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Date : 20210826


Dossier : IMM‑1827‑20

Référence : 2021 CF 886

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 26 août 2021

En présence de monsieur le juge McHaffie

ENTRE :

CHARLES ADEWALE OBAFEMI

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

(Jugement rendu oralement par vidéoconférence le 25 août 2021)

[1] La décision qui fait l’objet de la présente demande de contrôle judiciaire [une décision rendue le 28 novembre 2019 par un agent des visas du haut‑commissariat du Canada à Nairobi, au Kenya] est manifestement entachée d’une erreur, à un point tel qu’il est étonnant que le défendeur, le procureur général du Canada, ait exigé la tenue d’une audience devant la Cour.

[2] Le demandeur, M. Charles Obafemi, a présenté une demande de permis de travail et de visa de visiteur à partir de chez lui à Lagos, au Nigéria, le 13 septembre 2019. Il souhaitait rejoindre sa femme au Canada, où celle‑ci a un statut de personne protégée.

[3] Le 13 novembre 2019, un agent des visas du haut‑commissariat du Canada à Nairobi, au Kenya, a envoyé à M. Obafemi une lettre d’équité procédurale. Dans cette lettre, l’agent disait avoir des motifs raisonnables de croire que M. Obafemi n’avait pas répondu véridiquement à toutes les questions qui lui avaient été posées. Il disait, plus précisément, que M. Obafemi avait répondu par la négative à la question 2b) du formulaire de demande, le formulaire IMM 5257, qui dit : « Vous a‑t‑on déjà refusé un visa ou un permis, interdit l’entrée ou demandé de quitter le Canada ou tout autre pays ou territoire? » Dans la lettre, l’agent laissait entendre qu’il avait été découvert que M. Obafemi n’avait pas déclaré qu’un visa demandé dans un autre pays lui avait été refusé.

[4] Comme l’a reconnu l’avocate du procureur général lors de l’audience, il ressort clairement du dossier qu’une erreur a été commise par l’agent des visas. La demande de permis de travail de M. Obafemi a été présentée au moyen du formulaire IMM 1295 avec, en annexe du formulaire 5257, une demande de résidence temporaire. Le formulaire IMM 5257 ne comprend pas la question : « Vous a‑t‑on déjà refusé un visa ou un permis, interdit l’entrée ou demandé de quitter le Canada ou tout autre pays ou territoire? » Cependant, le formulaire IMM 1295 comprend cette question, et M. Obafemi y a répondu par l’affirmative en fournissant des détails.

[5] En réponse à la lettre d’équité procédurale, l’avocat de M. Obafemi a fourni au haut‑commissariat du Canada à Nairobi des explications à ce sujet dans une lettre datée du 18 novembre 2019 envoyée par courriel à l’adresse indiquée dans la lettre d’équité procédurale. Toutefois, il semble que cette lettre n’ait pas été reçue par l’agent qui a procédé à l’examen de la demande. Cet agent, qui n’était pas le même que celui qui avait envoyé la lettre d’équité procédurale à en juger par les notes consignées dans le Système mondial de gestion des cas (le SMGC), a rejeté la demande le 28 novembre 2019 et a déclaré M. Obafemi interdit de territoire pour fausse déclaration. Les notes consignées par l’agent dans le SMGC indiquent ce qui suit :

[traduction]

Demande examinée. Une lettre d’équité procédurale a été envoyée au demandeur principal pour qu’il réponde aux préoccupations au sujet de renseignements non déclarés dans les questions réglementaires. Jusqu’à maintenant, aucune réponse n’a été reçue. Au vu de la demande, je suis convaincu que le demandeur n’a pas fourni des renseignements complets et véridiques. Ces renseignements sont déterminants dans l’évaluation de la demande; par conséquent, ne pas les fournir aurait pu entraîner une erreur dans l’application de la loi. Le demandeur principal s’est vu offrir l’occasion de répondre aux préoccupations exprimées, mais il n’a pas fourni de renseignements qui auraient permis de les dissiper. Par conséquent, compte tenu des renseignements qui figurent au dossier, je suis convaincu que le demandeur principal est interdit de territoire pour fausse déclaration au titre de l’article 40 et, de ce fait, il est interdit de territoire au Canada pour une période de cinq ans. Demande rejetée.

[6] Il ressort clairement du dossier certifié du tribunal que M. Obafemi n’a pas fait la fausse déclaration dont il a été accusé. Il n’a pas non plus omis de fournir des renseignements en réponse à la lettre d’équité procédurale. Le rejet de la demande de M. Obafemi et la conclusion d’interdiction de territoire doivent être annulés, car ils sont déraisonnables et injustes, et la demande doit être renvoyée pour nouvel examen. Il est déraisonnable pour l’agent d’avoir tiré une conclusion aussi manifestement en contradiction avec la preuve factuelle, et il est injuste qu’il l’ait fait sans tenir compte de la réponse de M. Obafemi à la lettre d’équité procédurale.

