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Date : 20210915


Dossier : IMM-1482-20

Référence : 2021 CF 953

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 15 septembre 2021

En présence de madame la juge Elliott

ENTRE :

SCOTT EGHOSA AGHIMIEN

OGHOGHO AGHIMIEN

LESLIE AIMUAMWOSA AGHIMIEN

KENDRA OGHOSA AGHIMIEN

GERALD OSARUONAME AGHIMIEN

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] Les demandeurs sont un couple nigérian avec trois enfants mineurs qui sollicitent l’annulation de la décision rendue le 10 février 2020 par la Section d’appel des réfugiés (la SAR). La SAR a rejeté leur appel et a confirmé la décision de la Section de la protection des réfugiés (la SPR), datée du 26 novembre 2018, selon laquelle les demandeurs n’avaient pas la qualité de réfugiés au sens de la Convention ni celle de personnes à protéger, aux termes de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR] (la décision).

[2] La SPR avait conclu que le demandeur principal (le DP) n’était pas crédible et que les demandeurs disposaient d’une possibilité de refuge intérieur (PRI) dans deux villes différentes (les villes proposées comme PRI).

[3] La SAR a confirmé la décision de la SPR en concluant que la question déterminante était la PRI. Après avoir examiné le dossier de façon indépendante, la SAR a conclu que la SPR n’avait pas commis d’erreur dans son analyse de l’existence de PRI viables dans les villes proposées.

[4] Pour les motifs qui suivent, la présente demande est rejetée.

II. Le contexte

[5] Les demandeurs affirment que l’agent de persécution est la famille du DP, en particulier l’oncle de celui-ci, qui insiste pour que le DP assume le rôle de son père décédé en tant que grand prêtre du sanctuaire Ikhokho.

[6] Le DP soutient que, avant d’assumer ce rôle, sa famille et lui seraient tenus de se soumettre à certains rites préalables qui vont à l’encontre de leurs croyances en tant que chrétiens. Ces rites comprennent le fait de soumettre sa fille à la mutilation génitale féminine.

[7] Les demandeurs affirment avoir été forcés de quitter leur résidence à Benin City pour s’installer à Warri, où ils avaient vécu brièvement avec l’ami de leur pasteur, qui avait été battu et tué après que les agents de persécution les eurent retrouvés. Les demandeurs affirment qu’ils avaient porté plainte à la police, mais qu’il n’y a aucune enquête active.

[8] Les demandeurs avaient obtenu des visas et s’étaient rendus aux États-Unis en octobre 2017. Une semaine plus tard, ils étaient entrés au Canada, où ils avaient immédiatement demandé l’asile.

III. La décision

[9] La SAR a examiné tous les éléments de preuve dont disposait la SPR et a analysé de façon indépendante le dossier complet, y compris la transcription du témoignage du DP et de son épouse, la codemanderesse.

[10] Comme je l’ai indiqué ci-dessus, la SAR a conclu que la question déterminante était l’existence de deux PRI viables pour les demandeurs. La SPR avait conclu que les deux mêmes villes constituaient des PRI viables pour les demandeurs.

[11] Les demandeurs ont présenté à la SAR les nouveaux éléments de preuve suivants :

  1. un affidavit du pasteur Victor, daté du 2 janvier 2019, accompagné d’une copie de son permis de conduire, décrivant le meurtre d’un autre pasteur le 31 août 2017;

  2. le certificat de décès du père du DP, signé le 13 novembre 2018, accompagné d’un affidavit connexe de l’oncle du DP;

  3. une lettre du pasteur Owenaze du ministère de la Prophétie de l’avènement du Royaume de Dieu, un rapport de police et des photographies pertinentes;

  4. un affidavit de la cousine de la codemanderesse, Erewari Jack, souscrit le 29 janvier 2019.

[12] La SAR a conclu que les deux premiers affidavits et les documents connexes faisaient référence à des faits antérieurs à la tenue de l’audience devant la SPR, et qu’ils auraient pu normalement être présentés plus tôt. Les demandeurs n’ont pas présenté de contestation concernant ces éléments de preuve.

[13] Les demandeurs ont contesté la décision de la SAR de ne pas admettre la lettre du pasteur Owenaze et l’affidavit d’Erewari Jack.

[14] Plus de détails de la décision seront présentés dans l’analyse des questions en litige qui suit.

IV. Les questions en litige et la norme de contrôle

[15] Le demandeur soulève trois questions :

  1. La langue d’interprétation utilisée a entraîné un manquement à l’équité procédurale, car les demandeurs ne parlaient que l’edo, et non le pidgin anglais et l’edo.

  2. La décision de ne pas admettre la lettre du pasteur Owenaze et l’affidavit d’Erewari Jack comme nouveaux éléments de preuve était déraisonnable. Les demandeurs disent que ces nouveaux éléments de preuve appuient précisément le premier volet du critère relatif à la PRI.

  3. La SAR a mal appliqué le critère juridique pour le premier volet du critère relatif à la PRI et a commis une erreur dans son appréciation ainsi que son analyse de la PRI proposée à Abuja. À cet égard, les demandeurs ajoutent que la conclusion concernant la PRI était déraisonnable et inéquitable, parce que la SPR et la SAR se sont appuyées sur le guide jurisprudentiel révoqué sur le Nigéria. Les demandeurs affirment que la décision doit être annulée pour ce seul motif.

