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     Date : 19991129

     Dossier: T-460-99

OTTAWA (ONTARIO), LE LUNDI 29 NOVEMBRE 1999

DEVANT : MONSIEUR LE JUGE LEMIEUX


Affaire intéressant la Loi de l'impôt sur le revenu

     et

une cotisation ou des cotisations délivrées par le ministre du Revenu national conformément aux dispositions de l'une ou l'autre des lois suivantes : la Loi de l'impôt sur le revenu, le Régime de pensions du Canada et la Loi sur l'assurance-emploi.

ET :

     SERVICES M.L. MARENGÈRE INC.

     débitrice-requérante

     ORDONNANCE


     Pour les motifs ci-après énoncés, cette demande de contrôle est rejetée avec dépens et l'ordonnance de recouvrement de protection du 15 mars 1999 est confirmée.


     " François Lemieux "

     JUGE

Traduction certifiée conforme


L. Parenteau, LL.L.

    



     Date: 19991129

     Dossier: T-460-99

Affaire intéressant la Loi de l'impôt sur le revenu

     et

une cotisation ou des cotisations délivrées par le ministre du Revenu national conformément aux dispositions de l'une ou l'autre des lois suivantes : la Loi de l'impôt sur le revenu, le Régime de pensions du Canada et la Loi sur l'assurance-emploi.

ET :

     SERVICES M.L. MARENGÈRE INC.

     débitrice-requérante

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE LEMIEUX :

INTRODUCTION

[1]      L'instance dont la Cour est ici saisie a été engagée par Services M.L. Marengère Inc. (Services MLM) conformément au paragraphe 225.2(8) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la Loi); elle vise à la révision de l'autorisation que j'ai accordée à Montréal le 15 mars 1999, conformément au paragraphe 225.2(2) de cette loi, sur requête ex parte du défendeur; l'autorisation en question permet à Revenu Canada d'engager immédiatement des procédures d'exécution en vue du recouvrement de l'impôt sur le revenu établi, conformément à une cotisation ou à une nouvelle cotisation, le 5 mars 1999.

[2]      En l'espèce, Services MLM invoque les motifs suivants :

[TRADUCTION]
[...] il n'existe pas de motifs raisonnables de croire que l'octroi d'un délai pour payer le montant de la cotisation compromettrait le recouvrement de ce montant. De plus, les documents déposés à l'appui de la requête, en vertu du paragraphe 225.2(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu, renferment des inexactitudes importantes qui ont eu pour effet d'induire la Cour en erreur.

LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES APPLICABLES

[3]      Comme il en a été fait mention, la disposition législative en vertu de laquelle l'autorisation du 15 mars 1999 a été accordée est le paragraphe 225.2(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu, qui se lit comme suit :

225.2 (2) Recouvrement compromis Malgré l'article 225.1, sur requête ex parte du ministre, le juge saisi autorise le ministre à prendre immédiatement des mesures visées aux alinéas 225.1(1)a) à g) à l'égard du montant d'une cotisation établie relativement à un contribuable, aux conditions qu'il estime raisonnables dans les circonstances, s'il est convaincu qu'il existe des motifs raisonnables de croire que l'octroi à ce contribuable d'un délai pour payer le montant compromettrait le recouvrement de tout ou partie de ce montant.
     [Je souligne.]

[4]      L'article 225 de la Loi est intitulé " Saisie de biens meubles ". Le paragraphe 225(1) prévoit que lorsqu'une personne n'a pas payé un montant exigible en vertu de la Loi, le ministre peut lui donner un avis au moins de 30 jours avant qu'il procède de son intention d'ordonner la saisie et la vente des biens meubles de cette personne. Si au terme des 30 jours, la personne est encore en défaut de paiement, le ministre peut délivrer un certificat de défaut et ordonner la saisie des biens meubles de cette personne.

[5]      Toutefois, la Loi impose des restrictions au ministre à l'égard du recouvrement. Le ministre ne peut pas prendre certaines mesures de recouvrement dans les 90 jours suivant la date de mise à la poste de l'avis de cotisation (paragraphe 225.1(1)). Les restrictions en question sont ci-après énoncées :

a) entamer une poursuite devant un tribunal;
b) attester le montant, conformément à l'article 223;
c) obliger une personne à faire un paiement, conformément au paragraphe 224(1);
d) obliger une institution ou une personne visée au paragraphe 224(1.1) à faire un paiement, conformément à ce paragraphe;
e) exiger la retenue du montant par déduction ou compensation, conformément à l'article 224.1;
f) obliger une personne à remettre des fonds, conformément au paragraphe 224.3(1);
g) donner un avis, délivrer un certificat ou donner un ordre, conformément au paragraphe 225(1).

[6]      En outre, dans les cas où un contribuable en appelle d'une cotisation pour un montant payable en vertu de la Loi auprès de la Cour canadienne de l'impôt, le ministre ne peut prendre aucune des mesures visées aux alinéas a) à g) avant la date de mise à la poste au contribuable d'une copie de la décision de la Cour ou la date où le contribuable se désiste de l'appel, si celle-ci est antérieure.

[7]      Les restrictions législatives qui sont imposées au ministre à l'égard du recouvrement peuvent être levées sur ordonnance de cette cour si le juge est convaincu qu'il existe des motifs raisonnables de croire que l'octroi d'un délai compromettrait le recouvrement de tout ou partie du montant de la cotisation. Tel est le but du paragraphe 225.2(2) précité de la Loi. En l'espèce, l'autorisation qui a été accordée le 15 mars 1999 visait à lever toutes les restrictions établies aux alinéas a) à g).

[8]      Le paragraphe 225.2(8), en vertu duquel cette poursuite a été entamée, vise à permettre à un juge de cette cour de réviser l'autorisation ex parte qui a été accordée. La portée de cette révision, qui est sans appel, est énoncée au paragraphe 225.2(11) de la Loi, qui se lit comme suit :

225.2 (11) Dans le cas d'une requête visée au paragraphe (8), le juge statue sur la question de façon sommaire et peut confirmer, annuler ou modifier l'autorisation et rendre toute autre ordonnance qu'il juge indiquée.

[9]      J'ai entendu l'affaire sur consentement après avoir demandé aux parties, par l'entremise du greffe, si le fait que j'étais celui qui avait accordé l'autorisation, le 15 mars 1999, les préoccupait. Les parties ne s'opposaient pas à ce que j'effectue l'examen. Elles n'ont pas demandé qu'une audience confidentielle soit tenue ou que les documents qui avaient été déposés soient scellés.

LES FAITS

[10]      Trois personnes morales sont ici en cause : Services M.L. Marengère Inc., qui est une société contrôlée par M. Marengère; Wellgate International Inc., une société des îles Vierges britanniques ayant son siège social à cet endroit, le président de son conseil d'administration étant M. Marengère (Wellgate), et le Dominion Bridge Group of Companies (le groupe Dominion Bridge), autrefois le groupe Cedar, qui est composé de plusieurs éléments, dont la société mère Dominion Bridge Corporation (DBC), qui est une société de portefeuille du Delaware; Cedar Group Canada Inc. (Cedar Canada), une filiale possédée en propriété exclusive de DBC, qui est elle aussi une société de portefeuille ayant des parts dans quatre unités distinctes : (1) Cedar Group Australia Pty Limited, qui possédait une participation de 63,8 p. 100 dans une firme d'ingénieurs exploitée activement connue sous le nom de McConnell Dowell (McConnell), (2) Dominion Bridge Inc., une société canadienne exploitée activement (DBI); (3) Steen Contractors Ltd. (Steen), qui est une société canadienne comptant deux filiales, soit Becker Contractors Ltd. et Les Entreprises Becker Inc.; (4) Davie Industries Inc., un exploitant de chantier maritime à Québec (Davie), une filiale possédée en propriété exclusive de M.I.L. Intermodal Inc. Les faits de l'affaire mettent aussi en cause une entente de règlement et de libération signée au mois d'avril 1998, lorsqu'il a été mis fin aux relations qui existaient entre M. Marengère et des sociétés que celui-ci contrôlait d'une part et le groupe Dominion Bridge d'autre part.

LES DOCUMENTS QUI ONT ÉTÉ PRODUITS DANS LE CADRE DE LA DEMANDE EX PARTE

[11]      Les documents que le défendeur a fournis lors de la demande ex parte du 15 mars 1999 étaient composés de deux recueils de documents ainsi que des affidavits de Danielle Dazé, agente de recouvrement à Revenu Canada, et de Réjean Roberge, vérificateur à Revenu Canada.

     (1)      L'entente de 1995 concernant la prestation de services

[12]      M. Marengère s'est associé au groupe Dominion Bridge au début des années 1990; les relations se sont poursuivies jusqu'au 1er février 1995, lorsqu'une entente concernant la prestation de services a été conclue entre Cedar Group Inc. (maintenant DBC) et [TRADUCTION] " Michel L. Marengère, un particulier résidant au Québec, ou des sociétés contrôlées par celui-ci " (l'entente concernant les services). M. Marengère devait fondamentalement agir comme président-directeur général de DBC, avec toutes les responsabilités y afférentes, pour le groupe Dominion Bridge dans son ensemble. Il devait fournir ces services principalement à Montréal. L'entente devait durer trois ans, mais elle renfermait une clause prévoyant qu'elle pouvait être renouvelée pour une période additionnelle de trois ans, et c'est ce qui s'est produit.

