Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20060314

Dossier : IMM-4464-05

Référence : 2006 CF 334

Ottawa (Ontario), le 14 mars 2006

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE PHELAN

ENTRE :

GEORGE CORNELIUS THOMAS

et KATHLEEN ANN DALY

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

I.           Vue d'ensemble

[1]                Une agente des visas a rejeté la demande de George Cornelius Thomas (Thomas) et de sa femme, Kathleen Ann Daly (les demandeurs) visant à obtenir la résidence permanente au Canada dans la catégorie des entrepreneurs. L'agente a conclu que les demandeurs n'avaient pas établi que leurs entreprises répondaient à la définition de l' « entreprise admissible » prévue au paragraphe 88(1) du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés (le Règlement).

[2]                Le présent contrôle porte sur deux questions principales :

1.          Le Règlement autorise-t-il un demandeur à totaliser les résultats totalisés de ses entreprises ou chaque entité commerciale est-elle autonome pour la détermination de la qualité d' « entreprise admissible » ?

2.          Est-il approprié d'utiliser pour l'évaluation de l'entreprise la « juste valeur marchande » plutôt que la « valeur comptable » aux mêmes fins que celles de la question n ° 1?

[3]                Pour l'application du paragraphe 12(2) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés (la Loi), la catégorie d'immigrants dite « entrepreneur » vise une catégorie de personnes qui peuvent devenir résidents permanents du fait de leur capacité à réussir leur établissement économique au Canada et qui sont des entrepreneurs au sens du paragraphe 88(1) du Règlement. (Voir le paragraphe 97(1) du Règlement.)

[4]                Il est reconnu que si les demandeurs ont gain de cause sur l'une ou l'autre des questions, ils sont admissibles à la résidence permanente dans la catégorie entrepreneur.

[5]                Une question subsidiaire, à elle seule, justifierait d'accorder le contrôle judiciaire, mais elle serait de peu d'utilité aux demandeurs ou au défendeur pour l'évaluation du bien-fondé de la demande de résidence permanente des demandeurs. Dans ses motifs, l'agente a conclu que les demandeurs n'avaient déposé aucun bilan de leurs entreprises; or ces bilans étaient joints à la déclaration d'impôt des sociétés des États-Unis, qui avait été fournie à l'agente. Toutefois, tout renvoi fondé sur ce seul motif aurait vraisemblablement la même issue à moins que la Cour ne statue sur les deux questions principales.

II.          L'historique du dossier

[6]                Les demandeurs sont des citoyens des États-Unis d'Amérique. Thomas est le demandeur principal. Il a une résidence saisonnière à Elgin (Ontario) et exploite un bar-restaurant dénommé Ducks Roadhouse à Westport (Ontario). Il a acheté le commerce par l'entremise de la société 515688 NB Inc., dont il est le seul actionnaire.

[7]                En 1999, Thomas était seul actionnaire et chef de la direction de deux sociétés par actions constituées pour l'exploitation de deux bars-restaurants situés en deux lieux différents de Pittsburgh (Pennsylvanie). La société G.C.T. Inc. exploitait le Daly's Pub, l'autre société étant le Terrace Lounge Inc.

[8]                Pour l'admissibilité dans la catégorie entrepreneur, le demandeur doit avoir géré une entreprise admissible pendant deux ans au moins des cinq ans précédant le dépôt de la demande de résidence permanente. L'entreprise admissible est tenue de présenter deux des caractéristiques suivantes : a) deux équivalents d'emploi à temps plein; b) un chiffre d'affaires annuel supérieur à 500 000 $; c) un revenu net supérieur à 50 000 $; d) un actif net supérieur à 125 000 $. Il ne fait aucun doute en l'espèce que Thomas dirigeait l'entreprise dont il dit qu'elle satisfait aux conditions d'une « entreprise admissible » .

[9]                En 1999, les activités commerciales totalisées des deux sociétés excédaient les conditions relatives aux capitaux propres nets et à l'équivalent d'emploi à temps plein. Cela avait également été le cas d'autres années au cours des cinq ans précédant la demande de résidence permanente.

[10]            En 2001, Thomas a vendu G.C.T. Inc. pour la somme de 127 000 $US et, en 2002, a vendu l'immeuble où se trouvait le pub pour la somme de 85 000 $US. Il a été convenu que cela donnait une juste valeur marchande de 212 000 $US pour cette partie des entreprises de Thomas. L'opération indique que l'actif net en 2000, à sa juste valeur marchande, excédait 125 000 $CAN.

