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Date : 20210825


Dossier : T‑747‑19

Référence : 2021 CF 875

[traduction française]

Ottawa (Ontario), le 25 août 2021

En présence de monsieur le juge Gleeson

ENTRE :

RAMEZ RIHANE

NABIL KHUBIEH

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] Les demandeurs, monsieur Ramez Rihane et monsieur Nabil Khubieh, sollicitent, au titre de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F‑7, le contrôle judiciaire de la décision du délégué du ministre [le DM] du 4 avril 2019 selon laquelle les fonds saisis à l’entrée au Canada devaient être confisqués en application de l’alinéa 29(1)c) de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, LC 2000, c 17 [la LRPCFAT].

[2] Les demandeurs soutiennent qu’une ordonnance annulant la décision du DM et ordonnant la restitution des espèces saisies devrait être rendue pour deux motifs. Ils affirment que le DM :

  1. A contrevenu à leurs droits à l’équité procédurale en ne les interrogeant pas sur la provenance des espèces saisies.

  2. A conclu de façon déraisonnable que les demandeurs n’avaient pas démontré que les espèces saisies provenaient d’une source légitime.

[3] Je ne suis pas convaincu que l'intervention de la Cour soit justifiée. Le DM n’était pas tenu d’interroger les demandeurs. Il était raisonnablement loisible au DM de conclure que les demandeurs ne s’étaient pas acquittés du fardeau leur incombant de démontrer la provenance légitime des espèces saisies. Mes motifs sont exposés ci‑après.

II. Contexte

[4] M. Khubieh est un citoyen des États‑Unis. M. Rihane, ami et codemandeur de M. Khubieh, est un citoyen de la Syrie qui résidait en Californie.

A. La saisie

[5] M. Khubieh a tenté d’entrer au Canada au point d’entrée de Saint‑Bernard de Lacolle, au Québec, le 9 août 2018. Il a déclaré, puis confirmé, à l’agent des services frontaliers [ASF] primaire qu’il n’était pas en possession de plus de 10 000 dollars canadiens [$ CA]. M. Khubieh a aussi fait savoir à l’ASF primaire qu’il résidait au Minnesota, qu’il était chauffeur de limousine et que le véhicule immatriculé en Californie qu’il conduisait appartenait à son employeur.

[6] M. Khubieh a été renvoyé en entrevue secondaire avec deux ASF. Il a alors déclaré aux ASF menant l’entrevue secondaire qu’il était le propriétaire du véhicule et que celui‑ci contenait entre 20 000 et 30 000 dollars américains [$ US]. Les ASF ont fouillé le véhicule et ont trouvé 30 600 $ US, des cartes de crédit et une carte d’identité portant le nom du codemandeur, M. Rihane, dans un compartiment dissimulé. Ils ont aussi constaté que le véhicule était enregistré au nom de M. Rihane.

[7] M. Khubieh a été détenu et interrogé. Il a fait savoir aux ASF qu’il avait gagné cet argent à titre de réparateur d’ascenseurs et qu’il ne déposait pas son argent dans un compte bancaire parce qu’il ne faisait pas confiance aux banques. Il n’avait pas de documents permettant d’établir la provenance des fonds et ne savait pas comment étaient présentées les espèces ni en quelles coupures elles étaient réparties.

[8] Les fonds ont été saisis au titre de l’article 12 de la LRPCFAT. M. Khubieh a été autorisé à retourner aux États‑Unis.

B. La demande de révision

[9] M. Khubieh a demandé la révision de la saisie et confiscation des 30 600 $ US au DM le 15 octobre 2018, conformément à l’article 25 de la LRPCFAT.

[10] Quand il a demandé la révision, M. Khubieh a fait savoir qu’il avait expliqué à l’un des ASF que l’argent appartenait à son ami, M. Rihane. M. Rihane passait la frontière séparément pour entrer au Canada afin de demander l’asile. Il craignait que la voiture et l’argent ne soient saisis à la frontière et avait par conséquent demandé à M. Rihane de les transporter au Canada pour lui. M. Rihane serait entré au Canada, mais aurait été expulsé aux États‑Unis quand sa demande d’asile a échoué. M. Khubieh a affirmé que M. Rihane était disposé à fournir des preuves quant à la provenance des fonds.