[13]      Sur le plan de la rémunération, la clause 3 de l'entente de 1995 concernant les services prévoyait ce qui suit :

[TRADUCTION]
     a) Rémunération de base. Pendant la première année d'application de l'entente, la société versera au cadre une rémunération de base globale de 360 000 $ US, payable en versements mensuels égaux de 30 000 $ US, y compris la taxe sur les produits et services (la TPS). Pour chaque période annuelle suivant la première année de la date de la présente entente, le comité du conseil chargé de la rémunération rajustera le montant de la rémunération de base selon ce que la société et le cadre auront convenu.
     b) Gratifications. Pendant la durée initiale de l'entente, le cadre pourra toucher une gratification en espèces (la gratification), conformément au programme des primes applicables aux cadres de l'entreprise (le programme); il en sera ainsi pour chaque période (l'année de paiement). Le paiement de la gratification pour chaque année de paiement, au cours de la durée initiale de l'entente, ne sera effectué que si la société satisfait aux critères applicables aux résultats financiers ou les excède (les objectifs), tels qu'ils seront déterminés par le conseil ou par le comité chargé de la rémunération pour ses cadres supérieurs.
     c) Options d'achat d'actions. Sur signature de la présente entente par la société et par le cadre et sur remise de ladite entente, le cadre aura une option à l'égard de l'achat de 500 000 actions ordinaires de la société. Le prix d'achat des actions ordinaires faisant l'objet de cette option sera de 4,125 $ US l'action, ou tout autre prix sur lequel la société et le cadre se seront entendus par écrit. Les options accordées au cadre pourront être transférées à une fiducie familiale et pourront être levées en tout temps au cours de la durée de l'entente.
     d) Par suite d'une entente conclue entre la société et le cadre au mois d'octobre 1993 et compte tenu du fait que le cadre accepte de ne pas toucher de rémunération au cours de l'exercice prenant fin le 30 septembre 1994, la société s'engage à ce que, sur signature de la présente entente par la société et par le cadre et sur remise de ladite entente, le cadre reçoive, à titre de gratification, 75 000 actions ordinaires dûment immatriculées à son nom ou conformément à ses instructions, au prix réputé de 2,25 $ CAN.
     e) En tout temps au cours des douze mois qui suivront la date de la présente entente, le cadre pourra acquérir jusqu'à 75 000 actions ordinaires additionnelles au prix de 3,25 $ US l'action, ainsi que des bons de souscription d'actions l'autorisant à acheter jusqu'à 75 000 actions ordinaires additionnelles, au prix de 3,75 $ US jusqu'au 31 mars 1995 et de 4 $ US après le 31 mars 1995, et ce, jusqu'au 30 septembre 1996.

     (2)      Les accords de crédit

[14]      Le dossier montre qu'un certain nombre d'événements cruciaux se rapportant au refinancement du groupe Dominion Bridge se sont produits. Deux de ces documents ont été inclus dans le recueil de documents du défendeur. Il s'agit des documents suivants :

     (1)      Un accord de crédit daté du 26 septembre 1997 conclu entre BNY Financial Canada, en sa qualité de principal prêteur, et d'autres personnes et Cedar Canada, en sa qualité d'emprunteur, dont les quatre unités fonctionnelles se portaient garantes. Le crédit accordé à Cedar Canada était une ligne de crédit renouvelable pouvant atteindre 40 millions de dollars, dont le produit servirait à rembourser certaines dettes que Cedar Canada avait contractées envers BT Commercial Corporation, en vue de financer les besoins relatifs au fonds de roulement de l'entreprise, et de DBI, Steen et Davie, dans le cours normal des activités, ainsi qu'en vue de payer les honoraires et frais liés à l'opération.
     (2)      Un accord de crédit daté du 6 avril 1998 entre Lamar Investments, Inc., et Wellgate International Ltd., en leur qualité de prêteurs, et Cedar Group, en sa qualité d'emprunteur, et ses quatre unités fonctionnelles, en leur qualité de garants. Le premier attendu de cet accord se lit comme suit :
[TRADUCTION]
     A.      L'emprunteur a demandé que les prêteurs mettent à sa disposition des facilités de crédit dont le montant total en principal impayé n'excédera jamais 14 800 000 $, le produit y afférent devant servir au financement des sommes dues à Wellgate en vertu des ententes de règlement, de libération et de quittance conclues entre la société mère et MM. Marengère, Matossian et Amyot (les obligations relatives au règlement), au paiement de certains impôts dûs à Revenu Canada et au financement des besoins relatifs au fonds de roulement de l'emprunteur et de DBI, Steen et Davie, dans le cours normal des activités, ainsi qu'au paiement des honoraires et frais s'y rapportant.

     (3)      L'entente de règlement et de libération

[15]      Le recueil de documents du défendeur comprenait l'entente conclue le 28 avril 1998 [TRADUCTION] " entre MICHEL L. MARENGÈRE (M. Marengère), un résident du Québec, Canada, SERVICES M.L. MARENGÈRE INC., une société de services canadienne contrôlée par M. Marengère (Services MLM) et DOMINION BRIDGE CORPORATION, une société du Delaware (la société) ".

[16]      Le premier attendu de l'entente de règlement se lit comme suit :

[TRADUCTION]
     ATTENDU que M. Marengère est président du conseil d'administration, directeur général et administrateur de la société, et qu'il agit en outre à titre de dirigeant ou d'administrateur d'un certain nombre de filiales de la société, dont les services sont fournis par Services MLM conformément à l'entente concernant les services [...]

Le troisième attendu de l'entente de règlement se lit comme suit :

[TRADUCTION]
     ATTENDU que M. Marengèýe et Services MLM demandent à la société de leur verser des dommages-intérêts extracontractuels par suite du libelle diffamatoire dont Services MLM a fait l'objet et des attaques à...

[17]      La principale disposition de l'entente de règlement se lit comme suit :

[TRADUCTION]
     3.      La société s'engage à verser à Services MLM ou à ses cessionnaires à l'égard de ladite cessation et des dommages-intérêts extracontractuels la somme de deux millions sept cent mille dollars (2 700 000 $). Ces paiements seront effectués au moyen de la remise à Pouliot Mercure, en sa qualité de fiduciaire de Wellgate International, Ltd. (Wellgate), au moment de la signature de la présente entente, du billet convertible de 11,5 p. 100 de la société (le billet) dont le montant en principal s'élève à quatre millions huit cent mille dollars (4 800 000 $), à l'égard duquel Services MLM aura un intérêt bénéficiaire correspondant à 2 700 000 $. Le billet est convertible en actions ordinaires de la société d'une valeur nominale de 0,001 $ l'action, au taux de conversion de 2,60 $ l'action. Une copie du billet est jointe à l'annexe B des présentes.

[18]      L'entente de règlement prévoyait en outre que, pour inciter Services MLM à accepter le billet, Dominion Bridge émettrait un bon de souscription à l'égard de 333 708 actions ordinaires d'une valeur nominale de 0,001 $ l'action, au prix de trois dollars l'action, pour une période de trois ans commençant le 28 avril 1998, dans lequel Services MLM devait avoir un intérêt bénéficiaire à l'égard de l'achat de 187 711 actions.

[19]      En fait, le 28 avril 1999, Michel Marengère, en son nom personnel, et Services MLM [TRADUCTION] " une société de services canadienne contrôlée par M. Marengère ", ont, en leur qualité de cédants, transféré et cédé à Wellgate, en sa qualité de cessionnaire, les avantages contractuels et financiers se rapportant à la somme que DBC leur devait en vertu de l'entente de règlement et de libération. L'acte de cession mettait en cause d'autres associés en leur qualité de cédants, à savoir Nicolas V. Matossian, en son nom personnel, et Greyhorse Resources (Canada) Ltd., (Greyhorse), [TRADUCTION] " une société de services canadienne contrôlée par M. Matossian " et René Amyot.

[20]      MM. Marengère et Matossian ont apposé leur signature, en leurs qualités de dirigeants de Wellgate, qui acceptait le transfert et la cession en sa qualité de cessionnaire. L'acte de cession stipulait qu'en contrepartie de la cession et du transfert, Wellgate [TRADUCTION] " émet[tait] par les présentes en faveur des cédants un billet convertible dont le montant en principal s'él[evait] à 4 800 000 $ US ". Il importe de noter que l'acte de cession stipule que les cédants sont les actionnaires majoritaires, les administrateurs et les dirigeants de Wellgate.

[21]      Dans l'entente de règlement, il est fait mention d'autres ententes dans un protocole daté du 21 avril 1998, qui est joint sous la cote " A " à l'entente de règlement. Les documents que le défendeur a fournis à la Cour le 15 mars 1999 ne comprenaient pas la pièce " A "; le défendeur n'a pas non plus fourni une copie du billet émis par DBC, désigné comme étant la pièce " B ".

