tout), mais pas pour l’examen des affidavits de Guest Tek. Cela représente en tout 49,5 unités, soit 7 425 $. De toute évidence, ce montant est largement inférieur aux dépenses des parties pour la production de documents. Cependant, il s’agit d’une fonction du tarif et, du moins dans une certaine mesure, de la manière dont la production de documents a été effectuée au cours de l’instance.

b) Interrogatoires préalables : articles 8.3 à 8.5 et 9.1 à 9.5

[33] Le dirigeant principal de la technologie de Nomadix, M. Olshansky, a été interrogé au préalable à quatre reprises. Pour la préparation de chacun des interrogatoires, Nomadix réclame huit unités en plus de quatre unités pour le second avocat et, pour la participation à chacun des interrogatoires, elle réclame quatre unités par heure pour chacun des interrogatoires, en plus de deux unités par heure pour le second avocat pour la première et la deuxième ronde des interrogatoires. Guest Tek soutient là encore que la tactique de Nomadix de limiter le nombre de documents communiqués a fait en sorte que des rondes d’interrogatoires préalables supplémentaires ont été nécessaires. Elle fait valoir que Nomadix ne devrait pas recouvrer les frais de préparation ou de participation aux trois rondes des interrogatoires préalables de suivi.

[34] Il semble que le deuxième interrogatoire de M. Olshansky était en grande partie axé sur le code source produit des suites de l’ordonnance de la juge Tabib rendue le 7 août 2018 et sur les réponses données par suite des engagements. La préparation aurait peut-être été réduite dans une certaine mesure si le code source avait été communiqué plus tôt, mais Guest Tek ne m’a pas convaincu que le temps total consacré aux interrogatoires aurait été réduit en conséquence. Les troisième et quatrième rondes étaient brèves. En particulier, la quatrième ronde semble découler d’une entente entre les parties fondée sur les modifications apportées à la défense de Nomadix. Là encore, il m’est impossible de conclure que ces interrogatoires ont été nécessaires uniquement en raison des décisions tactiques inappropriées de Nomadix. Cela dit, compte tenu de la portée limitée de ces interrogatoires, il convient d’attribuer une valeur moindre à leur préparation.

[35] Je vais accorder huit unités pour la préparation de chacun des premiers interrogatoires (ceux de M. Olshansky et de M. Levy) et quatre unités pour la préparation de chacun des interrogatoires subséquents. Là encore, l’article 8 ne prévoit pas expressément d’honoraires pour un second avocat, mais de tels honoraires peuvent être accordés compte tenu du vaste pouvoir discrétionnaire de la Cour prévu à l’article 400 des Règles. J’estime qu’il convient d’accorder des honoraires pour un second avocat pour les première et deuxième rondes d’interrogatoires, mais pas pour les troisième et quatrième, qui étaient beaucoup plus courtes. En tout, 38 unités, soit 5 700 $, sont accordées au titre de l’article 8.

[36] En ce qui concerne les interrogatoires en soi, comme je l’ai déjà mentionné, je ne suis pas convaincu qu’ils auraient été beaucoup plus courts, n’eût été la question de la production du logiciel ou d’autres questions liées à la production de documents. Essentiellement, les dépens seront acceptés tels qu’ils sont réclamés, sous réserve de l’analyse ci-dessous, à raison de quatre unités par heure pour les honoraires du premier avocat pour tous les interrogatoires, et de deux unités par heure pour les honoraires du second avocat pour les première et deuxième rondes d’interrogatoires.

[37] Guest Tek fait valoir que les heures réclamées pour les interrogatoires sont incorrectes. Elle cherche à exclure les pauses repas et les brefs ajournements pendant les interrogatoires au motif que cela est [traduction] « conforme à la jurisprudence », citant Janssen c Teva, aux para 42‑46. Cependant, bien que l’officier taxateur Preston ait indiqué dans la décision Janssen c Teva que les pauses repas ne sont généralement pas prises en compte, il s’est appuyé sur la décision Estensen Estate pour étayer le principe selon lequel les courtes pauses ne sont généralement pas exclues : Estensen Estate v Canada (Attorney General), 2009 FC 152 au para 15. À mon avis, de courtes pauses pendant un interrogatoire font partie du processus d’interrogatoire (et de l’instance) et il est inefficace de tenter de déterminer la durée d’un interrogatoire à la minute près pour le calcul des dépens. Je conviens avec Nomadix que les brefs ajournements pendant les interrogatoires préalables et l’instruction ne doivent pas être exclus du calcul du temps.

