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Date : 20210806


Dossier : T-195-21

Référence : 2021 CF 825

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 6 août 2021

En présence de monsieur le juge Brown

RECOURS COLLECTIF ENVISAGÉ

ENTRE :

JANET ANN RYAN

demanderesse

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

VU la demande écrite présentée par les parties en vue d’obtenir l’approbation de la Cour pour le désistement du recours en l’espèce, sans dépens;

ET APRÈS avoir tenu compte de l’article 334.3 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, qui prévoit que le désistement d’une instance introduite par le membre d’un groupe envisagé de personnes au nom du groupe ne prend effet que s’il est approuvé par un juge de la Cour;

ET APRÈS avoir tenu compte du fait que cette approbation est requise, que l’instance ait déjà été autorisée comme recours collectif ou non;

ET APRÈS avoir tenu compte du fait que, pour approuver le désistement, la Cour doit être convaincue que celui-ci ne portera pas préjudice aux intérêts des membres du groupe envisagé;

ET APRÈS avoir lu et accepté les observations conjointes des parties sur la question, reproduites ci-dessous;

Aperçu

[1] Les parties demandent à la Cour d’approuver le désistement du recours collectif envisagé qui a été introduit par Mme Ryan, sans adjuger de dépens. Cette approbation est requise par les Règles des Cours fédérales (les Règles) [1] pour protéger les intérêts des membres du groupe envisagé. Compte tenu du Décret de remise visant la prestation canadienne d’urgence et la prestation d’assurance-emploi d’urgence (le Décret de remise) [2] , aucun préjudice ne sera porté aux membres du groupe envisagé en cas de désistement du recours en l’espèce.

I. Faits

1) Contexte

[2] Voici un bref résumé du recours collectif, fondé uniquement sur la déclaration du 1er février 2021 de Mme Ryan :

  • a) Mme Ryan, la représentante demanderesse envisagée, est une résidente de l’Ontario qui touche des prestations du Régime de pensions du Canada et de la Sécurité de la vieillesse.

  • b) Mme Ryan a présenté une demande de Prestation canadienne d’urgence (la PCU) et a reçu des paiements de 2 000 $ par mois pendant sept mois, pour une somme totale de 14 000 $.

  • c) Mme Ryan a demandé la PCU en s’appuyant sur une publication du ministère des Finances parue le 25 mai 2020 sur un site Web du gouvernement fédéral. La publication décrivait les paiements d’aide d’urgence visant à protéger les Canadiens et, plus particulièrement, les travailleurs indépendants ayant subi une perte de revenu en raison de la pandémie de COVID-19.

  • d) Selon cette publication, les travailleurs indépendants qui présentaient une demande devaient remplir les conditions d’admissibilité suivantes :

  • Vous avez gagné au moins 5 000 $ (avant impôts) au cours des 12 derniers mois ou en 2019, grâce à l’une ou plusieurs des sources suivantes :

  • Revenus d’emploi

  • Revenus d’un travail indépendant

  • Prestations provinciales liées aux congés de maternité ou parental

  • e) Par la suite, le gouvernement a modifié les conditions d’admissibilité pour inclure les personnes qui « avaient gagné un revenu d’emploi ou un revenu de travail indépendant d’au moins 5 000 $ en 2019 ou dans les 12 mois précédant la date de leur demande ».

  • f) En novembre 2020, l’Agence du revenu du Canada (l’ARC) a envoyé des lettres types aux membres du groupe envisagé, dont Mme Ryan, les informant que, pour l’application de la définition de « travailleur » prévue par la Loi sur la prestation canadienne d’urgence (la LPCU) [3] , le « revenu provenant d’un travail exécuté pour son compte » (parfois appelé le revenu d’un travail indépendant) s’entendait d’un revenu net, et leur demandant de rembourser la PCU, sans pénalité, au plus tard le 31 décembre 2020.

  • g) Rien n’indique que Mme Ryan a remboursé la PCU qu’elle a reçue.