[11] Le DM a accusé réception de la demande de révision présentée par M. Khubieh. Il a produit un avis écrit des circonstances de la saisie et a demandé à M. Khubieh de fournir des éléments de preuve documentaire faisant état de la provenance légitime des 30 600 $ US. Il a précisé que [traduction] « [l]es éléments de preuve fournis d[evai]ent établir un lien clair entre les espèces qui ont été saisies et une provenance légitime des espèces et d[evai]ent rendre compte avec exactitude de toutes les espèces saisies » (souligné dans l’original).

[12] M. Khubieh a produit des documents en réponse à l’avis écrit. Par la suite, le DM a fait savoir à M. Khubieh par écrit que les documents qu’il avait fournis n’établissaient pas une provenance légitime des fonds ou qu’il avait reçu les espèces de M. Rihane. M. Khubieh a été informé qu’il pouvait produire d’autres documents répondant aux préoccupations exprimées.

[13] M. Rihane a alors répondu en fournissant d’autres documents fiscaux et états bancaires. Il a déclaré que les fonds avaient été générés par deux entreprises qu’il exploitait : un camion de crème glacée et un service de transport par limousine.

III. Décision faisant l’objet du contrôle

[14] Le DM a examiné les circonstances de la saisie et a souligné les indicateurs ayant donné lieu à la croyance raisonnable au moment de la saisie que les fonds étaient des produits de la criminalité ou du blanchiment d’argent. Il a conclu que la saisie était justifiée étant donné l’omission de M. Khubieh de déclarer les 30 600 $ US, bien qu’il ait eu deux fois la possibilité de le faire pendant l’inspection primaire.

[15] Le DM a souligné les importantes contradictions entre les déclarations que M. Khubieh avait faites aux ASF quant à la provenance et à l’appartenance des fonds et quant à la nature de sa relation avec M. Rihane.

[16] Le DM a pris en compte les éléments de preuve présentés par M. Khubieh et les documents supplémentaires fournis par M. Rihane. Il a conclu que M. Khubieh (en tant que demandeur initial) n’avait pas dissipé les motifs raisonnables des ASF pour la saisie et a établi que les 30 600 $ US devaient être confisqués.

IV. Question préliminaire

[17] Le défendeur s’oppose à un affidavit exécuté par un dénommé Merve Yilbas [l’affidavit de M. Yilbas] et produit par les demandeurs. Il conteste l’affidavit de M. Yilbas pour trois motifs. En premier lieu, il fait remarquer que la version de l’affidavit de M. Yilbas qui a été produite dans le dossier des demandeurs est différente de l’affidavit de M. Yilbas qui avait été remis précédemment au défendeur. En deuxième lieu, l’affidavit ne renferme pas de déclaration sous serment quant à la source de la connaissance ou de la croyance du déposant. En troisième lieu, l’affidavit renferme des documents auxquels le décideur n’a pas eu accès et qui ont fait l’objet, au titre de l’article 312 des Règles des cours fédérales, d’une requête pour présentation de nouveaux éléments de preuve, laquelle fut rejetée(Ordonnance de la protonotaire Mandy Aylen, 17 décembre 2020 [l’Ordonnance de décembre 2020]).

[18] En règle générale, aucun nouvel élément de preuve n’est admissible dans le cadre d’un contrôle judiciaire (Association des universités et collèges du Canada c Canadian Copyright Licensing Agency (Access Copyright), 2012 CAF 22 au para 19). La protonotaire Mandy Aylen a établi qu’aucune des exceptions à la règle générale ne s’appliquait en l’espèce (Ordonnance de décembre 2020 au para 14).