[38] Cela dit, les quatre premiers jours de l’interrogatoire de M. Olshansky semblent avoir duré en moyenne sept heures, si on exclut les pauses repas, et non huit heures, comme le réclame Nomadix. Il se peut que Nomadix n’ait pas exclu les pauses repas comme elle semble l’avoir fait pour l’instruction. Quoi qu’il en soit, au titre de l’article 9, un total de 35,5 heures est accordé pour le premier avocat à raison de quatre unités par heure, et un total de 32,5 heures est accordé pour le second avocat à raison de deux unités par heure, ce qui représente en tout 207 unités (31 050 $).

c) Conférences de gestion de l’instance et taxation des dépens : articles 10.1 à 10.7, 11.1 à 11.11 et 26

[39] Nomadix réclame des dépens pour la préparation et la présence à chacune des 11 conférences de gestion de l’instance et de l’instruction. Pour chacune des conférences, elle demande huit unités pour la préparation effectuée par le premier avocat et quatre unités pour le second avocat. Elle demande quatre unités par heure de présence à chacune des conférences pour le premier avocat et deux unités par heure de présence à six conférences pour le second avocat.

[40] Guest Tek fait valoir que les sept premières conférences portaient en grande partie sur l’établissement de dates et nécessitaient peu de préparation et que la présence du second avocat n’était pas nécessaire. Nomadix n’a pas répondu précisément à cet argument, mais continue de réclamer les frais relatifs aux conférences.

[41] Tout d’abord, je répète que je me suis déjà penché sur les dépens pour la conférence de gestion de l’instruction du 25 août 2020 dans ma décision sur l’ajournement demandé [Guest Tek (2020)]. Ces dépens seront adjugés selon le milieu de la colonne III. Compte tenu des questions en litige, Nomadix se verra adjuger cinq unités pour la préparation et deux unités par heure de présence, ainsi que les honoraires d’un second avocat correspondant à la moitié de ces montants, pour un total de 13,5 unités. L’analyse ci-dessous concerne les 10 autres conférences de gestion de l’instance et de l’instruction.

[42] À mon avis, même les questions se rapportant à l’établissement des dates nécessitent généralement une certaine préparation, et il est possible de réclamer les dépens au titre de l’article 10 du tarif B pour la préparation, même pour des conférences de gestion de l’instance ordinaires. Cependant, cela ne signifie pas que les honoraires discrétionnaires d’un second avocat sont toujours appropriés. Il n’est pas non plus toujours approprié de réclamer les honoraires d’un second avocat à une conférence de gestion de l’instance, même si un second avocat y est présent. À l’approche de l’instruction, il peut s’avérer plus utile de recourir à deux avocats pour la préparation et la présence aux conférences de gestion de l’instance et de l’instruction.

[43] En l’absence de renseignements détaillés sur le contenu de ces conférences, j’adjugerai huit unités pour la préparation au titre de l’article 10 pour chacune des 10 conférences, et quatre unités pour les honoraires du second avocat relativement aux conférences tenues en 2020, soit les cinq dernières conférences. J’adjugerai également les honoraires d’avocat pour la présence aux conférences au titre de l’article 11, à raison de quatre unités par heure, comme demandé, ainsi que les honoraires du second avocat, à raison de deux unités par heure pour les trois conférences tenues en 2020 auxquelles le second avocat a été présent (11.6, 11.8 et 11.9). Cela représente en tout 151,5 unités.

[44] Un total de 165 unités, soit 24 750 $, est accordé au titre des articles 10 et 11.

