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Date : 20050503

Dossier : IMM-4693-04

Référence : 2005 CF 605

Ottawa (Ontario), le 3 mai 2005

Présent :          Monsieur le juge Blanchard

ENTRE :

                                                     BASSOLÉ BASSON BLAISE

                                                                                                                                          demandeur

                                                                          - et -

                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                       ET DE L'IMMIGRATION

                                                                             

                                                                                                                                           défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

INTRODUCTION

[1]                La présente porte sur une demande de contrôle judiciaire, déposée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, c. 27 (la LIPR), d'une décision de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, Section de la protection des réfugiés (la Commission), rendue le 4 mai 2004 par la commissaire Sylvie Roy. Le demandeur s'est vu refuser la qualité de réfugié et de personne à protéger.


[2]                Le demandeur réclame de cette Cour qu'elle casse la décision de la Commission et qu'elle prononce le « sursis de la décision de la Commission jusqu'à ce que cette Cour décide de la présente demande. »

CONTEXTE FACTUEL

[3]                Le demandeur est citoyen du Burkina Faso. Il arrive au Canada le 12 juillet 2001 pour participer aux IVe Jeux de la Francophonie à Ottawa en tant qu'entraîneur de volley-ball. Il revendique le statut de réfugié le 26 juillet 2001.

[4]                Il fonde sa demande d'asile sur le fait qu'il est persécuté en raison d'opinions politiques imputées puisqu'il est membre d'un collectif d'associations et de partis politiques (le collectif), formé en 1998 suite à l'assassinat de Norbert Zongo, journaliste et cousin de sa femme. Le collectif a comme objectif de lutter contre la violation des droits de la personne, les assassinats sommaires et l'impunité régnant au Burkina Faso. Il est membre du collectif de par son association au Syndicat national des enseignants du secondaire et du supérieur (SNSS) et impliqué à titre d'animateur d'une cellule du collectif et secrétaire général du bureau provincial.

[5]                Il raconte avoir été arrêté à l'occasion des marches commémorant l'assassinat de Norbert Zongo, mesure qu'il interprète comme une tentative de décourager les manifestations.


[6]                L'audience devant la Commission a lieu le 23 mars 2004. La Commission rend sa décision négative le 4 mai 2004. Le 29 novembre 2004, la demande d'autorisation pour introduire la demande de contrôle judiciaire est accordée.

DÉCISION CONTESTÉE

[7]                La Commission décide que le demandeur n'a ni la qualité de réfugié au sens de l'article 96 de la LIPR ni la qualité de personne à protéger au sens du paragraphe 97(1) de la LIPR.

[8]                À titre de preuve, la Commission dispose du témoignage du demandeur et des documents suivants : le Formulaire de renseignements personnels (FRP) du demandeur, documents personnels, d'emploi et d'éducation du demandeur, documents sur les conditions au Burkina Faso.

[9]                La Commission juge que le demandeur n'est ni crédible quant à plusieurs aspects importants de sa demande ni dans les explications fournies lorsque confronté aux contradictions et invraisemblances dans son histoire, soit :

-           les incohérences entre le témoignage du demandeur et son FRP quant au moment de ses arrestations;

-           le manque de preuve que des membres du collectif sont visés par les autorités du Burkina Faso;

-           la preuve d'activités du collectif tenues sans incidences ou présence militaire;

-           le manque de preuve que les membres de la famille de Norbert Zongo sont à risque;


-           les incohérences entre le témoignage du demandeur et son FRP quant à son profil politique.

[10]            Puisque la Commission décide que la preuve documentaire révèle que les forces de sécurité s'en prennent aux criminels ou aux personnes critiquant ouvertement le gouvernement, et compte tenu du fait qu'elle n'accepte pas que le demandeur était un opposant politique au Burkina Faso, elle estime qu'il n'a pas le profil d'un individu exposé au risque d'être persécuté par les autorités. D'ailleurs, aucune preuve n'indique qu'il fasse l'objet de menaces particulières.

[11]            La Commission tient également compte du fait que le demandeur admet ne pas être venu au Canada en juillet 2001 avec l'intention d'y demeurer. La Commission souligne que, si les autorités avaient identifié le demandeur comme un opposant politique, elles ne l'auraient pas expressément choisi pour participer aux Jeux de la Francophonie et pour voyager en dehors du pays.