[16] Il est généralement dit que la norme de la décision correcte est la norme de contrôle applicable aux questions d’équité procédurale. Toutefois, il est maintenant reconnu que nulle norme de contrôle ne peut être appliquée à l’équité procédurale. Dans le cadre d’un contrôle judiciaire, la mission de la Cour est de déterminer si la procédure était équitable pour le demandeur eu égard à l’ensemble des circonstances. Cela implique de déterminer si le demandeur connaissait la preuve à réfuter et s’il a eu la possibilité complète et équitable d’y répondre et d’être entendu : Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69 au para 56.

[17] La Cour d’appel fédérale a établi que la norme de contrôle que doit appliquer la Cour à une décision de la SAR est celle de la décision raisonnable : Canada (Citoyenneté et Immigration) c Huruglica, 2016 CAF 93 aux para 30, 35.

[18] Récemment, dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov], la Cour suprême du Canada a examiné de façon approfondie le droit régissant le contrôle judiciaire des décisions administratives. Elle a confirmé que la norme de la décision raisonnable est présumée s’appliquer au contrôle judiciaire d’une décision administrative, sous réserve de certaines exceptions qui ne s’appliquent pas au vu des faits en l’espèce, et il incombe à la partie qui conteste la décision d’en démontrer le caractère déraisonnable : Vavilov, aux para 23, 100.

[19] Citant le paragraphe 47 de l’arrêt Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, l’arrêt Vavilov a également confirmé qu’une décision raisonnable est une décision qui est justifiée, transparente et intelligible, et l’examen doit surtout porter sur la décision même qui a été rendue, notamment sur sa justification. Pour annuler une décision, la cour de contrôle doit conclure qu’elle souffre de lacunes graves à un point tel qu’on ne peut pas dire qu’elle satisfait aux exigences de justification, d’intelligibilité et de transparence : Vavilov, au para 100.

[20] Dans l’ensemble, la décision raisonnable doit être fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti : Vavilov, aux para 15, 85.

V. L’interprétation n’était pas inéquitable sur le plan de la procédure

[21] À la requête des demandeurs, l’audience avait été tenue en anglais avec un interprète qui parlait l’edo et le pidgin anglais.

[22] Dans une ligne de leur mémoire en réplique, les demandeurs allèguent qu’il y a eu un manquement à l’équité procédurale causé par l’interprétation. Ils soutiennent que l’interprétation avait seulement été en edo, et non en edo et en pidgin anglais comme l’avait déclaré l’interprète à la SPR.

[23] Les demandeurs disent qu’ils ne parlent pas le pidgin anglais, seulement l’edo. Cette question est donc importante en ce qui concerne leur capacité à vivre dans l’une ou l’autre des villes proposées comme PRI.

[24] Les demandeurs disent également que la SAR aurait dû écouter l’enregistrement audio plutôt que se fier uniquement à la transcription de l’audience.

[25] Le défendeur affirme que les demandeurs n’ont présenté aucun élément de preuve dans leurs documents à l’appui de l’allégation selon laquelle l’audience avait uniquement été tenue en edo, et non en edo et en pidgin anglais. Le défendeur affirme également que des erreurs typographiques mineures, comme inscrire le mot [traduction] « urdu » plutôt [traduction] « [qu’]edo », n’étaient pas pertinentes quant à l’issue de la procédure.

[26] L’examen de la transcription révèle que la SPR avait confirmé que les demandeurs et l’interprète étaient en mesure de se comprendre au début de l’audience. La transcription montre également que les demandeurs avaient répondu à des questions de la SPR, qui étaient parfois longues, sans attendre l’interprétation de celles-ci. La transcription ne révèle aucune indication de difficulté en raison de la langue utilisée pour l’interprétation.

[27] Les demandeurs n’ont présenté aucun élément de preuve à l’appui de leur allégation selon laquelle la traduction avait été inéquitable sur le plan de la procédure. Il n’y a pas d’affidavit d’un traducteur indépendant, ou de quiconque, attestant la langue utilisée ou la qualité de la traduction.

[28] Aucune plainte au sujet de la traduction n’avait été soulevée lors de l’audience ou après celle-ci, jusqu’à ce qu’elle figure dans le mémoire en réplique des demandeurs. Je rejette l’idée que, avec rien de plus qu’une simple affirmation, la SAR ou la Cour soit tenue d’écouter l’enregistrement audio de l’audience pour déterminer si la traduction est telle que décrite dans la transcription.

[29] À la lumière de la preuve au dossier, et comme je l’ai signalé ci-dessus, je ne suis pas en mesure de conclure que l’interprétation demandée et reçue par les demandeurs était inéquitable à leur égard sur le plan de la procédure.

VI. La décision de ne pas admettre la lettre et l’affidavit du pasteur était raisonnable

[30] Ma mission consiste à déterminer si le traitement des nouveaux éléments de preuve par la SAR était raisonnable. Tout d’abord, je fais remarquer que les cours de contrôle doivent s’abstenir « d’apprécier à nouveau la preuve examinée par le décideur » : Vavilov, au para 125.