[45] Je suis également convaincu qu’il convient d’adjuger les honoraires d’un second avocat pour la taxation des dépens compte tenu de la nature des observations requises. J’accorderai à Nomadix un total de 10,5 unités au titre de l’article 26, comme demandé.

d) Préparation de l’instruction : articles 13a) et b)

[46] Nomadix réclame des honoraires d’avocat pour la préparation à l’instruction au titre de l’article 13a) pour la première journée d’audience et au titre de l’article 13b) pour les 12 journées d’audience subséquentes, pour deux premiers avocats (c.-à-d. que les honoraires du second avocat sont au même tarif que celui du premier avocat). Cela représente en tout 162 unités. Guest Tek ne conteste pas les honoraires des deux avocats, mais dans son mémoire de dépens révisé, le montant des honoraires du second avocat équivaut à 50 % des honoraires du premier avocat, comme c’est le cas habituellement. Aucune des parties n’a présenté d’observation à ce sujet.

[47] La Cour a autorisé le remboursement d’honoraires de deux « premiers avocats » dans d’autres affaires de brevets, lorsque cela était justifié : Bayer Inc c Apotex Inc, 2016 CF 1013 au para 6 (jugement); Apotex Inc c H. Lundbeck A/S, 2013 CF 1188 aux para 19‑24.

[48] En l’espèce, Nomadix et Guest Tek avaient toutes deux trois avocats présents à l’instruction. Mme Aubin, qui agissait à titre de « seconde avocate » pour Nomadix, était une participante importante et à part entière à l’instruction; elle a pris les devants dans les interrogatoires, les contre-interrogatoires et dans la plaidoirie finale concernant l’un des deux brevets. Il ne fait aucun doute qu’elle a participé activement à la préparation à l’instruction, tant avant que pendant l’instruction, et qu’elle a assumé des responsabilités importantes équivalant à un rôle de premier avocat. Nomadix a réclamé des honoraires d’avocats à l’instruction selon le principe du « premier avocat/second avocat ». Dans les circonstances, j’accepte la réclamation de Nomadix concernant les honoraires de préparation à l’instruction sur la base de deux « premiers avocats ».

e) Nombre d’heures de l’instruction : articles 14.1 à 14.15

[49] Nomadix a réclamé sept heures pour chaque jour d’instruction, outre les deux derniers jours de plaidoirie. En ce qui concerne les interrogatoires préalables, Guest Tek conteste l’attribution du temps invoquée par Nomadix et propose de faire abstraction des pauses et de déterminer la durée de chaque jour d’audience à la minute près.

[50] De manière générale, le Cour devait siéger de 11 h à 18 h 30 (heure de l’Est) et prendre une pause repas d’une heure. Pendant l’instruction, il est souvent arrivé que la Cour ajourne l’instruction entre 10 minutes et une heure plus tôt que prévu, par exemple lorsqu’un interrogatoire était terminé et qu’il semblait approprié de reprendre l’instruction. Généralement, l’instruction était ajournée à la demande des parties. À la fin de la première semaine d’instruction, la Cour a siégé pendant une demi-journée, car les témoignages des témoins ordinaires de Guest Tek étaient terminés.

[51] Nomadix reconnaît que l’heure du repas ne devrait pas être incluse. Comme je l’ai mentionné plus haut, je considère que les courtes pauses durant la journée font partie de la journée d’audience. Je conviens également avec l’officier taxateur Stinson que l’article 14 « comprend forcément un certain temps passé dans la salle d’audience avant le début ou la reprise des audiences » et que la taxation des dépens doit comprendre une certaine part en « approximations raisonnées » : Wanderingspirit c Marie, 2007 CF 329 aux para 3‑4; Mediatube Corp c Bell Canada, 2017 CF 495 au para 13.