[12]            La Commission a rejeté l'argument du demandeur qui dit qu'il sera persécuté en raison de sa demande d'asile au Canada. D'une part, la Commission n'accepte pas la prétention du demandeur voulant que le chef de la délégation l'ait menacé de représailles à son retour au Burkina Faso et qu'il le tienne responsable de la défection de trois athlètes de volley-ball demeurés au Canada. D'autre part, la Commission conclut que les sanctions que pourrait subir le demandeur relèvent d'une loi d'application générale dans son pays et qu'il s'est volontairement exposé à ce risque : Valentin c. Canada (M.E.I.), [1991] 3 C.F. 390. Le demandeur n'a pas établi que les lois du Burkina Faso revêtent un caractère de persécution : Zolfagharkhani c. Canada (M.E.I.), [1993] 3 C.F. 540.

[13]            En somme, la Commission décide que le demandeur ne s'est pas déchargé du fardeau d'établir sa qualité de réfugié et de personne à protéger. Sa demande d'asile est rejetée.

QUESTIONS EN LITIGE

[14]            À mon avis, les questions litigieuses à trancher en l'espèce sont les suivantes :

1)         La demande de contrôle judiciaire doit-elle être rejetée pour cause de vice de procédure?

2)         La Commission a-t-elle rendu une décision manifestement déraisonnable en rejetant la demande d'asile du demandeur?

ANALYSE

1)        La demande de contrôle judiciaire doit-elle être rejetée pour cause de vice de procédure?

[15]            Le défendeur souligne, à titre préliminaire, que l'affidavit du demandeur ne respecte pas les exigences de l'alinéa 10(2)d) des Règles de la Cour fédérale en matière d'immigration et de protection des réfugiés, DORS/93-22 (les Règles) en ce qu'il ne contient aucun allégué factuel. Le défendeur soutient que ce vice justifie, en soi, le rejet de la demande : Metodieva c. Canada (M.E.I.), [1991] A.C.F. no 629, en ligne : QL; (1991), 132 N.R. 38.



10. (2) Le demandeur signifie à chacun des défendeurs qui a déposé et signifié un avis de comparution un dossier composé des pièces suivantes, disposées dans l'ordre suivant sur des pages numérotées consécutivement :

d) un ou plusieurs affidavits établissant les faits invoqués à l'appui de sa demande,

10. (2) The applicant shall serve on every respondent who has filed and served a notice of appearance, a record containing the following, on consecutively numbered pages, and in the following order

(d) one or more supporting affidavits verifying the facts relied on by the applicant in support of the applicant, and


[16]            Je note que la décision dans l'affaire Metodieva, supra, porte, entre autres, sur l'absence d'un affidavit qui a été jugée un vice de fond dans le cadre d'une demande d'autorisation pour introduire une demande de contrôle judiciaire et non d'un contrôle judiciaire en tant que tel. En l'espèce, je me fonde plutôt sur la décision de madame la juge Dawson dans Turcinovica c. Canada (M.C.I.), 2002 CFPI 164, confirmée dans Sarmis c. Canada (M.C.I.), 2004 CF 110, à l'effet que des défauts relatifs aux affidavits n'entraînent pas nécessairement le rejet automatique du contrôle judiciaire. Considérant aussi le fait que le demandeur se représente lui-même, la Cour est prête à se montrer quelque peu plus tolérante et poursuivre l'analyse sur les mérites du contrôle judiciaire en tant que tel.

2)         La Commission a-t-elle rendu une décision manifestement déraisonnable en rejetant la demande d'asile du demandeur?

[17]            Le coeur du litige en l'espèce est une question de crédibilité. Il est de jurisprudence constante que la norme de révision applicable à de telles déterminations est celle du caractère manifestement déraisonnable : Aguebor c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1993] A.C.F. no 732, en ligne : QL; R.K.L. c.Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2003 CFPI 116; Khaira c. Canada (M.C.I.), 2004 CF 62.


[18]            Le demandeur réitère les arguments qu'il a présentés devant la Commission, à savoir le risque qu'il court à retourner au Burkina Faso en raison de son implication politique perçue et de sa demande d'asile au Canada. Il soutient avoir la qualité de personne à protéger et ne pas pouvoir s'établir en Côte d'Ivoire, pays voisin du Burkina Faso où il est à risque. Il conteste la décision de la Commission qui est formulée au conditionnel, ce qui laisse transparaître un doute quant à la menace à sa vie ou au risque de torture.