[11]            En 2000, les emplois relatifs aux deux sociétés que gérait Thomas correspondaient à 5,8 équivalents d'emploi à temps plein. Les ventes brutes, de 366 266 $US, excédaient le critère des 500 000 $CAN prévu au Règlement.

[12]            En 2002, Thomas était le seul actionnaire et le chef de la direction de deux sociétés distinctes qui exploitaient les deux bars-restaurants, celui de Pittsburgh et celui de Westport. Les résultats d'exploitation combinés des deux sociétés, comme l'indiquent les déclarations d'impôt, dépassaient le critère de 500 000 $ relatif aux ventes brutes et le critère de deux équivalents d'emploi à temps plein fixés dans le Règlement.

[13]            Les demandeurs ont également soutenu que si les justes valeurs marchandes avaient été utilisées pour le calcul de la valeur de l'actif net, la somme, en 2002, aurait largement dépassé 125 000 $.

III.        Analyse

[14]            Selon la position adoptée par le représentant du ministre, le Règlement n'autorisait pas le ministre à totaliser les résultats des deux sociétés. En outre, le ministre a décidé que c'était la valeur comptable nette, plutôt que la juste valeur marchande, qui devait servir au calcul des valeurs d'actif.

A.         La norme de contrôle

[15]            Comme la conclusion du ministre comporte deux éléments, la Cour doit examiner la norme de contrôle à l'égard de chacun. La question de savoir si le paragraphe 88(1) du Règlement autorise à totaliser les résultats des deux sociétés met en cause le sens de l'expression « entreprise admissible » selon le Règlement. Cette interprétation exige une interprétation législative de termes employés dans le contexte de la Loi et du Règlement. Il s'agit d'une question de droit à l'égard de laquelle la Cour possède une expertise plus grande que celle d'un agent des visas. La norme de contrôle appropriée est celle de la décision correcte.

[16]            S'agissant de la décision sur les valeurs à utiliser - la « valeur comptable » ou une autre méthode d'évaluation - le facteur déterminant est que la décision relève du pouvoir discrétionnaire. Néanmoins, l'agent des visas ne possède aucune expertise particulière en matière de choix des méthodes d'évaluation. En outre, il faut une politique cohérente étant donné qu'il y a différentes façons de calculer les valeurs selon les pays. À mon avis, la norme appropriée à l'égard d'une décision de ce genre devrait être celle de la décision raisonnable simpliciter du fait du caractère discrétionnaire de la décision.

B.          La totalisation des résultats financiers

[17]            La question cruciale est la portée de l'expression « entreprise admissible » , définie à l'article 88 du Règlement :

« entreprise admissible » Toute entreprise - autre qu'une entreprise exploitée principalement dans le but de retirer un revenu de placement, tels des intérêts, des dividendes ou des gains en capitaux - à l'égard de laquelle il existe une preuve documentaire établissant que, au cours de l'année en cause, elle satisfaisait à deux des critères suivants :

a) le pourcentage des capitaux propres, multiplié par le nombre d'équivalents d'emploi à temps plein, est égal ou supérieur à deux équivalents d'emploi à temps plein par an;

b) le pourcentage des capitaux propres, multiplié par le chiffre d'affaires annuel, est égal ou supérieur à 500 000 $;

c) le pourcentage des capitaux propres, multiplié par le revenu net annuel, est égal ou supérieur à 50 000 $;

d) le pourcentage des capitaux propres, multiplié par l'actif net à la fin de l'année, est égal ou supérieur à 125 000 $.

"qualifying business" means a business - other than a business operated primarily for the purpose of deriving investment income such as interest, dividends or capital gains - for which, during the year under consideration, there is documentary evidence of any two of the following:

(a) the percentage of equity multiplied by the number of full time job equivalents is equal to or greater than two full-time job equivalents per year;

(b) the percentage of equity multiplied by the total annual sales is equal to or greater than $500,000;

(c) the percentage of equity multiplied by the net income in the year is equal to or greater than $50,000; and

(d) the percentage of equity multiplied by the net assets at the end of the year is equal to or greater than $125,000.

[18]            Pour donner un sens à l'expression « entreprise admissible » , il est nécessaire d'examiner les termes « entrepreneur » et « expérience dans l'exploitation d'une entreprise » :

« entrepreneur » Étranger qui, à la fois :

a) a de l'expérience dans l'exploitation d'une entreprise;

b) a l'avoir net minimal et l'a obtenu licitement;

c) fournit à un agent une déclaration écrite portant qu'il a l'intention et est en mesure de remplir les conditions visées aux paragraphes 98(1) à (5).