[52] Dans les circonstances, j’adjugerai des dépens pour les honoraires d’avocat à l’instruction selon une moyenne de 6,25 heures par jour, à raison de quatre unités pour les 13 premiers jours d’instruction, à l’exception du premier vendredi, pour lequel j’utiliserai trois heures. Pour les deux derniers jours de plaidoyer, j’adjugerai des dépens pour les honoraires d’avocat en fonction des heures dont ont convenu les parties. Les honoraires du second avocat seront adjugés en totalité à 50 %. Cela représente en tout 571,7 unités, soit 85 755 $.

f) Stagiaire : articles 28.1 à 28.14

[53] La dernière question en litige concerne les honoraires pour la présence d’un stagiaire (étudiant en droit) à l’instruction. Nomadix demande le recouvrement des frais afférents au nombre d’heures travaillées par l’étudiant au titre de l’article 28, à 50 % du taux du second avocat, c’est-à-dire 25 % de l’échelon supérieur de la colonne IV. Guest Tek fait valoir que la Cour considère régulièrement que les dépenses liées à des stagiaires en droit constituent des coûts indirects irrécupérables, citant Sanofi-Aventis Canada Inc c Apotex Inc, 2009 CF 1138 au para 19, et Sanofi-Aventis Canada Inc c Novopharm Limited, 2009 CF 1139 au para 19.

[54] Manifestement, les services d’un étudiant ne constituent pas des coûts indirects irrécupérables, sans quoi ils ne seraient pas décrits à l’article 28 du tarif B : « Services fournis par des étudiants, des parajuristes ou des stagiaires en droit, dans une province, que le Barreau de cette province les autorise à fournir, 50 % du montant qui serait calculé pour les services d’un avocat. » Le juge Reed de notre Cour a souligné dans la décision Apotex c Syntex que la question de savoir s’il est possible de recouvrer les frais afférents au nombre d’heures travaillées par un étudiant dépend de la nature des services fournis : Apotex Inc c Syntex Pharmaceutical International Ltd, 1999 CanLII 8811 (CF) au para 22, modifiée pour d’autres motifs, Syntex Pharmaceuticals International Ltd c Apotex Inc, 2001 CAF 137. Néanmoins, comme l’a souligné le juge Harrington, les honoraires relatifs aux services d’étudiants en droit ne sont habituellement pas taxés : Apotex Inc c H Lundbeck A/S, 2013 CF 1188 au para 31, citant Janssen-Ortho Inc c Novopharm Ltd, 2006 CF 1333 au para 25.

[55] Malgré cette approche générale, le juge Grammond a récemment souligné que lorsqu’on adjuge une somme globale au lieu de dépens taxés, il n’est pas approprié de refuser des dépenses liées à des stagiaires en droit à condition qu’elles aient été engagées : Seedlings Life Science Ventures, LLC c Pfizer Canada SRI, 2020 CF 505 au para 12.

[56] En l’espèce, Nomadix réclame des dépens en se reportant au tarif, et non une somme globale basée sur le total des honoraires. Cependant, elle ne demande pas que les dépens soient taxés par un officier de taxation, mais demande plutôt qu’ils soient fixés par la Cour. Dans de telles circonstances, j’estime qu’il serait injuste de rejeter en totalité une demande de recouvrement des frais afférents aux services d’un stagiaire en droit simplement en raison de la méthode de calcul. Je ne doute pas que le stagiaire fournissait des services juridiques au sein de l’équipe juridique de Nomadix durant l’instance. Sans porter atteinte au principe décrit par le juge Harrington dans la décision Apotex c Lundbeck, et dans l’exercice de mon pouvoir discrétionnaire prévu à l’article 400 des Règles, je vais adjuger une somme forfaitaire de 5 000 $ à titre de recouvrement partiel des frais afférents à la contribution du stagiaire à l’instance et à la préparation des observations finales écrites.

g) Conclusion en ce qui concerne les honoraires

[57] Le montant des honoraires qui précède et sur lequel s’entendent les parties totalise 202 805 $. En soustrayant le montant de 3 325 $ adjugé à Guest Tek des suites des étapes interlocutoires précédentes, les dépens adjugés s’élèvent à 199 480 $.