[19]            Le demandeur s'objecte également aux incohérences identifiées dans sa preuve par la Commission. Il conteste la décision de la Commission en déclarant qu'il n'était pas, avant de quitter le Burkina Faso, un opposant politique mais qu'il l'est devenu en demandant l'asile. Le demandeur soutient enfin que la commissaire a refusé toutes les demandes d'asile des autres ressortissants burkinabé alors que les demandes de citoyens du Burkina Faso traitées par d'autres commissaires ont été acceptées.


[20]            Le défendeur argumente que le demandeur fonde ses argument sur des faits non étayés par la preuve devant cette Cour, énonce des allégations gratuites et omet de soulever de motifs sérieux pouvant justifier l'intervention de cette Cour. Le défendeur rajoute que la preuve que le demandeur tente de déposer devant cette Cour par le biais de son affidavit consiste en de la preuve dont ne disposait pas la Commission. Ces documents doivent, par conséquent, être expurgés du dossier : Naredo c. Canada (M.C.I.), [1997] A.C.F. no 742, en ligne : QL; Asafov c. Canada (M.E.I.), [1994] A.C.F. no 713, en ligne : QL; Lemiecha (Tuteur d'instance) c. Canada (M.E.I.), [1993] A.C.F. no 1333, en ligne : QL.

[21]            J'accepte l'argument du défendeur que la jurisprudence indique que la Cour est liée par le dossier déposé devant l'officier fédéral dont la décision fait l'objet du contrôle judiciaire. En me fondant sur le matériel dont disposait la Commission, je ne peux conclure en l'espèce qu'une erreur entache la décision de celle-ci de manière à la rendre manifestement déraisonnable.

[22]            Un tribunal administratif est dans une position avantageuse pour évaluer les questions de crédibilité, ce qui attire une grande déférence de la part de la Cour. Ce principe colorant la jurisprudence de cette Cour a été ainsi articulé dans R.K.L., supra, aux paragraphes 7 à 9.

[7] L'évaluation de la crédibilité d'un demandeur constitue l'essentiel de la compétence de la Commission. La Cour a statué que la Commission a une expertise bien établie pour statuer sur des questions de faits, et plus particulièrement pour évaluer la crédibilité et la crainte subjective de persécution d'un demandeur. (Références omises)

[8] En outre, il a été reconnu et confirmé qu'en ce qui concerne la crédibilité et l'appréciation de la preuve, la Cour ne peut pas substituer sa décision à celle de la Commission si le demandeur n'a pas réussi à établir que la décision de la Commission était fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans qu'il soit tenu compte des éléments dont elle disposait. (Références omises)

[9] Normalement, la Commission peut à bon droit conclure que le demandeur n'est pas crédible à cause d'invraisemblances contenues dans la preuve qu'il a présentée, dans la mesure où les inférences qui sont faites ne sont pas déraisonnables et que les motifs sont formulés « en termes clairs et explicites. » (Références omises)


[23]            Ayant passé en revue le présent dossier, je ne suis pas en mesure de conclure que la Commission a rendu une décision manifestement déraisonnable. Il était du ressort de la Commission de tirer des inférences de la preuve et de décider sur la crédibilité du demandeur. Compte tenu du fait que cette détermination n'est pas déraisonnable et que les motifs de la Commission sont formulés de façon claire et explicite, je conclus qu'il n'y a pas matière à intervention pour cette Cour.

CONCLUSION

[24]            Pour les motifs exposés précédemment, je suis d'avis que la Commission n'a pas erré en rendant sa décision de façon à attirer l'intervention de cette Cour. Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[25]            Les parties n'ont pas proposé la certification d'une question grave de portée générale telle qu'envisagée à l'article 74(d) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. (2001) c. 27. Aucune question grave de portée générale ne sera certifiée.


                                                                ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1.         La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.          Aucune question grave de portée générale n'est certifiée.

                                                                                                                   « Edmond P. Blanchard »               

                                                                                                                                                      juge                           


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                             IMM-4693-04

INTITULÉ :                            Bassolé Basson Blaise c. MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :      Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :    le 16 février 2005

MOTIFS[de l'ordonnance ou du jugement] : L'honorable Edmond P. Blanchard

DATE DES MOTIFS :                       le 3 mai 2005

COMPARUTIONS:

M. Bassolé Basson Blaise                                                          POUR LE DEMANDEUR

Me Andrea Shahin                                                                     POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

S\O                                                                                           POUR LE DEMANDEUR

John J. Sims, c.r.                                                                       POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


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