[3] À titre de précision, aucune disposition ne prévoit l’imposition d’une pénalité ou d’intérêts à l’égard de la PCU versée à un demandeur qui n’y avait pas droit [4] .

2) Groupe envisagé

[4] Mme Ryan a proposé de représenter les particuliers qui recevaient des paiements du Régime de pensions du Canada et de la Sécurité de la vieillesse, qui se sont appuyés sur les conditions initiales d’admissibilité à la PCU (c.-à-d. la publication sur le site Web du gouvernement) et qui ont touché la PCU entre le 30 mars 2020 et le 1er novembre 2020.

3) Réparation demandée par Mme Ryan

[5] Dans sa déclaration, Mme Ryan a demandé à la Cour :

  • a) d’interpréter l’expression « revenu provenant d’un travail exécuté pour son compte » au sens de la LPCU sur le site Web officiel du gouvernement du Canada qui décrit les conditions d’admissibilité à la PCU;

  • b) de déclarer que les membres du groupe ayant gagné un revenu (vraisemblablement brut) provenant d’un travail exécuté pour leur compte de 5000 $ au cours des douze mois précédant mars 2020 ou en 2019 ont droit à la PCU qu’ils ont reçue.

4) État de l’instance

[6] La déclaration a été présentée le 1er février 2021. Le défendeur n’a pas déposé de défense, et Mme Ryan n’a pas déposé de documents relatifs à sa requête en autorisation.

[7] Le 12 mai 2021, le Décret de remise a été publié dans la Gazette du Canada.

[8] Le 27 mai 2021, les parties ont informé la Cour que le Décret de remise avait été publié.

[9] Le 11 juin 2021, les parties ont informé la Cour que Mme Ryan souhaitait demander le désistement de son recours collectif envisagé compte tenu du Décret de remise, et elles ont sollicité des directives quant à la façon de procéder.

[10] Dans une directive datée du 20 juillet 2021, la Cour a donné instruction aux parties de déposer des observations écrites et des projets d’ordonnance en vue de la réunion de gestion de l’instance prévue le mardi 10 août 2021.

II. Question en litige

[11] Si la Cour accorde le désistement du recours demandé par Mme Ryan, cela portera-t-il préjudice au groupe envisagé?

III. Observations : aucun préjudice ne sera porté aux membres du groupe envisagé

[12] Dans les circonstances, la Cour devrait approuver le désistement du recours collectif demandé par Mme Ryan, sans dépens. Compte tenu du Décret de remise, les particuliers qui, comme Mme Ryan, ont demandé et reçu la PCU en tenant pour acquis que la définition du terme « travailleur » dans la LPCU renvoyait au revenu « brut » plutôt qu’au revenu « net » ne seront pas tenus de rembourser la PCU s’il s’avère qu’ils n’y avaient pas droit. Les particuliers qui remplissent les autres conditions du Décret de remise se verront accorder une remise de leur dette s’ils ont gagné un revenu brut provenant d’un travail exécuté pour leur compte d’au moins 5 000 $.

[13] Aux termes de l’article 334.3 des Règles, la Cour doit approuver le désistement d’un recours collectif envisagé. Ce faisant, la Cour doit s’assurer que le désistement ne portera pas préjudice aux intérêts des membres du groupe envisagé [5] . En raison du Décret de remise, le désistement ne portera pas préjudice aux membres du groupe envisagé en l’espèce.

[14] Aux termes du paragraphe 5(1) de la LPCU, tout « travailleur » pouvait demander la PCU. Aux termes de l’alinéa 6(1)a), était admissible à la PCU le travailleur qui avait entre autres cessé d’exercer son emploi pour des raisons liées à la COVID-19 pendant au moins quatorze jours consécutifs compris dans la période de quatre semaines pour laquelle il demandait la PCU.

[15] Selon l’article 2, un « travailleur » s’entend, entre autres, d’une personne dont les revenus provenant, notamment, d’un emploi ou d’un travail qu’elle exécute pour son compte — pour l’année 2019 ou au cours des douze mois précédant la date à laquelle elle a présenté une demande de PCU — « s’élèvent à au moins cinq mille dollars ».