[31] La disposition régissant la présentation de nouveaux éléments de preuve à la SAR se trouve au paragraphe 110(4) de la LIPR :

Éléments de preuve admissibles

(4) Dans le cadre de l’appel, la personne en cause ne peut présenter que des éléments de preuve survenus depuis le rejet de sa demande ou qui n’étaient alors pas normalement accessibles ou, s’ils l’étaient, qu’elle n’aurait pas normalement présentés, dans les circonstances, au moment du rejet.

Evidence that may be presented

(4) On appeal, the person who is the subject of the appeal may present only evidence that arose after the rejection of their claim or that was not reasonably available, or that the person could not reasonably have been expected in the circumstances to have presented, at the time of the rejection.

 

[32] La lettre du pasteur était accompagnée d’un rapport de police et de photographies. Le rapport de police décrivait un incident où les agents de persécution auraient visité une église de Benin City, agressé des membres de la congrégation et endommagé le véhicule du pasteur.

[33] La SAR a conclu que ces éléments de preuve satisfaisaient aux exigences du paragraphe 110(4), puisque l’incident avait eu lieu après le rejet par la SPR de la demande d’asile des demandeurs.

[34] En ce qui concerne la lettre du pasteur, les demandeurs soutiennent que la SAR l’a examinée à la loupe et s’est montrée tatillonne à l’égard des mots utilisés. Ils disent que la SAR s’est concentrée sur des erreurs typographiques et des détails mineurs plutôt que sur l’essentiel des éléments de preuve.

[35] Par exemple, il est allégué que la SAR se concentrait sur le verbe [traduction] « détruire » qui était utilisé dans la lettre du pasteur. Les demandeurs disent que la SAR s’est non seulement livrée à une analyse [traduction] « à la loupe », elle a aussi [traduction] « appliqué un paradigme occidental ». Ils ajoutent que les gens perçoivent les choses différemment. Ils indiquent que cette lettre décrit comment les faits avaient été perçus par son auteur, en l’occurrence le pasteur.

[36] Les demandeurs mentionnent également que la SAR a commis une erreur en concluant que la lettre du pasteur et le rapport de police n’étaient pas pertinents, parce que l’incident n’avait pas eu lieu dans une ville proposée comme PRI. Ils soutiennent que cette conclusion va à l’encontre du droit bien fixé : le demandeur n’a pas besoin de mettre à l’épreuve la PRI proposée avant de s’y opposer.

[37] Le défendeur fait remarquer que les faits décrits par le pasteur se sont produits à Benin City et que, par conséquent, il était raisonnable pour la SAR de noter que cette lettre avait peu de pertinence quant à la conclusion relative à l’existence de PRI.

[38] Le défendeur soutient également qu’il était loisible à la SAR de noter que cette lettre exagérait les dommages causés à la voiture en mentionnant qu’elle avait été détruite.

[39] La SAR a noté que le rapport de police et les photographies avaient été présentés avec la lettre du pasteur, et qu’ils semblaient être destinés à corroborer les faits décrits dans cette lettre. Les photographies ne démontraient cependant pas un degré de destruction tel que la voiture ait été détruite. La SAR a également conclu que, bien que la lettre faisait mention de « membres » blessés et de « certains d’entre eux », la seule photographie claire ne montrait pas de dommages importants à la voiture.

[40] Même si l’argument des demandeurs selon lequel le mot [traduction] « détruit » ne devrait pas être interprété littéralement était accepté, la photographie ne montrait qu’une seule personne.

[41] La SAR ne disposait d’aucun élément de preuve portant que les agents de persécution avaient les moyens ou la motivation de trouver les demandeurs dans l’une ou l’autre des villes proposées comme PRI. Je conclus que la thèse des demandeurs selon laquelle la SAR voulait qu’ils [traduction] « mettent à l’épreuve » la PRI proposée est sans fondement. Il est tout à fait raisonnable de conclure qu’une allégation de faits précis démontrant un risque à Benin City ne peut pas présager des faits à Abuja ou à Port Harcourt sans la présentation d’autres éléments de preuve à l’appui de cette affirmation. Rien de tel n’a été présenté à la SAR.

[42] Compte tenu de ce qui précède, il était raisonnable pour la SAR de conclure que les incohérences dans les documents fournis, y compris la lettre du pasteur, signifiaient que le rapport de police et les photographies n’appuyaient pas les affirmations contenues dans cette lettre.

[43] La SAR a finalement conclu que la lettre du pasteur, le rapport de police et les photographies n’étaient pas crédibles et ne portaient pas sur les villes proposées comme PRI. Par conséquent, ces éléments de preuve n’étaient pas admissibles.

VII. La décision de ne pas admettre l’affidavit d’Erewari Jack était raisonnable

[44] La SAR a conclu que cet affidavit constituait un nouvel élément de preuve présenté au titre du paragraphe 110(4) de la LIPR, car il portait sur un incident qui s’était produit après que l’appel des demandeurs eut été mis en état. La SAR a ensuite recherché si l’élément de preuve était également crédible et pertinent.