[19] Au début de l’audience, l’avocat des demandeurs a concédé que les nouveaux éléments de preuve contenus dans l’affidavit de M. Yilbas n’avaient pas été portés à l’attention de la Cour en bonne et due forme et que la demande devait être examinée au vu du dossier du tribunal. En dépit du fait que l’affidavit de M. Yilbas comporte bel et bien des documents auxquels le décideur avait accès, ces documents figurent aussi dans le dossier du tribunal.

[20] Je n’ai pas pris en compte ou invoqué l’affidavit de M. Yilbas.

V. Norme de contrôle

[21] Les parties conviennent que la décision du DM est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable (Sandwidi c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2020 CF 995 au para 25 [Sandwidi]). Une décision raisonnable doit être « fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles » (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 au para 85).

[22] En ce qui concerne les questions d’équité procédurale, à proprement parler, aucune norme de contrôle n’est appliquée : Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69 au para 54 [Chemin de fer Canadien Pacifique]). Il s’agit de savoir « si la procédure était équitable eu égard à l’ensemble des circonstances » (Chemin de fer Canadien Pacifique, au para 54).

VI. Analyse

[23] J’estime qu’il n’y a pas eu manquement à l’équité procédurale et que la décision est raisonnable. Je commence mon analyse par un survol du cadre juridique régissant la saisie et la confiscation en l’espèce.

A. Le cadre juridique applicable

[24] Dans la décision Sandwidi, au paragraphe 28, le juge Yvan Roy a résumé le cadre juridique applicable, en soulignant l’objet de la LRPCFAT : « [Le régime juridique] s’attaque au recyclage des produits de la criminalité et au financement des activités terroristes en créant des obligations strictes de déclaration d’opérations financières, en plus bien sûr d’imposer des obligations de tenue de documents et d’identification de clients aux fournisseurs de services financiers, entre autres (art. 3 de la Loi) ».

[25] Les personnes qui entrent au Canada sont tenues de déclarer l’importation des espèces d’une valeur égale ou supérieure au montant réglementaire (LRPCFAT, paragraphes 12(1) et 12(3)). Toute personne qui entre au Canada ou quitte le pays doit répondre véridiquement aux questions que lui pose un ASF (LRPCFAT, paragraphe 12(4)). Selon l’article 2 du Règlement sur la déclaration des mouvements transfrontaliers d’espèces et d’effets DORS/2002‑412 [Règlement sur la déclaration], l’obligation de déclaration prévue à l’article 12 de la LRPCFAT entre en jeu avec l’importation de 10 000 $ CAN ou son équivalent en devise.

[26] S’il a des motifs raisonnables de croire qu’il y a eu manquement à l’obligation de déclaration, l’ASF peut saisir les espèces ou effets à titre de confiscation. Lorsque la pénalité réglementaire a été acquittée, l’ASF restitue les espèces ou effets saisis sauf s’il soupçonne, pour des motifs raisonnables, qu’il s’agit de produits de la criminalité (LRPCFAT, article 18).

[27] La personne entre les mains de qui ont été saisies des espèces ou leur propriétaire légitime peut demander au ministre de décider s’il y a eu contravention au paragraphe 12(1) de la LRPCFAT (article 25). Lorsqu’une telle demande a été présentée, un avis exposant les circonstances de la saisie est envoyé au demandeur, et celui‑ci peut alors produire tous moyens de preuve à l’appui de ses prétentions (article 26).

[28] Le ministre décide alors s’il y a eu contravention à l’article 12 (LRPCFAT, article 27). Le cas échéant, le ministre peut, notamment, confirmer la confiscation des espèces ou effets (LRPCFAT, article 29).

[29] Ce cadre législatif crée deux décisions susceptibles de contrôle, qui doivent être contestées au moyen de procédures distinctes. Une contestation de la décision du ministre quant à la contravention à la LRPCFAT procède par voie d’action (article 30). Les contestations de la pénalité appliquée pour cette infraction procèdent par voie de contrôle judiciaire en application de l’article 18.1 de la Loi sur les cours fédérales, LRC 1985, c F‑7 (Hoang c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2017 CF 1133 aux para 7 et 8, citant Guillaume c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CF 143 au para 37). Les demandeurs ont opté pour le contrôle judiciaire de la décision confirmant la confiscation des espèces saisies.

