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Date : 20020426

Dossier : IMM-237-01

Référence neutre : 2002 CFPI 452

ENTRE :

                                                                 AQEEL KHOKHAR

                                                                                                                                                      Demandeur

                                                                                   et

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                       Défendeur

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE GIBSON

[1]                 Le demandeur demande le contrôle judiciaire d'une décision rendue par la Section du statut de réfugié (la SSR) de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié dans laquelle la SSR a décidé que le demandeur n'était pas un réfugié au sens de la Convention selon la définition donnée à cette expression au paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration[1]. La décision de la SSR est datée du 11 janvier 2001.

[2]                 Le demandeur est un jeune homme, citoyen du Pakistan. Celui-ci fonde sa revendication sur le fait qu'il craint avec raison d'être persécuté par les membres de la Ligue musulmane du Pakistan (la LMP) et par la police à cause de ses opinions politiques. La SSR a accepté le témoignage du demandeur selon lequel il a été, à partir de 1993, un membre de la People's Youth Organization (la PYO) et du Parti populaire du Pakistan (le PPP).

[3]                 Le demandeur a prétendu que les membres de la LMP l'avaient agressé et l'avaient battu en 1994 ainsi qu'en 1995, puis qu'ils avaient menacé de le tuer s'il ne quittait pas les rangs de la PYO et du PPP pour se joindre à la LMP. Il a prétendu que la police l'avait détenu pendant cinq jours à la suite de sa participation à une manifestation de protestation après que le gouvernement du PPP eut été destitué en novembre 1996. Il a, en outre, soutenu que les membres de la LMP avaient attaqué et détruit le bureau de campagne électorale de son parti en 1997 lors d'une campagne électorale. De plus, il a prétendu que peu de temps après l'élection de 1997, des membres de la LMP avaient abattu deux de ses amis et des collègues du PPP alors que ceux-ci étaient en train de quitter les bureaux du PYO. Il a affirmé, dans son témoignage, que la police avait refusé d'inscrire une plainte contre les membres de la LMP impliqués dans la fusillade, et ce, malgré le fait que celui-ci ait été témoin de la fusillade et qu'il ait signalé l'incident à la police.


[4]                 Le demandeur a de plus prétendu qu'il avait participé aux élections locales de mai 1998, malgré les menaces des membres de la LMP. Il a prétendu que la police l'avait détenu la journée même des élections et dans la nuit qui avait suivi, et ce, par rapport à ces élections. Le demandeur prétend que des membres de la LMP avaient investi sa maison la nuit où il avait été libéré par la police et qu'il avait pu s'enfuir de sa maison. Par la suite, celui-ci est allé se réfugier dans la maison d'un ami dans une autre collectivité où il est demeuré caché. Le demandeur a prétendu qu'au début d'août 1998, des personnes qu'il croyait être membres de la LMP avaient abattu l'ami chez qui il s'était réfugié. Une fois de plus, le demandeur s'est enfui; à Rawalpindi cette fois.

[5]                 Le demandeur a prétendu une fois de plus que la police avait investi sa maison au début de septembre 1998, car ils étaient à sa recherche suite à sa participation à une grève de protestation. Comme la police n'a pas retrouvé le demandeur, celle-ci a arrêté le père de ce dernier. Au cours de cet incident, le demandeur a prétendu qu'il avait appris que la police avait dressé un Premier rapport de dénonciation contre lui. En conséquence, il est allé se cacher pour la troisième fois et il a pris des dispositions afin de quitter le Pakistan pour se rendre au Canada.

[6]                 La décision sommaire de la SSR est ainsi libellée dans ses motifs :

[TRADUCTION]

Le tribunal a décidé que le revendicateur n'était pas un réfugié au sens de la Convention. Le tribunal a estimé que les récits d'incidents selon lesquels la police et la LMP s'intéressaient au revendicateur n'étaient pas crédibles. Ceux-ci ont été inventés afin d'embellir la revendication. Les documents qui ont été fournis à leur appui n'avaient que peu ou pas d'importance car le tribunal a conclu qu'ils avaient été confectionnés afin d'embellir la revendication.


[7]                 L'avocat du demandeur a soutenu que la SSR avait commis une erreur susceptible de révision en fondant sa décision sur des conclusions de faits erronées tirées de façon abusive et arbitraire sans tenir compte des éléments dont elle disposait, en fondant sa décision sur ses propres hypothèses contraires à la preuve dont elle était saisie et en rejetant la demande du demandeur malgré qu'elle ait reconnu que le demandeur était membre de la PYO et du PPP et qu'il occupait un poste de dirigeant au niveau de sa région.

