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Date : 20040310

Dossier : T-393-98

Référence : 2004 CF 368

ENTRE :

                                                                      A. LASSONDE

                                                                                                                                              demanderesse

                                                                                                             (défenderesse reconventionnelle)

                                                                                   et

                                                         SUN PAC FOODS LIMITED

                                                                                   

                                                                                                                                               défenderesse

                                                                                                           (demanderesse reconventionnelle)

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ME RICHARD MORNEAU, PROTONOTAIRE:

[1]                 La Cour est saisie en l'espèce d'une requête de la défenderesse afin que la Cour enjoigne à la demanderesse de respecter l'ordonnance de cette Cour en date du 24 avril 2001 à l'égard de questions à répondre et d'engagements à compléter.

[2]                 Toutefois, tel que nous le verrons plus loin, l'exercice qui occupe maintenant la Cour et les parties doit se limiter à déterminer si certains engagements visés par cette ordonnance du 24 avril 2001 n'ont pas encore été complétés de façon satisfaisante.

[3]                 Le temps écoulé depuis cette ordonnance d'avril 2001 et la mise en état laborieuse du présent dossier sont certains des facteurs à retenir afin d'apprécier l'exercice restreint que la Cour doit entreprendre ici dans l'espoir plus que prononcé que les parties vont chercher à faire progresser le dossier et ainsi passer à l'étape de la conférence préparatoire.

[4]                 À cet égard, ce qui fut dit ci-dessous dans le cadre d'une décision de cette Cour dans le présent dossier en date du 16 janvier 2002 ne peut certes être passé aux oubliettes :

[2]            Ces ceux requêtes sont les dernières en date à être mues devant la Cour dans le cadre d'un litige en marques de commerce qui date de mars 1998 et qui depuis lors a fait l'objet d'une série de requêtes interlocutoires fastidieuses. Tour à tour, l'une ou l'autre des parties s'est pourvue devant la Cour par le biais de requêtes qui ont presque invariablement donné lieu à de longs débats acrimonieux entre les procureurs en plus d'occuper la Cour de façon très importante tant au niveau de l'analyse des requêtes et de la correspondance volumineuse qu'elles génèrent que lors de l'audition de ces requêtes.

[3]            En tout temps pertinent jusqu'à ce jour, il appert à toutes fins pratiques qu'aucune mesure ou progrès dans le présent dossier n'a pu survenir sur la base d'un consentement entre les procureurs des parties.

[4]            Il en résulte qu'après bientôt quatre années depuis le dépôt de la déclaration d'action, on en est toujours à se pencher sur le texte des plaidoiries écrites et à régler - ce qui semble être la prochaine étape dans le futur - le sort d'engagements ou d'objections soulevées lors d'interrogatoires au préalable tenus en mai et novembre 1999. Une fois ces difficultés réglées, les parties se proposent d'entreprendre une seconde joute d'interrogatoires au préalable!


[5]            Un important coup de barre doit être donné afin que l'on puisse considérer que les plaidoiries écrites entre les parties sont définitivement closes, que les interrogatoires au préalable déjà tenus seront complétés et clos prochainement et que les parties seront finalement dirigées vers la demande d'une conférence préparatoire au procès dans un dossier qui prend les allures d'un dossier complexe. Il semble bien à cet égard que la Cour d'appel fédérale reconnaisse que le responsable de la gestion d'une instance jouit d'une discrétion assez vaste pour faire avancer un dossier puisque dans l'arrêt Sawridge Band v. Canada, [2001] F.C.J. No. 1684, au paragraphe 11, elle adopte la position suivante exprimée par la Cour d'appel de l'Alberta:

We would take this opportunity to state the position of this Court on appeals from orders of case management judges. Case management judges must be given latitude to manage cases. This Court will interfere only in the clearest case of a misuse of judicial discretion. This approach was well stated by the Alberta Court of Appeal in Korte v. Deloitte, Haskins and Sells (1995), 36 Alta. L.R. (3d) 56, at 58, and is applicable in these appeals. We adopt these words as our own.

[...] This is a very complicated lawsuit. It is the subject of case management and has been since 1993. The orders made here are discretionary. We have said before, and we repeat, that case management judges in those complex matters must be given some "elbow room" to resolve endless interlocutory matters and to move these cases on to trial. In some cases, the case management judge will have to be innovative to avoid having the case bog down in a morass of technical matters. Only in the clearest cases of misuse of judicial discretion will we interfere. [...]

(Voir également la décision du juge Gibson dans Microfibres Inc. v. Annabel Canada Inc. et al., 2001 FCT 1336, décision du 5 décembre 2001.)