[16] Mme Ryan est préoccupée par la question de savoir si le revenu visé à l’article 2 s’entend du revenu brut ou du revenu net. Selon son interprétation, le revenu total s’entend du revenu brut. Si le revenu total s’entend du revenu net, il faudrait, en l’absence du Décret de remise, que Mme Ryan rembourse la PCU qu’elle a reçue.

[17] En application du paragraphe 1(1) du Décret de remise, tout travailleur dont le revenu net du travail qu’il exécute pour son compte était inférieur à 5 000 $ et qui a présenté une demande de PCU se verra accorder une remise dans la mesure où :

  • c) il a produit, au plus tard le 31 décembre 2022, ses déclarations de revenus pour les années 2019 et 2020;

  • d) son revenu brut du travail qu’il exécute pour son compte était d’au moins 5 000 $ en 2019 ou au cours des douze mois précédant sa demande initiale;

  • e) il a rempli toutes les autres conditions d’admissibilité à la PCU.

[18] L’ARC a annoncé que, si un particulier a demandé et reçu la PCU en se fondant sur le fait qu’il a gagné un revenu brut provenant d’un travail qu’il exécute pour son compte de 5 000 $, mais qu’il n’a pas remboursé la PCU, elle vérifiera les déclarations de revenus de 2019 et de 2020 du particulier pour s’assurer que les conditions de la remise sont remplies. Si le particulier a déjà remboursé la PCU, il pourra alors présenter une demande de remboursement [6] .

[19] Si l’ARC détermine que le particulier n’est pas admissible à la remise, celui-ci disposera d’un recours par voie de contrôle judiciaire [7] .

[20] En l’espèce, la question de savoir si la définition de « travailleur » prévue dans la LPCU renvoie au revenu « net » ou « brut » provenant d’un travail exécuté pour son compte n’a aucune conséquence pratique pour Mme Ryan ou les membres du groupe envisagé. Les membres qui remplissent les autres conditions du Décret de remise n’auront pas à rembourser la PCU s’ils ont gagné un revenu brut provenant d’un travail exécuté pour leur compte d’au moins 5 000 $.

IV. Ordonnance sollicitée

[21] Les parties demandent conjointement à la Cour d’approuver le désistement du recours introduit par Mme Ryan, conformément au projet d’ordonnance figurant à l’annexe A ci-jointe, sans dépens.

ET ÉTANT convaincue que le désistement du recours en l’espèce ne portera pas préjudice aux intérêts des membres du groupe envisagé.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER T-195-21

LA COUR STATUE :

  1. Le désistement du présent recours est approuvé.

  2. Chaque partie assumera ses propres dépens.

« Henry S. Brown »

Juge

Traduction certifiée conforme

Julie Blain McIntosh


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-195-21

 

INTITULÉ :

JANET ANN RYAN c LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

SUR OBSERVATIONS ÉCRITES

 

DATE DES OBSERVATIONS :

LE 30 JUILLET 2021

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE BROWN

 

DATE DES MOTIFS :

LE 6 AOÛT 2021

 

OBSERVATIONS :

Jan D. Weir

 

POUR LA DEMANDERESSE

Arnold H. Bornstein

Laurent Bartleman

Angela Shen

 

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Jan D. Weir

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Ministère de la Justice

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 



[1] DORS/98-106.

[2] TR/2021-19.

[3] LC 2020, c 5.

[4] LPCU, art 12(1) et 14.

[5] Campbell c Canada (Procureur général), 2009 CF 30 au para 9; Dennis c Canada, 2017 CF 1011 au para 4.

[6] Canada, ARC, communiqué de presse, « Le gouvernement du Canada remboursera les travailleurs indépendants qui ont retourné la Prestation canadienne d’urgence » (27 mai 2021).

7 Pour un exemple d’un contrôle judiciaire portant sur le rejet d’une demande de remise, voir Will-Sher Construction Ltd. c Canada (Ministre du Revenu national), 2003 CF 1207.

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