[58] Nomadix soutient que des dépens de cette ampleur pourraient être adjugés sous la forme d’une somme globale, étant donné que le total de ses honoraires est supérieur à 1 000 000 $. Je conviens avec Guest Tek qu’il est difficile d’utiliser ce montant comme guide, car les honoraires totaux de Nomadix doivent comprendre un montant inconnu d’honoraires se rapportant aux requêtes relativement auxquelles des dépens ont été adjugés, y compris ceux adjugés à l’encontre de Nomadix. Cependant, ce montant donne une certaine idée de l’ampleur et confirme que les dépens adjugés ne contrastent pas de façon frappante avec les dépens auxquels les parties peuvent s’attendre dans une affaire de cette nature.

[59] Pour conclure sur la question des honoraires, je souligne que bien que les deux parties estimaient, selon leurs mémoires de dépens, que la TPS devrait être payée sur les honoraires, dans leurs observations supplémentaires sur cette question, les deux parties ont convenu que la TPS ne devrait pas faire partie des dépens adjugés, car elle n’a pas été facturée au client étranger de Nomadix.

D. Débours

[60] Nomadix réclame des débours de 451 088 $, dont environ 86 % sont des honoraires et des frais afférents à son expert, M. Tal Lavian. Guest Tek ne conteste pas les montants restants, d’une valeur totale de 64 316 $, qui sont liés à des frais, comme des frais de déplacement pour les essais et les interrogatoires, ainsi que des frais d’impression, de messagerie et de transcription.

[61] Nomadix réclame les honoraires de M. Lavian, soit 238 380 $US (300 358 $CA au taux de change de 1,26 dont ont convenu les parties) pour les services offerts avant l’instance, et 60 000 $US (75 600 $CA) pour la préparation et la présence à l’instruction, ce qui représente en tout 298 380 $US (375 958 $CA). Elle réclame également les dépenses facturées par M. Lavian, soit 9 082 $US (11 443 $CA). Guest Tek soutient que les honoraires et les dépenses de M. Lavian devraient faire l’objet de réductions importantes.

(1) Honoraires de M. Lavian

[62] Guest Tek a qualifié d’[traduction] « énormes » les honoraires de M. Lavian, qui totalisent 298 380 $US. Cependant, malgré l’invitation expresse formulée à cet égard par Nomadix dans ses observations sur les dépens, Guest Tek n’a fourni aucun renseignement sur les honoraires facturés par ses propres experts pour leurs services. En l’absence de tels renseignements, une déclaration générale selon laquelle les honoraires de M. Lavian sont élevés a un effet persuasif limité : voir par exemple Mariano c La Reine, 2016 CCI 161 au para 46(2), citant Hague v Liberty Mutual Insurance Co, [2005] OJ No 1660 au para 15; voir aussi GFL Infrastructure Group Inc v Temple Insurance Co, 2021 ONSC 3630 au para 14.

[63] Guest Tek conteste essentiellement les honoraires non seulement en raison de leur ampleur, mais aussi en raison de la qualité du témoignage de M. Lavian. Guest Tek soutient que je devrais adopter l’approche retenue par le juge Manson dans la décision Betser-Zilevitch, dans laquelle il a réduit d’un tiers les honoraires d’un expert dont le rapport comprenait des « analyses inutiles et superflues concernant d’autres interprétations des revendications » : Betser-Zilevitch, au para 20. Guest Tek conteste vigoureusement le témoignage de M. Lavian et soutient que ses honoraires devraient être réduits de deux tiers, pour se chiffrer à 99 460 $US (125 320 $CA).