[6]            C'est avec cette approche en tête que l'on doit regarder les requêtes à l'étude.

[5]                 C'est dans le cadre des paragraphes 21 à 23 de cette décision du 16 janvier 2002 que la Cour a eu à référer à sa décision d'avril 2001, et ce, dans les termes suivants :

[21]          Quant aux étapes restant à compléter dans le dossier, encore ici, bien sûr, les parties ne peuvent s'entendre. La Cour doit alors trancher et à cette fin elle décèle que malgré les décisions de cette Cour des 22 février 2000 et 24 avril 2001, il subsiste - apparemment - des difficultés à l'égard des interrogatoires au préalable des parties

[22]          Aux fins de régler ces difficultés - et de clore les interrogatoires au préalable - il y aura lieu de trancher en premier lieu la requête de la demanderesse déposée le 28 novembre 2001 (document no 137) puisqu'elle renvoie principalement à la décision du 22 février 2000. Puisque la demanderesse a assuré la Cour qu'elle pouvait plaider cette requête en une heure, la demanderesse devra porter cette requête au rôle d'une séance générale de requêtes de cette Cour à Montréal, et ce, dans les trente (30) jours de l'ordonnance accompagnant les présents motifs. L'audition de cette requête sera limitée à deux (2) heures où chaque partie disposera au total d'une heure pour faire valoir l'ensemble de ses représentations.


[23]          La décision disposant de cette requête stipulera la prochaine étape à compléter dans le dossier, vraisemblablement une requête de la défenderesse qui visera à forcer « Lassonde to provide answers to undertakings and answers to the questions ordered to be answered in the April 24, 2001 Reasons for Order and Order » .

[6]                 Le sort de la requête de la demanderesse déposée le 28 novembre 2001, soit le document no 137, a été réglé par l'ordonnance de cette Cour datée du 15 octobre 2003 dont le texte pertinent se lit :

Lassonde's motion (doc.#137) originally returnable November 27, 2001 shall not be heard on October 20, 2003 or at a later date since it is obvious that by virtue of the combined effect of the orders of this Court dated January 16, 2002, February 4, 2002 and April 2, 2003, the Plaintiff had to move the Court on or before May 2, 2003 with said motion. The Plaintiff is now precluded from trying to move the Court with that motion.

In order to comply with paragraph 23 of the Reasons for Order dated January 16, 2002, the parties shall submit on a joint basis and within ten (10) days of the date of this order a concise proposed schedule so that the Defendant's motion referred to in said paragraph 23 is brought to a state of readiness to be heard.

[7]                 En théorie, la requête à l'étude pouvait en principe viser à forcer Lassonde, tel que le mentionne le paragraphe 23 cité ci-dessus au paragraphe [5] des présents motifs, « to provide answers to undertakings and answers to the questions ordered to be answered in the April 24, 2001 Reasons for Order and Order » .


[8]                 Toutefois, l'attitude de la défenderesse par suite de la décision du 16 janvier 2002 laisse clairement croire que seuls certains engagements apparemment non répondus par la demanderesse sont les seuls éléments à régler face à l'ordonnance du 24 avril 2001. Je considère en effet, pour les motifs qui suivent, que c'est là la portée appropriée de la requête qui nous occupe et que, partant, la Cour n'a pas à se pencher - aujourd'hui comme dans le futur - sur la possibilité que la demanderesse n'ait pas répondu également à certaines questions auxquelles elle devait répondre de par l'ordonnance de cette Cour du 24 avril 2001.

[9]                 Premièrement, il appert qu'au lendemain de la décision du juge Blais du 2 avril 2003 rejetant l'appel de la demanderesse à l'encontre de ma décision du 16 janvier 2002, ni la demanderesse ni la défenderesse ne semblaient guère porter intérêt aux possibilités de requêtes visées par les paragraphes 21 à 23 de la décision du 16 janvier 2002. Quant à la défenderesse, il appert qu'elle n'a pas vraiment cherché à pousser la demanderesse à poursuivre sa requête de manière à ce qu'elle puisse, par après, présenter la requête à l'étude. Ce désintéressement doit être retenu.

[10]            Deuxièmement, dès le 22 août 2001, soit à toutes fins pratiques au lendemain de la décision de cette Cour du 24 avril 2001, il appert que dans une correspondance adressée au procureur de la demanderesse, les procureurs de la défenderesse se contentent de se concentrer sur une liste d'engagements et ne font point référence à toute question non répondue. On y indique :

On a similar note to your letter of July 27, 2001, a number of answers to undertakings ordered to be answered by the Plaintiff by Prothonotary Morneau's order of April 24, 2001, were either non-responsive or not provided as noted below.

