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Date : 19990608


Dossier : IMM-4384-98

Ottawa (Ontario), le 8 juin 1999.

En présence de Monsieur le juge Pinard

Entre :

QIN ZHAO,


demanderesse,


et


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L"IMMIGRATION,


défendeur.


ORDONNANCE

     La demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision, datée du 2 juillet 1998, dans laquelle Susan Barr, agente des visas au Consulat général du Canada à Hong Kong, a déterminé que la demanderesse ne satisfaisait pas aux exigences applicables en vue d"immigrer au Canada est annulée et l"affaire est renvoyée pour qu"un autre agent des visas l"examine à son tour.

YVON PINARD

                                         JUGE

Traduction certifiée conforme

Bernard Olivier, B.A., LL.B.


Date : 19990608


Dossier : IMM-4384-98

Entre :

QIN ZHAO,


demanderesse,


et


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L"IMMIGRATION,


défendeur.


MOTIFS D"ORDONNANCE

LE JUGE PINARD

[1]      La demanderesse cherche à obtenir le contrôle judiciaire de la décision, datée du 2 juillet 1998, dans laquelle Susan Barr, agente des visas au Consulat général du Canada à Hong Kong, a déterminé qu"elle ne satisfaisait pas aux exigences applicables en vue d"immigrer au Canada, n"ayant pas obtenu un nombre suffisant de points d"appréciation.

[2]      Il s"agit d"une affaire dans laquelle j"estime que mon intervention est justifiée, compte tenu de l"existence d"une crainte raisonnable de partialité de la part de l"agente des visas.


[3]      Mon collègue le juge Lutfy a résumé, dans Jiang c. Canada (M.C.I.) (1997), 138 F.T.R. 230, aux pages 232 et 233, le critère à appliquer pour déterminer s"il existe une crainte raisonnable de partialité de la part d"un agent des visas :

                      Dans l'arrêt Committee for Justice and Liberty c. National Energy Board, [1978] 1 R.C.S. 369, p. 394, le juge de Grandpré a énoncé dans ses motifs dissidents le critère à appliquer pour déterminer l'existence d'une crainte raisonnable de partialité :                 
                      "... la crainte de partialité doit être raisonnable et le fait d'une personne sensée et raisonnable qui se poserait elle-même la question et prendrait les renseignements nécessaires à ce sujet... [L]e critère consiste à se demander "à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique..."                         
                 [...]                 
                      Les principes de justice naturelle et d'équité procédurale s'appliquent à la rencontre que l'agente des visas a tenue avec le requérant. Au cours de ce genre d'entrevue, l'agent(e) des visas est appelé(e) à déterminer si la partie requérante sera en mesure de s'établir avec succès au Canada et il s'agit d'une responsabilité importante. Il(Elle) doit se comporter avec la dignité voulue pour favoriser un échange ouvert et équitable, même dans des circonstances qui doivent parfois être difficiles et éprouvantes. Il convient également de souligner que, pour de nombreux requérants, notamment ceux dont les cultures sont sensiblement différentes de celles de la personne qui représente le Canada, ces entrevues sont stressantes. Dans l'ensemble, lorsqu'une personne interrogée ne se comporte pas bien, l'agent(e) des visas doit demeurer calme pour faire en sorte que la rencontre se déroule bien. L'agent(e) des visas préside l'entrevue. À titre de personne appelée à rendre une décision, l'agent(e) des visas est tenu(e) de fournir, dans la mesure du possible, un environnement calme au cours de l'entrevue pendant laquelle la partie requérante tente de prouver qu'elle respecte les critères de sélection.                 
                 [...]                 
                      La preuve présentée en l'espèce indique qu'une conclusion différente doit être tirée. Même si je présume que le comportement du requérant et de son épouse justifiait l'intervention de l'agente des visas et même l'expulsion de l'épouse de la salle de conférence, l'emploi de termes dénotant un manque de contrôle lors de ces mesures ne peut être toléré. Dans une demande de contrôle judiciaire, la Cour ne peut se fonder que sur les affidavits des parties pour déterminer comment certains événements sont survenus. En l'absence d'affidavit dans lequel l'agente des visas aurait nié les propos qui lui sont attribués, je dois présumer qu'elle a effectivement prononcé les mots "shut up". À mon avis, ces mots dépassent la limite de ce qui peut être considéré comme des propos acceptables pour exprimer la désapprobation, surtout lorsqu'ils sont prononcés par une personne en autorité. Une personne bien renseignée qui étudierait la question de façon réaliste et pratique pourrait, dans ces circonstances, craindre avec raison que l'agente ne se soit comportée de façon partiale .                 

