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Date : 20210804


Dossier : T‑428‑19

Référence : 2021 CF 822

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 4 août 2021

En présence de madame la juge Fuhrer

ENTRE :

SOCIÉTÉ CANADIENNE DES AUTEURS, COMPOSITEURS ET ÉDITEURS DE MUSIQUE

demanderesse

et

1730395 ALBERTA LTD., FAISANT AFFAIRE SOUS LE NOM ʻSILVER POINT PUB & EATERYʼ, ET YOGESH PATEL

défendeurs

ORDONNANCE ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] La demanderesse est une société canadienne de gestion des droits d’auteur connue sous le nom de SOCAN. En mars 2017, elle a poursuivi les défendeurs pour violation du droit d’auteur sur des œuvres musicales à l’égard desquelles elle a des droits. Les défendeurs n’ont opposé aucune défense à cette action.

[2] La demanderesse a obtenu un jugement par défaut et la Cour a ordonné que la question des dommages‑intérêts et des profits fasse l’objet d’un renvoi. Les défendeurs n’ont pas remédié à leur défaut. La demanderesse a donc présenté par écrit une requête ex parte afin que la Cour ordonne la tenue d’un renvoi ex parte visant à déterminer le montant des dommages‑intérêts et des profits que doivent lui verser les défendeurs.

[3] Pour les motifs qui suivent, je fais droit à la requête de la demanderesse aux conditions ci‑après énoncées.

II. Historique

A. (1) L’action de la demanderesse

[4] Le 7 mars 2019, la demanderesse a déposé une déclaration dans laquelle elle alléguait que les défendeurs avaient violé le droit d’auteur qu’elle détient sur certaines œuvres musicales en permettant leur exécution en personne et au moyen d’appareils karaoké, dans un bar, un cabaret, un restaurant, une taverne, un club, une salle à manger, une discothèque, une salle de danse, une salle de bal ou un établissement du même genre. Plus précisément, la demanderesse alléguait que les défendeurs avaient exécuté en public des œuvres inscrites à son répertoire sur les lieux du « Silver Point Pub & Eatery », exploité par la société défenderesse 1730395 Alberta Ltd. La demanderesse alléguait aussi que le défendeur, Yogesh Patel, alias Yogesh Kumar et Yogesh Patel Kumar, est administrateur de la société défenderesse.

[5] Dans son action, la demanderesse sollicitait, entre autres choses, le paiement des redevances d’exécution qui lui sont dues au titre du Tarif 3A (Exécution en personne) et du tarif 20 (Karaoké). Les défendeurs ont fait défaut de déposer une défense à l’action.

B. (2) Jugement par défaut

[6] La demanderesse a donc présenté une requête ex parte en vue d’obtenir un jugement par défaut, requête à laquelle le juge Grammond a fait droit, le 9 septembre 2019 [jugement par défaut]. Le juge Grammond a conclu que les défendeurs avaient violé le droit d’auteur sur des œuvres musicales à l’égard desquelles la demanderesse détient le droit d’exécution en public, soit en personne, soit au moyen d’appareils karaoké.

[7] Dans son jugement par défaut, le juge Grammond a ordonné aux défendeurs de verser à la demanderesse, conformément à l’article 35 de la Loi sur le droit d’auteur, LRC 1985, c C‑42, une somme au titre des dommages‑intérêts et des profits pour les années 2016 à 2019, conformément au tarif 3A, et pour les années 2017 à 2019, conformément au tarif 20, en plus d’ordonner la tenue d’un renvoi visant à déterminer le montant de ces dommages‑intérêts et profits. Le juge Grammond a aussi condamné les défendeurs à verser à la demanderesse les dépens engagés dans la requête écrite ex parte qu’elle a présentée en vue d’obtenir un jugement par défaut, qu’il a établis à la somme de 3 000 $ plus intérêts au taux annuel de 2,2 % à compter de la date du jugement par défaut. Par ordonnance du Juge en chef en date du 17 septembre 2019, j’ai été désignée en tant qu’arbitre.

[8] En prévision du renvoi, les parties ont reçu l’ordre de signifier et déposer, successivement, un exposé des questions en litige. Les défendeurs devaient aussi signifier et déposer un affidavit de documents contenant une liste de tous les documents pertinents pour les questions visées par le renvoi. En outre, le jugement par défaut exigeait de la demanderesse qu’elle joigne une copie du jugement par défaut à l’exposé des questions en litige qu’elle devait signifier et déposer. La demanderesse s’est conformée à cette exigence, comme le confirment les affidavits de signification de l'huissier qui ont été présentés en preuve. L’huissier y atteste que les documents ont été signifiés à personne au défendeur et à la société défenderesse, conformément aux articles 128 et 130, respectivement, des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106 [RCF].

[9] Les défendeurs n’ont cependant pas signifié et déposé l’exposé des questions en litige et l’affidavit de documents requis. L’affidavit d’un parajuriste travaillant pour l’avocat de la demanderesse confirme que, le 17 décembre 2020, les défendeurs n’avaient signifié aucun de ces documents à la demanderesse. Les défendeurs sont donc encore en défaut. Le jugement par défaut précise que, si les défendeurs continuent à être en défaut, le renvoi pourra avoir lieu, sur demande ex parte par la demanderesse, sans qu’ils en soient avisés.