[64] Tout d’abord, je souligne que la réduction appliquée par le juge Manson dans la décision Betser-Zilevitch était également fondée sur une comparaison avec les honoraires des autres experts. Il m’est impossible de faire une telle comparaison compte tenu de la décision de Guest Tek de ne pas divulguer les honoraires payés à MM. Dordal et Reiher : Betser-Zilevitch, aux para 20, 21, 23. Toutefois, je reconnais que la Cour a le pouvoir discrétionnaire de ne pas autoriser le remboursement complet des honoraires d’un expert lorsque ceux‑ci semblent déraisonnables compte tenu soit de leur ampleur, soit de l’utilité du témoignage de l’expert : Canada (Procureur général) c Premières nations de Cold Lake, 2015 CF 1387 aux para 4‑6. Cela dit, je ne crois pas qu’il convienne, lors de la détermination des dépens, d’effectuer une analyse détaillée du témoignage d’un expert dans l’objectif de tenter d’en évaluer la valeur avec précision. Les opinions exprimées par un expert dans une affaire de brevet ne sont généralement pas acceptées en totalité, et le simple fait que la Cour ne retient pas ou n’accepte pas une ou plusieurs conclusions d’un expert sur l’interprétation et la validité des revendications ne signifie pas automatiquement que les honoraires de cet expert ne peuvent être recouvrés ou doivent être réduits : Seedlings, aux para 30‑31.

[65] Dans ses observations sur les dépens, Guest Tek récite les observations que la Cour a formulées sur le témoignage de M. Lavian dans sa décision sur le fond et conteste également son rapport et son témoignage de vive voix. Guest Tek fait valoir que les opinions de M. Lavian étaient [traduction] « utilisées à l’occasion et adoptées encore moins fréquemment ».

[66] Certaines observations de Guest Tek sont tout simplement futiles. Par exemple, Guest Tek se plaint qu’à trois reprises, M. Lavian a eu de la difficulté à trouver dans son rapport un passage auquel faisait référence l’avocat menant le contre-interrogatoire. Ce genre de situation, qui a duré quelques instants seulement, se produit couramment et est d’autant plus facile à expliquer du fait que l’instruction en l’espèce s’est déroulée par vidéoconférence. Faire référence à ce type de situation pour illustrer la qualité du témoignage de M. Lavian ou la possibilité de recouvrer ses honoraires n’est absolument pas convaincant et mine les observations de Guest Tek.

[67] D’autres observations de Guest Tek portaient sur la façon dont M. Lavian a répondu aux questions en contre-interrogatoire. Il est vrai que M. Lavian avait tendance à s’éloigner du sujet et que sa façon de traiter l’interprétation des revendications en contre-interrogatoire a entraîné des lacunes sur le plan de l’efficacité : décision sur le fond, au para 33. Cependant, cela n’a pas miné considérablement son témoignage ni prolongé inutilement l’instruction. Le contre‑interrogatoire de M. Lavian a été réalisé dans les délais prévus malgré ces problèmes. Il convient de souligner que parmi les honoraires de 298 380 $US de M. Lavian, seulement 60 000 $US se rapportent à la préparation et à la présence à l’instruction, conformément à une entente conclue entre Nomadix et M. Lavian. Le fait que l’instruction ait été légèrement inefficace en raison de réponses ou d’erreurs d’écriture ne me convainc pas qu’il convient de réduire les honoraires de cet expert.

[68] Les principales réserves de Guest Tek semblent découler du fait que la Cour n’a pas souvent mentionné le témoignage de M. Lavian dans sa décision sur le fond et qu’elle ne souscrivait pas à certaines de ses conclusions, y compris celles concernant la validité.

[69] J’estime que Guest Tek exagère ses préoccupations concernant le témoignage de M. Lavian. Le témoignage de M. Lavian portait en grande partie sur les technologies d’arrière‑plan et des connaissances générales courantes. Il a été le seul expert à traiter des connaissances générales courantes en profondeur dans son rapport, et la Cour a indiqué que cette analyse était approfondie et généralement utile, malgré le fait qu’elle déviait souvent vers des sujets moins pertinents quant aux brevets et aux questions en litige : décision sur le fond, aux para 31, 76, 78. Une partie importante du rôle d’un expert dans une affaire de brevet consiste à aider la Cour à lire le brevet du point de vue d’une personne versée dans l’art compte tenu des connaissances générales courantes : décision sur le fond, aux para 27, 51. Le témoignage de M. Lavian a aidé la Cour à cet égard relativement aux deux brevets en cause, et l’analyse de la Cour concernant les connaissances d’une personne versée dans l’art renvoyait souvent à la preuve présentée par M. Lavian, y compris les pièces : décision sur le fond, aux para 27‑28, 79‑80, 105, 112, 193‑194, 290, 292‑304.

