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Date : 20210826


Dossier : IMM-24-21

Référence : 2021 CF 878

Ottawa (Ontario), le 26 août 2021

En présence de l'honorable juge Shore

ENTRE :

JOHNATAN FERNANDO MEZA CAMARGO

partie demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

partie défenderesse

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire à l’encontre d’une décision rendue le 4 décembre 2020 par la Section d’appel de l’immigration (SAI) dans laquelle la SAI a confirmé la mesure de renvoi pour interdiction de territoire pour grande criminalité au sens de l’alinéa 36(1)a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [LIPR].

[2] Le demandeur est citoyen de la Colombie et, étant déclaré personne protégée, a obtenu la résidence permanente au Canada en 2005. En août 2017, le demandeur a plaidé coupable à des infractions d’introduction par effraction et de complot, et a été condamné en mars 2018 à détention discontinue et à une probation surveillée comprenant des heures de travaux communautaires à effectuer. Trois autres infractions sont rapportées entre 2016 et 2017, soit deux bris de couvre-feu et une condamnation pour menaces de mort envers des policiers.

[3] En juillet 2019, une mesure de renvoi avait été prise contre le demandeur par la Section de l’immigration pour interdiction de territoire pour grande criminalité. La SAI a rejeté l’appel, y compris la demande visant à surseoir la mesure de renvoi pour insuffisance de motifs d’ordre humanitaire pour obtenir une mesure spéciale.

[4] Le présent contrôle judiciaire porte sur le caractère raisonnable de la décision de la SAI. Une « décision raisonnable doit être fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti » (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 au para 85 [Vavilov]). À moins de circonstances exceptionnelles, cette Cour ne doit pas modifier les conclusions de faits; de même que d’apprécier à nouveau la preuve (Vavilov, ci-dessus, aux para 125, 128).

[5] Le demandeur avance, en somme, que la SAI a accordé un poids excessif à des considérations étrangères ou non pertinentes, et qu’elle a soupesé inéquitablement les facteurs d’ordre humanitaire. Il soulève à titre de comparaison le traitement distinct du dossier de son frère, également un coaccusé à l’infraction principale, par le même commissaire de la SAI. Le demandeur semble également intercaler dans ses soumissions la partialité du commissaire, mais sans plus.

[6] A priori, chaque dossier doit être considéré indépendamment en fonction des faits propres à chacun. La Cour ne va pas s’immiscer dans un exercice de comparaison avec un dossier distinct, celui du frère du demandeur, qui n’est d’ailleurs pas devant cette Cour dans le présent dossier. La Cour écarte de même la mention de partialité, une allégation sérieuse, sans fondement ou de preuve à cet effet.

[7] Quant aux autres arguments du demandeur, il y a lieu de rappeler que la SAI est munie d’un pouvoir discrétionnaire en matière de considérations d’ordre humanitaire selon la LIPR. La SAI est guidée par les facteurs non exhaustifs établis dans Ribic c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1985] DSAI No 4 (QL), et approuvé par la Cour suprême du Canada (Chieu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CSC 3 aux para 40-41). La pondération de chaque facteur et de chaque élément de preuve est laissée à la discrétion de la SAI (Ambat c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 292 au para 32; également, un jugement très détaillé sur des éléments importants à retenir du jugement, soit Zhang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 927, avec la jurisprudence spécifiée à l’intérieur du jugement).

[8] En l’espèce la SAI a premièrement conclu que l’infraction à l’origine de la mesure de renvoi est très grave et la réadaptation est faible. Elle a particulièrement noté l’insouciance du demandeur face au respect de ses conditions et le fait qu’il ne cherche pas à respecter ses obligations en temps opportun.

[9] La SAI a considéré de plus les admissions de multiples non-respects du couvre-feu, les propos contradictoires en matière de consommation d’alcool, le manque de sérieux et l’instabilité financière du demandeur – ces derniers constituant les plus grands risques de récidive.

[10] Le demandeur serait également peu établi au Canada à l’évidence de son faible engagement personnel et professionnel, et compte tenu de la faible preuve à l’appui d’efforts dans cette veine. Le critère de la présence familiale au pays a toutefois été considéré comme positif, tout comme le soutien de la collectivité.

[11] Les bouleversements d’un renvoi du Canada, dont la procédure n’est pas enclenchée, n’ont cependant pas été considérés. Cela dit, le tribunal a évalué les conséquences en cas de perte de statut de résident permanent et a conclu – à défaut de preuves évidentes – que le demandeur ne subirait pas de difficultés importantes à cet égard.

[12] Similairement, la SAI a déterminé que l’intérêt supérieur des enfants directement touchés, soit l’enfant du demandeur et ceux de sa famille, est un critère neutre puisque le demandeur n’a pas démontré que la perte de son statut aura un impact sur ces enfants.

[13] La SAI a enfin conclu que le demandeur n’a pas démontré l’existence de motifs suffisants pour justifier l’octroi d’une mesure spéciale. Selon le tribunal d’une façon intrinsèque, le demandeur ne démontre pas une volonté de se prendre en main d’une façon continuelle, il ne reconnaît pas une problématique à corriger et l’importance des crimes commis.

[14] La Cour estime que la décision est raisonnable. Le demandeur conteste globalement l’appréciation de la SAI de chacun des facteurs précédents en offrant une interprétation nuancée de son dossier. La SAI est présumée avoir pris en considération tous les éléments de preuve dont elle disposait et ses motifs justifient ses conclusions (Florea c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] ACF no 598 (CAF) (QL) au para 1). Elle n’était pas tenue de retenir l’appréciation particulière du demandeur sur la preuve au dossier (Karakaya c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 777 au para 18).

[15] Pour ces motifs, la Cour rejette la demande de contrôle judiciaire.


JUGEMENT au dossier IMM-24-21

LA COUR STATUE que le rejet de la demande de contrôle judiciaire sans question d’importance générale à certifier.

« Michel M.J. Shore »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

imm-24-21

INTITULÉ :

JOHNATAN FERNANDO MEZA CAMARGO c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 25 AOÛT 2021

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE SHORE

DATE DES MOTIFS :

LE 26 AOÛT 2021

COMPARUTIONS :

Majorie Demeulenaere

Pour LA PARTIE DEMANDERESSE

Daniel Latulippe

Pour LA PARTIE DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Me Majorie Demeulenaere

Montréal (Québec)

Pour LA PARTIE DEMANDERESSE

Procureur général du Canada

Montréal (Québec)

Pour LA PARTIE DÉFENDERESSE

 

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