     (4)      Les documents se rapportant à la Loi sur la faillite et l'insolvabilité

[22]      La série suivante de documents se rapporte à des procédures intentées en vertu de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité (la LFI) par Cedar Canada et certaines de ses unités fonctionnelles canadiennes. Le 26 octobre 1998, Wellgate, en sa qualité de créancier garanti, a déposé une pétition à la Cour supérieure du Québec (Division de la faillite et de l'insolvabilité) dans l'affaire concernant la proposition que Cedar Canada avait faite en vertu de la LFI. Cette pétition visait à permettre la vente des actions de McConnell, soit [TRADUCTION] " l'avoir le plus important de Cedar Canada ". La pétition de Wellgate était signée par M. Marengère en sa qualité de [TRADUCTION] " représentant dûment autorisé de Wellgate International Ltd. ". La pétition disait que Wellgate, en vertu de l'accord de crédit du 6 avril 1998, consentait à Cedar Canada un prêt de 4 800 000 $ US, qui était garanti par une charge précise sur les actions de McConnell. La pétition disait également que [TRADUCTION] " le montant que le débiteur doit au requérant résulte d'une opération globale par laquelle des investisseurs américains assujettis au contrôle de Deere Park Equities LLC, de Chicago, achetaient les participations financières de l'ancienne direction du groupe Dominion Bridge ".

[23]      Le dossier de requête du défendeur renferme également un certain nombre d'autres documents qui ont été déposés dans diverses procédures en matière de faillite concernant Cedar Canada, DBI et Steen.

[24]      Le 17 février 1999, la Cour supérieure du Québec a autorisé Richter and Associates Inc. à vendre les actions de McConnell pour la somme de 84 000 000 $ A, à toucher le prix de vente et à déposer le produit net de la vente dans un compte en fiducie, dans une banque à charte canadienne, pour qu'il soit traité conformément aux dispositions applicables du Code civil et du Code de procédure civile du Québec, relativement à la répartition.

     (5)      L'affidavit de Danielle Dazé

[25]      Danielle Dazé a fait un affidavit daté du 12 mars 1999, dont le paragraphe 23 est ainsi libellé :

23.      Lors d'un entretien téléphonique qui a eu lieu le 10 mars 1999, Me Martin Boily-Côté, de Richer & Associés, m'a confirmé que la vente des actions se faisait lundi le 15 mars 19999 et que la distribution des montants aux différents créanciers de Cedar Group Canada se ferait dans les plus brefs délais;

         a)      Les nouvelles cotisations et la cotisation de 1998

[26]      Dans son affidavit du 12 mars 1999, Mme Dazé a identifié les documents dont il a été fait mention, elle a décrit les relations mutuelles qui existaient entre les diverses entreprises, elle a parlé de l'affidavit de Réjean Roberge se rapportant aux cotisations ou nouvelles cotisations d'impôt pour les années d'imposition 1995 à 1998 et elle a indiqué quelle était, de l'avis de Revenu Canada, l'obligation fiscale possible de Services MLM, si on la comparait aux actifs de cette société, tels qu'ils étaient divulgués dans les états financiers de Services MLM et, en particulier, dans les états financiers au 30 septembre 1997.

[27]      Mme Dazé a dit qu'au mois de juillet 1998, Revenu Canada avait obtenu l'information financière qui avait été divulguée à la réunion annuelle des actionnaires de DBC, le 30 mars 1998. Ces documents indiquaient quelle était la rémunération versée aux cadres supérieurs. Selon ces documents, M. Marengère avait touché des gratifications et avait levé des options d'achat d'actions pour les années 1995 et 1996. Revenu Canada a comparé cette information avec les feuillets T-2 que Services MLM avait produits. Dans son affidavit, Mme Dazé déclarait que Services MLM avait omis de déclarer des revenus d'un montant de 1 483 074 $ pour les années 1995, 1996 et 1997.

[28]      Dans son affidavit, Mme Dazé a mentionné une lettre datée du 19 janvier 1999 que Réjean Roberge avait envoyée à M. Marengère afin d'obtenir des renseignements dans le contexte d'une vérification concernant Services MLM. On demandait à M. Marengère de répondre à la lettre au plus tard le 10 février 1999. Dans cette lettre du 19 janvier 1999, Revenu Canada demandait certains renseignements en se fondant sur les états financiers de Services MLM au 30 septembre 1997, et notamment des renseignements sur les immeubles que l'entreprise possédait, sur les revenus de l'entreprise et sur les personnes qui recevaient ces revenus. On demandait également d'autres renseignements.

[29]      Mme Dazé ajoute ce qui suit :

26.      Au sujet de la lettre qui fut envoyée le 19 janvier 1999 par Monsieur Réjean Roberge le 10 mars 1999, Monsieur Jacques Pontbriand, s'est identifié comme étant le représentant de Services M.L. Marengère Inc., et a laissé un message sur la boîte vocale de Monsieur Roberge à l'effet qu'il demandait une extension de délai pour produire les documents demandés.

[30]      Mme Dazé a déclaré à la Cour que, le 5 mars 1999, Revenu Canada avait délivré des cotisations révisées à Services MLM, en ajoutant un revenu de 538 660 $ pour l'année d'imposition 1995, un revenu de 161 716 $ pour l'année d'imposition 1996 et un revenu de 782 698 $ pour l'année d'imposition 1997.

[31]      Par suite de ces nouvelles cotisations relatives aux trois années d'imposition en question, Revenu Canada a déterminé que l'impôt sur le revenu, les pénalités et les intérêts s'élevaient à 881 848,23 $.

[32]      En plus des nouvelles cotisations relatives aux années d'imposition 1995, 1996 et 1997 et, même si Services MLM était tenue de produire sa déclaration de revenu pour l'exercice 1998 le 31 mars 1999 seulement, Revenu Canada a délivré une cotisation pour l'année d'imposition 1998, étant donné que le montant de la cotisation était cinq fois plus élevé que les montants qui avaient auparavant été fixés et parce que Wellgate, pour le compte de Services MLM, devait bientôt recevoir la somme de 2 700 000 $ de Richter et associés. Pour l'année 1998, Revenu Canada a fixé les impôts de Services MLM à 1 147 689,67 $.

         b)      Les actifs de Services MLM

[33]      Dans son affidavit, Mme Dazé traitait ensuite des actifs de Services MLM au 30 septembre 1997. En ce qui concerne l'actif, cet état financier indiquait un actif à court terme de 447 000 $ (composé principalement de prêts et d'avances consentis aux sociétés affiliées); une somme d'environ 129 000 $ investie dans Gestion Soprumar et des biens immobiliers d'une valeur totale de 284 511 $. En ce qui concerne le passif, Services MLM déclarait un passif à court terme d'un montant de 652 000 $.

[34]      Dans son affidavit du 12 mars 1999, Mme Dazé déclarait ce qui suit :

30.      Cependant, à ce jour, aucun actif indiqué audit bilan n'a pu être identifié et même à la demande de M. Réjean Roberge, par lettre datée du 19 janvier 1999 ..., Monsieur Marengère n'a toujours pas donné suite aux renseignements demandés relativement au prêt à recevoir de sociétés affiliées au montant de 156 000 $.

[35]      Mme Dazé a résumé les motifs pour lesquels Revenu Canada demandait à être autorisé à obtenir une exécution immédiate. Elle a principalement souligné les deux motifs suivants :

     (1)      En premier lieu, Mme Dazé fait mention du revenu non déclaré de 1 483 074 $ pour les années d'imposition 1995, 1996 et 1997 et d'un revenu de 3 941 242 $ que Services MLM devait déclarer pour l'exercice 1998;
     (2)      En second lieu, Mme Dazé mentionne les montants que Wellgate devait bientôt recevoir pour le compte de Services MLM. À cet égard, Mme Dazé déclare que, selon l'entente de règlement, la somme de 2 700 000 $ est payable à Services MLM, mais que conformément à cette entente, ce montant doit être payé à Wellgate, une société non résidante n'ayant pas d'adresse et d'actifs au Canada. Mme Dazé déclare que Revenu Canada craignait de ne pas pouvoir mettre la main sur les 2 700 000 $ US une fois que ce montant serait versé à Wellgate " alors que n'ayant aucune activité, actif ou lieu d'affaires au Canada, vraisemblablement la somme sera transférée aux îles Vierges, un paradis fiscal et un lieu qui est hors d'atteinte du Ministère ".
     (3)      Quant à ce dernier point, Mme Dazé a déclaré que Services MLM devait déjà un montant de 21 668 $ à Revenu Canada pour l'exercice 1997.

LE CONTRÔLE

[36]      Services MLM demande à la Cour d'annuler l'autorisation qui a été accordée en vue de recouvrement immédiat des montants fixés. L'exécution était faite au moyen de demandes de paiement que Revenu Canada avait faites à deux cabinets d'avocats le 15 mars 1999. Le nom du débiteur fiscal était " Services M.L. Marengère et/ou Wellgate International Ltd. ".