[30] Les sections pertinentes de la LRPCFAT et du Règlement sur la déclaration sont reproduites à l’Annexe A pour faciliter la consultation.

B. Absence de manquement à l’équité procédurale

[31] Les demandeurs soutiennent qu’ils ont bel et bien expliqué la provenance des espèces saisies et affirment que si le DM avait la moindre préoccupation quant à la crédibilité des éléments de preuve, il aurait dû les convoquer à une entrevue. L’omission de tenir une entrevue, soutiennent‑ils, était inéquitable. Le défendeur prétend que les demandeurs ont été informés des éléments de preuve qu’ils devaient présenter lors de la mesure d’exécution de la loi et du processus de révision ministériel; les obligations relatives à l’équité procédurale et à la justice naturelle ont été remplies.

[32] Contrairement à ce qu’affirment les demandeurs, la décision du DM ne reposait pas sur des préoccupations quant à la crédibilité. Le DM a plutôt conclu que les éléments de preuve produits ne satisfaisaient pas au fardeau de la preuve qui incombait aux demandeurs. Lorsqu’un décideur « conclut que la preuve, même s’il la juge crédible, ne satisfait pas au fardeau de la preuve, il ne tranche alors pas l’affaire selon la question de la crédibilité, mais plutôt selon la suffisance des éléments de preuve. À l’inverse, si la preuve présentée satisfait au fardeau de la preuve, mais qu’elle est rejetée pour d’autres motifs, l[e décideur] rend alors une décision quant à la crédibilité » (Ansar c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 197 au para 24).

[33] Dans les contrôles relatifs à une confiscation, il est bien reconnu qu’il incombe aux demandeurs de présenter au DM des éléments de preuve permettant d’établir la provenance légitime des sommes saisies (Sandwidi, au para 63, citant la décision Sebastiao c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CF 527 au para 54). En l’espèce, les demandeurs ont reçu un avis exposant les circonstances de la saisie mentionnant clairement l’exigence quant à la présentation d’éléments de preuve établissant un lien clair entre les fonds saisis et une légitimité de leur provenance. Le DM a ensuite demandé un complément d’information aux demandeurs en leur faisant savoir que les éléments de preuve qu’ils avaient fournis en réponse à l’avis exposant les circonstances de la saisie n’établissaient pas la provenance légitime des fonds saisis. Le DM a demandé d’autres informations parce que sa préoccupation tenait à la suffisance des éléments de preuve, et non pas à leur crédibilité.

[34] Puisqu’il avait informé les demandeurs du fardeau dont ils devaient s’acquitter et leur avait donné la possibilité de présenter des éléments de preuve pour établir la légitimité de la provenance des fonds saisis, le DM n’était pas tenu de procéder à une entrevue s’il estimait que les éléments de preuve qui lui avaient été présentés étaient insuffisants. Le processus était équitable.

[35] Passons à la question de savoir si la décision était raisonnable.

C. Le DM a de façon raisonnable conclu que les demandeurs n’avaient pas établi la provenance légitime des fonds

[36] Les demandeurs n’ont pas contesté la conclusion du DM quant à un manquement à l’article 12 de la LRPCFAT. La seule question à trancher consiste à savoir si le DM a conclu de façon raisonnable que les demandeurs n’avaient pas établi la provenance légitime des espèces saisies. La question à trancher n’est pas celle de savoir si le DM peut démontrer qu’il existe des motifs raisonnables de soupçonner que les fonds saisis sont des produits de la criminalité; il s’agit de savoir si les demandeurs ont convaincu le DM que les fonds saisis ne sont pas des produits de la criminalité (Sellathurai c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2008 CAF 255 au para 50).