« expérience dans l'exploitation d'une entreprise » :

a) S'agissant d'un investisseur, autre qu'un investisseur sélectionné par une province, s'entend de l'expérience d'une durée d'au moins deux ans composée :

(i) soit de deux périodes d'un an d'expérience dans la gestion d'une entreprise admissible et le contrôle d'un pourcentage des capitaux propres de celle-ci au cours de la période commençant cinq ans avant la date où la demande de visa de résident permanent est faite et prenant fin à la date où il est statué sur celle-ci,

(ii) soit de deux périodes d'un an d'expérience dans la direction de personnes exécutant au moins cinq équivalents d'emploi à temps plein par an dans une entreprise au cours de la période commençant cinq ans avant la date où la demande de visa de résident permanent est faite et prenant fin à la date où il est statué sur celle-ci,

(iii) soit d'un an d'expérience au titre du sous-alinéa (i) et d'un an d'expérience au titre du sous-alinéa (ii);

b) s'agissant d'un entrepreneur, autre qu'un entrepreneur sélectionné par une province, s'entend de l'expérience d'une durée d'au moins deux ans composée de deux périodes d'un an d'expérience dans la gestion d'une entreprise admissible et le contrôle d'un pourcentage des capitaux propres de celle-ci au cours de la période commençant cinq ans avant la date où la demande de visa de résident permanent est faite et prenant fin à la date où il est statué sur celle-ci;

c) s'agissant d'un investisseur sélectionné par une province ou d'un entrepreneur sélectionné par une province, s'entend de l'expérience évaluée conformément au droit provincial.

"entrepreneur" means a foreign national who

(a) has business experience;

(b) has a legally obtained minimum net worth; and

(c) provides a written statement to an officer that they intend and will be able to meet the conditions referred to in subsections 98(1) to (5).

"business experience", in respect of

(a) an investor, other than an investor selected by a province, means a minimum of two years of experience consisting of

(i) two one-year periods of experience in the management of a qualifying business and the control of a percentage of equity of the qualifying business during the period beginning five years before the date of application for a permanent resident visa and ending on the day a determination is made in respect of the application,

(ii) two one-year periods of experience in the management of at least five full-time job equivalents per year in a business during the period beginning five years before the date of application for a permanent resident visa and ending on the day a determination is made in respect of the application, or

(iii) a combination of a one-year period of experience described in subparagraph (i) and a one-year period of experience described in subparagraph (ii);

(b) an entrepreneur, other than an entrepreneur selected by a province, means a minimum of two years of experience consisting of two one-year periods of experience in the management of a qualifying business and the control of a percentage of equity of the qualifying business during the period beginning five years before the date of application for a permanent resident visa and ending on the day a determination is made in respect of the application; and

(c) an investor selected by a province or an entrepreneur selected by a province, has the meaning provided by the laws of the province and is calculated in accordance with the laws of the province.

[19]            Le point de départ de l'analyse est l'article 12 de la Loi sur l'interprétation, qui prévoit que tout texte doit s'interpréter de la manière la plus équitable et la plus large qui soit compatible avec son objet.

12. Tout texte est censé apporter une solution de droit et s'interprète de la manière la plus équitable et la plus large qui soit compatible avec la réalisation de son objet.

12. Every enactment is deemed remedial, and shall be given such fair, large and liberal construction and interpretation as best ensures the attainment of its objects.

[20]            L'un des objectifs de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés (la Loi) est « de favoriser le développement économique et la prospérité du Canada et de faire en sorte que toutes les régions puissent bénéficier des avantages économiques découlant de l'immigration » . La catégorie de l'entrepreneur est établie pour l'application du paragraphe 12(2) de la Loi, qui prévoit que la sélection des étrangers de la catégorie « immigration économique » se fait en fonction de leur capacité à réussir leur établissement économique au Canada.

[21]            L'objectif de cette disposition législative est d'admettre les personnes qui ont démontré qu'elles ont les capacités d'établir des entreprises viables sur plan commercial au Canada. L'examen de cette capacité est de nature rétrospective et consiste à établir que la personne a réussi à le faire dans le passé. Il se concentre donc essentiellement sur la capacité de la personne à réussir, et ne s'intéresse pas à l'instrument juridique, société commerciale, dénomination commerciale ou autres moyens, qui a servi à atteindre le succès.

[22]            Dans sa définition de l' « entrepreneur » , le Règlement met l'accent sur la personne, sur l'expérience qu'elle a dans l'exploitation d'une entreprise et sur l'acquisition par elle d'un certain niveau de valeur nette. La prise en compte de ces éléments ne suffit pas pour une décision favorable à la résidence permanente, car l'examen embrasse même l'intention qu'a la personne de remplir certaines conditions financières une fois devenue résidente permanente. (Voir le paragraphe 98(1) du Règlement.)