[37]      Comme il en a été fait mention, Services MLM affirme qu' [TRADUCTION] " [...] il n'existe pas de motifs raisonnables de croire que l'octroi d'un délai pour payer le montant de la cotisation compromettrait le recouvrement de ce montant. De plus, les documents déposés à l'appui de la requête renferment des inexactitudes importantes qui ont eu pour effet d'induire la Cour en erreur ".

[38]      Services MLM a présenté sa preuve en déposant l'affidavit de Michel L. Marengère, deux affidavits supplémentaires de Michel L. Marengère, l'affidavit de Robert Chartier, comptable de Services MLM, du Groupe Fidutech International Inc. (Fidutech) et du Groupe Fiducorp Inc. (Fiducorp) ainsi que l'affidavit de Jacques Pontbriand, qui est également comptable agréé. Nicolas Matossian a également soumis un affidavit. En réponse, le défendeur a déposé les affidavits de Danielle Dazé, de Josée Vigeant, chef de l'unité de la vérification à Montréal, et de Réjean Roberge. De plus, les affidavits ont donné lieu à des contre-interrogatoires et des documents additionnels ont été produits par suite des engagements qui avaient été pris.

[39]      J'ai énoncé sous une forme sommaire la preuve présentée par Services MLM (le contribuable) et la réponse de Revenu Canada. Je tiens ici à faire remarquer que Services MLM a déposé des avis d'opposition auprès de Revenu Canada le 29 mars 1999 à l'égard de la cotisation ou des nouvelles cotisations délivrées par Revenu Canada pour les années d'imposition 1995 à 1998. Le fondement de ces oppositions est ci-après énoncé :

[TRADUCTION]
Les cotisations sont inexactes en ce sens qu'elles ont d'une façon injustifiable pour effet d'accélérer le recouvrement de l'impôt, que l'on a omis de tenir compte du fait que certains revenus ont été réalisés par d'autres contribuables, et de déduire les taxes de consommation des recettes brutes et qu'en général, les cotisations se rapportent à un impôt sur le revenu que le contribuable n'a pas gagné.
De plus, selon ces cotisations, le contribuable est considéré comme étant une entreprise de prestation de services personnels, ce qui est inexact étant donné qu'il était un entrepreneur indépendant.
Finalement, des pénalités sont imposées même si elles sont injustifiées, le contribuable ayant déclaré tout son revenu pour chacune des années en question.
Les cotisations ne sont pas fondées en fait et en droit; elles devraient être annulées.

     (i)      L'année d'imposition 1995

[40]      Le contribuable affirme que Revenu Canada a commis une erreur en ajoutant un montant de 538 660 $ à son revenu; le contribuable n'a pas gagné un revenu non déclaré en 1995, et ce, pour les raisons suivantes :

     (1)      En ce qui concerne la rémunération pour les services passés, qui a été versée sous la forme de 75 000 actions, conformément à l'alinéa 3(1)d) de l'entente concernant les services, ces actions n'ont été émises qu'après l'année 1996; elles devaient être détenues pendant un an conformément aux Règlements de la Commission des valeurs mobilières, et pendant cette période ou une fois l'année expirée, elles n'avaient aucune valeur;
     (2)      Revenu Canada n'a pas déduit le montant de la TPS et de la TVP applicables à la rémunération que le contribuable a touchée;
     (3)      Le reste du revenu a été déclaré après avoir été reçu par Services MLM ou par Fidutech, qui fournissaient les services en vertu de l'entente concernant les services.

[41]      Le défendeur affirme de son côté ce qui suit :

     (1)      La méthode que le contribuable emploie pour déclarer son revenu est erronée : le contribuable déclare son revenu lorsqu'il le reçoit alors qu'il le devrait le déclarer dès qu'il le gagne;
     (2)      Les 75 000 actions devaient être payées à compter du 1er février 1995.

[42]      Fidutech, qui est une société affiliée au contribuable, a produit ses déclarations de 1995 le 24 mars 1999 seulement (alors qu'elle devait les produire le 31 mars 1996), c'est-à-dire après que les cotisations révisées et la cotisation de 1998 eurent été délivrées, le 5 mars 1999, et après que cette cour eut autorisé le recouvrement. En outre, Revenu Canada ajoute que l'entente de règlement prévoit clairement que tous les services fournis au groupe Dominion Bridge sont fournies par Services MLM.

     (ii)      L'année d'imposition 1996

[43]      Le contribuable conteste le fait que Revenu Canada a ajouté un montant de 161 716 $ à titre de revenu non déclaré pour cette année d'imposition. Services MLM affirme que les calculs de Revenu Canada sont fondés sur l'hypothèse selon laquelle le contribuable a touché toute la rémunération de base en vertu de l'entente concernant les services et que la TPS et la TVP n'ont pas été payées. Le contribuable affirme avoir payé un montant de 60 318 $ à l'égard de la TPS et de la TVP avec le reste du montant déclaré dans sa déclaration de revenu ainsi que dans celle de Fidutech, qui a déclaré un revenu de 101 176 $.

[44]      Dans les affidavits qu'il a soumis en réponse, Revenu Canada déclare encore une fois que la méthode que le contribuable a employée pour déclarer son revenu est erronée; il fait encore une fois remarquer que Fidutech a uniquement produit sa déclaration de 1996 le 24 mars 1999 (alors que celle-ci devait être produite le 31 mars 1997). Revenu Canada cite de nouveau l'entente de règlement pour établir que c'est Services MLM qui fournissait tous les services au groupe Dominion Bridge en vertu de l'entente concernant les services. De plus, Revenu Canada affirme qu'il n'a pas été démontré que la TPS et la TVP ont été payées et que, de toute façon, Fidutech ne peut pas s'attribuer un revenu qui appartient à Services MLM.

     (iii)      L'année d'imposition 1997

[45]      Le contribuable affirme que Revenu Canada a commis une autre erreur en ajoutant un revenu non déclaré pour cette année d'imposition, ce revenu étant principalement composé des gratifications relatives aux années 1995 et 1996 qui ont été payées au mois de janvier 1997 ainsi que de la gratification de 1997. Le contribuable affirme que ces gratifications n'étaient pas assujetties à la TPS et à la TVP. Les gratifications de 1995 et de 1996 ont été versées à une personne non inscrite (soit le groupe Fiducorp Inc.) et ont été déclarées par cette dernière; le Groupe Fiducorp Inc. fournissait également des services en vertu de l'entente concernant les services. En ce qui concerne la gratification de 1997, ce montant doit être déclaré en temps opportun dans l'exercice 1998 du contribuable parce que cette gratification n'a été approuvée qu'après la fin de l'exercice 1997 du contribuable.

[46]      Revenu Canada répond à ces allégations à peu près de la même façon qu'à l'égard des années d'imposition antérieures, en affirmant que la méthode employée pour déclarer le revenu est erronée (c'est-à-dire que le contribuable a employé la méthode de la comptabilité de caisse au lieu de déclarer son revenu au fur et à mesure qu'il le gagnait), que Fiducorp a produit sa déclaration de revenu de 1997 le 24 mars 1999 seulement, que le contribuable n'a pas prouvé qu'il avait payé la TPS et la TVP à l'égard de sa rémunération de base et que l'entente de règlement se rapporte à la prestation de tous les services par le contribuable. Revenu Canada ajoute que Fiducorp a déclaré 53 246 $ de moins que le montant des gratifications autorisées pour les années 1995 et 1996. En ce qui concerne la gratification de 1997, Revenu Canada déclare qu'il n'a pas été démontré que le paiement de cette gratification n'avait été autorisé qu'après la fin de l'année d'imposition. Revenu Canada ajoute que, selon les documents de l'entreprise, des gratifications annuelles minimums correspondant à 50 p. 100 de la rémunération de base doivent être payées.

     (iv)      L'année d'imposition 1998

[47]      Il s'agissait de l'année au cours de laquelle Revenu Canada a délivré une cotisation, et ce, même si le contribuable était uniquement tenu de produire ses déclarations au plus tard le 31 mars 1999. Revenu Canada a fixé le montant de la cotisation du contribuable à 4 121 242 $, ce revenu étant composé de la rémunération de base, d'une gratification et du produit du règlement de 3 693 600 $, et a admis des dépenses déductibles de 200 000 $. Le contribuable affirme que Revenu Canada a supposé que tous les montants qui étaient payables en vertu du règlement avaient été payés en 1998, que Services MLM devait recevoir tous les montants et que ces montants représentaient un revenu pour le contribuable. Services MLM affirme qu'aucune de ces hypothèses n'est exacte, et ce, pour les raisons suivantes :

     (1)      Le montant de la gratification est inexact parce que, en vertu de l'entente concernant les services, le cadre n'a pas touché 50 p. 100 du montant de 210 000 $ US, mais il a plutôt touché un montant de 90 000 $ US, à titre de gratification, entre le mois d'octobre 1997 et le mois d'avril 1998.
     (2)      Le calcul de base sera déclaré par le contribuable, ou il l'aurait été si Revenu Canada avait permis à celui-ci de produire sa déclaration dans le cours normal des activités.
     (3)      En ce qui concerne le revenu du produit du règlement, Services MLM affirme que ces montants n'avaient pas à être déclarés avant son exercice 2000 parce que le billet (le billet Wellgate) en vertu duquel le produit devait être payé arrivait à échéance au mois d'octobre 1999. En outre, les montants payables en vertu de l'entente de règlement se rapportent en majeure partie à des dommages-intérêts qui doivent être reçus par Michel Marengère personnellement et ne sont pas assujettis à l'impôt.