[70] Guest Tek souligne à juste titre que la Cour n’a pas retenu certaines opinions formulées par M. Lavian. Cependant, dans d’autres domaines, la Cour a retenu les opinions de M. Lavian et rejeté celles des experts de Guest Tek. Comme je l’ai déjà dit, cela n’est pas inhabituel dans une affaire de brevet et je ne crois pas que le recouvrement des dépens afférents aux experts devrait dépendre d’un relevé détaillé des opinions retenues et des opinions rejetées.

[71] Il convient de souligner que, dans la taxation des honoraires de M. Lavian, les travaux qu’il a effectués avant 2020 concernaient les quatre brevets qui étaient alors en cause, dont deux que Guest Tek a finalement retirés de sa demande. Bien que dans son ordonnance du 22 janvier 2020, la juge Tabib a conclu qu’aucuns dépens ne seraient adjugés relativement à la modification, cette ordonnance ne visait pas la question des dépens de l’action se rapportant aux allégations retirées, et Guest Tek ne soutient pas que c’était le cas. Guest Tek fait cependant valoir qu’elle n’était pas en mesure de retirer ces allégations avant d’obtenir, par ses propres moyens, un appareil de passerelle de Nomadix et qu’elle aurait pu le faire plus tôt si Nomadix avait produit le code source et les appareils plus tôt. Toutefois, on pourrait aussi faire valoir que Guest Tek a formulé des allégations de contrefaçon de brevet alors qu’elle n’avait pas encore de fondement factuel à l’appui.

[72] Il convient également de préciser que les honoraires de M. Lavian pour la période précédant l’instruction semblent comprendre des escomptes pour du temps non facturé, y compris du temps de déplacement et des heures réduites. Bien que ces honoraires ne sont pas élevés comparativement à l’ensemble des honoraires, ils s’élèvent à plus de 40 000 $US et doivent être pris en compte pour évaluer le caractère raisonnable des honoraires. De même, les honoraires de M. Lavian pour la préparation et la présence à l’instruction étaient limités à 60 000 $US conformément à une entente, alors qu’ils auraient été de 170 000 $US s’il avait été rémunéré pour toutes ses heures de travail au taux horaire. Je ne puis convenir avec Guest Tek que ces réductions étaient [traduction] « artificielles » ou comprenaient des frais [traduction] « frivoles », comme ceux afférents à la présence de M. Lavian au témoignage de certains témoins des faits n’ayant aucun lien avec son témoignage. Ces témoignages étaient relativement brefs, dispersés au cours de l’instruction et certains d’entre eux traitaient de faits sous‑jacents aux questions de contrefaçon et d’incitation à la contrefaçon. Comme la présence de M. Lavian à l’instruction visait à préparer son propre témoignage et à aider les avocats relativement à des questions techniques, il m’est impossible de conclure que les frais afférents à cette présence sont frivoles, particulièrement en l’absence de quelque renseignement que ce soit sur la présence de M. Dordal ou de M. Reiher.

[73] En résumé, je suis convaincu que les honoraires de M. Lavian tels qu’ils sont réclamés sont raisonnables dans le contexte de l’action intentée par Guest Tek. Les rapports et le témoignage de M. Lavian étaient loin d’être parfaits, mais il ne s’agit pas de la norme en matière de recouvrement. La Cour a accepté des parties importantes de son témoignage, qui ont aidé Nomadix à obtenir gain de cause, et elle a conclu que ce témoignage avait été utile pour comprendre les brevets, l’art et l’art antérieur. Les critiques répétées de Guest Tek concernant le témoignage de M. Lavian ne me convainquent pas que les honoraires de celui‑ci devraient être réduits parce qu’ils sont déraisonnables, particulièrement du fait que la Cour n’est pas en mesure de comparer ses honoraires avec ceux des experts de Guest Tek. Les honoraires de M. Lavian sont accordés tels qu’ils ont été réclamés.

