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Date : 20040915

Dossier : IMM-6239-03

Référence : 2004 CF 1252

Toronto (Ontario), le 15 septembre 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE BLAIS

ENTRE :

AKED SOLOMON

                                                                                                                                           demandeur

                                                                             et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                             défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire fondée sur l'article 74 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2002, ch. 27 (la LIPR), d'une décision datée du 25 juillet 2003 dans laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) a conclu que le demandeur n'était pas un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger.


FAITS PERTINENTS

[2]                Le demandeur est un citoyen iraquien d'origine kurde. Il demande l'asile, alléguant être persécuté du fait de ses opinions politiques.

[3]                Le demandeur prétend qu'en 1997, il a été arrêté dans la partie kurde de l'Iraq et il a été détenu et torturé parce qu'on le soupçonnait d'avoir aidé deux membres de l'opposition à fuir en Turquie.

[4]                Il s'est rendu en Turquie, puis il est parti pour les Pays-Bas. Il est arrivé dans ce pays en janvier 1998 et il a présenté une demande d'asile. Sa demande a été rejetée en septembre 2000. Il a quitté les Pays-Bas et il est entré au Canada, muni d'un faux passeport néerlandais.

[5]                Sur l'avis du passeur qui avait organisé son voyage, il a dit aux autorités de l'immigration qu'il était un citoyen néerlandais né au Maroc. Ce stratagème a échoué, parce qu'il n'a pu répondre à aucune question en français. Il a été détenu pendant une journée et il a présenté une demande d'asile le lendemain.


QUESTIONS LITIGIEUSES

[6]                Le demandeur soulève de nombreuses questions; parmi celles-ci, deux ont suffisamment de substance pour devoir être tranchées :

1.         La commissaire a-t-elle fondé sa décision relative à la crédibilité sur des conclusions de fait abusives et arbitraires, sans tenir compte des observations ayant été faites devant elle?

2.         La commissaire a-t-elle commis une erreur en tenant compte du rapport psychologique, mais en concluant qu'il y avait lieu d'écarter les conclusions de ce rapport en raison du manque de crédibilité du demandeur?

ANALYSE

[7]                J'ai examiné l'ensemble de la preuve au dossier et je ne puis conclure que la décision de la Commission était manifestement déraisonnable.


1.         La commissaire a-t-elle fondé sa décision relative à la crédibilité sur des conclusions de fait abusives et arbitraires, sans tenir compte des observations ayant été faites devant elle?

[8]                Le demandeur a soutenu que la Commission avait tiré des conclusions de fait erronées. Il m'est toutefois impossible de tirer cette conclusion. La Commission a dit qu'il y avait eu quatre versions des faits alors que le demandeur a affirmé qu'il n'y en avait eu que deux. Dans les faits, il y a eu deux versions des faits principales, chacune comportant de légères variantes. Il est donc compréhensible que la Commission ait conclu qu'il y avait eu quatre versions des faits.

[9]                Compte tenu des deux différentes versions de faits et vu que le demandeur avait changé sa version des faits en fonction de ce qui lui était le plus avantageux (selon ce qu'avait admis candidement le demandeur lui-même), il était raisonnablement loisible à la commissaire de mettre en doute tout ce que le demandeur alléguait.


2.         La commissaire a-t-elle commis une erreur en tenant compte du rapport psychologique, mais en concluant qu'il y avait lieu d'écarter les conclusions de ce rapport en raison du manque de crédibilité du demandeur?

[10]            La seule question sérieuse soulevée dans la demande de contrôle judiciaire concerne le fait que la commissaire n'a traité que brièvement du rapport d'expert, qui indiquait que le demandeur souffrait d'un syndrome post-traumatique.

[11]            Cette question a été soulevée dans de nombreuses demandes de contrôle judiciaire soumises à la Cour. Dans la décision Dink c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2003] A.C.F. no 471 (1re inst.), la Cour a dit que la Commission devait expliquer pourquoi elle écartait le rapport psychologique. Ce n'est pas le cas en l'espèce. En effet, la Commission n'écarte pas le rapport psychologique, elle en prend acte; toutefois, elle affirme par la suite que ce rapport, en soi, n'appuie pas le récit sous-jacent. Un raisonnement semblable a été suivi dans la décision Subramaniam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2004] A.C.F. no 1051 (1re inst.), où le juge Noël affirme ce qui suit au paragraphe 10 :