[48]      Revenu Canada rétorque que tous les montants qu'il a calculés à titre de revenu ont été gagnés par le contribuable en 1998. Revenu Canada continue à adopter sa position fondamentale, à savoir que Services MLM ne doit pas déclarer son revenu selon la méthode de la comptabilité de caisse, mais au fur et à que ce revenu est gagné. Plus précisément, Revenu Canada affirme que le produit du règlement a été gagné pendant l'exercice 1998 et qu'il doit être reçu au cours de l'exercice 1998. Revenu Canada adopte la même position à l'égard de la gratification. Il ajoute que pour l'exercice 1998, Services MLM avait uniquement effectué un versement en émettant un chèque de 8 000 $ daté du 15 avril 1999.

     (v)      Wellgate et le produit du règlement

[49]      Dans son affidavit, Michel Marengère a contesté la façon dont Revenu Canada interprète le règlement et le rôle de Wellgate à cet égard. Il affirme que Revenu Canada, et Danielle Dazé dans son affidavit en particulier, ont commis plusieurs erreurs fondamentales.

[50]      M. Marengère déclare ce qui suit, au paragraphe 25 de son principal affidavit :

[TRADUCTION]
25.      Dans le cadre de l'entente de règlement, il était prévu que le produit du règlement serait retourné à titre de prêt consenti au groupe Dominion Bridge. Par conséquent, il a été convenu que la promesse de paiement prendrait la forme d'un prêt à terme de 18 mois, comme en fait foi un billet devant être émis ou cédé à Wellgate International Ltd., et qu'elle serait assujettie à l'accord de crédit... Ces modalités de " paiement " sont énoncées au paragraphe 3 de l'entente de règlement. Il était en outre prévu que le montant payé serait de nouveau prêté au groupe Dominion Bridge au moyen du billet, comme le montre l'accord de crédit produit sous la cote " E " qui est joint à l'affidavit Dazé. Je tiens à faire remarquer que l'accord de crédit qui a été produit par Mme Dazé sous la cote " E " ne renferme pas la pièce " B " y afférente. Une copie de la pièce " B ", qui aurait dû être jointe à la version de l'accord de crédit de Mme Dazé, est jointe au présent affidavit sous la cote " F ". Ce document sera ci-après désigné sous le nom de " billet Wellgate ".

[51]      Les paragraphes 29 à 33 de l'affidavit de M. Marengère sont intitulés [TRADUCTION] " L'accord de crédit - Erreurs figurant dans l'affidavit Dazé ". Je cite ces paragraphes en entier :

[TRADUCTION]
29. L'objectif de l'accord de crédit est énoncé au paragraphe 4.9 de cet accord. Au paragraphe 10 de l'affidavit Dazé, il est erronément énoncé que l'accord de crédit a été signé " afin de rendre disponible à l'emprunteur une somme totalisant 14 800 000 $ US pour financer le paiement des sommes dues à Wellgate International en vertu d'une entente de règlement, de quittance et de libération ".
30. Le paragraphe 11 de l'affidavit Dazé renferme une autre erreur; en effet, Mme Dazé suppose que la requérante est la seule société qui fournit des services en vertu de l'entente concernant les services. M. Roberge semble émettre la même hypothèse erronée. L'entente de règlement fait clairement mention d'autres sociétés, à savoir Fidutech International, Inc. et Fidutech Technologies, Inc., et, de toute façon, l'entente concernant les services ne limite pas le nombre de sociétés qui peuvent fournir les services promis.
31. Le paragraphe 12 de l'affidavit Dazé est également inexact. Selon ce paragraphe, le paragraphe 3 de l'entente de règlement prévoit la remise d'un billet au cabinet Pouliot, Mercure, plutôt que le paiement d'une somme d'argent. Le billet est d'une valeur nominale de 4,8 millions de dollars américains et arrive à échéance au mois d'octobre 1999 (comme le montre plus clairement la pièce " E " jointe à l'affidavit Dazé, qui semble avoir échappé à l'attention de M. Roberge), la requérante et moi-même ayant à cet égard un intérêt bénéficiaire correspondant à 2,7 millions de dollars américains.
32. Par suite de l'accord de crédit et de la remise du billet, Wellgate International Ltd. est devenue un créancier garanti de Dominion Bridge Corp. et de ses filiales, et notamment de Cedar Group Canada Inc.
33. Par suite de l'opération globale du 28 avril 1998, un certain nombre de cadres supérieurs et moi-même nous sommes désistés des fonctions que nous exercions auprès du groupe Dominion. Nous avons par la suite cessé de participer aux activités du groupe Dominion.

[52]      Le contre-interrogatoire de Michel Marengère a révélé les circonstances qui ont amené la création de Wellgate, le 16 juin 1997. Selon l'interprétation que je donne à la preuve, Wellgate était l'organisation cadre recommandée par les avocats et comptables américains au moyen de laquelle la haute direction du groupe Dominion Bridge injecterait des capitaux dans Cedar Canada en levant les options d'achat d'actions qu'elle détenait dans DBC. Cette participation financière a eu lieu en même temps que le financement de BNY dont il a déjà été fait mention. L'achat des actions était financé par Deere Park Equities (Deere Park), de Chicago, Illinois, par l'entremise de Dominion Park, une société à responsabilité limitée dans laquelle Wellgate était associée à Deere Park. Il s'agissait d'une opération combinée, des prêts étant consentis à Dominion Park par Deere Park et les actions de la direction étant fournies à titre de garantie accessoire. Michel Marengère ainsi qu'un certain nombre d'autres cadres, dont Nicolas Matossian et M. Amyot, avaient une participation dans Wellgate.

[53]      Revenu Canada répond à M. Marengère en soulignant que les événements prévus par l'accord de crédit ne se sont pas produits parce que Wellgate n'a pas consenti à Dominion Bridge Corporation un prêt de 4,8 millions de dollars américains, comme M. Marengère l'a admis pendant le contre-interrogatoire auquel il a été soumis à l'égard de son affidavit. Revenu Canada ajoute que le paiement du produit du règlement a pris la forme d'un billet que DBC a émis en faveur de Wellgate (à la suite d'une cession que M. Marengère et Services LML avaient effectuée en faveur de Wellgate), payable au mois d'octobre 1999, lequel, à cause de la disposition d'accélération, est devenu payable lorsque Cedar Canada et certains de ses membres ont fait des propositions ou ont fait faillite en vertu de la LFI. En outre, Revenu Canada souligne que M. Marengère lui-même a reconnu, au paragraphe 45 de l'affidavit qu'il a déposé dans la présente instance, que Wellgate [TRADUCTION] " recevra les fonds en partie à titre de cessionnaire pour les propriétaires bénéficiaires, c'est-à-dire pour moi-même et pour la requérante, ces fonds s'élevant à un montant de 2,7 millions de dollars américains ", en ajoutant au même paragraphe que [TRADUCTION] " le fait que des sommes doivent être payées à Wellgate International Inc. et que Wellgate International Inc. est une société non résidante n'a pas grande importance " parce que [TRADUCTION] " l'existence de Wellgate et sa participation au financement du groupe Dominion Bridge [étaient] bien connues, notamment à cause des documents déposés en temps opportun devant la CVM après le mois d'août 1997 ".

     (vi)      Les impôts dûs par Services MLM

[54]      Le contribuable admet qu'au 11 janvier 1999, il devait un solde d'impôt de 21 688 $. M. Marengère dit que [TRADUCTION] " si Mme Dazé avait cherché à connaître la vérité, elle aurait appris que la requérante avait déjà pris des dispositions en vue du paiement du solde et que Revenu Canada avait encaissé un chèque de 7 500 $ daté du 15 février 1999 ainsi qu'un chèque de 7 775 $ daté du 15 mars 1999 et un chèque de 8 000 $ daté du 15 avril 1999 ". Dans son affidavit, Mme Dazé admet la chose, mais elle déclare ce qui suit :

     (1)      Ces chèques ont été envoyés à Revenu Canada sans explications et ont uniquement commencé à être inscrits dans le système informatique de Revenu Canada le 18 février 1999;
     (2)      Le premier chèque était daté du 15 février 1999;
     (3)      Le contribuable n'a pas versé d'acomptes provisionnels pour chacune des années d'imposition en question.

     (vii)      Le bilan de Services MLM

[55]      Le contribuable conteste les paragraphes 29 et 31 de l'affidavit du 12 mars 1999 de Mme Dazé qui a été déposé à l'appui de l'autorisation ex parte. Le contribuable affirme que [TRADUCTION] " même une enquête sommaire aurait révélé que les actifs de la requérante ont été amortis bien en deçà de leur coût. Revenu Canada possède les déclarations de l'année antérieure de la requérante et aurait pu examiner la déduction pour amortissement qui était demandée [...] En fait, dans le contexte de mon examen de l'affidavit Roberge, il deviendra évident que Revenu Canada n'a mené aucune enquête sérieuse au sujet de l'obligation fiscale de la requérante ou de sa capacité de payer, mais a agi d'une façon hâtive en vue d'effectuer une saisie, et ce, sans justification ".