C. (3) La présente requête de la demanderesse

[10] Par la présente requête ex parte présentée en vertu de l’article 369 des RCF, la demanderesse sollicite, entre autres choses, une ordonnance autorisant la tenue d’un renvoi ex parte (c’est‑à‑dire, d’un renvoi en l’absence de l’autre partie) par écrit ou oralement dans le cadre d’une audience, au choix de la demanderesse. La demanderesse demande en outre que l’ordonnance l’autorise à présenter sa preuve par voie d’affidavit, qu’elle permette la désignation d’un arbitre, qu’elle permette aussi que le renvoi puisse être instruit sur dossier, et qu’elle lui accorde les dépens de la présente requête, établis à 500 $.

III. Questions en litige

[11] La principale question à trancher dans la présente requête est celle de savoir si la demanderesse a droit à la tenue d’un renvoi ex parte. Tel que mentionné, le Juge en chef a déjà désigné un arbitre.

IV. Analyse

[12] Le paragraphe 8 du jugement par défaut prévoit ce qui suit :

8. [traduction] Si les défendeurs ne respectent pas le paragraphe 6 ci‑dessus [concernant la signification et le dépôt de leur exposé des questions en litige et de leur affidavit de documents], la demanderesse aura droit, sur demande pouvant être présentée ex parte, à une audience de renvoi, laquelle pourra être tenue en l’absence des défendeurs et sans qu’ils en soient avisés devant un arbitre désigné ex parte par la Cour, au cours de laquelle les montants mentionnés au paragraphe 3 du présent jugement seront déterminés par l’arbitre sur la foi de la preuve par affidavit déposée par la demanderesse.

[13] Eu égard à la preuve présentée dans le cadre de la présente requête et décrite ci‑dessus, je conclus que la demanderesse a établi que les défendeurs n’ont pas signifié et déposé l’exposé des questions en litige et l’affidavit de documents requis par le jugement par défaut. Compte tenu du paragraphe 8 du jugement par défaut, j’estime que, dans les circonstances, la demanderesse a droit à une audience de renvoi qui pourra être tenue sans que les défendeurs en soient avisés. Autrement dit, le renvoi peut avoir lieu ex parte.

[14] Je conviens en outre avec la demanderesse que, conformément à l’art 156 des RCF, la façon la plus simple, la moins onéreuse et la plus expéditive de tenir le renvoi est celle de la preuve par affidavit, et de l’instruction sur dossier si c’est ce qu’elle choisit. À mon avis, c’est ce que prévoit déjà le paragraphe 8 du jugement par défaut (c.‑à‑d. [traduction] « …les montants [des dommages‑intérêts et des profits à verser par les défendeurs à la demanderesse] […] seront déterminés par l’arbitre sur la foi de la preuve par affidavit déposée par la demanderesse »). Conformément au paragraphe 153(2) et à l’article 156 des RCF, l’ordonnance confirmera, comme demandé, que la demanderesse pourra présenter sa preuve par voie d’affidavit dans le cadre du renvoi, et que ce dernier pourra, au choix de la demanderesse, être instruit sur dossier.


ORDONNANCE dans le dossier T‑428‑19

LA COUR ORDONNE PAR CONSÉQUENT CE QUI SUIT :

  1. La requête de la demanderesse est accueillie.

  2. La demanderesse est autorisée à procéder par voie de renvoi ex parte en l’espèce [renvoi en l’absence de l’autre partie] conformément au paragraphe 8 du jugement par défaut en date de 9 septembre 2019.

  3. La demanderesse est autorisée à présenter sa preuve par voie d’affidavit dans le cadre du renvoi ex parte.

  4. Le renvoi ex parte pourra être instruit sur dossier, au choix de la demanderesse, auquel cas la demanderesse devra présenter toute preuve par affidavit, observation écrite et source invoquée dans les trente jours de la présente ordonnance.

  5. Si la demanderesse choisit plutôt de procéder oralement, elle pourra demander par écrit, dans les trente jours de la présente ordonnance, que le lieu, la date et l’heure de l’audience de renvoi ex parte soient déterminés, et, le cas échéant, la demanderesse devra avoir déposé toute preuve par affidavit, observation écrite et source invoquée une semaine avant la date prévue par la Cour pour la tenue du renvoi ex parte, sauf instruction contraire de la part de l’arbitre.

  6. La demanderesse a droit à ses dépens dans la présente requête, établis à 500 $, à être payés par les défendeurs.

« Janet M. Fuhrer »

Juge

Traduction certifiée conforme

Édith Malo


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‑428‑19

 

INTITULÉ :

SOCIÉTÉ CANADIENNE DES AUTEURS, COMPOSITEURS ET ÉDITEURS DE MUSIQUE c 1730395 ALBERTA LTD., FAISANT AFFAIRE SOUS LE NOM ʻSILVER POINT PUB & EATERYʼ, ET YOGESH PATEL

 

REQUÊTE examinée sur dossier à OTTAWA (ONTARIO) conformément à l’article 369 des règles des cours fédérales

ordonnance et motifs :

la juge FUHRER

 

DATE DES MOTIFS:

LE 4 AOÛT 2021

 

COMPARUTIONS :

Karen F. MacDonald

Madeleine A Hodgson

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Karen F. MacDonald

Madeleine A Hodgson

Norton Rose Fulbright Canada S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

 

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