[45] La déposante affirme que l’agent de persécution s’était présenté à sa résidence à Port Harcourt pour lui demander où se trouvaient les demandeurs, l’avait agressée et l’avait menacée en disant qu’elle serait punie si elle ne divulguait pas l’endroit où se trouvaient les demandeurs.

[46] La SAR a conclu que l’essentiel de l’affidavit portait sur le fait que la déposante, une cousine de la codemanderessse devant la SAR, avait été menacée. L’affidavit faisait référence à [traduction] « des gens » qui l’avaient menacée et mentionnait que le principal agent de persécution s’était identifié par son nom et par son lien avec le demandeur. La SAR a fait remarquer que l’affidavit ne donnait aucune information concernant la nature de la menace, la personne qui l’avait prononcée ou ce qui avait été dit exactement. Il y est simplement déclaré : [traduction] « Ils m’ont menacée. »

[47] En ce qui concerne l’allégation selon laquelle la déposante avait été agressée, la SAR a noté qu’elle affirmait elle-même avoir été agressée physiquement, sans, toutefois, préciser qui l’avait agressée. La déposante n’avait pas non plus dit si elle avait été blessée par l’agression ou si elle avait eu besoin de soins médicaux.

[48] La SAR a conclu que l’affidavit « ne comprend pour ainsi dire aucun détail sur la nature des menaces, sur le ou les responsables et sur la façon dont la déposante a été agressée et blessée, si cela est bien arrivé. La déposante rapporte elle-même l’incident qu’elle a vécu, mais ne mentionne pas si l’incident a été signalé à la police. »

[49] La crédibilité est une combinaison de plusieurs facteurs, dont l’aptitude à décrire avec précision ce qui a été vu et entendu : Hassan c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 1136 au para 12, citant Faryna v Chorny, [1951] BCJ no 152 au para 10.

[50] L’on ne peut dire que le décisionnaire applique une logique occidentale ou se livre à une analyse à la loupe lorsqu’il cherche simplement à recueillir des précisions élémentaires concernant les individus qui avaient proféré des menaces contre la déposante, la nature des menaces, les individus qui avaient commis l’agression, ainsi que les questions de savoir si la déposante avait été blessée par suite de l’agression et si l’affaire avait été signalée à la police. Bien que tous ces détails ne soient pas nécessaires pour que l’affidavit soit considéré comme crédible, le manque de détails remet raisonnablement en question sa crédibilité.

[51] La SAR a ensuite examiné physiquement l’affidavit à l’aide des éléments de preuve documentaire objectifs sur les exigences et les procédures relatives à la délivrance d’un affidavit.

[52] Pendant l’examen physique, la SAR a noté que le « timbre à l’encre », qui est apposé au moment où l’affidavit est signé par un commissaire à l’assermentation, avait clairement été appliqué avant que le document n’ait été daté et signé. Cette conclusion était motivée par le fait que la SAR a observé que la date et la signature du commissaire avaient été apposées à l’encre par-dessus le timbre. La SAR a donc eu des préoccupations quant à la crédibilité de l’affidavit, car cela minait l’intégrité du sceau. Après avoir souligné une obsversation dans le cartable national de documentation (le CND) selon laquelle « les affidavits frauduleux [étaient] [traduction] “faciles à obtenir” » au Nigéria, la SAR a conclu que l’affidavit n’était pas crédible.

[53] Les demandeurs soutiennent que la SAR a une fois de plus appliqué une [traduction] « logique canadienne » et a examiné la preuve à la loupe lorsqu’elle a rejeté l’affidavit. Ils disent que l’affidavit comportait les éléments de sécurité qui étaient conformes aux exigences du CND. Ils soutiennent qu’un motif est nécessaire pour remettre en question l’absence d’éléments de sécurité et réfuter la présomption selon laquelle les documents délivrés par l’état sont valides.

[54] Les demandeurs affirment qu’il n’existe pas de moyen unique d’assermenter un affidavit et que la conclusion de la SAR était troublante, puisqu’elle accusait les demandeurs de se livrer à des activités frauduleuses. À l’appui de leur argument selon lequel la SAR a commis une erreur en concluant que l’affidavit n’était pas crédible, les demandeurs citent le paragraphe 7 de la décision Cheema c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 224 (Cheema), qui a conclu que la preuve d’une pratique répandue de fabrication de faux documents n’est pas en soi suffisante pour justifier le rejet d’un document au motif qu’il s’agit d’un faux.

[55] La SAR n’a pas conclu que l’affidavit était frauduleux. En notant la preuve d’une pratique répandue de fabrication de faux documents, la décision a simplement démontré que des faux documents auraient pu être accessible aux demandeurs, tel qu’il a été mentionné dans la décision Cheema.

[56] Contrairement aux observations des demandeurs, la SAR ne s’est pas uniquement fondée sur la preuve d’une pratique répandue de fabrication de faux documents au Nigéria pour mettre en doute l’authenticité du document. La SAR a adéquatement consulté le CND et apprécié les éléments de sécurité du document en question pour noter le fait que le sceau à l’encre semblait avoir été appliqué avant la signature du document. Je conclus qu’il était raisonnable, et qu’il appartenait aux issues possibles acceptables, pour la SAR de conclure qu’un sceau à l’encre apposé en dessous de l’inscription de la date et de la signature plutôt que par-dessus signifiait que l’affidavit n’était pas crédible.