[56]      En réponse, Mme Dazé a nié les affirmations de M. Marengère et a répété que les déclarations qu'elle avait faites dans son premier affidavit étaient exactes.

[57]      M. Marengère a également été contre-interrogé au sujet des actifs et des dettes de Services MLM, qui a été constituée le 26 mai 1976, après la date effective d'entrée en vigueur de l'entente concernant les services du 1er février 1995. En ce qui concerne les actifs, M. Marengère a confirmé qu'au 30 septembre 1997, le montant de 156 000 $ représentait des prêts consentis par Services MLM à des sociétés affiliées, qu'une somme de 128 875 $ avait été investie dans Gestion Soprumar Inc., une société affiliée, qui possédait apparemment une résidence que Services MLM utilisait, à l'île des Soeurs, pour héberger les personnes d'affaires qui traitaient avec le groupe Dominion Bridge et qu'il y avait des immeubles d'une valeur de 284 511 $, et notamment une propriété, à Montréal, qui n'avait aucune valeur, ainsi qu'un condominium, en Floride.

[58]      Au paragraphe 46 de son affidavit, M. Marengère a déclaré que [TRADUCTION] " rien ne permet[tait] de supposer que l'existence de Wellgate International empêchera[it] la requérante de satisfaire à ses obligations fiscales ". En réponse, Mme Dazé dit que Services MLM ne possède pas suffisamment d'actifs pour payer le montant des cotisations établies par Revenu Canada et que Wellgate International Inc. " agit comme prête-nom pour Services MLM Marengère Inc. ". Elle réitère que Wellgate n'exerce pas d'activités au Canada et qu'elle n'y a pas d'actifs.

     (viii)      Les autres questions en litige

[59]      Le contribuable a soulevé d'autres questions, à savoir :

     a)      Revenu Canada a agi hâtivement. Les comptables de Services MLM étaient en train de préparer une réponse écrite à la lettre du 19 janvier 1999 de M. Roberge et M. Marengère affirme qu'il croyait que des spécialistes étaient en train d'examiner toutes les questions soulevées par Revenu Canada dans le cours normal des activités;
     b)      M. Marengère signale que ses avocats et lui ont coopéré en fournissant à Revenu Canada des renseignements au sujet de la responsabilité personnelle des administrateurs à l'égard des montants dûs par diverses filiales de Cedar Canada;
     c)      M. Marengère met l'accent sur la lettre du 19 janvier 1999 de M. Roberge. Il affirme n'avoir reçu cette lettre qu'après la date limite à laquelle il fallait donner une réponse parce qu'il était hospitalisé en Floride et que M. Roberge ne rappelait pas son comptable. En outre, M. Marengère affirme que la lettre de M. Roberge n'était pas explicite en ce sens que si l'une des questions se rapportait à un revenu non déclaré, Revenu Canada aurait dû le dire. S'il était essentiel de respecter les délais, Revenu Canada aurait dû le faire savoir;
     d)      M. Marengère dit que les efforts que Revenu Canada a faits aux fins du recouvrement étaient abusifs. Il mentionne qu'un ancien dirigeant du groupe Dominion Bridge avait collaboré avec Revenu Canada pour [TRADUCTION] " aider Revenu Canada à établir sa preuve contre la requérante ". M. Marengère dit que cet individu n'était pas digne de foi et qu'il fait l'objet d'une enquête criminelle;
     e)      M. Marengère dit que les saisies administratives étaient illégales et excessives en ce sens que rien ne permettait à Revenu Canada de désigner Wellgate comme " débiteur fiscal " et que si Revenu Canada avait eu l'intention de le faire, il aurait dû révéler la chose et que le dossier du défendeur aurait dû renfermer des explications à l'intention de la Cour. Il ajoute que Revenu Canada n'a même pas désigné Wellgate à titre de partie;
     f)      M. Marengère dit que le 22 mars 1999, son avocat l'a informé de la situation; il croyait que Justice Canada avait fait savoir qu'étant donné que des saisies-arrêts administratives en mains tierces étaient effectuées, Revenu Canada ne prévoyait pas engager d'autres poursuites. Toutefois, M. Marengère déclare qu'une autre procédure administrative a été engagée le 24 mars 1999 lorsque Mme Dazé s'est présentée à la succursale de la Place Ville-Marie de la Banque Royale du Canada et a demandé la production immédiate d'un grand nombre de documents;
     g)      M. Marengère dit qu'il faut comparer la façon dont Revenu Canada l'a traité et la façon dont la société de Nicolas Matossian, Greyhorse Resources Canada Ltd. (Greyhorse) a été traitée. M. Marengère dit que Greyhorse avait eu la possibilité de répondre à une lettre équivalente de Revenu Canada envoyée par M. Roberge le 19 janvier 1999 et qu'elle [TRADUCTION] " a[vait] donc évité les représailles de Revenu Canada, qui étaient fondées sur la communication de renseignements erronés à la Cour fédérale ";
     h)      Enfin, M. Marengère mentionne que Mme Dazé est agente de recouvrement à Revenu Canada et inspectrice de l'actif des débiteurs Steen et DBI.

[60]      Les auteurs des affidavits du défendeur ont examiné chacune de ces questions dans les affidavits qu'ils ont soumis en réponse. En particulier, Mme Dazé nie avoir obtenu de l'aide d'un ancien dirigeant du groupe Dominion Bridge et nie agir comme inspectrice à l'égard de la faillite de Steen et des propositions que Cedar Canada et ses filiales ont faites. Mme Dazé dit que M. Marengère [TRADUCTION] " a toujours coopéré avec Revenu Canada " et qu'il faut placer les choses dans leur contexte. Elle dit que Services MLM, Fidutech et Fiducorp tardent souvent à produire leurs déclarations de revenu. Elle nie que la demande de documents qui a été faite à la Banque Royale n'ait pas été appropriée et elle affirme n'avoir elle-même rien fait.

[61]      Comme il en a été fait mention, M. Roberge a également déposé un affidavit en réponse pour le compte du défendeur, lequel portait en partie sur certaines des [TRADUCTION] " autres questions ". M. Roberge a dit que M. Marengère avait rencontré son comptable (M. Pontbriand) le 9 février, soit la veille de la date limite indiquée dans la lettre du 19 janvier 1999. M. Roberge fait remarquer que ce n'est que le 10 mars 1999, à la fin de la journée, que M. Pontbriand lui a laissé, pour la première fois, un message sur sa boîte à lettres vocale et lui a demandé une prorogation de délai; il fait remarquer que les avis de nouvelle cotisation et la cotisation de 1998 avaient alors déjà été établis.

ANALYSE

[62]      Les dispositions actuelles de la Loi de l'impôt sur le revenu concernant le recouvrement de protection ont été édictées en 1988; elles précisent les dispositions qui existaient antérieurement en ce sens qu'elles prévoient l'autorisation et la supervision de cette cour. Cette cour a clairement établi les principes juridiques applicables à l'examen d'une ordonnance de protection ex parte qui est effectué en vertu du paragraphe 225.2(8), comme le montrent les jugements Danielson c. Canada (Sous-procureur général), [1987] 1 C.F. 335 (1re inst.), 1853-9049 Québec Inc. c. la Reine, [1987] 1 C.T.C. 137 (1re inst.), Canada c. Satellite Earth Station Technology Inc., [1989] 2 C.T.C. 291 (1re inst.) et Sa Majesté la Reine c. Robert Duncan, [1992] 1 C.F. 713 (1re inst.).

[63]      Les principes ci-après énoncés ressortent de la jurisprudence :