Après avoir examiné le rapport psychologique, la Commission a conclu que, bien que l'on tienne compte du profil psychologique du demandeur, son témoignage était incohérent, et également contradictoire, et que tout cela avait influé sur l'appréciation de sa crédibilité. Une telle approche démontre, comme ce fut le cas dans la décision Dekunle c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2003] A.C.F. no 1403, que la Commission a lu et pris en considération le rapport psychologique mais qu'elle a conclu que le diagnostic n'avait rien changé à ses conclusions de fait :


[...] En l'occurrence, la Commission a pris en considération le rapport du psychologue et elle est arrivée à la conclusion que celui-ci n'avait pas d'incidence sur son analyse des faits. Si la Commission avait rejeté la demande [...] en se fondant uniquement sur le comportement de ce dernier ou sur son incapacité de se rappeler certains événements, le rapport aurait pu jouer un rôle plus décisif dans son évaluation de la preuve. Toutefois, la Commission a également constaté des contradictions et des invraisemblances importantes dans le témoignage [du demandeur]. Dans de telles circonstances, il était loisible à la Commission d'évaluer l'incidence du rapport à la lumière de l'ensemble de la preuve et de lui accorder peu de poids : Al-Kahtani c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1996] A.C.F. no 335 (QL) (C.F. 1re inst.); Canizalez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1997] A.C.F. no 1492 et Boateng c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1995] A.C.F. no 517 (QL) (C.F. 1re inst.).

Comme nous le verrons, la Commission a constaté des contradictions, des invraisemblances et des omissions pour lesquelles elle n'a pas reçu d'explication satisfaisante.

[12]            Encore une fois, dans la décision Murji c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2004] A.C.F. no 211, le juge Kelen a écrit au paragraphe 16 :

Contrairement aux affirmations du demandeur, la Commission a bien examiné le rapport psychologique. Toutefois, elle n'a pas accepté les conclusions du rapport en matière de crédibilité puisque les faits qui les sous-tendaient étaient en cause. À cet égard, je fais mien le raisonnement de la juge Reed (alors juge à la Section de première instance) au paragraphe 2 de la décision Danailov c. Canada (MEI), [1993] A.C.F. no 1019 :

Quant à l'appréciation du témoignage du médecin, il est toujours possible d'évaluer un témoignage d'opinion en considérant que ce témoignage d'opinion n'est valide que dans la mesure où les faits sur lesquels il repose sont vrais. Si le tribunal ne croit pas les faits sous-jacents, il lui est tout à fait loisible d'apprécier le témoignage d'opinion comme il l'a fait.

[13]            Comme l'illustrent ces extraits, le principe en cause est que les rapports psychologiques ne peuvent servir à établir la demande d'asile sous-jacente. Voir à cet égard les décisions Rosales c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1993] A.C.F. no 1454 (le juge Rothstein); Al-Kahtani c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration),[1996] A.C.F. no 335 (1re inst.), au paragraphe 14; Mylvaganam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 1195 (1re inst.); Khawaja c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] A.C.F. no 1213 (1re inst.).


[14]            Comme dans les affaires précitées, la Commission a accepté le rapport pour sa description des symptômes post-traumatiques du demandeur. La Commission n'a pas accepté la prétention suivant laquelle la demande était la cause sous-jacente des symptômes qu'a décrits le demandeur au psychologue. Je ne vois aucune raison de modifier cette conclusion, qui, compte tenu des circonstances de l'espèce, n'est pas déraisonnable. Le demandeur a changé à maintes reprises sa version des faits dans ses démarches en vue d'obtenir le statut de réfugié; il n'était pas déraisonnable pour la Commission de conclure qu'il avait, en cours de route, perdu toute crédibilité.

[15]            La Commission a pris connaissance d'office du changement de régime intervenu en Iraq depuis que le demandeur avait quitté son pays. Le demandeur n'a pas établi que la Commission avait commis une erreur en concluant que la nouvelle situation en Iraq ne présentait aucun risque sérieux pour lui.

ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1.         Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.


2.         Il n'y a aucune question grave à certifier.

« Pierre Blais »

Juge

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.


COUR FÉDÉRALE

                                                                             

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     IMM-6239-03             

INTITULÉ :                                                    AKED SOLOMON                                                    

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                              TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE 15 SEPTEMBRE 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                    LE JUGE BLAIS

DATE DES MOTIFS :                                   LE 15 SEPTEMBRE 2004

COMPARUTIONS :

Gregory Willoughby                                           POUR LE DEMANDEUR

John Loncar                                                      POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

McKenzie Lake LLP                                         POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg                                              POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)


COUR FÉDÉRALE

                                                         Date : 20040915

                                            Dossier : IMM-6239-03

ENTRE :

AKED SOLOMON

                                                                  demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                   défendeur

                                                                                               

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE

                                                                          


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