[57] La SAR n’a pas commis d’erreur en concluant qu’il existait une PRI viable à Abuja et à Port Harcourt

A. Les principes applicables en matière de PRI

[58] Lorsqu’elle a examiné la viabilité d’une PRI à Abuja ou à Port Harcourt, la SAR a défini et appliqué le critère à deux volets énoncé dans l’arrêt Rasaratnam c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] 1 CF 706 (CAF).

[59] Le premier volet exige que les demandeurs prouvent qu’ils risquent sérieusement d’être persécutés dans la ville proposée comme PRI. Autrement dit, il incombe aux demandeurs de démontrer qu’ils seront persécutés; il n’appartient pas au défendeur d’établir qu’ils ne le seront pas.

[60] Le deuxième volet exige que les demandeurs démontrent qu’ils ne pourraient pas raisonnablement chercher refuge dans l’endroit désigné comme PRI si l’on tient compte de l’ensemble des circonstances, y compris de leur propre situation.

[61] Pour établir qu’une PRI envisagée n’est pas viable, le demandeur doit convaincre le décideur, la SAR en l’espèce, qu’au moins un des deux volets du critère n’est pas rempli : Aigbe c Canada, 2020 CF 895 au para 9.

[62] Le demandeur doit satisfaire à un seuil très élevé afin de prouver le caractère déraisonnable d’une PRI. Il faut donc une preuve réelle et concrète de l’existence de conditions qui mettraient en péril la vie et la sécurité du demandeur tentant de se relocaliser temporairement en lieu sûr : Ranganathan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2001] 2 CF 164 (CAF) au para 15 (Ranganathan).

[63] La SAR a fait état du droit applicable et a adéquatement défini le fardeau de la preuve imposé aux demandeurs pour montrer qu’ils craindraient avec raison d’être persécutés dans une ville proposée comme PRI, ou qu’ils ne pourraient pas raisonnablement y trouver refuge.

[64] Dans leur appel devant la SAR, les demandeurs ont fait valoir que la SPR avait appliqué injustement et déraisonnablement les lignes directrices du guide jurisprudentiel sur le Nigéria (GJ nigérian).

B. Le premier volet du critère relatif à la PRI : arguments et analyse

[65] Les demandeurs soutiennent que la SAR et la SPR ont commis une erreur de droit et de fait lorsqu’elles se sont fondées sur des éléments de preuve non concluants du CND pour conclure que les demandeurs n’étaient pas crédibles et que les faits allégués n’avaient pas eu lieu. Ils disent que le critère ne consiste pas à savoir si le fait allégué a eu lieu, mais bien à savoir s’ils seraient exposés à de la persécution grave dans les villes proposées comme PRI.

[66] L’élément de preuve non concluant serait un commentaire fait dans le CND par quatre universitaires qui avaient étudié la question du refus des gens d’assumer le rôle de grand prêtre d’un village. Trois de ces universitaires ont déclaré n’avoir jamais entendu dire que la prêtrise avait été imposée à quiconque au Nigéria.

[67] Les demandeurs répondent que cela ne signifie pas que cela ne se produit pas.

[68] La SAR a pris acte de ce que l’un des universitaires avait indiqué que le refus du rôle héréditaire serait un grave problème qui attirerait la « colère divine ».

[69] Les demandeurs soutiennent qu’il était déraisonnable pour la SAR de rejeter l’opinion du quatrième universitaire, au motif qu’ils n’avaient présenté aucun élément de preuve. Les demandeurs ont également fait valoir que l’information dans le CND était désuète.

[70] La SAR a conclu qu’elle devait peser les éléments de preuve objectifs sur le pays. Ce faisant, la SAR a conclu que, dans l’ensemble, lorsque les éléments de preuve objectifs contredisaient les allégations des demandeurs, les éléments de preuve objectifs voulant qu’une personne puisse refuser le rôle de grand prêtre sans crainte de sanction ou de persécution étaient privilégiés.

[71] Je ne suis pas convaincue qu’une telle conclusion de la part de la SAR était déraisonnable.

[72] Même s’il est reconnu que le refus du rôle de grand prêtre peut donner lieu à une crainte de persécution, aucun élément de preuve crédible n’a été présenté portant que les agents de la persécution avaient les moyens de poursuivre les demandeurs dans les villes proposées comme PRI ou seraient enclins à le faire. Cela n’équivaut pas à exiger la mise à l’épreuve d’une PRI — les demandeurs ont le fardeau de démontrer qu’une PRI n’est pas viable dû au fait qu’ils seraient exposés à une possibilité sérieuse de préjudice, même après leur réinstallation.

[73] L’invraisemblance du récit des demandeurs concernant la mort alléguée d’un pasteur qui leur avait offert un refuge lorsqu’ils avaient quitté Benin City pour la première fois a raisonnablement nui à la crédibilité du DP et de l’ensemble de la demande d’asile.