     (1)      La disposition concernant le recouvrement de protection porte sur la question de savoir si le délai qui découle normalement du processus d'appel compromet le recouvrement. Il ressort du libellé de la disposition qu'il est nécessaire de montrer qu'en raison du délai que comporte l'appel, le contribuable sera moins capable de verser le montant de la cotisation. En d'autres termes, il ne s'agit pas de déterminer si le recouvrement lui-même est compromis, mais plutôt s'il est en fait compromis en raison du délai à la suite duquel il sera vraisemblablement effectué.
     (2)      En ce qui concerne le fardeau de la preuve, la personne qui présente une requête en vertu du paragraphe 225.2(8) a le fardeau initial de prouver qu'il existe des motifs raisonnables de croire que le critère prévu au paragraphe 225.2(2) n'a pas été respecté, c'est-à-dire que l'octroi d'un délai pour payer le montant de la cotisation compromettrait le recouvrement de tout ou partie de ce montant. Toutefois, la Couronne a le fardeau ultime de justifier l'ordonnance de recouvrement de protection accordée sur une base ex parte.
     (3)      La preuve doit démontrer que, selon toute probabilité, il est plus probable qu'autrement que l'octroi d'un délai compromette le recouvrement. Il ne s'agit pas de savoir si la preuve démontre au-delà de tout doute raisonnable que le délai accordé au contribuable compromettrait le recouvrement du montant en question.
     (4)      Le ministre peut certainement agir non seulement dans les cas de fraude ou dans les situations qui s'y apparentent, mais aussi dans les cas où le contribuable risque de dilapider, liquider ou autrement transférer son patrimoine pour se soustraire au fisc : bref, pour parer à toute situation où les actifs d'un contribuable peuvent, à cause de l'écoulement du délai, fondre comme neige au soleil. Toutefois, le simple soupçon ou la simple crainte que l'octroi d'un délai puisse compromettre le recouvrement n'est pas suffisant en soi. Comme le juge Rouleau l'a dit dans la décision 1853-9049 Québec Inc., supra, il s'agit de savoir si le ministre a des motifs raisonnables de croire que le contribuable dilapiderait, liquiderait ou transférerait autrement son patrimoine, de façon à compromettre le recouvrement du montant qui est dû. Le ministre doit démontrer que les actifs du contribuable peuvent entre temps être liquidés ou faire l'objet d'une saisie de la part d'autres créanciers et ainsi lui échapper.
     (5)      Une ordonnance de recouvrement ex parte est un recours exceptionnel. Revenu Canada doit faire preuve d'une extrême bonne foi et faire une divulgation franche et complète. Sur ce point, le juge Joyal a fait les remarques suivantes dans la décision Peter Laframboise c. La Reine, [1986] 3 C.F. 521, à la page 528 :
     L'argument des avocats du contribuable pourrait être défendable si les éléments de preuve dont je dispose se limitaient à ce seul affidavit. Mais, comme les procureurs de la Couronne me l'ont rappelé, j'ai le droit de prendre connaissance de tous les éléments que renferment les autres affidavits. Ceux-ci pourraient aussi faire l'objet d'une savante analyse quant aux motivations profondes du déposant, mais je trouve que, dans l'ensemble, les éléments essentiels que renferment ces affidavits ainsi que la preuve qu'ils apportent satisfont aux critères établis et sont suffisamment étayés pour justifier les mesures prises par le Ministre.
         Dans la décision Duncan, supra, après avoir cité les remarques que le juge Joyal avaient faites dans la décision Laframboise, supra, le juge en chef adjoint Jérome a dit que le ministre doit faire une divulgation suffisante (raisonnable).

APPLICATION DE CES PRINCIPES À LA PRÉSENTE ESPÈCE ET CONCLUSIONS

[64]      J'examinerai d'abord un point préliminaire, à savoir si les cotisations sont correctes. Il s'agit d'une question qui sera tranchée par une autre juridiction. Le juge Sharlow (tel était alors son titre) l'a clairement dit dans la décision Ministre du Revenu national c. Donald Neil MacIver et al., T-1042-96 et T-1043-96, 27 juillet 1999. Voici ce que mon collègue a dit, au paragraphe 7 des motifs de l'ordonnance :

[7]      Le litige fiscal sera tranché par une autre juridiction. Je n'ai pas compétence pour décider si les cotisations en question sont correctes. Dans le cadre de cette requête, je dois appliquer le paragraphe 152(8), aux termes duquel toute cotisation est réputée être valide et exécutoire sauf modification sur opposition ou appel.

[65]      Dans l'arrêt Sa Majesté la Reine c. Donald Golbeck et al, 90 D.T.C. 6575, le juge d'appel Marceau a énoncé, à la page 6576, l'approche à suivre aux fins du règlement de l'affaire :

     [...] Nous sommes convaincus que le juge de première instance ne s'est pas penché sur la seule question qu'il devait examiner. [...] Il s'agissait [...] de savoir, en se fondant sur les éléments de preuve soumis au tribunal, si le ministre avait des motifs raisonnables de croire que le contribuable dissiperait, liquiderait ou céderait autrement ses biens de manière à ne plus être en mesure de payer le montant de la cotisation, compromettant ainsi la créance du ministre. En répondant affirmativement à cette question, le juge ne pouvait faire autrement que d'accueillir la demande, (à noter l'utilisation du mot "shall" dans la version anglaise du texte de loi).

[66]      Eu égard aux faits de la présente espèce, il est à mon avis passablement clair que Services MLM ne s'est pas acquittée de l'obligation initiale qui lui incombait de démontrer à la Cour qu'il existe des motifs raisonnables de croire l'octroi d'un délai pour payer le montant de la cotisation compromettrait le recouvrement des montants fixés par le ministre dans la cotisation relative à l'année 1998 et dans les nouvelles cotisations relatives aux années 1995, 1996 et 1997.

[67]      À mon avis, les faits de la présente espèce constituent une exemple classique du genre de situation prévue par le législateur aux fins de l'octroi d'une ordonnance de protection; je le dis sans qu'il soit nécessaire de tirer une conclusion ou d'attribuer un but quelconque à Services MLM ou à M. Marengère. Il ne s'agit pas ici d'une affaire d'intention ou de planification fiscale; il faut régler l'affaire d'une façon objective et réaliste. En d'autres termes, c'est l'effet ou le résultat des mesures que le contribuable a prises à l'égard de ses actifs qui est important et pertinent lorsqu'il s'agit d'apprécier le bien-fondé de l'ordonnance de recouvrement de protection. L'obligation fiscale n'est pas ici en cause.

[68]      La jurisprudence de cette cour établit clairement que les ordonnances de recouvrement de protection sont justifiées lorsque Revenu Canada présente des éléments de preuve objectivement solides indiquant que le contribuable dissipe ses actifs ou qu'il les transfère en dehors du ressort. Dans la décision Danielson, supra, le juge McNair a dit que pareille preuve serait fort convaincante si elle établissait, hors de tout soupçon ou de toute conjecture, qu'une mesure prise par un contribuable ou une crainte raisonnable que le contribuable prenne pareille mesure nuirait à la position du ministre. (Voir également Canada (Ministre du Revenu national) c. Rouleau, [1995] A.C.F. 1209, Canada c. Satellite Earth Station Technology Inc., supra, et Minshull et al. v. The Minister of National Revenue, 87 D.T.C. 5385, (C.B.R. Sask.). À mon avis, le juge Rouleau a rendu une décision similaire dans l'affaire 1853-9049 Quebec Inc., supra, lorsqu'il dit qu'une ordonnance de recouvrement de protection peut être accordée " pour parer à toute situation où les actifs d'un contribuable pourraient, à cause de l'écoulement du délai, fondre comme neige au soleil ".

[69]      Si l'affaire est considérée objectivement, au point de vue de l'effet ou du résultat des mesures prises par Services MLM, il est à mon avis clair et évident que le ministre avait tout au moins des motifs raisonnables de croire que l'octroi d'un délai compromettrait le recouvrement des montants dûs. Les faits montrent clairement que les actifs de Services MLM étaient bien loin de couvrir les montants fixés dans la cotisation ou dans les nouvelles cotisations et que l'actif qui avait le plus de valeur, à savoir une partie du produit du règlement, avait été cédé par la société à Wellgate, une société non résidante n'ayant aucun actif ni aucun compte bancaire et n'exerçant aucune activité au Canada dans laquelle l'actionnaire majoritaire, M. Marengère, avait son mot à dire, même si son avis n'était pas déterminant. Aux fins du recouvrement de protection, compte tenu de la preuve, Revenu Canada a démontré qu'essentiellement, Wellgate et Services MLM ne forment qu'une seule entité, et ce, même si d'autres personnes, soit Nicolas Matossian et René Amyot, avaient une participation dans Wellgate et malgré l'objet initial de Wellgate ou son présumé rôle à l'égard du produit du règlement. L'écoulement du délai était imminent parce que le produit du règlement, par l'entremise de Wellgate, devait être payé le 15 mars 1999, soit le jour où l'ordonnance de protection ex parte a été accordée. Je suis convaincu, aux fins de la remise du produit du règlement par DBC, que Wellgate était l'alter ego des bénéficiaires de ce produit, c'est-à-dire, dans ce cas-ci, de Services MLM en particulier.

[70]      L'avocat de Services MLM a axé une bonne partie de son argument sur la présumée omission du défendeur de faire une divulgation franche et complète. Il cite la décision Ministre du Revenu national c. 159890 Canada, 97 D.T.C. 5495, dans laquelle mon collègue, le juge Gibson, a dit ce qui suit, à la page 5497 :

Je conclus que la communication complète et honnête exige effectivement que le ministre révèle ce qui pourrait être raisonnablement considéré comme étant les points faibles, que connaît le ministre, de la demande d"ordonnance de protection.

[71]      Je tiens à ajouter que dans la décision Ministre du Revenu c. Rouleau, supra, le juge Gibson a fait les remarques suivantes :

[...] La communication complète et honnête de renseignements n"exige pas que soient révélés des renseignements qui ne sont tout simplement pas pertinents à l"application du critère relatif à la délivrance d"une ordonnance ex parte de recouvrement de protection.