[37] Les éléments de preuve montrent bel et bien que les fonds provenaient des comptes bancaires de M. Rihane. Cependant, un compte bancaire n’est pas une source de revenus légitime : « Il est possible de verser des produits de la criminalité dans un compte bancaire et de les en retirer » (Tran c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2013 CF 600 au para 26; Amari c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2014 CF 539 au para 27).

[38] Le demandeur a bel et bien fourni une explication quant à la façon dont les fonds avaient été générés, et le DM a analysé ces éléments de preuve.

[39] Après avoir examiné les documents bancaires et fiscaux qui ont été fournis, le DM a fait remarquer que les deux comptes associés aux entreprises que les demandeurs prétendaient être la source légitime des fonds ne rendaient pas compte de toutes les espèces confisquées. De plus, le DM a conclu que les documents bancaires et fiscaux ne suffisaient pas pour faire ressortir la provenance des fonds dans quelques‑uns des comptes bancaires que M. Rihane avait déclarés comme étant la source des fonds confisqués.

[40] Le DM a fait remarquer que les raisons pour lesquelles des fonds avaient été retirés de comptes bancaires détenus auprès d’une institution, déposés dans des comptes détenus dans une autre institution, et ensuite retirés à nouveau quelques jours plus tard ne ressortaient pas clairement. Enfin, le DM a conclu que, bien qu’il y eut des éléments de preuve voulant que M. Rihane avait pris l’avion pour rejoindre M. Khubieh et qu’il avait passé la nuit précédant la confiscation dans un hôtel, il n’y avait pas de preuve documentaire démontrant que les fonds saisis avaient été remis à M. Khubieh par M. Rihane comme il a été prétendu ou expliquant ce qu’il était advenu des 30 600 $ entre leur retrait le 3 août 2018 et leur confiscation le 9 août 2018. Les demandeurs n’ont jamais fait valoir au DM que les documents demandés dans l’avis exposant les circonstances de la saisie ou la demande du DM n’existaient pas.

[41] Le DM a conclu de façon raisonnable que l’explication donnée par les demandeurs n’était pas étayée par des éléments de preuve vérifiables comme l’exige la jurisprudence et comme l’avait demandé le DM (Walsh c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2018 CF 883 aux para 28 et 29, citant Docherty c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2013 CAF 89 au para 19). Je souscris aux observations formulées par le défendeur selon lesquelles les éléments de preuve qui ont été produits font état du mouvement des fonds, mais ne font pas état de leur provenance.

[42] Il était raisonnable que le DM, avec de tels éléments de preuve et de telles observations, conclue que les demandeurs n’avaient pas fourni suffisamment d’éléments de preuve pour établir une provenance légitime des fonds et que les espèces saisies devaient être confisquées.

VII. Conclusion

[43] La demande est rejetée.

[44] Le défendeur sollicite des dépens, en soutenant dans ses observations de vive voix qu’une somme de 4 200 $ serait appropriée et conforme au tarif.

[45] Les demandeurs soutiennent qu’il ne devrait pas y avoir adjudication de dépens et demandent que la Cour prenne en compte la situation des demandeurs, notamment la perte des économies de M. Rihane.

[46] Après la prise en compte de toutes les circonstances, y compris la complexité des questions qui ont été soulevées et l’omission des demandeurs de donner suite aux lacunes relevées par le défendeur dans le dossier de demande avant l’audition de la présente affaire, des dépens de 1 500 $ incluant l’ensemble des débours et des taxes sont adjugés au défendeur.

 


JUGEMENT dans le dossier T‑747‑19

LA COUR DÉCLARE que :

  1. La demande est rejetée;

  2. Le nom du second demandeur dans l’intitulé est modifié de façon à corriger une erreur typographique en remplaçant Nabil Kubieh par Nabil Khubieh;

  3. Le nom du défendeur dans l’intitulé est modifié dans la version anglaise en remplaçant Minister of Public Safety and Prepardness par Minister of Public Safety and Emergency Preparedness;

  4. Des dépens de 1 500 $ qui comprennent l’ensemble des débours et des taxes sont adjugés au défendeur.

« Patrick Gleeson »

Juge

Traduction certifiée conforme

Line Niquet,


ANNEXE A

Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, LC 2000, c 17

Proceeds of Crime (Money Laundering) and Terrorist Financing Act, SC 2000, c 17

[...]