[74] Contrairement à ce qu’allèguent les demandeurs, lorsque trois universitaires sur quatre sont d’accord sur un point, celui-ci n’est pas considéré comme non concluant simplement parce qu’un quatrième universitaire s’y oppose. La mission de la SAR comprend la prise de connaissance des documents relatifs aux conditions dans le pays. La SAR est chargée de tirer des conclusions de fait qui, comme je l’ai indiqué au début des présents motifs, sont reconnues comme n’étant pas modifiées à la légère par une cour de contrôle : Vavilov, au para 125.

[75] À ce stade-ci, les demandeurs reviennent également sur la question de l’interprétation lors de l’audience devant la SPR. Ils disent qu’ils parlent seulement l’edo et qu’ils ne parlent pas l’anglais ou le pidgin anglais. Il leur serait donc difficile de vivre dans l’une ou l’autre des deux villes proposées comme PRI. Puisque cette question a déjà été tranchée à la lumière des commentaires formulés pendant l’audience devant la SPR et de l’examen de la transcription de celle-ci montrant que les demandeurs avaient pu suivre les questions en anglais et y répondre, il n’est pas nécessaire de l’examiner de nouveau en ce concerne la PRI.

[76] Les demandeurs avaient d’abord déménagé de Benin City à Warri. La SAR a relevé des contradictions dans leur témoignage selon lequel les persécuteurs prétendus les avaient suivis à Warri et avaient tué un pasteur qui avait offert aux demandeurs un refuge là-bas.

[77] La chronologie des faits du demandeur concernant le décès allégué du pasteur est incompatible avec les détails présentés dans le rapport de police. La divergence résulte de ce que, selon les déclarations des demandeurs, le rapport de police semble avoir été rédigé avant l’agression du pasteur. Bien que les demandeurs aient présenté divers arguments quant à la raison pour laquelle il s’agissait d’une conclusion déraisonnable — comme le fait que la distance n’était pas connue, que le type de voiture et la question de savoir si une voiture avait été conduite ne pouvaient faire l’objet que de conjectures, et que personne ne savait la limite de vitesse — rien de tout cela n’est pertinent quant au fait que la chronologie des faits des demandeurs ne correspond pas aux heures indiquées dans le rapport de police.

[78] Je souscris à la conclusion de la SAR voulant que le récit des demandeurs sur ce point n’ait pas été pas crédible et que ceux-ci n’aient pas réussi à établir qu’il y avait un risque sérieux de préjudice dans les deux villes proposées comme PRI.

C. La révocation du guide jurisprudentiel sur le Nigéria

[79] L’autre question principale soulevée par les demandeurs dans le cadre du premier volet du critère relatif à la PRI est le fait que la SAR s’est appuyée sur le guide jurisprudentiel (GJ nigérian) sur le Nigéria révoqué. Les demandeurs font valoir que, comme ce guide avait été révoqué, cela doit jouer en leur faveur, ce qui n’a pas été le cas, parce que la décision a confirmé le guide jurisprudentiel sur le Nigéria.

[80] Le guide jurisprudentiel sur le Nigéria a été révoqué le 6 avril 2020. La raison déclarée était que des faits nouveaux sur le Nigéria, y compris ceux ayant trait à la capacité des femmes célibataires à déménager dans les diverses villes proposées comme PRI dans le guide jurisprudentiel sur le Nigéria, avaient amoindri la valeur de la décision à titre de guide jurisprudentiel.

[81] L’avis de révocation précisait que le cadre d’analyse du guide révoqué serait désormais désigné comme des motifs d’intérêts de la SAR. Cet avis a également mentionné que les commissaires de la SAR pouvaient utiliser ce cadre d’analyse pour apprécier les faits de chaque affaire et les renseignements les plus récents sur le pays d’origine. Le cadre d’analyse comprend le critère juridique pour établir une PRI viable ainsi que sept facteurs qui doivent être pris en considération.

[82] La SAR a fait les observations suivantes sur la question du guide jurisprudentiel sur le Nigéria aux paragraphes 35 et 36 de la décision :

[35] […] Même s’il est vrai que l’affaire dont traite le guide jurisprudentiel était celle d’une femme célibataire et que l’affaire en l’espèce concerne une unité familiale, la SAR est d’avis que le Guide jurisprudentiel sur le Nigéria a été correctement appliqué à l’examen des villes proposées comme PRI dans le sud et le centre du Nigéria (y compris les villes de Port Harcourt et d’Abuja), où les demandeurs d’asile craignent des agents de persécution ne relevant pas de l’État. Bien sûr, cette conclusion doit respecter les conditions énoncées dans le Guide jurisprudentiel sur le Nigéria ainsi que dans la jurisprudence, c’est-à-dire que les principes généraux énoncés dans le Guide jurisprudentiel sur le Nigéria doivent être appliqués aux faits et aux circonstances propres aux demandeurs d’asile en l’espèce. La SAR constate également que la commissaire de la SPR a clairement mentionné qu’elle était [traduction] « guidée » par le Guide jurisprudentiel sur le Nigéria. Pour les motifs exposés ci-après, la SAR conclut que le tribunal de la SPR n’a pas commis d’erreur en appliquant le Guide jurisprudentiel sur le Nigéria, et que celui-ci n’a pas été appliqué injustement ni déraisonnablement.