[Non souligné dans l'original.]

[11]            L'attention de la défenderesse uniquement sur certains engagements non répondus s'est poursuivie et répétée en novembre 2003 lorsque cette dernière a cherché à mettre en branle le processus de la requête maintenant à l'étude. Dans une lettre datée du 18 novembre 2003, la défenderesse indique ce qui suit :

This is further to your letter and our telephone conversation of last Friday, November 4, 2003 with respect to our proposed motion regarding answers to undertakings and provision of marked exhibits.

As you know, we wrote to the Court on October 23, 2003 setting out a joint proposed schedule with respect to this motion. The schedule provides for our Motion Record to be served and filed by no later than this Friday, November 21. In view of our discussions, please advise whether you would be prepared to consent to a two-week extension of the current schedule. We would appreciate hearing from you in this regard by no later than 5:00 pm today in order to facilitate the preparation of our materials. [L'italique est souligné dans l'original.]

We wish to inform that the following undertakings given on behalf of the Plaintiff are still outstanding. The numbers refer back to the original list of undertakings that was attached as Exhibit "A" to the Affidavit of Ena Chaitram, sworn in support of the Defendant's motion to compel dated November 30, 2000. This motion resulted in the Order of Prothonotary Morneau dated April 24, 2001, in which the Plaintiff was ordered to answer all the undertakings listed in Exhibit "A". A further copy of Exhibit "A" is attached for your reference. Answers to some of the undertakings were provided in your letter of June 8, 2001, but the following undertakings remain unanswered.

[Non souligné dans l'original.]

[12]            Par après, tant une lettre du 16 décembre 2003 de la défenderesse, l'avis de requête déposé le 21 novembre 2003 par cette dernière, l'affidavit à l'appui de cette requête et les représentations écrites jointes par la défenderesse ne visent ou portent que sur des engagements non répondus.


[13]            Ce n'est que dans les jours précédant la présentation de la requête à l'étude, soit lors du contre-interrogatoire sur affidavit de l'affiant de la demanderesse, que la procureure de la défenderesse a cherché à soulever tant l'aspect des questions non répondues que celui des engagements (voir page 37 du dossier de requête supplémentaire de la défenderesse).

[14]            Il est ressorti à l'audition de la requête que cela serait par oubli que la défenderesse n'aurait pas par le passé soulevé l'aspect des questions non répondues. Je ne puis toutefois accepter cette explication verbale avancée à l'audition par les procureurs de la défenderesse pour changer la portée de la requête de la défenderesse puisque l'explication avancée n'est pas appuyée d'un affidavit et que l'oubli allégué va à l'encontre d'un comportement s'étalant sur plus de deux ans où seuls certains engagements étaient mis de l'avant par la défenderesse.

[15]            Partant, voilà pourquoi à l'audition de la requête à l'étude j'ai tranché que seuls les engagements discutés par les parties dans la correspondance de la défenderesse du 16 décembre 2003 subsistaient de l'ordonnance du 24 avril 2001 et que seuls eux - et non toute question apparemment non répondue - seraient évalués par la Cour aux termes de la requête de la défenderesse.

[16]            De plus, avant le début de l'audition ou lors de celle-ci, les parties ont indiqué à la Cour que certains des engagements toujours en litige lors du dépôt de la requête qui nous occupe ne nécessitaient plus que la Cour rende une décision quant à eux.

[17]            En conséquence de ce qui précède, seuls les engagements suivants demeurent véritablement à l'étude et seront adjugés comme suit ci-dessous :


-            5 et 6;

-            15;

-            16, 17, 19, 21;

-            22 à 25 et 46;

-            28.

Engagements 5 et 6

[18]            Après discussion en Cour, les procureurs de la demanderesse se sont engagés à faire les recherches que demande la défenderesse au paragraphe 7 de ses représentations écrites additionnelles datées du 19 janvier 2004. Ils devront s'exécuter et répondre aux procureurs de la défenderesse dans les trente (30) jours de l'ordonnance accompagnant les présents motifs.

Engagement 15

[19]            Strictement parlant, la demanderesse a répondu à cet engagement. Toute mise à jour des données fournies dans le passé ne saurait être requise vu, entre autres, que la défenderesse n'a apparemment pas offert d'actualiser elle aussi les informations fournies par le passé. De plus, je ne considère pas que la règle 226 des Règles de la Cour fédérale (1998) vise la situation soulevée ici par la défenderesse.