Déclaration

12(1) Les personnes ou entités visées au paragraphe (3) sont tenues de déclarer à l’agent, conformément aux règlements, l’importation ou l’exportation des espèces ou effets d’une valeur égale ou supérieure au montant réglementaire.

Exception

(2) Une personne ou une entité n’est pas tenue de faire une déclaration en vertu du paragraphe (1) à l’égard d’une importation ou d’une exportation si les conditions réglementaires sont réunies à l’égard de la personne, de l’entité, de l’importation ou de l’exportation et si la personne ou l’entité convainc un agent de ce fait.

Déclarant

(3) Le déclarant est, selon le cas :

a) la personne ayant en sa possession effective ou parmi ses bagages les espèces ou effets se trouvant à bord du moyen de transport par lequel elle arrive au Canada ou quitte le pays ou la personne qui, dans les circonstances réglementaires, est responsable du moyen de transport;

[...]

Saisie et confiscation

18(1) S’il a des motifs raisonnables de croire qu’il y a eu contravention au paragraphe 12(1), l’agent peut saisir à titre de confiscation les espèces ou effets.

Mainlevée

(2) Sur réception du paiement de la pénalité réglementaire, l’agent restitue au saisi ou au propriétaire légitime les espèces ou effets saisis sauf s’il soupçonne, pour des motifs raisonnables, qu’il s’agit de produits de la criminalité au sens du paragraphe 462.3(1) du Code criminel ou de fonds destinés au financement des activités terroristes.

[...]

Demande de révision

25 La personne entre les mains de qui ont été saisis des espèces ou effets en vertu de l’article 18 ou leur propriétaire légitime peut, dans les quatre‑vingt‑dix jours suivant la saisie, demander au ministre au moyen d’un avis écrit ou de toute autre manière que celui‑ci juge indiquée de décider s’il y a eu contravention au paragraphe 12(1).

[...]

Signification du président

26(1) Le président signifie sans délai par écrit à la personne qui a présenté la demande visée à l’article 25 un avis exposant les circonstances de la saisie à l’origine de la demande.

Moyens de preuve

(2) Le demandeur dispose de trente jours à compter de la signification de l’avis pour produire tous moyens de preuve à l’appui de ses prétentions.

Décision du ministre

27(1) Dans les quatre‑vingt‑dix jours qui suivent l’expiration du délai mentionné au paragraphe 26(2), le ministre décide s’il y a eu contravention au paragraphe 12(1).

[...]

Cas de contravention

29(1) S’il décide qu’il y a eu contravention au paragraphe 12(1), le ministre peut, aux conditions qu’il fixe :

a) soit restituer les espèces ou effets ou,

sous réserve du paragraphe (2), la valeur de ceux‑ci à la date où le ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux est informé de la décision, sur réception de la pénalité réglementaire ou sans pénalité;

b) soit restituer tout ou partie de la pénalité versée en application du paragraphe 18(2);

c) soit confirmer la confiscation des espèces ou effets au profit de Sa Majesté du chef du Canada, sous réserve de toute ordonnance rendue en application des articles 33 ou 34.

Le ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, dès qu’il en est informé, prend les mesures nécessaires à l’application des alinéas a) ou b).

[...]

Cour fédérale

30(1) La personne qui a demandé, en vertu de l’article 25, que soit rendue une décision peut, dans les quatre‑vingt‑dix jours suivant la communication de cette décision, en appeler par voie d’action à la Cour fédérale à titre de demandeur, le ministre étant le défendeur.

[...]

Currency and monetary instruments

12(1) Every person or entity referred to in subsection (3) shall report to an officer, in accordance with the regulations, the importation or exportation of currency or monetary instruments of a value equal to or greater than the prescribed amount.