[36] Comme il est mentionné plus haut, le Guide jurisprudentiel sur le Nigéria est un « cadre général d’interprétation » pour l’évaluation des PRI dans les grandes villes du sud et du centre du Nigéria proposées aux demandeurs d’asile qui fuient des agents de persécution ne relevant pas de l’État. Les tribunaux ont examiné l’utilisation des guides jurisprudentiels afin de trancher la question de savoir si ces guides restreignent illégalement le pouvoir décisionnel des commissaires de la CISR. Dans la décision Association canadienne des avocats et avocates en droit des réfugiés c. Canada, la Cour fédérale a eu l’occasion de formuler des commentaires sur l’existence et l’application des guides jurisprudentiels. Dans cet arrêt, la Cour d’appel fédérale a déclaré ce qui suit :

Il ne semble pas exister de désaccord entre les parties sur le point de savoir si le président peut publier des guides jurisprudentiels sur des questions de droit et des questions mixtes de fait et de droit, puis imposer une attente selon laquelle les conclusions sur ces questions seront appliquées aux cas comportant des faits semblables, à moins de justifier la décision de s’en écarter.

[Renvois omis.]

[83] Puis, la SAR a constaté qu’il existait des différences factuelles entre le guide jurisprudentiel sur le Nigéria et la situation des demandeurs. La SAR a relevé, comme exemples de ces différences, le statut familial, le travail et les agents de persécution différents.

[84] La SAR a clairement démontré qu’elle était consciente des limites du guide jurisprudentiel sur le Nigéria et de la bonne façon de l’utiliser dans les affaires impliquant le Nigéria et ses PRI.

[85] Les demandeurs font remarquer que la SPR et la SAR ont chacune fait référence au guide jurisprudentiel sur le Nigéria. Ils disent que le guide a été [traduction] « appliqué sur toute la ligne » en l’espèce et que, s’il n’avait pas été disponible, la décision aurait été différente. Il a été révoqué parce que les conditions dans le pays avaient changé, et les demandeurs affirment que cela doit jouer en leur faveur. Ils ajoutent que, vu que la SAR disposait du guide jurisprudentiel sur le Nigéria, elle s’est largement appuyée sur les conclusions de fait qui avaient servi de fondement à sa révocation et qui l’ont influencée.

[86] Les demandeurs ajoutent que, puisqu’il a été révoqué, le guide jurisprudentiel sur le Nigéria n’est plus pertinent ni crédible. Comme la SAR a suivi le raisonnement dans le guide pour conclure que les demandeurs disposaient de PRI à Port Harcourt et à Abuja, son analyse ne saurait être avalisée, et la décision est déraisonnable.

[87] Bien que la décision ait été rédigée avant la révocation du guide jurisprudentiel sur le Nigéria le 6 avril 2020, la Cour a compétence pour rechercher examiner si les demandeurs ont démontré que la SAR avait été indûment influencée par ce guide et n’avait pas tiré ses propres conclusions indépendantes : Liu c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 576 au para 58.

[88] La SAR s’est penchée sur les arguments des demandeurs selon lesquels la SPR avait commis une erreur en appliquant de manière inéquitable et déraisonnable le guide jurisprudentiel sur le Nigéria. La SAR a reconnu que les faits et la situation propres au demandeur d’asile doivent être appliqués aux principes plus larges du guide, qui servent de cadre général.

[89] Comme je l’ai note plus haut, la SAR a ensuite pris acte des différences factuelles entre le guide jurisprudentiel sur le Nigéria et la présente affaire avant d’appliquer le critère relatif à la PRI. Les demandeurs n’ont pas démontré que le guide avait indûment inspiré la SAR — le cadre du critère relatif à la PRI a correctement été appliqué dans l’analyse de la décision selon la situation particulière des demandeurs, et non selon la situation des demandeurs dans le guide jurisprudentiel sur le Nigéria.

D. Le deuxième volet du critère relatif à la PRI : arguments et analyse

[90] Je note encore une fois que le seuil à atteindre pour ce volet du critère relatif à la PRI est très élevé. Il ne faut rien de moins que l’existence de conditions qui mettraient en péril la vie et la sécurité d’un demandeur d’asile tentant de se relocaliser temporairement en lieu sûr. De plus, il faut une preuve réelle et concrète de l’existence de telles conditions : Ranganathan, au para 15.

[91] Lorsqu’elle a recherché s’il serait déraisonnable pour les demandeurs de résider à Port Harcourt ou à Abuja, la SAR a pleinement tenu compte des profils des demandeurs, y compris des éléments suivants : a) ils parlaient le pidgin anglais; b) le père avait un niveau de scolarité supérieur à la moyenne; c) les chrétiens formaient 50 p. 100 de la population du Nigéria; d) l’identité autochtone n’était pas considérée comme un obstacle important à la réinstallation dans les grands centres urbains, selon le CND.

[92] Peu importe si les demandeurs parlaient l’anglais ou le pidgin anglais, le dossier appuie la conclusion selon laquelle ils parlaient une certaine forme d’anglais, ce qui avait été suffisant pour comprendre la SPR et participer à l’audience sans, nécessairement, attendre la traduction. En fait, ils avaient dû être avertis par la SPR de l’attendre. Étant donné que la SAR a conclu que les demandeurs parlaient le pidgin anglais, je m’en remets à cette conclusion, car il n’y a aucune raison de ne pas y souscrire.