[20]            Cet engagement doit donc être considéré comme ayant été satisfait et n'a pas à recevoir de réponse ultérieure.

Engagements 16, 17, 19 et 21

[21]            Quant aux engagements 16, 17 et 19, ils visent essentiellement à ce que la demanderesse fournisse une ventilation des sommes qu'elle a dépensées en termes de publicité à l'égard de la publicité destinée aux consommateurs et celle destinée à l'industrie.

[22]            Toutefois, la portée véritable de ces engagements est à l'effet que la demanderesse s'est engagée à fournir l'information telle qu'elle était disponible (voir la page 128 de l'interrogatoire de M. Gattuso, page qui est reproduite à la page 75 du dossier de requête de la défenderesse). À cet égard, je considère que la demanderesse a fourni dans le passé à la défenderesse l'information qui lui était alors disponible et qu'elle n'a pas dans les circonstances à répondre davantage à ces engagements.

[23]            Quant à l'engagement 21, il vise les documents de base (backup documents) à la réponse fournie aux engagements 16, 17 et 19 discutés plus avant. Après discussion en cour, les procureurs de la demanderesse se sont engagés à faire les recherches pour voir si de tels documents (fort probablement des factures) ne seraient pas disponibles. Ils devront s'exécuter et répondre aux procureurs de la défenderesse dans les trente (30) jours de l'ordonnance accompagnant les présents motifs.


Engagements 22 à 25 et 46

[24]            Ces engagements portent sur une ventilation des chiffres de vente de la demanderesse sous différentes rubriques. Ces engagements se limitaient toutefois à l'information disponible alors. Je considère que ces engagements ont été à ce jour adéquatement remplis par la réponse contenue à la lettre des procureurs de la demanderesse en date du 10 décembre 2003 (voir au bas de la page 4 de la pièce RL-1 à l'affidavit de Roxane Laperrière daté du 18 décembre 2003, onglet 1 du dossier de réponse de la demanderesse) ainsi que par le tableau transmis par le passé à la défenderesse (voir les pages 240 à 242 du dossier de requête de la défenderesse). Ces engagements n'ont donc pas à recevoir de réponse ultérieure.

Engagement 28

[25]            Cet engagement vise à obtenir de l'information touchant le lancement des divers produits de la demanderesse touchés par le présent litige.


[26]            Il appert à cet égard que la portée véritable de cet engagement est à l'effet que la demanderesse s'est engagée à fournir l'information telle qu'elle était disponible (voir la page 187 de l'interrogatoire de M. Gattuso, page qui est reproduite à la page 90 du dossier de requête de la défenderesse). À cet égard, je considère que la demanderesse a fourni dans le passé à la défenderesse l'information alors qui lui était disponible et qu'elle n'a pas dans les circonstances à répondre davantage à ces engagements puisqu'il ressort de la page 88 (page 31 du dossier de requête supplémentaire de la défenderesse) de l'interrogatoire de M. Gattuso tenu le 12 janvier 2004 que toute recherche additionnelle à cet égard serait démesurée.

[27]            Quant aux dépens, vu que le succès est ici partagé, aucuns ne sont accordés.

Richard Morneau

protonotaire

Montréal (Québec)

le 10 mars 2004


                                       COUR FÉDÉRALE

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

INTITULÉ :


T-393-98

A. LASSONDE INC.

                                                                          demanderesse

                                            (défenderesse reconventionnelle)

et

SUN PAC FOODS LIMITED

                                                                           défenderesse

                                          (demanderesse reconventionnelle)


LIEU DE L'AUDIENCE :                                MONTRÉAL (QUÉBEC)

DATE DE L'AUDIENCE :                              26 JANVIER 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : ME RICHARD MORNEAU, PROTONOTAIRE

DATE DES MOTIFS :                                     10 MARS 2004

ONT COMPARU :


Me Pascal Lauzon

Me Robert Brouillette

POUR LA DEMANDERESSE (DÉFENDERESSE RECONVENTIONNELLE)

Me Stephanie Chong

Me Michelle Nelles

POUR LA DÉFENDERESSE (DEMANDERESSE RECONVENTIONNELLE)


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :


Brouillette Charpentier Fortin

Montréal (Québec)

POUR LA DEMANDERESSE (DÉFENDERESSE RECONVENTIONNELLE)


Johnston Avisar WassenaarToronto (Ontario)

POUR LA DÉFENDERESSE (DEMANDERESSE RECONVENTIONNELLE)

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