Limitation

(2) A person or entity is not required to make a report under subsection (1) in respect of an activity if the prescribed conditions are met in respect of the person, entity or activity, and if the person or entity satisfies an officer that those conditions have been met.

Who must report

(3) Currency or monetary instruments shall be reported under subsection (1)

(a) in the case of currency or monetary instruments in the actual possession of a person arriving in or departing from Canada, or that form part of their baggage if they and their baggage are being carried on board the same conveyance, by that person or, in prescribed circumstances, by the person in charge of the conveyance;

[...]

Seizure and forfeiture

18(1) If an officer believes on reasonable grounds that subsection 12(1) has been contravened, the officer may seize as forfeit the currency or monetary instruments.

Return of seized currency or monetary instruments

(2) The officer shall, on payment of a penalty in the prescribed amount, return the seized currency or monetary instruments to the individual from whom they were seized or to the lawful owner unless the officer has reasonable grounds to suspect that the currency or monetary instruments are proceeds of crime within the meaning of subsection 462.3(1) of the Criminal Code or funds for use in the financing of terrorist activities.

[...]

Request for Minister’s decision

25 A person from whom currency or monetary instruments were seized under section 18, or the lawful owner of the currency or monetary instruments, may, within 90 days after the date of the seizure, request a decision of the Minister as to whether subsection 12(1) was contravened, by giving notice to the Minister in writing or by any other means satisfactory to the Minister.

[...]

Notice of President

26(1) If a decision of the Minister is requested under section 25, the President shall without delay serve on the person who requested it written notice of the circumstances of the seizure in respect of which the decision is requested.

Evidence

(2) The person on whom a notice is served under subsection (1) may, within 30 days after the notice is served, furnish any evidence in the matter that they desire to furnish.

Decision of the Minister

27(1) Within 90 days after the expiry of the period referred to in subsection 26(2), the Minister shall decide whether subsection 12(1) was contravened.

[...]

If there is a contravention

29(1) If the Minister decides that subsection 12(1) was contravened, the Minister may, subject to the terms and conditions that the Minister may determine,

(a) decide that the currency or monetary instruments or, subject to subsection (2), an amount of money equal to their value on the day the Minister of Public Works and Government Services is informed of the decision, be returned, on payment of a penalty in the prescribed amount or without penalty;

(b) decide that any penalty or portion of any penalty that was paid under subsection 18(2) be remitted; or

(c) subject to any order made under section 33 or 34, confirm that the currency or monetary instruments are forfeited to Her Majesty in right of Canada.

The Minister of Public Works and Government Services shall give effect to a decision of the Minister under paragraph (a) or (b) on being informed of it.

[...]

Appeal to Federal Court

30(1) A person who makes a request under section 25 for a decision of the Minister may, within 90 days after being notified of the decision, appeal the decision by way of an action in the Federal Court in which the person is the plaintiff and the Minister is the defendant.

 

Règlement sur la déclaration des mouvements transfrontaliers d’espèces et d’effets, DORS/2002‑412

Cross‑border Currency and Monetary Instruments Reporting Regulations, SOR/2002‑412

Valeur minimale des espèces ou effets

2(1) Pour l’application du paragraphe 12(1) de la Loi, les espèces ou effets dont l’importation ou l’exportation doit être déclarée doivent avoir une valeur égale ou supérieure à 10 000 $

(2) La valeur de 10 000 $ est exprimée en dollars canadiens ou en son équivalent en devises selon :

a) le taux de conversion officiel de la Banque du Canada publié dans son Bulletin quotidien des taux de change en vigueur à la date de l’importation ou de l’exportation;

b) dans le cas où la devise ne figure pas dans ce bulletin, le taux de conversion que le déclarant utiliserait dans le cours normal de ses activités à cette date.

Minimum Value of Currency or Monetary Instruments

2(1) For the purposes of reporting the importation or exportation of currency or monetary instruments of a certain value under subsection 12(1) of the Act, the prescribed amount is $10,000.