[93] Les demandeurs font valoir que le niveau de scolarité du DP, c’est-à-dire les études secondaires, n’était pas la moyenne au moment de la décision de la SAR et qu’il ne l’aiderait pas à trouver un emploi dans les villes proposées comme PRI. Ils soulèvent également le fait que la SAR s’est appuyée sur le guide jurisprudentiel sur le Nigéria et que celui-ci indiquait que le niveau de scolarité moyen au Nigéria était les études secondaires.

[94] La déclaration de la SAR selon laquelle le DP avait un niveau de scolarité supérieur à la moyenne était fondée sur le CND, l’expérience du DP à Benin City et sa situation propre. Les demandeurs critiquent maintenant l’appréciation de la SAR en affirmant que celle-ci n’a produit aucun élément de preuve quant à la façon dont des études secondaires permettraient au DP d’obtenir un emploi bien rémunéré. Je conclus qu’il s’agit d’une tentative d’inverser le fardeau de la preuve et de le faire passer à la SAR, plutôt que de produire leurs propres éléments de preuve pour s’acquitter de ce fardeau.

[95] En ce qui concerne l’identité autochtone, les demandeurs affirment qu’ils craignent la discrimination dans les deux villes proposées comme PRI, parce qu’ils ne sont pas originaires de l’une ou l’autre de ces villes. Ils notent que le CND indique qu’il peut être difficile pour les allochtones de déménager ailleurs dans le pays en raison des différences linguistiques, religieuses et culturelles. La plupart des allochtones qui prospèrent sont soit des travailleurs de l’industrie pétrolière, soit des personnes liées aux sociétés pétrolières.

[96] Bien que les demandeurs allèguent qu’il est nécessaire d’avoir des liens avec les politiciens ou les élites pour obtenir un emploi, le point du CND qu’ils citent indique que les études jouent un rôle important dans l’accès à l’emploi dans les grandes villes, mais que des liens sociaux ou politiques [traduction] « peuvent également aider ».

[97] L’appréciation de la viabilité des PRI par la SAR est appuyée par la taille géographique et la population des villes, le niveau de scolarité du DP qui est au-dessus de la moyenne par rapport à la population masculine nigériane, comme l’indique le CND, les éléments de preuve du CND selon lesquelles le fait d’être allochtone n’est pas un obstacle important dans les grands centres urbains, comme les villes proposées comme PRI, en ce qui concerne la recherche d’emploi ou la possession de terres, et le fait qu’environ la moitié de la population du Nigéria est chrétienne. L’affirmation des demandeurs selon laquelle les chrétiens sont souvent ciblés à Abuja n’est pas étayée par le CND, qui fait simplement état d’une menace élevée pour les chrétiens à Abuja par rapport à Lagos. Le CND est muet sur d’autres villes et sur le degré général de risque auxquels les chrétiens peuvent être exposés au Nigéria.

[98] Compte tenu de ce qui précède, je conclus que la SAR a raisonnablement conclu que la situation des demandeurs n’avait pas atteint le seuil pour démontrer le caractère déraisonnable objectif dans le cadre du second volet du critère relatif à la PRI.

VIII. Conclusion

[99] Je conclus que la SAR a raisonnablement tenu compte de la preuve dont elle disposait et a attentivement examiné la preuve ainsi que le droit. La SAR a apprécié la viabilité des PRI en prenant en considération des facteurs comme le transport, la langue, les études, l’identité autochtone et la religion.

[100] J’ai examiné le fil du raisonnement de la SAR et les résultats en découlant. Je conclus que la SAR a raisonnablement jugé que les demandeurs ne s’étaient pas acquittés de leur fardeau de démontrer qu’il était déraisonnable pour eux de déménager dans l’une ou l’autre des villes proposées comme PRI.

[101] En appliquant les principes et paramètres établis dans l’arrêt Vavilov, je conclus que la décision dans son ensemble et le processus suivi par la SAR en ce qui concerne l’existence des deux villes proposées comme PRI étaient raisonnables.

[102] La présente demande sera rejetée et il n’y a aucune question grave à certifier.

 


JUGEMENT dans le dossier IMM-1482-20

LA COUR DÉCIDE :

  1. La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Il n’y a aucune question à certifier.

« E. Susan Elliott »

Juge

Traduction certifiée conforme

François Brunet, réviseur


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-1482-20

 

INTITULÉ :

SCOTT EGHOSA AGHIMIEN, OGHOGHO AGHIMIEN, LESLIE AIMUAMWOSA AGHIMIEN, KENDRA OGHOSA AGHIMIEN et GERALD OSARUONAME AGHIMIEN c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 23 mars 2021

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE ELLIOTT

 

DATE DU JUGEMENT

ET DES MOTIFS :

Le 15 septembre 2021

 

COMPARUTIONS :

Ugochukwu Ojukwu

 

Pour les demandeurs

 

Samina Essajee

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Law Office of Ugo Ojukwo

Avocat

Toronto (Ontario)

 

Pour les demandeurs

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

 

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