(2) Dépenses de M. Lavian

[74] M. Lavian a engagé des dépenses de 9 082 $US. Environ la moitié de ces dépenses sont liées à ses déplacements entre son domicile à San Francisco et les villes de Calgary, de Los Angeles et de Montréal pendant la période précédant l’instruction. Les voyages à Calgary et à Los Angeles ont eu lieu pour effectuer des essais, tandis que le voyage à Montréal a été effectué dans le but de rencontrer les avocats pour la préparation d’un rapport. Ces dépenses sont raisonnables.

[75] Guest Tek conteste les frais de 4 044 $US facturés pour un hôtel à Los Angeles pendant l’instruction, étant donné que l’instruction s’est déroulée par vidéoconférence. Je conviens avec Nomadix qu’il est utile pour un client d’avoir son expert à proximité même pendant une instruction virtuelle si c’est ce qu’il souhaite. Le fait que l’instruction se soit déroulée par vidéoconférence a sans aucun doute réduit considérablement les dépenses des parties liées aux déplacements. Or, on ne peut présumer que l’instruction virtuelle les a éliminés en totalité.

[76] Les dépenses de M. Lavian sont accordées telles qu’ont été réclamées.

[77] Pour cette raison, le montant accordé à Nomadix pour les débours équivaut à plus du double des honoraires qui lui ont été adjugés. À mon avis, il en est ainsi en raison de la nature du litige en l’espèce et du fait que bien que le recouvrement des honoraires fournisse une indemnisation partielle, les débours peuvent être recouvrés en totalité. Dans les instances de brevet, il n’est pas rare que les débours soient supérieurs, voire largement supérieurs, aux honoraires pouvant être recouvrés compte tenu de l’importance du témoignage des experts : voir, p. ex., Seedlings, aux para 26, 32; Leo Pharma Inc c Teva Canada Limited, 2016 CF 107 à l’annexe A, conf par 2017 CAF 51.

E. Intérêts

[78] Nomadix demande des intérêts à compter de la date du jugement, à un taux annuel de 5 %, soit le taux prévu à l’article 3 de la Loi sur l’intérêt, LRC 1985, c I-15 : Seedlings, au para 34. Guest Tek demande de fixer le taux d’intérêt à 1 %, invoquant les faibles taux d’intérêt applicables aux jugements en Alberta. Pour les motifs énoncés dans l’analyse approfondie du juge Grammond dans la décision Seedlings, que j’adopte, je conclus qu’un taux d’intérêt simple de 2,5 % est raisonnable : Seedlings, aux para 34‑40.

[79] Nomadix demande ses intérêts à compter de la date du jugement. À mon avis, une telle ordonnance risquerait de contrevenir à l’alinéa 36(4)c) de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F-7, qui prévoit qu’aucun intérêt avant jugement n’est accordé sur les dépens de l’instance. Les dépens seront payables à compter de la date de la présente ordonnance.

III. Conclusion

[80] J’accorde à Nomadix des honoraires d’un montant net global de 199 480 $ et des débours de 451 088 $, pour un total de 650 568 $. Un taux d’intérêt simple annuel de 2,5 % s’applique à ce montant.

[81] En conclusion, je souligne que des avocats chevronnés représentant des parties averties et apparemment bien financées devraient être en mesure de régler des questions de base, comme la durée des interrogatoires préalables ou le temps qu’il convient d’attribuer à une journée d’instruction. Leurs disputes pour des périodes de 10 minutes ici et là coûtent sans aucun doute plus cher à leurs clients que le montant en litige, d’autant plus qu’elles font perdre inutilement du temps à la Cour. Il se peut que les parties ne s’entendent pas sur des questions importantes liées aux dépens et qu’il soit nécessaire de déterminer le niveau de tarif approprié ou de se pencher sur le caractère approprié de certaines réclamations. Toutefois, des parties raisonnables et des avocats raisonnables devraient être en mesure de limiter, grâce à des discussions, le nombre de questions relatives aux dépens que la Cour doit trancher.




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