(2) The prescribed amount is in Canadian dollars or its equivalent in a foreign currency, based on

(a) the official conversion rate of the Bank of Canada as published in the Bank of Canada’s Daily Memorandum of Exchange Rates that is in effect at the time of importation or exportation; or

(b) if no official conversion rate is set out in that publication for that currency, the conversion rate that the person or entity would use for that currency in the normal course of business at the time of the importation or exportation.

Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, LC 200, c 17

Proceeds of Crime (Money Laundering) and Terrorist Financing Act, SC 2000, c 17

Objet de la loi

Objet

3 La présente loi a pour objet :

a) de mettre en œuvre des mesures visant à détecter et décourager le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes et à faciliter les enquêtes et les poursuites relatives aux infractions de recyclage des produits de la criminalité et aux infractions de financement des activités terroristes, notamment :

(i) imposer des obligations de tenue de documents et d’identification des clients aux fournisseurs de services financiers et autres personnes ou entités qui se livrent à l’exploitation d’une entreprise ou à l’exercice d’une profession ou d’activités susceptibles d’être utilisées pour le recyclage des produits de la criminalité ou pour le financement des activités terroristes,

(ii) établir un régime de déclaration obligatoire des opérations financières douteuses et des mouvements transfrontaliers d’espèces et d’effets,

(iii) constituer un organisme chargé du contrôle d’application des parties 1 et 1.1 et de l’examen de renseignements, notamment ceux portés à son attention au titre du sous‑alinéa (ii);

b) de combattre le crime organisé en fournissant aux responsables de l’application de la loi les renseignements leur permettant de priver les criminels du produit de leurs activités illicites, tout en assurant la mise en place des garanties nécessaires à la protection de la vie privée des personnes à l’égard des renseignements personnels les concernant;

c) d’aider le Canada à remplir ses engagements internationaux dans la lutte contre le crime transnational, particulièrement le recyclage des produits de la criminalité, et la lutte contre les activités terroristes;

d) de renforcer la capacité du Canada de prendre des mesures ciblées pour protéger son système financier et de faciliter les efforts qu’il déploie pour réduire le risque que ce système puisse servir de véhicule pour le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes.

[...]

Object of Act

Object

3 The object of this Act is

(a) to implement specific measures to detect and deter money laundering and the financing of terrorist activities and to facilitate the investigation and prosecution of money laundering offences and terrorist activity financing offences, including

(i) establishing record keeping and client identification requirements for financial services providers and other persons or entities that engage in businesses, professions or activities that are susceptible to being used for money laundering or the financing of terrorist activities,

(ii) requiring the reporting of suspicious financial transactions and of cross‑border movements of currency and monetary instruments, and

(iii) establishing an agency that is responsible for ensuring compliance with Parts 1 and 1.1 and for dealing with reported and other information;

(b) to respond to the threat posed by organized crime by providing law enforcement officials with the information they need to deprive criminals of the proceeds of their criminal activities, while ensuring that appropriate safeguards are put in place to protect the privacy of persons with respect to personal information about themselves;

(c) to assist in fulfilling Canada’s international commitments to participate in the fight against transnational crime, particularly money laundering, and the fight against terrorist activity; and

(d) to enhance Canada’s capacity to take targeted measures to protect its financial system and to facilitate Canada’s efforts to mitigate the risk that its financial system could be used as a vehicle for money laundering and the financing of terrorist activities.

[...]

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‑747‑19

 

INTITULÉ :

RAMEZ RIHANE ET NABIL KHUBIEH c LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

audience tenue par VIDéOCONFéRENCE

DATE DE L’AUDIENCE :

le 5 juillet 2021

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

le juge GLEESON

 

DATE DES MOTIFS :

le 25 août 2021

 

COMPARUTIONS :

Lior Eisenfeld

 

pour les demandeurs

 

Lorne Ptack

 

pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Eisenfeld Immigration Law Office

Ottawa (Ontario)

 

pour les demandeurs

 

Procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

pour le défendeur

 

 

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