[72]      Compte tenu de ces décisions, le ministre doit faire une divulgation franche et complète des faits connus, pertinents et importants afin d'obtenir une ordonnance de recouvrement de protection ex parte. Le ministre a satisfait à la norme de divulgation nécessaire. À mon avis, il s'est acquitté des obligations qui lui incombaient en matière de divulgation, et ce, pour les motifs suivants :

     (1)      Le demandeur dit que Revenu Canada a agi d'une façon hâtive : il signale la lettre que M. Roberge a envoyée le 19 janvier 1999 en vue de demander des renseignements; il justifie le temps qu'il a mis à répondre en affirmant que M. Marengère avait été hospitalisé pendant une partie de la période en cause; il critique M. Roberge parce que celui-ci n'avait apparemment pas retourné l'appel que ses vérificateurs avaient fait le 10 mars 1999, de sorte qu'il conclut ce qui suit : [TRADUCTION] " S'il avait rappelé, M. Roberge aurait été mis au courant des raisons du retard et aurait eu certaines explications au sujet du fait, entre autres, que le soi-disant " revenu non déclaré " avait été déclaré ailleurs. " J'estime que les critiques du demandeur ne sont pas justifiées : premièrement, Revenu Canada ne savait pas que M. Marengère avait été hospitalisé; deuxièmement, M. Marengère admet qu'il a rencontré ses vérificateurs le 9 février et qu'il savait donc que la date limite avait été fixée au 10 février; troisièmement, les vérificateurs de M. Marengère ont uniquement communiqué avec M. Roberge le 10 mars 1999 et, à mon avis, ce dernier a expliqué pourquoi il n'avait pas pu rappeler immédiatement à ce moment-là.
     (2)      Services MLM signale la façon dont Greyhorse a été traitée. À mon avis, la façon dont Revenu Canada a traité Greyhorse n'a rien à voir avec le bien-fondé de l'ordonnance de protection ex parte qui a été rendue le 15 mars 1999; après avoir examiné l'affidavit de M. Matossian et son contre-interrogatoire, je conclus que cela se rapporte encore moins à la présente procédure de contrôle.
     (3)      Services MLM critique la divulgation en ce qui concerne Wellgate et le fait que Mme Dazé n'a pas décrit le rôle que Wellgate avait eu dans le financement du groupe Dominion Bridge, à compter du mois d'août 1997 et jusqu'à la conclusion de l'opération, au mois d'avril 1998, même si tous ces renseignements étaient publics et même si elle pouvait facilement les obtenir. À cet égard, la critique formulée par Services MLM porte sur l'étendue ou la suffisance de la divulgation nécessaire aux fins d'une ordonnance de recouvrement de protection ex parte. Je suis convaincu que le 15 mars, Revenu Canada a fait une divulgation suffisamment détaillée et complète, comme l'exigeaient les circonstances. Revenu Canada a bien expliqué le rôle de Wellgate, lorsqu'il s'est agi de recevoir le produit du règlement qui lui avait été cédé. À mon avis, Revenu Canada n'était pas tenu à ces fins de se pencher sur le rôle que Wellgate avait eu par le passé à l'égard du financement du groupe Dominion Bridge. En outre, avant que le contre-interrogatoire portant sur l'affidavit de M. Marengère ait eu lieu, Revenu Canada n'était pas en mesure de connaître toutes les subtilités de l'affaire. Ces subtilités ne font pas avancer la cause de Services MLM en l'espèce.
     (4)      Services MLM critique l'affidavit de Mme Dazé parce que rien ne montre que le contribuable a épuisé ses actifs, qu'il les a transférés, qu'il les a dilapidés ou qu'il a tenté de se soustraire à ses créanciers. Pour les motifs susmentionnés, le demandeur interprète d'une façon erronée le critère juridique à appliquer. L'intention d'induire Revenu Canada en erreur ne fait pas partie du critère juridique; le ministre n'a pas à prouver la fraude ou la tromperie ou un mauvais motif. Comme il en a été fait mention, c'est le résultat ou l'effet des mesures prises à l'égard des actifs du contribuable qui constitue ici le noeud du litige.
     (5)      Toutefois, je suis d'accord avec le demandeur en ce qui concerne la façon dont Mme Dazé a décrit la dette existante de Services MLM. À mon avis, avant de signer son affidavit le 12 mars 1999, Mme Dazé aurait dû effectuer une vérification à l'ordinateur en vue de déterminer quelle était la situation relativement à la dette fiscale de 21 000 $. Toutefois, son omission de le faire ne constitue pas un motif permettant d'infirmer l'ordonnance de recouvrement de protection : la déclaration que Mme Dazé a faite au sujet de la dette fiscale de 21 000 $ a beaucoup moins d'importance, s'il est tenu compte des montants ayant fait l'objet de la cotisation et des nouvelles cotisations.
     (6)      Le demandeur dit également que dans son affidavit, Mme Dazé ne donne pas à entendre que Services MLM a omis de produire ses déclarations de revenu ou qu'elle a par ailleurs négligé de satisfaire aux obligations qu'elle avait envers le ministre. À mon avis, cette omission n'est pas elle non plus pertinente; le demandeur énonce d'une façon erronée le critère qu'il convient d'appliquer à l'octroi d'une ordonnance de recouvrement de protection.
     (7)      Le demandeur dit que le fait que Services MLM a coopéré avec le bureau de Revenu Canada à Toronto aurait dû être souligné. Or, cela n'a rien à voir avec le critère applicable aux fins de la délivrance de l'ordonnance qui fait ici l'objet d'un examen.

[73]      Dans une autre partie de ses observations écrites, le demandeur met de nouveau l'accent sur la question de la divulgation franche et complète et dit que la Cour a le droit de compter sur le ministre pour porter tous les faits à sa connaissance. Le demandeur dit que le ministre aurait dû faire les divulgations suivantes :

     a)      Le " revenu non déclaré " a été déclaré par d'autres sociétés au sein du même groupe, [TRADUCTION] " ce dont M. Roberge aurait été au courant s'il avait rappelé ". À mon avis, le ministre n'est pas tenu de divulguer des choses dont il n'est pas au courant;
     b)      Le demandeur signale le billet de Wellgate et dit qu'il s'agissait d'un billet à terme qui n'était payable qu'au mois d'octobre 1999, soit une chose dont Mme Dazé n'a pas tenu compte et dont M. Roberge ne s'est absolument pas rendu compte. Le 15 mars 1999, la Cour a été informée que Wellgate avait déposé une preuve de réclamation pour tout le montant qui lui était dû en sa qualité de créancier garanti dans des procédures fondées sur la LFI et que l'opération relative aux actions de McConnell devait être conclue à bref délai. Les faits qui ont été divulgués et qui étaient vrais étaient essentiels à l'ordonnance ex parte;
     c)      Services MLM dit qu'elle a payé tous les montants dus à l'égard de la TPS. À mon avis, l'argument du demandeur est en partie valide même s'il doit assumer une certaine responsabilité compte tenu de la façon obscure dont il a déclaré la TPS. Toutefois, cela importe peu et cela n'influe pas vraiment sur la position de Revenu Canada sur le plan du revenu non déclaré;
     d)      Services MLM dit que Mme Dazé aurait dû mentionner qu'elle était inspectrice de l'actif de Dominion Bridge Company et affirme que la Cour aurait peut-être eu des questions à poser. Je ne vois pas en quoi cette critique est pertinente;
     e)      Services MLM formule une critique à l'égard du fait que M. Roberge a décidé de ne pas expliquer à la Cour ce sur quoi la cotisation était fondée. Il dit que les pièces qui ont été jointes ne sont pas compréhensibles. Cet argument n'est pas non plus fondé. Comme il en a été fait mention, cette cour doit à ce stade reconnaître la validité des cotisations;
     f)      Enfin, le demandeur affirme que la Cour ne devrait pas être satisfaite de [TRADUCTION] " l'approche précipitée " que Revenu Canada a adoptée en l'espèce et que la divulgation est pour le moins désordonnée. Il affirme que cette cour devrait insister sur la divulgation complète de tous les faits. Comme il en a été fait mention, je suis non seulement convaincu que l'ordonnance de recouvrement de protection ex parte est fondée, mais aussi que, dans le cadre de ce contrôle, le ministre a réussi à justifier l'ordonnance ex parte tant sur le plan des faits que du droit et que le demandeur ne s'est pas acquitté de son obligation initiale.

[74]      Pour ces motifs, la demande de contrôle est rejetée avec dépens et l'ordonnance de recouvrement de protection du 15 mars 1999 est confirmée.


     " François Lemieux "

     JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

LE 29 NOVEMBRE 1999

Traduction certifiée conforme


L. Parenteau, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE     

     AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


No DU GREFFE :      T-460-99

    

INTITULÉ DE LA CAUSE :      Affaire intéressant la Loi de l'impôt sur le revenu et Services M.L. Marengère Inc.

LIEU DE L'AUDIENCE :      Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :      Le 1er octobre 1999

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DU JUGE LEMIEUX en date du 29 novembre 1999



ONT COMPARU :

Daniel Beauchamp          POUR LE DEMANDEUR

Aaron Rodgers          POUR LA DÉBITRICE-REQUÉRANTE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada      POUR LE DEMANDEUR

Aaron Rodgers

Speigel Sohmer

Montréal (Québec)          POUR LA DÉBITRICE-REQUÉRANTE


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