[23]            Dans une mesure analogue, l'expression « expérience dans l'exploitation d'une entreprise » est définie comme une caractéristique personnelle de l'entrepreneur : la personne qui a géré une entreprise admissible pendant au moins deux des cinq ans qui ont précédé la demande de résidence permanente.

[24]            L'entreprise n'est pas définie dans la Loi ou dans le Règlement mais elle est généralement une activité exercée en vue d'un bénéfice. L'instrument juridique sous lequel l'entreprise est menée est une autre question.

[25]            Quand il emploie l'expression « entreprise admissible » , le Règlement ne définit pas une « entreprise » et ne prescrit pas non plus son organisation. La définition exclut simplement l'entreprise dont l'objet est d'obtenir un revenu de placement. La définition vise à faire en sorte que l'entreprise dans laquelle l'entrepreneur détient une expérience de gestion est une entreprise « en activité » . Cela est confirmé par la prescription d'autres conditions telles que les niveaux des emplois et des ventes.

[26]            À mon avis, le Règlement ne s'intéresse pas et ne s'adresse pas à la structure ou à l'instrument juridique utilisés pour exploiter l'entreprise, qu'il s'agisse d'une « dénomination commerciale » , d'une société de personnes, d'une co-entreprise, d'une fiducie ou d'une société par actions. Dans la situation en l'espèce, il a été reconnu que si Thomas avait exploité les deux bars-restaurants sous son propre nom selon la formule « exerçant son activité sous la dénomination... » , il aurait pu combiner les deux exploitations pour l'application des conditions financières prévues au paragraphe 88(1) du Règlement.

[27]            Il n'y a pas non plus de restriction sur le nombre d'exploitations qui peuvent être prises en considération. Le défendeur a accordé de l'importance à la formulation « [t]oute entreprise - autre qu'une... » , soutenant qu'elle signifiait une seule entité. À mon avis, l'emploi de la formulation « [t]oute entreprise - autre qu'une entreprise exploitée principalement dans le but de retirer un revenu de placement... » vise à distinguer l'entreprise ayant des activités d'exploitation de l'entreprise passive et concerne le caractère et non le nombre d'activités de l'entreprise admissible.

[28]            Je ne suis pas convaincu que l'emploi du mot une dans la version française « expérience dans l'exploitation d'une entreprise » était destiné à restreindre la prise en compte de l'expérience de l'entrepreneur à une et à une seule entreprise. L'article français, qui peut être aussi bien défini qu'indéfini, ne signifie pas plus une valeur numérique que dans la version anglaise.

[29]            Je ne puis souscrire à l'interprétation que donne le défendeur du Règlement, qui compartimente la prise en compte de l'expérience d'un entrepreneur à l'examen distinct des résultats financiers de chaque société. La véritable question est de se demander quels ont été les résultats des entreprises en activité gérées par le demandeur. Le défendeur a accordé une importance injustifiée à la structure juridique des entreprises et n'a pas tenu compte des résultats de l'entreprise en activité dans toutes ses composantes. L'approche du défendeur aboutit à ne pas prendre en compte l'ampleur réelle des entreprises gérées par l'entrepreneur.

[30]            L'approche du défendeur pourrait mener à un résultat déraisonnable : l'entrepreneur qui a structuré son entreprise avec plusieurs sociétés - pour des motifs légitimes tels que la responsabilité, la planification fiscale, etc. - serait pénalisé pour avoir mis en oeuvre les talents d'entrepreneur que la Loi et le Règlement cherchent précisément à attirer au Canada.

[31]            Il est plus conforme à l'objet des dispositions législatives d'orienter l'examen de l'entrepreneur sur les résultats d'ensemble des activités commerciales dont il assume la gestion. Cette position donne des résultats qui sont en conformité avec l'objet véritable de la disposition législative et du Règlement.

[32]            À mon avis, l'expression « entreprise admissible » n'est pas limitée à chaque entité juridique exerçant l'activité produisant un revenu non tiré du placement. Il est plus conforme à l'objet de la Loi et du Règlement de totaliser les résultats financiers des activités productrices d'un revenu non tiré du placement de l'entrepreneur. Par conséquent, les résultats des deux sociétés devaient être totalisés pour évaluer si Thomas répondait à l'une ou l'autre des deux conditions visées dans l'expression « entreprise admissible » .