[8]                 Dans des motifs brefs mais bien présentés, la SSR a rejeté un grand nombre des prétentions du demandeur. Elle a estimé que les récits de ce dernier concernant certains des événements étaient « truffés d'explications nébuleuses » . Elle a conclu que certaines des activités de la police dont le demandeur s'était plaint n'étaient pas déraisonnables étant donné le contexte de tourmente politique qui régnait au Pakistan à cette époque. Elle a accordé peu d'importance au premier rapport de dénonciation et aux mandats d'arrestation dont elle a été saisie au motif qu'elle ne croyait tout simplement pas, qu'à l'époque, la police aurait pu s'intéresser au demandeur. Elle a également accordé peu d'importance à une lettre visant à appuyer le premier rapport de dénonciation et aux mandats d'arrestation en se fondant sur un rapport de vérification judiciaire fourni par la Gendarmerie royale du Canada faisant état d'un « certain nombre d'anomalies apparentes » contenues dans la lettre.

[9]                 Suite à son examen de la preuve, la SSR a conclu en ces termes :

[traduction]

Le tribunal conclut que le revendicateur n'a pas fourni une preuve suffisamment crédible pour appuyer les prétentions voulant que la LMP et la police s'intéressaient à lui. Le tribunal conclut qu'il n'y pas de risques raisonnables que la LMP ou la police ne le persécutent s'il retournait au Pakistan aujourd'hui.

[10]            Il y a lieu de faire montre de beaucoup de retenue à l'égard des conclusions de fait de la SSR. Dans l'arrêt Syndicat de la fonction publique, section locale 301 c. Montreal (Ville)[2], Madame le juge L'Heureux-Dubé écrit :

Nous devons nous souvenir que la norme quant à la révision des conclusions de fait d'un tribunal exige une extrême retenue : [...] . Les cours de justice ne doivent pas revoir les faits ou apprécier la preuve. Ce n'est que lorsque la preuve, examinée raisonnablement, ne peut servir de fondement aux conclusions du tribunal qu'une conclusion de fait sera manifestement déraisonnable.

                                                                                                                                  [Renvoi omis]

[11]            J'ai examiné la preuve documentaire soumise à la SSR, telle qu'elle ressort du dossier du tribunal ainsi que la transcription de l'audience devant la SSR. À la suite de cet examen, je ne peux pas conclure que la totalité de la preuve soumise à la SSR était insuffisante pour appuyer les conclusions de fait de la SSR.

[12]            En se fondant sur ces conclusions de fait, la SSR a décidé que le demandeur ne risquait pas d'être persécuté en raison de ses opinions politiques s'il était obligé de retourner au Pakistan. Cette conclusion ne représente pas une conclusion de fait mais plutôt, j'en suis convaincu, une conclusion à la fois de fait et de droit.

[13]            Dans l'arrêt Adjei c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration)[3], M. le juge MacGuigan, au nom de la Cour, écrit à la p. 683 :


Les expressions telles que « [craint] avec raison » et « chance raisonnable » signifient d'une part qu'il n'y a pas à y avoir une chance supérieure à 50 p. 100 (c'est-à-dire une probabilité), et d'autre part, qu'il doit exister davantage qu'une possibilité minime. Nous croyons que cela peut aussi être qualifié de possibilité « raisonnable » ou même de « possibilité sérieuse » , par opposition à une simple possibilité.

[14]            Je ne trouve rien qui puisse me permettre de conclure que la SSR a appliqué un mauvais critère en concluant comme elle l'a fait. De plus, je suis convaincu qu'il lui était loisible d'en arriver à cette conclusion de droit, au vu des conclusions de fait qu'il lui était loisible de tirer.

[15]            La demande de contrôle judiciaire sera donc rejetée. Aucun des avocats n'a proposé de question grave de portée générale en vue d'une certification dans ce cas-ci. Je suis d'accord. Aucune question ne sera certifiée.

« FREDERICK E. GIBSON »

   Juge

  

OTTAWA (Ontario)

Le 26 avril 2002

  

Traduction certifiée conforme

                                                         

Richard Jacques, LL.L.


   

Date : 20020426

Dossier : IMM-237-01

  

OTTAWA (Ontario), le vendredi 26 avril 2002

EN PRÉSENCE DE M. LE JUGE GIBSON

ENTRE :

AQEEL KHOKHAR

Demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

  

Défendeur

  

ORDONNANCE

  

La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question n'est certifiée.

   

« FREDERICK E. GIBSON »

   Juge

  

Traduction certifiée conforme

                                                         

Richard Jacques, LL.L.


             COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

                                                         

DOSSIER :                                                         IMM-237-01

INTITULÉ :                                                        AQEEL KHOKHAR c. MCI

  

LIEU DE L'AUDIENCE :                                CALGARY (ALBERTA)

DATE DE L'AUDIENCE :                              Le 16 avril 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : M. le juge Gibson

DATE DES MOTIFS :                                     Le 26 avril 2002

   

COMPARUTIONS :

Satnam S. Aujla                                                                              POUR LE DEMANDEUR

Brad Hardstaff                                                                  POUR LE DÉFENDEUR

  

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Satnam S. Aujla                                                                              POUR LE DEMANDEUR

Morris Rosenberg                                                                           POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada



[1]            L.R.C. 1985, ch. I-2.

[2]            [1997] 1 R.C.S. 793, à la p. 844.

[3]            [1989] 2 C.F. 680 (C.A.).

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