[7] Cette situation est d’autant plus singulière et décourageante qu’il s’est maintenant écoulé plus de 21 mois depuis le rejet de la demande de M. Obafemi pour des motifs à l’évidence incorrects. M. Obafemi a tenté de porter l’erreur à l’attention du bureau des visas en envoyant des lettres les 1er et 5 décembre 2019, puis le 17 janvier 2020. Ne recevant aucune réponse du haut‑commissariat, il s’est trouvé dans l’obligation de déposer la présente demande d’autorisation et de contrôle judiciaire, ce qu’il a fait en mars 2020.

[8] La lettre envoyée par M. Obafemi le 18 novembre 2019 en réponse à la lettre d’équité procédurale était mentionnée dans la demande de contrôle judiciaire. L’affidavit et le mémoire du demandeur, déposés en juillet 2020, comprenaient une copie de la réponse, une copie de la demande montrant que le demandeur avait répondu par l’affirmative à la question sur les refus antérieurs, ainsi qu’une copie du courriel de confirmation de réception reçu du haut‑commissariat à Nairobi. Néanmoins, le ministre, représenté par le ministère de la Justice, a répondu à la demande non pas en enquêtant sur l’erreur apparente, mais plutôt en s’appuyant sur les faits exposés dans les motifs et la lettre d’équité procédurale. Il affirmait que M. Obafemi n’avait pas répondu véridiquement à la question sur les refus antérieurs et que — malgré le courriel de confirmation de réception contenu dans le dossier — M. Obafemi n’avait pas démontré que la lettre avait été transmise à l’agent des visas. Ne pouvant fournir aucune explication à ce sujet, l’avocate s’est contentée de présenter ses excuses à la Cour.

[9] Même après que le dossier certifié du tribunal eut été produit par le haut‑commissariat à Nairobi en avril 2021, il y a quatre mois, lequel confirmait que la réponse à la lettre d’équité procédurale figurait dans les dossiers du haut‑commissariat et que la demande ne contenait pas la déclaration prétendument fausse, le ministre n’a pas consenti à ce qu’une ordonnance annulant la décision soit rendue ni à ce que la demande de visa de M. Obafemi soit réexaminée. Ce refus est inexplicable. M. Obafemi vit dans l’incertitude de pouvoir rejoindre sa femme au Canada depuis beaucoup trop longtemps.

[10] La demande est donc accueillie et la demande de visa de M. Obafemi est renvoyée pour nouvel examen par un autre agent n’ayant pas participé au traitement du dossier. Compte tenu du délai tout à fait inutile qui s’est déjà écoulé, j’ordonnerai que la demande de M. Obafemi soit considérée comme hautement prioritaire et qu’une décision soit rendue, ou qu’une autre lettre d’équité procédurale soit envoyée si d’autres questions se posent, dans les trois semaines suivant la date du présent jugement.

[11] En outre, j’estime que les motifs qui précèdent constituent des raisons spéciales au sens de l’article 22 des Règles des cours fédérales en matière de citoyenneté, d’immigration et de protection des réfugiés, DORS/93‑22. Le ministre souligne que le demandeur n’a pas réclamé de dépens et qu’il n’y a eu aucune discussion de règlement au cours de laquelle la possibilité de régler l’affaire a été soulevée. Cependant, compte tenu des circonstances, je suis d’avis que le critère des raisons spéciales énoncé à l’article 22 est rempli et qu’il y a lieu d’adjuger des dépens même si le demandeur n’en a pas demandé. Je vais toutefois tenir compte du fait qu’il n’y a eu ni demande ni discussion de règlement pour fixer le montant. Je fixe le montant des dépens de la présente demande à 2 500 $.

[12] Comme il ressort clairement des motifs qui précèdent, il n’y a aucune question à certifier.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM‑1827‑20

LA COUR ORDONNE :

  1. La demande de contrôle judiciaire est accueillie. La demande de visa de M. Obafemi est renvoyée à un autre agent pour nouvel examen. Une décision devra être rendue ou une autre lettre d’équité procédurale devra être envoyée dans les trois semaines suivant la date du présent jugement.

  2. Le montant des dépens payables au demandeur est fixé à 2 500 $.

« Nicholas McHaffie »

Juge

Traduction certifiée conforme

Geneviève Bernier


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑1827‑20

 

INTITULÉ :

CHARLES ADEWALE OBAFEMI c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 25 août 2021

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE MCHAFFIE

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

Le 26 août 2021

COMPARUTIONS :

Richard Odeleye

 

Pour le demandeur

 

Suzanne M. Bruce

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Richard Odeleye

Avocat

North York (Ontario)

 

Pour le demandeur

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

 

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