C.         La valeur comptable nette en regard de la juste valeur marchande

[33]            Dans l'évaluation de l'actif net, le défendeur a utilisé la valeur comptable nette. Le demandeur a fait valoir que la juste valeur marchande était plus appropriée dans les cas où la vente récente d'éléments d'actif établissait que la valeur comptable nette était largement inférieure à la valeur « réelle » .

[34]            Aux termes du Règlement, l'expression « actif net » ne décrit pas la méthode d'évaluation de l'actif. Elle définit simplement le calcul de l'actif :

« actif net » S'agissant d'une entreprise admissible ou d'une entreprise canadienne admissible, s'entend de l'excédent de l'actif de celle-ci sur son passif, augmenté des prêts octroyés à l'entreprise par l'étranger qui demande ou a demandé un visa de résident permanent et son époux ou conjoint de fait.

"net assets", in respect of a qualifying business or a qualifying Canadian business, means the assets of the business, minus the liabilities of the business, plus shareholder loans made to the business by the foreign national who is making or has made an application for a permanent resident visa and their spouse or common-law partner.

[35]            L'affidavit de Michael Brodley, produit au nom du défendeur, expose la justification de politique qui fonde le demandeur à employer la valeur comptable nette (valeur dépréciée plutôt que juste valeur marchande). Ces motifs sont notamment en conformité avec les PCGR (les principes comptables généralement reconnus). Un autre motif est celui de l'uniformité nécessaire des évaluations du défendeur, étant donné que celui-ci procède à des évaluations d'entreprises dans le monde entier. Or si les méthodes d'évaluation à la juste valeur marchande sont familières au Canada ou en Amérique du Nord, elles ne sont pas d'application universelle. En outre, l'emploi de la valeur comptable nette est plus simple pour les agents des visas, qui ne sont pas nécessairement en mesure d'évaluer le bien-fondé d'une évaluation à la juste valeur marchande.

[36]            Cette justification du choix d'une évaluation est raisonnable et ne donne pas matière à une révision par la Cour. Toutefois, le défendeur a reconnu les problèmes que peut soulever l'emploi de la valeur comptable nette au lieu de la juste valeur marchande. Dans son guide Traitement des demandes à l'étranger, OP8 Entrepreneurs et travailleurs autonomes, à la page 12, le défendeur admet la pertinence de se demander « quelle serait la valeur de réalisation de l'entreprise si on la vendait » .

[37]            Dans l'analyse des résultats financiers du demandeur, l'agente des visas s'est bornée à appliquer avec rigidité la politique de la valeur comptable nette sans tenir compte de l'élément de preuve que constituait la vente récente. Elle ne semble pas avoir pris en considération la question soulevée dans le guide OP8 du défendeur.

[38]            Le ministre devrait au moins avoir pris en considération le recours à la juste valeur marchande dans les circonstances, comme la vente était récente et s'était réalisée aux États-Unis, pays où les régimes financiers sont presque identiques à ceux du Canada.

[39]            Le défendeur justifie sa décision d'utiliser la valeur comptable nette en partie sur le fait que le demandeur n'aurait pas, prétend-il, produit de bilan. Comme c'est inexact et que les bilans ont été effectivement déposés, il serait donc indiqué que le ministre reconsidère la demande faite par le demandeur d'utiliser les justes valeurs marchandes dans le calcul des conditions applicables à son « entreprise admissible » .


IV.        Conclusion

[40]            La Cour conclut que le défendeur a commis une erreur en ne totalisant pas les résultats financiers du demandeur pour l'application du paragraphe 88(1) du Règlement. Le défendeur n'a pas pris en considération de manière correcte la question de la juste valeur marchande.

[41]            Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire est accueillie et l'affaire est renvoyée au défendeur pour qu'elle fasse l'objet d'un nouvel examen par un autre agent en conformité avec les motifs de la présente décision.

JUGEMENT

LA COUR ORDONNE :

1.          La demande de contrôle judiciaire est accueillie.

2.          L'affaire est renvoyée au défendeur et doit faire l'objet d'un nouvel examen par un autre agent.

« Michael L. Phelan »

Juge

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         IMM-4464-05

INTITULÉ :                                        GEORGE CORNELIUS THOMAS

                                                            et KATHLEEN ANN DALY

                                                            et

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                  OTTAWA (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                LE 18 JANVIER 2006

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : LE JUGE PHELAN

DATE DE L'ORDONNANCE :        LE 14 MARS 2006

COMPARUTIONS :

M. John R. Gale

POUR LES DEMANDEURS

Mme Monika A. Lozinska

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

M. John R. Gale

Barrister & Solicitor

Kingston (Ontario)

POUR LES DEMANDEURS

M. JOHN H. SIMS, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.