[4]      En l"espèce, la demanderesse a déclaré, aux paragraphes 19 à 21 de son affidavit :

                 [TRADUCTION]                 
                 19.      Pendant que je décrivais ce travail que j"avais accompli au cours des derniers jours, l"agente des visas m"a interrompue brusquement et elle s"est mise à faire des remarques à propos de ma respiration et des Chinois. Elle me parlait d"une façon quelque peu agressive, impatiente et grossière. En particulier, elle a dit : " Votre respiration n"est pas normale ". Elle a également dit : " Comment se fait-il que tellement de Chinois ont de mauvaises habitudes de respiration? C"est une mauvaise habitude! ".                 
                 20.      Je lui ai répondu que ma respiration n"avait rien d"anormal, mais que les conditions météorologiques à Karamay et dans le champ pétrolifère étaient mauvaises, que cela avait pu affecter ma respiration, et que j"imaginais que je prendrais rapidement du mieux.                 
                 21.      La façon dont l"agente des visas s"adressait à moi et les remarques généralisées qu"elle avait faites à propos des Chinois me rendaient très mal à l"aise.                 

[5]      La demanderesse a également fait remarquer que l"agente des visas avait écrit, au chapitre de ses antécédents professionnels, dans les notes d"entrevue manuscrites qu"elle avait prises : [TRADUCTION] " bruits de sinus ".

[6]      L"agente des visas a répondu, au paragraphe 23 de son affidavit, aux allégations susmentionnées :

                 [TRADUCTION]                 
                 23.      En ce qui concerne les paragraphes 19, 20 et 21 de l"affidavit de la demanderesse, la demanderesse a eu une impression très différente de la mienne sur le déroulement de l"entrevue. J"ai remarqué dès le début de l"entrevue que les sinus de la demanderesse faisaient beaucoup de bruit. Au départ, je n"ai rien dit, mais, à un certain moment, j"ai interrompu le cours de l"entrevue pour l"interroger à propos de sa santé. J"ai fait cela d"une part parce que tous les immigrants éventuels doivent également satisfaire à une exigence de la loi selon laquelle ils doivent être en santé et, d"autre part, parce que dans le cas où l"immigrant éventuel a un problème de santé manifeste, je dois signaler cela à notre personnel des services médicaux afin de veiller à ce que les examens appropriés soient faits. J"ai dû faire cela dans d"autres cas. À ce moment-là, la demanderesse n"avait pas encore été examinée sur le plan médical. Elle a répondu qu"elle avait certains problèmes de respiration en raison de la mauvaise qualité de l"air dans son lieu de travail.                 

[7]      La demanderesse soutient que bien que l"agente des visas ait dit que la demanderesse " a eu une impression très différente de la mienne sur le déroulement de l"entrevue " et qu"elle ne faisait que se renseigner sur son état de santé, elle n"a pas nié avoir fait les déclarations décrites par la demanderesse concernant les habitudes de respiration. La remarque de l"agente des visas concernant les habitudes de respiration des Chinois était grossière et inconvenante. À mon avis, le fait que l"agente des visas a omis de traiter dans son affidavit de cette remarque particulière qu"elle aurait faite mènerait une personne informée examinant l"affaire d"une façon réaliste et pratique à craindre que l"agente fasse preuve de partialité dans les circonstances, celle-ci ayant remarqué les [TRADUCTION] " bruits de sinus " d"une demanderesse chinoise. Critiquer de façon générale les habitudes de respiration des Chinois va au-delà du simple fait de chercher à connaître l"état de santé d"un demandeur, et cela est totalement inacceptable. Peu importe les intentions de l"agente des visas, elle n"a pas, vu son comportement et son langage, maintenu le décorum voulu afin d"avoir un échange sincère et équitable, comme elle était tenue de le faire, omettant ainsi de remplir l"obligation qui lui incombait de fournir un environnement calme.


[8]      En conséquence, il ne sera pas nécessaire de traiter des autres arguments présentés par la demanderesse. La demande de contrôle judiciaire est accueillie, la décision de l"agente des visas est annulée, et l"affaire est renvoyée pour qu"un autre agent des visas l"examine à son tour.


YVON PINARD

                                         JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

Le 8 juin 1999.

Traduction certifiée conforme

Bernard Olivier, B.A., LL.B.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NO DU GREFFE :              IMM-4384-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :      QIN ZHAO C. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
                     ET DE L"IMMIGRATION

LIEU DE L"AUDIENCE :          VANCOUVER (C.-B.)

DATE DE L"AUDIENCE :          LE 6 MAI 1999

MOTIFS D"ORDONNANCE EXPOSÉS PAR MONSIEUR LE JUGE PINARD

EN DATE DU :              8 JUIN 1999

ONT COMPARU :

MME CAROLYN M. LAWS                  POUR LA DEMANDERESSE

MME KIM SHANE                          POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

MME CAROLYN M. LAWS                  POUR LA DEMANDERESSE

VANCOUVER (C.-B.)

M. MORRIS ROSENBERG                      POUR LE DÉFENDEUR

SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

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